Intervention de Françoise Jeanson

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Françoise Jeanson, conseillère régionale, déléguée à la santé, la silver économie et aux formations sanitaires et sociales de la région Nouvelle-Aquitaine :

Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer l'implication de la région Nouvelle-Aquitaine en santé-environnement.

La Région Nouvelle-Aquitaine résulte de la fusion en 2015 de trois régions :

– le Limousin, où a débuté la bataille contre les pesticides, en particulier dans la pomiculture ;

– le Poitou-Charentes, bien connu pour son engagement de longue date en santé-environnement ;

– l'Aquitaine, qui avait lancé AcclimaTerra depuis 2011 pour une analyse du changement climatique et de ses impacts, en particulier sur la santé de ses populations.

Les compétences de cette nouvelle région ont été revues : le transport, l'enseignement secondaire et supérieur, la formation professionnelle, les formations sanitaires et sociales, le développement économique et industriel, l'aménagement du territoire, l'environnement, l'agriculture. Toutes ont été importantes dans le travail que nous avons réalisé.

La région a choisi d'avoir un service santé transversal qui est tout autant actif dans la recherche, dans l'appui aux entreprises, dans l'aménagement du territoire et dans les formations. Par ailleurs, nous avons essayé d'allier des politiques sectorielles dans le cadre ou à l'extérieur du plan régional santé-environnement (PRSE) et des politiques territoriales. Celles-ci sont des applications locales des politiques sectorielles, en fonction des besoins.

La région Nouvelle-Aquitaine s'est emparée de la santé-environnement juste après l'élection du nouveau conseil régional, début 2016. Nous avons été sollicités par l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine pour cinq objectifs stratégiques et 55 mesures opérationnelles : le conseil régional copilote 12 de ces 55 mesures. Pour le premier objectif visant à agir sur les pesticides, la région elle-même a dû insister fortement après la diffusion en 2016 de l'émission Cash Investigation qui portait sur l'utilisation des pesticides dans la viticulture et qui montrait la Gironde comme un point noir français.

Initialement, l'implication financière a été votée à hauteur de 880 000 euros d'ici fin 2021. Fin 2020, l'engagement de la région s'élève à 1,3 million d'euros. Il est donc largement dépassé, en particulier pour les actions menées sur l'appel à projets santé-environnement à destination des jeunes, pour lequel nous avons engagé 895 000 euros pour 52 projets.

À titre d'exemple, le projet Happy Doc, lancé par l'université en santé de Poitiers, prévoit trois jours de formation spécifique sur les questions de santé-environnement et de sport-santé dans la formation des futurs professionnels de santé. Un autre projet est l'exposition créée par Phyto-Victimes, que nous avons cofinancée pour qu'elle soit diffusée dans les lycées, en particulier agricoles. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour que cette exposition soit diffusée dans les lycées agricoles, qui sont pourtant sous notre responsabilité. Certains leviers sont donc à travailler.

Le portail Santé-Environnement fonctionne bien avec 50 000 personnes inscrites. Avec près d'un million d'euros, un programme ressource sur l'eau vise à protéger les captages. Citons également une enquête avec l'union régionale des professionnels de santé (URPS), la création d'une formation en ligne ouverte à tous (MOOC) en santé-environnement et, à la suite du PRSE, la signature de contrats locaux de santé en accord étroit avec l'ARS, dès lors qu'ils intègrent des sujets entrant dans les compétences du conseil régional.

Sur cette partie, notre travail avec l'ARS et la DREAL se passe bien. En termes de moyens humains, nous sommes passés de 0,3 équivalent temps plein (ETP) au début de cette politique à 1 ETP et nous pouvons davantage travailler ce domaine, en bonne intelligence avec nos partenaires.

C'est surtout hors du PRSE que la Nouvelle-Aquitaine mène sa plus forte politique de santé environnementale. En effet, la prise de conscience des questions d'environnement et de santé-environnement est ancienne dans la région. Dès 2011, le président de la région Aquitaine avait réuni un comité scientifique régional, AcclimaTerra, avec près de 400 chercheurs sur les conséquences du réchauffement climatique. En 2017, la même démarche a été mise en œuvre en ce qui concerne les conséquences de l'érosion de la biodiversité, avec Ecobiose qui réunit plus de 100 scientifiques.

Ces deux études largement pluridisciplinaires ont amené la région à s'engager dans plusieurs politiques, dont la feuille de route Néo Terra, qui commence à être connue. En juin 2019, la région a revu toutes ses politiques au regard des conséquences du réchauffement climatique, de la santé-environnement et de la biodiversité et en particulier :

– Sortir des pesticides de synthèse en 2030 ;

– Arrêter l'utilisation des substances cancérogènes-mutagènes-toxiques (CMR) ;

– 80 % des exploitations de Nouvelle-Aquitaine certifiées en bio ;

– 30 % de produits bio dans les restaurants des lycées ;

– 100 % de lycées agricoles ayant des pratiques écologiques.

Ainsi, 11 ambitions sont déclinées en actions extrêmement concrètes. Beaucoup concernent très directement la santé-environnement.

Une autre politique de la région est le schéma régional d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), qui est une obligation pour les régions. Celui de la Nouvelle-Aquitaine a été voté et approuvé le 27 mars 2020. Un de ses objectifs phares nous concerne directement en matière de santé-environnement, en particulier dans le concept « Une seule santé » (One Health) : il s'agit de diviser immédiatement par deux l'artificialisation des sols en Nouvelle-Aquitaine pour parvenir à zéro artificialisation en 2030 et laisser la biodiversité reprendre ses droits. Le SRADDET prévoit aussi de développer la nature et l'agriculture en ville et en périphérie, de garantir les ressources en eau en quantité et en plein été et de développer des modes de déplacement alternatifs à la voiture solo.

Des moyens et des actions concrètes sont mis au service de ces ambitions et déclarations d'intention. D'abord, la région a signé et s'est engagée dans la charte « Villes et territoires sans perturbateurs endocriniens » avec un plan d'action pour deux ans. Ce plan met par exemple en place des critères d'écoconditionnalité éliminant les perturbateurs endocriniens dans tous les contrats et achats publics, parallèlement à un travail avec les entreprises de cosmétique sur la suppression des perturbateurs endocriniens. La cosmétique est effectivement une filière extrêmement riche de notre territoire.

Concernant notre compétence de développement économique se pose la question de la relocalisation des industries de santé et de la réindustrialisation des principes actifs. Repositionner sur notre territoire les principes actifs de chimie lourde serait extrêmement complexe. Il existe donc un accompagnement des sauts technologiques qui permettront de réindustrialiser notre région dans ce domaine.

S'agissant de l'agriculture et de la viticulture, qui sont des points essentiels, en particulier en matière de pesticides, la région a été lauréate d'un projet Territoires d'innovation de grande ambition (TIGA) appelé VitiREV. C'est un projet exemplaire pour sortir des pesticides et valoriser les territoires viticoles de la Nouvelle-Aquitaine. Une enveloppe financière de 73 millions d'euros sur dix ans est attribuée à ce projet, avec l'objectif d'atteindre 85 % de surfaces en bio ou haute valeur environnementale, 80 % des surfaces agricoles non traitées par désherbage chimique et la mise en place d'un observatoire des pratiques, des usages et de la santé (OPUS) pour mesurer les impacts sur la santé du programme VitiREV. De A à Z, ce programme a été travaillé et porté par l'ensemble des acteurs (écologistes, agriculteurs, monde du vin, chercheurs, entreprises), tout comme l'a été la feuille de route Néo Terra. Même la FNSEA a signé ces objectifs extrêmement ambitieux en termes de transformation bio.

Les moyens mis par la région à disposition de cette transformation dans l'agriculture sont notamment des appels à manifestation d'intérêt « Sortir des pesticides de synthèse » ou « Territoire sans pesticides » pour soutenir les démarches exemplaires. Un travail conséquent a été réalisé avec un appel à projets « Matériels agricoles » pour favoriser l'innovation dans ce domaine. Effectivement, la suppression d'intrants, d'herbicides ou de pesticides ne doit pas conduire à des travaux d'une grande pénibilité pour les travailleurs.

Nous ne pouvions pas travailler les questions de santé environnementale sans prendre en compte les lycées, où se pose celle de la vaisselle. Ayant notre siège à Bordeaux, nous ne pouvions pas ne pas être fortement interpellés. Ainsi, dans la plupart de nos lycées, nous avons mis à disposition des assiettes en verre trempé fabriquées par ARC, légères et sans perturbateurs endocriniens. Il existe également une charte de labellisation des lycées qui se sont engagés pour l'exemplarité, en particulier sur l'approvisionnement bio et de qualité.

S'agissant des transports, la santé-environnement se matérialise par une bascule des TER et de nos 5 500 cars scolaires vers l'énergie électrique ou hydrogène avec l'objectif que 50 % des kilomètres soient roulés en motorisation alternative. 22 % des TER Nouvelle-Aquitaine sont d'ores et déjà 100 % électriques et la moitié des kilomètres roulés par les autocars interurbains sont en solution verte. Nous portons vraiment des moyens importants, ainsi qu'en transformation biogaz et bioGNV, pour remplacer les énergies fossiles.

Nous avons également travaillé sur la mobilisation des fonds européens, à la fois sur les projets de l'eau et agricoles. Le fait que la région soit gestionnaire des fonds FEADER est une aide importante dans la transformation de l'agriculture pour une agriculture favorable à l'environnement et à la santé, en particulier à la santé des agriculteurs.

Enfin, à l'issue du Covid, nous utilisons le Plan de transition et de reconquête technologique en travaillant sur la transformation des filières chimie et matériaux, sur les mobilités décarbonées et, s'agissant des relocalisations d'activités (médicaments, textile), sur les sauts technologiques évitant d'amplifier les dégâts sur l'environnement et la santé.

S'agissant des perspectives et des enseignements que nous tirons collectivement du PRSE ou d'autres politiques menées par la région, de la manière de travailler, rien ne peut se faire sans coconstruire avec les acteurs eux-mêmes, sur le terrain et en fonction des particularités du territoire. Nous n'avons pas agi de même à Limoges où il y a du radon, en Gironde où il y a de la viticulture, dans les Landes où il y a du maïs ou en ex-Poitou-Charentes. Le travail collectif, l'implication de chacun et le dialogue entre les acteurs sont essentiels.

J'en tire comme deuxième enseignement qu'il faut renforcer l'ambition du PRSE. Actuellement, les PRSE sont un peu le parent pauvre de la santé-environnement. Pour le conseil régional, ils devraient devenir le creuset de la politique régionale en matière de santé-environnement. C'est un accessoire visible et partagé, mais relativement peu opérant. Il faudrait des PRSE beaucoup plus ambitieux, qui ne nous interdiraient pas de valoriser d'autres plans, plutôt que de regrouper les résidus qui n'ont pas été traités ailleurs. Il conviendrait d'avoir un vrai plan régional santé-environnement qui pourrait accueillir VitiREV, ressources, etc. Bien que VitiREV soit essentiel en matière de santé-environnement, nous n'avons pas pu l'intégrer dans le PRSE.

Le PRSE devrait être un document d'orientation stratégique. Il nous paraît logique que les régions s'engagent beaucoup plus dans le pilotage. Notre région en a en tout cas le souhait. Un certain nombre de nos compétences sont directement en lien avec la question de la santé-environnement et les régions ont la capacité d'animer le territoire avec les autres collectivités. Cela a été visible durant la crise du covid. Nous avons cofinancé quelques projets pour les villes (Limoges, Guéret), les départements (Dordogne, Pyrénées-Atlantiques) ou pour Bordeaux métropole, mais une animation des actions me semble nécessaire au niveau régional pour un partage d'idées ou pour une amplification des projets. Par exemple, les régions s'occupent des lycées, les départements des collèges : il y a des opportunités communes à trouver. À mon avis, il est indispensable d'impliquer davantage la région comme animateur de son territoire et comme acteur dans la poursuite des PRSE et dans le PNSE, dans lequel nous sommes déjà largement impliqués.

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