Intervention de Marine Tondelier

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France :

Atmo France est le seul réseau de surveillance de la qualité de l'air qui fonctionne de cette manière dans le monde, car la France est le seul pays où cette mission incombe à une association. Au lieu de créer une organisation publique à part entière, la loi sur l'air de 1996 a agréé les associations préexistantes dans ce domaine pour qu'elles assurent la mission de surveillance au nom de l'État, selon des règles bien précises, et avec l'appui d'un coordinateur scientifique. Néanmoins, le statut associatif garantit l'indépendance des mesures et nous permet de jouer le rôle de tiers de confiance dans les territoires.

L'assemblée générale d'une AASQA réunit toutes les parties prenantes d'une région. Ce sont le préfet, l'ARS et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour l'État, les collectivités locales, tous les acteurs économiques, industriels et agricoles, qui émettent des polluants atmosphériques, des représentants d'associations sanitaires, environnementales, et de consommateurs, et enfin des personnalités qualifiées tels que des médecins. Il s'agit d'un véritable lieu de débat, au-delà de la mission de surveillance de la qualité de l'air. Les AASQA jouent un rôle d'impulsion sur leurs territoires, dans le but de mettre en place des politiques publiques afin de reconquérir la qualité de l'air.

Votre commission d'enquête porte sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. L'évaluation est fondamentale pour mettre en place des politiques efficaces, en amont comme en aval, car ces politiques coûtent très cher. Toutefois, l'évaluation nécessite des connaissances, des données, et des moyens dédiés. Atmo France milite donc pour que chaque politique publique en faveur de la qualité de l'air s'accompagne d'un dispositif de type « 1 % évaluation » qui pourrait être appliqué aux fonds de dotation de l'ADEME et aux ZFE, afin de connaître la situation préexistante et vérifier ensuite l'atteinte des objectifs.

La transversalité nous tient également beaucoup à cœur. Bien que l'air que nous respirons soit toujours le même, la question de sa qualité n'est pas traitée par les mêmes directions publiques selon qu'il se trouve à l'intérieur ou à l'extérieur. La question des pollens relève même de la direction générale de la santé (DGS) au sein du ministère de la santé. Les AASQA se trouvent donc ballotées entre plusieurs ministères. Nous en avons déjà discuté avec vous, Mme la présidente, dans le cadre du PNSE 4. Nous perdons beaucoup de temps à naviguer entre les différents services de l'État mais nous persévérons car nous sommes motivés.

Cette situation appelle le besoin d'une approche transversale de la qualité de l'air dans les politiques publiques, comme le Conseil national de l'air le demande. Encore aujourd'hui, les questions du climat, de l'air et de la santé sont séparées et certaines politiques publiques sont mêmes antagonistes, par exemple sur les sujets des véhicules diesel et du chauffage au bois. Certaines règles d'urbanisme sont également contradictoires, visant la lutte contre le réchauffement climatique ou bien le confort et la santé. Nous tenons à vous dire qu'un euro d'argent public alloué pour le climat n'a pas toujours un impact positif sur la qualité de l'air alors qu'un euro alloué en faveur de la qualité de l'air a toujours un impact positif sur le climat, puisque les polluants atmosphériques sont des facteurs du réchauffement climatique.

La France dispose d'une très bonne école de surveillance de la qualité de l'air, non seulement avec les AASQA, mais aussi avec les chercheurs du volet santé qui n'est pas de notre ressort. Certes, nous ne sommes pas les champions de la réduction de la pollution atmosphérique et les contentieux que vous avez évoqués le montrent, mais ces derniers pointent avant tout le manque de coordination et d'évaluation des politiques publiques, ce pour quoi votre commission d'enquête est importante.

À côté des polluants réglementés, l'État s'intéresse maintenant aux polluants dits « émergents » même si nous n'apprécions pas beaucoup ce qualificatif car, si les politiques publiques en la matière sont émergentes, ces polluants ne sont pas nouveaux. D'ailleurs, les AASQA ne surveillent pas uniquement les polluants réglementés. Leur implantation à l'échelle régionale leur permet d'intervenir sur les polluants les plus problématiques sur le territoire, quels qu'ils soient. Par exemple, Atmo Champagne-Ardenne a déjà mené, il y a vingt ans, des études sur les pesticides, à la demande des collectivités locales. Dans des régions plus industrielles, les AASQA ont surveillé le butadiène ou le carbone suie. Ainsi, un rapport de l'Anses en juin 2018 sur les polluants émergents a recommandé qu'une dizaine de nouveaux polluants fassent l'objet d'une surveillance réglementaire. Le côté subversif du modèle associatif a ainsi permis d'accumuler par anticipation des données en faveur d'une surveillance réglementaire ou d'études épidémiologiques.

En ce qui concerne les interactions entre la pollution de l'air et le covid-19, Atmo France a effectué plusieurs études sur ce sujet pendant le premier confinement, et nous les reprendrons probablement bientôt.

Quant à l'indice Atmo, les AASQA surveillent la qualité de l'air, évaluent et accompagnent les politiques publiques, mais plus encore, elles assurent une mission de pédagogie et de sensibilisation du grand public, et l'indice Atmo est un élément de cette mission.

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