Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AASQA
  • ATMO
  • air
  • particules
  • particules fines
  • polluant
  • pollution
  • surveillance
  • émission
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La réunion

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L'audition débute à quatorze heures.

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Nous recevons M. Jean-Luc Fugit, président du Conseil national de l'air depuis 2018, dispensé de la prestation de serment en tant que membre de la commission d'enquête. Nous recevons également les représentants d'Atmo France, fédération qui regroupe les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) : M. Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France, Mme Dominique Tilak, directrice référente santé d'Atmo France et directrice d'Atmo Occitanie, et Mme Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France.

(M. Jacques Patris, Mme Dominique Tilak, et Mme Marine Tondelier prêtent serment.)

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Je suis député du Rhône, membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et président du Conseil national de l'air. Je suis également vice-président de l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et écologiques) et membre du Conseil national de la transition écologique.

Nous sommes tous victimes et responsables en santé environnementale. Il est essentiel d'en prendre conscience dans l'action publique. Je prendrai l'exemple du secteur agricole, plus souvent perçu comme coupable que victime. La dernière étude d'APollO chiffre l'impact de la pollution à l'ozone sur les rendements agricoles à un niveau très élevé. Le secteur agricole contribue certes aux pollutions de l'environnement, à travers les émissions d'ammoniac, de particules fines et de pesticides, mais il est également victime de la dégradation des rendements. Certaines productions ont ainsi perdu 30 % de rendements, ce qui n'est pas négligeable.

À la présidence du Conseil national de l'air, je suis animé par la nécessité d'avoir une vision transversale de la situation. Le concept de santé unique ou santé globale s'attache à tous les êtres vivants, humains, animaux et végétaux, et la crise actuelle le rend encore plus d'actualité. Pour comprendre ce concept, je conseille les travaux du chercheur de l'INRAE (Institut national de la recherche agronomique), Michel Duru. Personnellement, je souhaiterais que la notion d'exposome, introduite par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, soit plus distinctivement prise en compte. Cette notion recouvre l'ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine au cours d'une vie. L'air que nous respirons en fait évidemment partie. En ce sens, je souhaite que la notion d'exposome soit prise en compte lors de l'élaboration, de la mise en œuvre, du suivi et de l'évaluation des actions de prévention et de lutte contre la pollution de l'air.

Une difficulté tient au fait que l'évaluation de la qualité de l'air se heurte à une approche très compartimentée en matière de politiques publiques. Cette problématique se remarque ne serait-ce que dans l'organisation du ministère de la transition écologique, qui intervient sur la question de l'air intérieur par le biais de la direction générale de la prévention des risques (DGPR), et sur celle de l'air extérieur via la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

Le sujet de la pollution de l'air est souvent limité à l'air extérieur et certains pensent même que le Conseil national de l'air ne s'intéresse qu'à la qualité de l'air extérieur, ce qui est totalement faux. Nous travaillons en effet sur la notion d'exposome qui englobe l'air intérieur et l'air extérieur. La qualité de l'air intérieur est mal appréhendée, même si les travaux d'élaboration du PNSE 4, actuellement en consultation, l'abordent. La première vice-présidente du Conseil national de l'air, Madame Isabelle Momas, a d'ailleurs travaillé sur le sujet.

Le Conseil national de l'air rassemble les acteurs impliqués dans la préservation et l'analyse de la qualité de l'air, c'est-à-dire des représentants de l'État, des organismes publics, des ministères, des collectivités locales, et des parlementaires comme le sénateur Jean-François Husson. Je rappelle à ce titre que la présidence du Conseil National de l'Air n'est couverte par aucune indemnité et que les personnes qui y siègent sont bénévoles.

Le Conseil national de l'air est également composé de représentants des entreprises et des associations environnementales – le deuxième vice-président est membre de France Nature Environnement – et d'experts et personnalités qualifiées.

Ce conseil est un lieu unique d'échange et de débat dans l'objectif de transmettre des recommandations et de produire des avis, parfois sur demande du ministère de la transition écologique, parfois par auto-saisine. Il étudie aussi bien les questions de l'air intérieur que celles de l'air extérieur.

Ces dernières années, nous avons notamment travaillé sur le nouvel indice Atmo qui rend compte au quotidien de la qualité de l'air que nous respirons, d'après les polluants suivis de manière réglementaire que sont l'oxyde d'azote, l'ozone, et les particules fines. Le Conseil national de l'air a contribué à l'élaboration du nouvel indice, qui sera mis en place à partir de janvier 2021. J'en profite pour remercier la ministre de la transition écologique, Mme Barbara Pompili, et sa prédécesseure, Mme Élisabeth Borne, de nous avoir fait confiance et d'avoir signé les arrêtés en conséquence. Ce nouvel indice présente la nouveauté d'intégrer les PM2.5, qui sont les particules les plus fines, et apporte une territorialisation plus précise. Les classes de pollution ont également évolué pour apporter une information plus proche de la réalité et donc peut-être plus inquiétante. J'espère ainsi que l'indice favorisera la prise de conscience collective.

Nous travaillons également par groupes de travail sur la sensibilisation et la formation, ainsi que sur les initiatives des territoires. Nous avons déjà présenté une réflexion sur les pesticides.

Concernant la qualité de l'air intérieur, je tiens à saluer les dispositions proposées par le PNSE 4, actuellement en consultation jusqu'au 9 décembre. Je pense que le Conseil national de l'air y réagira dans ses avis. Notre vice-présidente Isabelle Momas nous aidera en la matière car elle est une ancienne chercheuse de haut niveau et a, de surcroît, travaillé à l'élaboration du PNSE 4.

Le Conseil national de l'air étudie également les recommandations récentes de la Cour des Comptes sur les politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air. Nous suivons entre autres le dossier Lubrizol, des dossiers agricoles, le plan national de réduction des émissions polluantes et le dossier des ZFE mobilité mises en place par la loi d'orientation des mobilités dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur. Nous nous interrogeons en outre sur la mise en place d'une filière et d'une feuille de route en faveur de la qualité de l'air. Néanmoins, nous pensons aujourd'hui que le Conseil national de l'air a besoin d'être renforcé dans ses fonctions, ses missions, et ses moyens.

En tant que rapporteur de la loi d'orientation des mobilités et au titre de mes travaux à l'OPECST, je suis l'auteur de plusieurs travaux sur la qualité de l'air, notamment « Pollution de l'air, gaz à effet de serre, et crise du Covid : quelles sont les interactions ? » publié le 15 mai. J'approfondirai ce sujet en janvier 2021 pour tenir compte de nos expériences supplémentaires depuis l'été.

Enfin, le Conseil national de l'air se penche sur d'autres sujets, comme les dispositifs de production d'énergie en milieu agricole qui ont un impact direct sur la qualité de l'air. ‘y travaille au sein de l'OPECST, ainsi que sur les impacts de la conquête spatiale, car une partie de notre avenir sur Terre se joue dans l'espace. Nous avons besoin d'un suivi réel et rigoureux des pollutions en la matière.

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La situation est-elle critique en ce qui concerne la qualité de l'air en France ? Êes-vous en mesure d'évaluer les effets du confinement sur la qualité de l'air extérieur et intérieur ? Que savons-nous d'une potentielle transmission du virus par les particules fines ?

En septembre 2019, Mme Élisabeth Borne avait annoncé la révision de l'indice Atmo. Que contient cet indice ? Sa composition vous semble-t-elle satisfaisante ? Comment pourrait-il être amélioré ? Sa révision étant prévue tous les quinze ans, trouvez-vous ce délai suffisant ?

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Pour évaluer la situation globale, le suivi et les résultats diffèrent selon le polluant étudié. Sur les vingt dernières années, les trois principaux polluants de l'air – l'ozone, l'oxyde d'azote et les particules PM10 – ne sont pas présents partout ni en même temps. Ils présentent au contraire une grande diversité de comportement. L'ozone est particulièrement présent en été, du fait de l'ensoleillement et de la chaleur. De plus, il s'agit d'un polluant secondaire car il n'est pas émis par l'activité humaine mais est le fruit de transformations où, bien souvent, la formation l'emporte sur la destruction et alors la concentration dans l'air augmente.

En revanche, l'oxyde d'azote et les particules fines sont directement émis par les activités humaines. Cependant, leur présence diminue depuis vingt ans. Toutefois, il convient aujourd'hui de s'intéresser davantage aux particules plus fines comme les PM2.5 et aux particules ultrafines, selon les recommandations récentes de l'Anses.

De fait, la pollution globale de l'air en France s'améliore mais demeure élevée, ce pour quoi nous avons des contentieux, concernant notamment l'oxyde d'azote, dans certaines zones. Or la source principale de pollution à l'oxyde d'azote est le moteur à énergie fossile et particulièrement le moteur diesel.

La source principale d'émission de particules fines est en revanche le chauffage au bois non-performant, devant les transports et l'industrie. Cette vérité dérange car nous avons tendance à jeter la faute sur le transport routier à énergie fossile.

La pollution à l'oxyde d'azote reste très élevée dans certains territoires. Puisque nous savons qu'elle est principalement dégagée par le transport routier, la loi d'orientation des mobilités a décidé de mettre en place des zones à faible émission (ZFE) mobilité. J'ai personnellement insisté pour y accoler le terme « mobilité » car je souhaitais montrer qu'agir sur la mobilité routière, à énergie fossile, permettait de réduire la pollution à l'oxyde d'azote. Toutefois, il ne s'agit pas du seul moyen de lutter contre la pollution de l'air. Nous devons aussi nous interroger sur les émissions du monde agricole, du monde industriel et du monde résidentiel.

Bien que la situation globale se soit améliorée, nous devons continuer d'agir car la pollution de l'air est encore supérieure aux normes dans certaines zones. La pollution aux particules fines est plus diffuse que celle à l'oxyde d'azote. La pollution à l'ozone touche à la fois les villes et les champs. J'avais démontré pourquoi dans mes travaux de doctorat, ce gaz étant le produit d'une série de réactions chimiques.

Le premier confinement a eu un effet immédiat sur les teneurs en oxyde d'azote, de 30 % à 70 % de moins selon les agglomérations, du fait de la réduction drastique du trafic routier. En revanche, aucune baisse n'a été observée concernant la pollution aux particules fines. Selon moi, ce constat s'explique par le moindre rôle des transports dans cette pollution, par la hausse du chauffage domestique à cause du climat sec et froid du mois d'avril, et par les épandages agricoles habituels en cette saison. Je l'explique plus en détails dans mes travaux du mois de mai.

Dans ces travaux, j'ai étudié avec des scientifiques l'interaction de ces pollutions avec l'épidémie de covid-19 et leur implication dans la transmission de cette maladie. Il convient de distinguer le rôle de la pollution de l'air dans le degré de résistance au virus et le rôle des particules fines dans le transport du virus. Plusieurs études montrent que la pollution de l'air ambiant détériore effectivement les capacités de résistance au virus. Toutefois, je reste prudent car en tant qu'enseignant-chercheur, je sais que les travaux de recherche doivent toujours être comparés à des études contradictoires et étudiés par d'autres chercheurs. L'analyse scientifique demande du temps. Pour cette raison, j'ai conclu mes travaux de mai en invitant à refaire un point sur la situation en début 2021 et à consulter les acteurs de la recherche sur les différents mécanismes d'interaction.

En revanche, le rôle des particules fines dans la transmission du covid-19 n'a pas été démontré à ce jour. Un point sera bientôt effectué avec des chercheurs pour en débattre au vu des dernières études. Cependant, il est prématuré d'écrire que le transport du covid-19 par les particules fines est assuré. Nous pouvons le supposer, mais nous ne l'avons pas encore démontré scientifiquement.

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Une étude européenne a révélé que 13 % des décès en Europe seraient causés par la pollution de l'air. L'Union Européenne a alors réagi immédiatement en édictant un plan de réduction des émissions d'ici 2030. Toutefois, la France est de nouveau poursuivie devant la Cour de Justice de l'Union Européenne pour non-respect de la protection de la population en matière de qualité de l'air, en particulier sur les territoires de Paris et de la Martinique. Notre pays a déjà été condamné par le Conseil d'État.

Comment expliquez-vous que ce problème soit récurrent en France, alors qu'elle est signataire de l'accord de Paris ? Selon vous, la notion de pollueur payeur est-elle une réponse suffisante face aux dizaines de milliers de morts causées par la pollution de l'air ?

Il existe des coopérations entre les agences régionales de santé (ARS) et le Conseil national de l'air, dans la lutte contre la pollution aux pesticides en Nouvelle-Aquitaine, ou pour l'amélioration de la qualité de l'air en Bretagne. Que faites-vous exactement ? Pensez-vous que l'instauration concrète de cette coopération faciliterait la réduction de l'utilisation des pesticides ? Comment mesurez-vous votre degré d'influence dans le processus de décision politique pour l'amélioration de la qualité de l'air ? Quels programmes ont réellement été mis en place dans ce but, ainsi que pour réduire les inégalités face à cette pollution ? Ces projets favorisent-ils une appropriation citoyenne de la question de la qualité de l'air ?

Enfin, je souhaiterais savoir si un cadre réglementaire a été mis en place pour assurer le suivi des pesticides dans l'air ambiant à l'échelle nationale ou régionale.

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L'accord de Paris porte essentiellement sur la réduction des émissions de CO2 et non sur les pollutions de proximité. Toutefois, nous nous sommes longtemps focalisés sur les émissions de CO2 alors que les deux sujets sont complémentaires.

L'impact sanitaire de la pollution de l'air est avéré, que ce soit l'accélération du vieillissement des végétaux, l'impact sur la santé humaine et l'accélération du nombre de décès liés aux polluants atmosphériques. Ils causeraient entre 40 000 et 60 000 morts par an en France, 500 000 en Europe, et 8 millions dans le monde. La pollution de l'air intérieur joue également un rôle dans ces décès, notamment du fait de certains modes de cuisson.

S'agissant des contentieux réguliers, ils concernent principalement la pollution à l'oxyde d'azote, que nous pouvons contrer grâce aux primes à la conversion des véhicules polluants et la mise en place des ZFE mobilité. La loi d'orientation des mobilités parle de la nécessité de développer des mobilités propres, mais je préfère parler de mobilités plus propres. Je pense que ma commission a joué un rôle important pour « muscler » le texte de loi et la fédération Atmo France a beaucoup contribué à la précision du rôle des associations dans le suivi de la qualité de l'air.

Par ailleurs, la Martinique est surtout touchée par la pollution aux particules fines. Toutefois, certaines sont dues à l'activité humaine et d'autres à l'activité entropique. Par exemple, les vents ramènent des particules de sable du Sahara vers la Martinique, et même vers la métropole, qui perturbent ensuite les capteurs de mesure. Distinguer les deux types de particules n'est pas évident. Certes, les autorités françaises sont soumises aux injonctions de l'Union Européenne, mais le cas de la Martinique est très particulier.

Le Conseil national de l'air est un organe consultatif et non exécutif, comme nous les parlementaires. Quant aux ARS, chaque région comptant une association agréée pour la surveillance de la qualité de l'air, les représentants d'Atmo France vous répondront sur ces coopérations.

Le Conseil national de l'air rassemble de nombreux acteurs. Nous l'avons déjà renforcé et nous nous réunissons bien plus souvent depuis deux ans. J'ai d'ailleurs accepté de le présider à la condition de le faire évoluer. Aujourd'hui, nous devons recevoir davantage de moyens pour aller plus loin. J'en discute avec le ministère de la transition écologique, sur la base du dernier rapport de la Cour des Comptes qui s'exprime en ce sens.

Par ailleurs, je pense que le portage politique de la problématique de la qualité de l'air n'est pas explicite ni suffisant en France. Le Gouvernement devrait compter moins de ministres et plus de secrétaires d'État qui travaillent en mode projet. Je l'ai déjà signifié au Président de la République. La question de la qualité de l'air est un sujet transversal qui croise à la fois des problématiques agricoles, environnementales, sanitaires, et de transport, et l'organisation politique doit se restructurer en conséquence. Le Conseil national de l'air devrait ressembler au Conseil national de l'alimentation qui dispose de personnel dédié et dont les missions sont clairement identifiées.

Enfin, le 2 juillet dernier, le Conseil national de l'air a présenté les résultats de la campagne nationale exploratoire sur les pesticides, conduite entre 2018 et 2019, en présence de Mme Élisabeth Borne. Actuellement, il n'existe aucune réglementation sur le suivi des pesticides dans l'air. Avant d'en adopter une, nous devons réfléchir à des moyens de pérenniser les mesures. Nous avons ainsi demandé en séance des moyens pour poursuivre ces mesures et que l'augmentation des aides de l'État aux AASQA, qui passent de 18 à 32 millions d'euros, soit en partie allouée aux travaux sur les pesticides.

Je maintiens ma vigilance sur ce sujet, comme sur celui de la pollution de l'air intérieur.

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Suite au dernier recours engagé contre la France par la Commission européenne devant la Cour de Justice de l'Union Européenne, la semaine dernière, le Gouvernement a annoncé qu'il honorerait l'obligation de mettre en place 10 ZFE dans diverses agglomérations d'ici le 31 décembre 2020. Vous considérez justement que les ZFE sont une solution contre la pollution de l'air. Le Conseil national de l'air peut-il néanmoins en suivre la mise en place et s'assurer du respect de cette obligation ?

Puisqu'il n'existe pas de vaccin contre la pollution de l'air et que la seule solution est de réduire nos émissions, quelles sont les autres pistes que le Gouvernement devrait, selon vous, développer face à cet enjeu de santé publique majeur ?

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Les ZFE mobilité ont été décidées, bien avant la saisine de la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans la loi d'orientation des mobilités. Elles sont même issues de l'arrêt du 11 juillet 2017 du Conseil d'État, qui exige la révision des feuilles de route pour la surveillance de la qualité de l'air. Par la suite, la loi d'orientation des mobilités rendra obligatoire la mise en place de ZFE mobilité d'ici le 31 décembre 2020, dans les zones où les plans de protection de l'atmosphère ont démontré un dépassement régulier des teneurs en oxyde d'azote ou en particules fines.

De fait, l'annonce du Gouvernement la semaine dernière ne répond pas à la dernière saisine de la Cour de Justice de l'Union Européenne car le processus était déjà en cours. Le Conseil national de l'air suivra évidemment la mise en œuvre des ZFE mobilité.

23 agglomérations sont actuellement en train de réfléchir à mettre en place des ZFE mobilité, alors que seulement 10 sont obligatoires, ce qui est une bonne nouvelle.

Il existe plusieurs leviers pour lutter contre la pollution, mais encore faut-il les actionner. Nous pouvons agir tout d'abord à l'échelle individuelle. Viennent ensuite les leviers collectifs comme les zones à faibles émissions, la coopération avec les industriels, et les efforts du monde agricole. Ce dernier ne s'intéressait pas à la question de la qualité de l'air avant 2010. J'ai été invité à des conférences lors des deux derniers salons de l'agriculture, et j'ai été surpris de compter cinquante agriculteurs lors d'une conférence sur l'agriculture conventionnelle. Des travaux sont également produits par le monde agricole. J'ai pris connaissance récemment du bilan du projet REPP'Air qui témoigne d'une prise de conscience du secteur.

Nous pouvons également agir en réduisant le chauffage au bois non-performant. Ce sujet reste sensible car le bois et la forêt sont souvent valorisés, mais il faut reconnaître que le chauffage au bois non-performant produit beaucoup de particules fines.

Nous pouvons aussi « toiletter » les textes au fur et à mesure de leur entrée en vigueur. Par exemple, j'ai insisté auprès du Gouvernement en faveur d'un amendement dans les travaux préparatoires à la loi relative à l'économie circulaire, qui entérine l'interdiction du brûlage des déchets verts en extérieur. En effet, le brûlage de 50 kilos de déchets verts émet autant de particules fines qu'un trajet de 1 300 km dans un vieux véhicule diesel ou de 13 000 à 15 000 km dans un véhicule diesel récent. Porter ses déchets verts à la déchetterie est donc beaucoup moins polluant, même avec un vieux véhicule diesel.

Toutefois, agir demande une prise de conscience renforcée et pour ce faire, nous devons informer et sensibiliser les citoyens. Le problème de la pollution de l'air est par nature invisible, et il est difficile de rendre visible l'invisible. Ce problème concerne autant l'État et les collectivités locales que les citoyens. Malheureusement, le portage politique est insuffisant sur ce sujet. Nous devons élaborer un plan de lutte plus structuré.

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L'Union Européenne négocie actuellement la politique agricole commune (PAC). Parmi les différentes possibilités ouvertes aux États pour y intégrer la question environnementale, la plus importante est désormais celle des « ecoschemes ». Plusieurs labellisations sont déjà envisagées pour l'agriculture biologique ou l'AGE.

Une évaluation scientifique globale a-t-elle déjà été effectuée quant à l'impact de ces pratiques sur la qualité de l'air ? Pensez-vous, selon le point de vue du Conseil national de l'air, que nous devrions disposer d'un « ecoscheme » ciblé sur la qualité de l'air ?

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Je le pense effectivement. Pour répondre à votre première question, nous n'avons pas encore d'évaluation globale de ces impacts, mais nous comptons déjà des études parcellaires sur les pratiques du monde agricole. Le 30 janvier dernier, le Conseil national de l'air a reçu plusieurs chambres d'agriculture qui lui ont présenté des démarches intéressantes en faveur de la qualité de l'air. J'ai d'ailleurs proposé personnellement au ministre de l'agriculture et à la ministre de la transition écologique de travailler ensemble sur ce sujet qui concerne les deux ministères. Le ministère de la transition écologique a affirmé étudier déjà ce sujet de près, et le ministère de l'agriculture n'y est pas fermé. Nous devons travailler ensemble pour combler ce manque d'études globales.

Le secteur agricole est à la fois victime et responsable de la pollution de l'air, comme toutes les activités humaines. Cependant, il n'est pas le principal émetteur. Certes, il rejette beaucoup d'ammoniac et cette substance a une influence sur le cycle de formation de l'ozone. Évidemment, l'épandage de pesticides dans l'air a un impact sur la qualité de l'air. Je suis donc favorable à une meilleure évaluation de l'impact de l'agriculture sur la qualité de l'air, car ce sujet mérite d'être approfondi. Nous devons l'étudier au plus près des territoires, notamment auprès des élevages pour mesurer les rejets d'ammoniac. Nous pourrions même aller plus loin en étudiant la qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments d'élevage, respiré par les exploitants agricoles et par les animaux. Néanmoins, j'observe que les acteurs agricoles ne sont pas opposés à une évaluation de ces sujets. Ils s'inquiètent simplement de se voir imposer des contraintes supplémentaires. Nous devons donc adopter une posture d'accompagnement et non d'accusation.

La pollution de l'air est un enjeu largement partagé et nous devons agir sur tous les leviers en même temps. N'oublions pas non plus la problématique de la qualité de l'air intérieur, très importante, car nous passons 80 % de notre temps à l'intérieur, même hors des périodes de confinement.

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Les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) surveillent la qualité de l'air ambiant et mettent à disposition du public les données relatives à la présence de polluants dans l'air. Quelles sont les particularités de la qualité de l'air dans les régions Hauts-de-France et Occitanie ? Quelle appréciation Atmo France porte-t-elle sur les résultats des politiques des différents intervenants dans ce domaine ?

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Mme la présidente, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de nous recevoir en audition. C'est un honneur que nous apprécions et qui prouve la reconnaissance nationale de notre travail.

Avant d'aborder la situation des Hauts-de-France, je rappellerai que nous travaillons avec M. Jean-Luc Fugit au sein du Conseil national de l'air. Nous partageons de nombreux points de vue. Son analyse est très claire et très explicite. Si cette commission d'enquête porte sur la santé environnementale, les AASQA n'ont pas de compétence en santé. Elles sont avant tout des observatoires qui mesurent la qualité de l'air mais aussi évaluent les actions mises en place à tous les échelons réglementaires, national et local. Le plus important n'est pas de mesurer mais d'évaluer la situation et les pratiques. Comme l'a dit M. Jean-Luc Fugit, nous sommes tous victimes et responsables de la pollution de l'air.

Même si la santé n'est pas notre première vocation, les ARS faisant partie de nos collèges, la qualification environnementale nous intéresse beaucoup car l'environnement est un sujet transversal. La qualité de l'air l'est également, car ce problème ne peut être traité en « silo ». Nous constatons cependant un cloisonnement des intervenants entre la question de l'air intérieur et celle de l'air extérieur, alors que l'air est un tout que nous respirons à raison de dix à quinze ml par jour. De ce fait, la qualité de l'air et la santé sont inextricablement liées. C'est pourquoi nous sommes présents devant vous aujourd'hui. Si la santé n'est pas de notre ressort, cet enjeu est toujours présent dans nos travaux.

Nous parlons de plus en plus des décès causés par la pollution de l'air. Cette morbidité existe de toute évidence, mais selon moi, il est plus juste de mettre en cause la notion d'exposome dans ces décès. Celle-ci relie et articule les différents facteurs de pollution, notamment de l'air. L'évaluation devrait donc être effectuée non en nombre de morts mais selon la situation globale de la qualité de l'air au niveau national, voire international.

Il existe déjà un certain nombre de plans visant à réduire les polluants atmosphériques, tels que le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), le plan de protection de l'atmosphère (PPA), et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), auxquels Atmo participe et qui s'imposent aux collectivités territoriales. Celles-ci sont accompagnées par les AASQA dans la mise en œuvre de ces plans. Cependant, il convient d'évaluer leurs résultats finaux, ce qui reste compliqué encore aujourd'hui. Un bilan est dressé mais l'évaluation est superficielle. Il n'est pas démontré comment certaines pratiques peuvent améliorer la qualité de l'air, non en mesurant la morbidité, mais en observant une meilleure qualité de vie.

L'opinion publique a pris conscience du problème depuis environ cinq ans. Nous sommes de plus en plus sollicités par les élus, mais aussi par nos concitoyens, et nous devons répondre à ces sollicitations. Pour cela, il est important de parler de la pollution de l'air en des termes positifs, c'est-à-dire ne pas la présenter comme une contrainte mais comme une opportunité pour changer nos pratiques.

Pour répondre maintenant à votre question, les Hauts-de-France sont une vaste région qui regroupe cinq départements et plus de six millions d'habitants, depuis 2017. D'ailleurs, Atmo Hauts-de-France dispose d'un budget de 6 millions d'euros, soit un euro par habitant, ce qui est faible. Les Hauts-de-France présentent une grande diversité de population et d'activité économique, partagée entre l'agriculture et l'industrie. Les grandes agglomérations du Nord Pas-de-Calais regroupent plusieurs centaines de milliers d'habitants et hébergent des industries lourdes. La région compte notamment le plus grand nombre d'usines SEVESO mais les surfaces agricoles sont aussi très vastes. Par conséquent, les Hauts-de-France sont soumis à tous les types de polluants.

Atmo Hauts-de-France est particulièrement impliquée dans la coopération avec les agriculteurs, notamment dans la surveillance des pesticides dans l'air – un sujet important dans le PNSE 4. Les agriculteurs font preuve d'une écoute particulière et les plans de réduction des épandages conclus avec eux fonctionnent très bien. Nous avons eu l'occasion de mesurer la qualité de l'air intérieur chez des agriculteurs volontaires afin de montrer qu'ils sont les premières victimes de la pollution de l'air, compte tenu des teneurs élevées en pesticides dans l'air intérieur des fermes.

Nous surveillons également la pollution émise par l'industrie métallurgique et sidérurgique du Nord Pas-de-Calais. Toutefois, les industriels ne sont pas les plus gros pollueurs de nos jours, car ils sont très surveillés et adhèrent tous volontairement à Atmo, en plus de la contribution financière qu'ils nous versent via la taxe générale sur les activités polluantes. Ils interviennent sans hésitation dès lors qu'un dépassement est constaté pour un polluant. Ils prennent des mesures et règlent rapidement le problème.

Aujourd'hui, la pollution de l'air est majoritairement due au résidentiel tertiaire et à la circulation routière. Les Hauts-de-France sont une euro-région et sont donc traversés par de nombreux poids lourds qui traversent l'Europe. Si cette localisation comporte des avantages, de par la proximité avec les autres pays européens, ses conséquences sont considérables en termes de trafic routier et de pollution. Les autoroutes sont notre point noir en ce qui concerne les émissions de particules fines. Lorsqu'il fait chaud, ce qui est de plus en plus fréquent avec le réchauffement climatique, nous subissons de graves pics d'ozone en été.

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Dominique Tilak, directrice référente santé d'Atmo France et directrice d'Atmo Occitanie

Le fondement de l'activité des AASQA, qui motive nos équipes et nos adhérents issus de différents collèges, est la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (loi LAURE) et le droit de chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Les AASQA sont en quelque sorte les sentinelles et la mémoire de la qualité de l'air. Grâce à leur travail de surveillance et leurs actions, les carburants ne comportent plus de plomb ni de soufre, et les industries ont accompli de grands progrès.

Désormais, notre attention se porte sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Il nous appartient de construire des dispositifs de surveillance qui permettent de dresser un état des lieux sur la présence de ces polluants, pas encore réglementés dans le compartiment aérien, et d'évaluer les progrès réalisés dans les territoires qui résultent des actions mises en place. Pour évaluer, il est essentiel d'avoir des indicateurs et rien n'est plus pertinent que la composition du compartiment aérien afin de déterminer si les politiques en faveur de la qualité de l'air aboutissent à une diminution des concentrations de polluants.

La région Occitanie est la première région viticole de France, ce qui implique des enjeux forts, mais elle compte aussi des territoires urbains importants. Les dispositifs de surveillance réglementaires mis en place sur ce territoire dépendent de la loi LAURE et de ses décrets d'application, et sont essentiellement axés sur les problématiques de pollution urbaine. Nous surveillons les polluants réglementés, que sont l'oxyde d'azote, l'ozone et les particules fines, mais les dispositifs réglementaires ne couvrent pas les nouveaux champs de préoccupation de la société, à savoir les pesticides et les particules ultrafines. Nous faisons face effectivement à de nombreuses questions de la société concernant la présence de pesticides dans l'air, et nous essayons d'y apporter des réponses par le biais de partenariats ponctuels.

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Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France

Atmo France est le seul réseau de surveillance de la qualité de l'air qui fonctionne de cette manière dans le monde, car la France est le seul pays où cette mission incombe à une association. Au lieu de créer une organisation publique à part entière, la loi sur l'air de 1996 a agréé les associations préexistantes dans ce domaine pour qu'elles assurent la mission de surveillance au nom de l'État, selon des règles bien précises, et avec l'appui d'un coordinateur scientifique. Néanmoins, le statut associatif garantit l'indépendance des mesures et nous permet de jouer le rôle de tiers de confiance dans les territoires.

L'assemblée générale d'une AASQA réunit toutes les parties prenantes d'une région. Ce sont le préfet, l'ARS et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour l'État, les collectivités locales, tous les acteurs économiques, industriels et agricoles, qui émettent des polluants atmosphériques, des représentants d'associations sanitaires, environnementales, et de consommateurs, et enfin des personnalités qualifiées tels que des médecins. Il s'agit d'un véritable lieu de débat, au-delà de la mission de surveillance de la qualité de l'air. Les AASQA jouent un rôle d'impulsion sur leurs territoires, dans le but de mettre en place des politiques publiques afin de reconquérir la qualité de l'air.

Votre commission d'enquête porte sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. L'évaluation est fondamentale pour mettre en place des politiques efficaces, en amont comme en aval, car ces politiques coûtent très cher. Toutefois, l'évaluation nécessite des connaissances, des données, et des moyens dédiés. Atmo France milite donc pour que chaque politique publique en faveur de la qualité de l'air s'accompagne d'un dispositif de type « 1 % évaluation » qui pourrait être appliqué aux fonds de dotation de l'ADEME et aux ZFE, afin de connaître la situation préexistante et vérifier ensuite l'atteinte des objectifs.

La transversalité nous tient également beaucoup à cœur. Bien que l'air que nous respirons soit toujours le même, la question de sa qualité n'est pas traitée par les mêmes directions publiques selon qu'il se trouve à l'intérieur ou à l'extérieur. La question des pollens relève même de la direction générale de la santé (DGS) au sein du ministère de la santé. Les AASQA se trouvent donc ballotées entre plusieurs ministères. Nous en avons déjà discuté avec vous, Mme la présidente, dans le cadre du PNSE 4. Nous perdons beaucoup de temps à naviguer entre les différents services de l'État mais nous persévérons car nous sommes motivés.

Cette situation appelle le besoin d'une approche transversale de la qualité de l'air dans les politiques publiques, comme le Conseil national de l'air le demande. Encore aujourd'hui, les questions du climat, de l'air et de la santé sont séparées et certaines politiques publiques sont mêmes antagonistes, par exemple sur les sujets des véhicules diesel et du chauffage au bois. Certaines règles d'urbanisme sont également contradictoires, visant la lutte contre le réchauffement climatique ou bien le confort et la santé. Nous tenons à vous dire qu'un euro d'argent public alloué pour le climat n'a pas toujours un impact positif sur la qualité de l'air alors qu'un euro alloué en faveur de la qualité de l'air a toujours un impact positif sur le climat, puisque les polluants atmosphériques sont des facteurs du réchauffement climatique.

La France dispose d'une très bonne école de surveillance de la qualité de l'air, non seulement avec les AASQA, mais aussi avec les chercheurs du volet santé qui n'est pas de notre ressort. Certes, nous ne sommes pas les champions de la réduction de la pollution atmosphérique et les contentieux que vous avez évoqués le montrent, mais ces derniers pointent avant tout le manque de coordination et d'évaluation des politiques publiques, ce pour quoi votre commission d'enquête est importante.

À côté des polluants réglementés, l'État s'intéresse maintenant aux polluants dits « émergents » même si nous n'apprécions pas beaucoup ce qualificatif car, si les politiques publiques en la matière sont émergentes, ces polluants ne sont pas nouveaux. D'ailleurs, les AASQA ne surveillent pas uniquement les polluants réglementés. Leur implantation à l'échelle régionale leur permet d'intervenir sur les polluants les plus problématiques sur le territoire, quels qu'ils soient. Par exemple, Atmo Champagne-Ardenne a déjà mené, il y a vingt ans, des études sur les pesticides, à la demande des collectivités locales. Dans des régions plus industrielles, les AASQA ont surveillé le butadiène ou le carbone suie. Ainsi, un rapport de l'Anses en juin 2018 sur les polluants émergents a recommandé qu'une dizaine de nouveaux polluants fassent l'objet d'une surveillance réglementaire. Le côté subversif du modèle associatif a ainsi permis d'accumuler par anticipation des données en faveur d'une surveillance réglementaire ou d'études épidémiologiques.

En ce qui concerne les interactions entre la pollution de l'air et le covid-19, Atmo France a effectué plusieurs études sur ce sujet pendant le premier confinement, et nous les reprendrons probablement bientôt.

Quant à l'indice Atmo, les AASQA surveillent la qualité de l'air, évaluent et accompagnent les politiques publiques, mais plus encore, elles assurent une mission de pédagogie et de sensibilisation du grand public, et l'indice Atmo est un élément de cette mission.

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Je vous remercie de cette présentation du rôle des AASQA dans la surveillance de la qualité de l'air, notamment leur rôle d'impulsion dans les territoires. Le statut associatif vous apporte une souplesse que les autres organismes de santé environnementale n'ont pas, mais aussi une crédibilité comme tiers de confiance, alors que la parole scientifique est souvent remise en question aujourd'hui. Nous sommes heureux de constater que des associations sont reconnues pour leur expertise et écoutées.

Notre commission d'enquête a pour objectif de dresser un bilan de la situation existante, dont vous avez tracé les grandes lignes, et d'identifier des pistes d'amélioration en santé environnementale et dans la gouvernance de la surveillance de la qualité de l'air. M. Jacques Patris a évoqué des difficultés techniques d'évaluation. Quelles sont donc vos limites d'appréhension scientifique des problématiques ? Qu'est-il possible de faire pour améliorer la connaissance ? Vous avez parlé de transversalité et évoqué rapidement le PNSE 4 : quel est le niveau idéal de gouvernance selon vous ? Quel jugement portez-vous sur les PNSE ? Vous ont-ils aidé dans votre mission ?

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Dominique Tilak, directrice référente santé d'Atmo France et directrice d'Atmo Occitanie

Lorsque nous réalisons une scénarisation des projets d'action pour améliorer la qualité de l'air, la première nécessité est d'avoir suffisamment de données, suffisamment précises, sur la situation initiale, puis de définir des prévisions précises et réalistes. Par exemple, avant de réduire la vitesse sur une rocade, il faut pouvoir évaluer si la limitation de vitesse entraînera une fluidification du trafic routier. Les AASQA ne sont pas en mesure de le déterminer car ces prévisions dépendent de modèles routiers. De fait, une coordination est nécessaire avec des organismes locaux, comme les agences d'urbanisme. Par exemple, un modèle de trafic routier est réalisé par l'agence d'urbanisme de Toulouse, avec laquelle nous travaillons depuis plusieurs années, afin de vérifier que toutes les mesures encadrant le trafic routier le modifient réellement. Nous pouvons ensuite projeter l'évolution pour évaluer la quantité de polluants rejetés dans l'air par le trafic, leur concentration dans l'air, et le niveau d'exposition des populations à ces pollutions.

Nous utilisons des dispositifs d'amélioration continue, dans le sens où nous projetons des améliorations à échéance de 2030 dans le plan de protection de l'atmosphère (PPA) ou du plan de déplacement urbain (PDU) d'un territoire. Nous devons utiliser les mêmes méthodes pour évaluer la situation réelle à deux ou cinq ans, pour vérifier si nos projections étaient bonnes. Dans le cas contraire, nous devons apprendre de cette expérience pour mettre en place un nouveau dispositif d'amélioration continue.

Pour cette raison, la meilleure échelle de gouvernance pour la surveillance de la qualité de l'air me semble l'échelle régionale, compte tenu des enjeux différenciés sur le territoire national et de la forte implication des acteurs locaux. Les dispositifs et les gouvernances doivent être mis en place à une échelle régionale, dans un cadre réglementaire national qui permette de comparer les données d'une région à l'autre et de collaborer.

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Je prendrai l'exemple de l'évaluation en santé environnementale. Les Atmo sont reconnues dans leurs régions par tous les acteurs du monde de la santé et de la recherche. Ces derniers participent à nos conseils d'administration, ou du moins ils nous contactent souvent. Nous leur fournissons de nombreuses données, notamment aux épidémiologistes, afin qu'ils puissent étayer leurs travaux sur des bases précises.

Chaque région a des spécificités épidémiologiques et de pollution. Nous travaillons donc main dans la main avec les acteurs de santé environnementale en leur fournissant nos données, ce pour quoi notre surveillance dépasse le périmètre des polluants réglementés. Par exemple, dans les Hauts-de-France, les particules ultrafines font l'objet d'une étude très sérieuse sur laquelle nous travaillons beaucoup. Aujourd'hui, grâce au travail des épidémiologistes, nous sommes capables de démontrer leur impact négatif sur l'organisme. La BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) est un fléau dans notre région. Nous travaillons avec le CHU d'Amiens, qui mobilise une équipe d'ingénieurs et de techniciens de laboratoire, pour évaluer l'impact de la réduction des polluants atmosphériques sur les pathologies chroniques. Voilà un exemple d'évaluation concrète, qui concourt à la notion d'exposome sans tomber dans la négativité. Toutefois, cette évaluation demande beaucoup de temps et nous sommes parfois contraints d'aller vite.

Même si la santé n'est pas notre mission première, elle entre dans nos évaluations de la qualité de l'air. Nous regrettons qu'en dépit de nos nombreux contacts avec le monde médical régional, le ministère de la santé ne collabore pas avec nous. Nous travaillons uniquement avec le ministère de la transition écologique. Nous devrions avoir ces deux ministères pour tutelles, au regard de la transversalité de la problématique de la qualité de l'air et de ses impacts sur la santé.

Vous comprenez que nous ne nous contentons pas de mesurer la qualité de l'air. Nous sommes passés de la métrologie à la modélisation, afin de rendre nos évaluations plus justes et plus légitimes.

Quant à l'échelle de gouvernance, il est évident que la proximité est essentielle. L'échelle régionale est la meilleure échelle car nous connaissons les industriels, les chercheurs, et les agriculteurs de notre région. Un réseau d'acteurs légitime est mis en place, pour une efficacité bien plus grande qu'au niveau national.

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Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France

Les plans nationaux de santé environnement (PNSE) sont des outils qui nous sont chers. Nous sommes en train de participer à l'élaboration du quatrième. Il s'agit de plans entièrement dédiés à la santé environnementale et transversaux, comme le prouve le nombre de participants et de groupes de travail. Ils permettent ainsi de traiter des sujets orphelins, suspendus entre deux ministères, comme la qualité de l'air.

En soulignant la problématique des pollens, le PNSE 3 a rendu possible la levée de fonds pour les PRSE, la déclinaison régionale. L'évaluation des pollens a beaucoup avancé au niveau régional grâce à ce PNSE, qui permettait de débloquer des crédits notamment auprès de l'ARS. L'évaluation s'est d'abord développée dans les régions où le sujet était problématique, par exemple en Auvergne-Rhône Alpes où le sujet de l'ambroisie mobilisait les citoyens et les élus. D'autres ARS moins concernées ont ainsi commencé à se saisir de la question. Par exemple, l'ARS des Hauts-de-France prévient les personnes volontaires par texto chaque fois qu'il y a un pic de pollen, pour qu'elles prennent leur traitement anti-allergique. Une personne sur quatre est sensible aux pollens en France. Cependant, ces pratiques au niveau régional ne permettent pas une égalité d'accès à l'information sur les pollens dans toute la France.

Le sujet des pollens disparaît dans le PNSE 4 car les rapports d'évaluations des inspections préconisent de renvoyer leurs dispositions concrètes vers des plans sectoriels et de recentrer le PNSE sur une simple fonction d'impulsion. Je reconnais que la situation n'est pas idéale et qu'une surveillance pérenne des pollens serait nécessaire. Cependant, l'évaluation des pollens risque de ne plus être traitée par aucun plan sectoriel, puisque les plans sectoriels émanent du ministère de la transition écologique tandis que la surveillance des pollens est une prérogative du ministère de la santé. Nous ne savons donc pas ce qu'il en sera l'année prochaine. Certaines régions abandonneront peut-être la surveillance des pollens et notre connaissance reculera au moment où nous en venons à démontrer que le réchauffement climatique accroît la virulence des pollens sur l'organisme. Ce problème est avant tout un problème de gouvernance et j'espère que nous trouverons des solutions avec le soutien de votre commission d'enquête.

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D'après vos propos, les industriels respectent les normes, les agriculteurs sont en voie de transition, et l'école de surveillance française est très efficace. Dans ce cas, pourquoi la France a-t-elle été condamnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne ? Quels sont ses manquements ? Que préconisez-vous au sujet des pollueurs payeurs ?

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Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France

J'ai effectivement dit que l'école de surveillance française était bonne, dans la mesure où elle collecte des données fiables sur la pollution de l'air et qu'elle est reconnue dans le monde. C'est d'ailleurs Airparif qui mesure la qualité de l'air à Shanghai, Pékin ou Hanoï. Nous ne sommes pas pour autant les champions de l'action pour améliorer la qualité de l'air car ces actions mobilisent une pluralité d'acteurs, dans d'autres circuits.

Tous les acteurs qui peuvent attaquer la France en justice sur la mauvaise qualité de son air le font aujourd'hui, de l'association de citoyens devant le Conseil d'État en passant par l'Union Européenne. Les décisions de justice qui en résultent reconnaissent que la situation progresse, mais pas assez vite, et déplorent un manque d'évaluation et de cohérence entre les plans. Il en existe une multitude, mais ils ne sont pas toujours évalués, et surtout, ils ne sont pas corrélés entre eux. Encore récemment, un rapport de la Cour des Comptes sur les politiques publiques pour la qualité de l'air a mis en avant cette difficulté, après l'avoir déjà signalée en 2015.

M. Jacques Patris n'a pas dit que la pollution industrielle n'était plus un problème. Simplement, les émissions industrielles ne représentent plus la majeure partie des émissions de polluants atmosphériques, et leur part est aujourd'hui maîtrisée en France. Le secteur industriel a fait sa part, en accomplissant des efforts mais aussi par le biais des délocalisations, et l'enjeu se reporte maintenant sur d'autres secteurs.

Pendant le confinement, les citoyens étaient surpris d'observer de la pollution dans l'air alors que le trafic routier et les usines étaient à l'arrêt. Cette pollution était due aux épandages agricoles, dont l'impact était intensifié par le climat sec. De même, le secteur des transports a encore des progrès à faire, et pas seulement le transport individuel. Le principal émetteur de polluants dans l'air à Marseille est l'activité portuaire, le transport maritime étant beaucoup moins réglementé que le terrestre.

Concernant le principe pollueur payeur, la surveillance de la qualité de l'air est financée à un tiers par l'État, un petit tiers variable par les collectivités locales sur la base du volontariat, et un large tiers par la taxe générale sur les activités polluantes acquittée par les industriels dépassant certains seuils d'émissions. Ceux-ci ont le choix de la verser à l'État ou à l'AASQA de leur région de manière entièrement libératoire, raison pour laquelle cette option est privilégiée. De plus, elle leur permet d'obtenir un siège au sein du conseil d'administration de l'association.

Néanmoins, les industriels dénoncent un principe pollueur payeur dans lequel un seul type de pollueur paie en fin de compte. Il n'appartient pas à Atmo de décider de qui doit payer, cela revient à l'État et au Parlement, mais la Cour des Comptes a déjà recommandé en 2015 d'étendre le principe pollueur payeur. Faut-il ponctionner une partie des péages routiers mis en place par la loi d'orientation des mobilités (LOM) pour les AASQA ? Faut-il mobiliser davantage les agriculteurs, alors que ce secteur se porte mal ? Ces derniers sont tiraillés entre des injonctions contradictoires. La loi sur l'eau fixe de nombreuses obligations en contradiction avec les bonnes pratiques contre la pollution de l'air, et personne n'arbitre entre les deux. Par exemple, il est conseillé d'épandre par beau temps car la pluie favoriserait l'infiltration des polluants dans les nappes souterraines, mais alors ceux-ci se dispersent dans l'air.

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Dans les Hauts-de-France, il est certain que la pollution la plus importante ne provient pas de l'activité industrielle mais des transports routiers, car notre région est traversée par des autoroutes et des grands axes où les camions se suivent à un rythme infernal. La Manche et la Mer du Nord sont aussi des voies de transport importantes, sans doute les voies maritimes les plus empruntées par les bateaux. Nos capteurs en bordure de côte montrent bien la pollution générée par le trafic maritime.

Notre région dépasse souvent le seuil réglementaire des PM10 et l'Union Européenne nous a déjà épinglés pour cela. Pour réagir, il est essentiel qu'une AASQA réunisse autour de la table les différents acteurs. Or nous ne comptons pas les acteurs du transport maritime ni du transport routier. Les seules entreprises qui financent nos missions sont les acteurs industriels, qui ne sont plus les principaux émetteurs. À l'inverse, les entreprises du transport ne subventionnent aucune AASQA. Par exemple, les produits phytosanitaires vendus sur le marché français sont connus de l'État et sont taxés. Pourquoi ne pas reverser une partie de cette taxe aux AASQA pour travailler avec les agriculteurs à de nouvelles pratiques moins polluantes ?

Nous souhaiterions que tous les acteurs pollueurs prennent part à nos travaux et nous regrettons que les plus importants ne le fassent pas. Pour ce faire, l'échelle régionale est encore une fois la plus pertinente.

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J'entends votre sentiment d'impuissance face aux pollutions que vous ne pouvez pas contrôler. La collaboration avec les industriels est visiblement bien avancée, même si tout n'est pas parfait. Vous avez aussi des contacts avec les agriculteurs, avec lesquels le dialogue est ouvert. En revanche, le secteur des transports vous échappe complètement alors qu'il est aujourd'hui le principal émetteur de ces polluants qui mettent la France en contentieux devant la Cour de Justice de l'Union Européenne. Hormis la création des ZFE mobilité dans les grandes métropoles, qui paraît alors une mesure dérisoire par rapport à l'enjeu, vous n'avez guère de prise sur les émissions du secteur des transports.

Pensez-vous que la dynamique autour des transports ne devrait pas plutôt être lancée à l'échelle nationale, puisque les transports routiers et maritimes dépassent le périmètre régional ? La problématique est même internationale. Pourrions-nous envisager de réunir autour de la même table tous les acteurs du transport, routier, maritime, et même ferroviaire ? Je ne cite pas le transport individuel qui est plus difficile à circonscrire.

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Vous relevez bien le paradoxe de cette problématique. Ce secteur d'activité intervient à l'échelle nationale et internationale mais ses répercussions s'observent à l'échelle régionale. Nous ne pouvons évidemment pas réunir au sein des AASQA régionales tous les acteurs du transport international, mais nous pourrions néanmoins étudier une problématique nationale et consulter les conseils régionaux qui sont compétents en matière de transports. Le transport ferroviaire peut tout à fait être une alternative au transport routier inter-régional. Il suffirait de construire des voies pour mettre les camions sur les trains. Cette problématique est donc à la fois nationale et régionale, mais une impulsion nationale est nécessaire pour lancer la réflexion.

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Dominique Tilak, directrice référente santé d'Atmo France et directrice d'Atmo Occitanie

En région Occitanie, nous travaillons avec les ports méditerranéens, de moindre envergure que ceux du Nord de la France, et des partenariats sont mis en place. De la même façon, nous travaillons depuis plusieurs années déjà avec l'aéroport de Toulouse-Blagnac ainsi que celui de Montpellier depuis la fusion des régions Languedoc et Midi-Pyrénées. Si nous parvenons à sensibiliser les acteurs locaux à la problématique de la pollution de l'air et à enclencher des actions avec eux, nous pouvons ensemble évaluer l'impact de leurs activités. Dans le cas d'un acteur local émetteur de polluants atmosphériques, tel un grand aéroport à proximité d'un centre-ville, si nous regardons la présence des polluants dans un rayon de 200 ou 300 mètres et que nous évaluons les actions mises en place par les plateformes aéroportuaires, nous pouvons ainsi objectiver les débats et repositionner l'ensemble des enjeux.

Aujourd'hui, les principaux enjeux de pollution de l'air concernent le trafic routier quotidien, c'est-à-dire celui individuel. Or le seul contributeur à la surveillance de la qualité de l'air est l'industrie. Ce secteur a accompli de réels progrès, que nous pouvons démontrer en tant que structure indépendante. En revanche, nous ne constatons pas les mêmes évolutions pour le secteur agricole et le trafic routier sur les grandes artères, en partie parce que ces pollueurs ne sont pas suffisamment impliqués dans la surveillance et ne trouvent pas de retour sur investissement à leur contribution via les taxes.

Nous sommes indépendants, et nous n'améliorons pas les résultats de nos financeurs. Nous pouvons donc affirmer en toute indépendance que telle ou telle action a un impact positif ou négatif sur la qualité de l'air.

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Nous percevons mieux à présent les progrès réalisés, même si les chiffres demeurent préoccupants. Nous constatons qu'il existe une organisation au niveau national et une gouvernance à la fois nationale et régionale effective, bien qu'elle se heurte à un certain nombre de difficultés. Nous remarquons notamment que les pollueurs majoritaires, à savoir les individus, ne sont pas autour de la table des AASQA. Quelle démarche d'information envisagez-vous pour que le grand public devienne acteur de la qualité de l'air et ne soit plus un pollueur passif qui s'en remet aux AASQA et au Conseil National de l'Air ? Comment pouvons-nous responsabiliser les individus à l'origine de tous ces trafics quotidiens qui augmentent la pollution atmosphérique ?

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Communiquer et informer est l'une de nos principales missions. De plus, nos conseils d'administrations comportent un collège associatif qui regroupe des associations reconnues pour la protection de la nature. Ces associations sont nos relais pour communiquer un certain nombre d'informations.

Nous nous rendons également sur le terrain, auprès des collectivités territoriales et des élus, pour organiser des séances d'information sur la qualité de l'air, qui est une problématique complexe. Nous agissons pour l'information des individus au quotidien. Notre mission de communication s'est d'ailleurs développée depuis les dix dernières années, les effectifs les budgets qui y sont consacrés ont presque doublé.

Nous avons également de nouveaux outils de communication. Par exemple, nous formons des animateurs qui se rendent dans les établissements scolaires pour informer les jeunes populations sur la qualité de l'air. D'autres associations, comme l'Air et Moi, jouent un rôle de relais d'information auprès du public. Enfin, nous participons à de nombreux évènements sur le terrain, comme la journée nationale de l'air, pour faire connaître notre association et nos actions, et communiquer sur les bonnes pratiques.

Notre communication a véritablement évolué ces dernières années et les moyens consacrés ont doublé dans toutes les AASQA. Il ne s'agit pas d'une communication passive, mais d'une communication engageante dans le but de rendre acteur chaque individu.

Nous collaborons en outre avec une psychologue et une sociologue qui savent comment aborder certaines populations. En effet, les personnes les plus exposées à la pollution sont les plus défavorisées, et nous devons les accompagner. Ces deux professionnelles nous aident à créer des cohortes de population. Par exemple, nous faisons appel à des citoyens volontaires pour évaluer la pollinisation de certaines espèces, après une formation rapide. De même, nous prêtons tout une flotte de micro-capteurs aux personnes volontaires. Elles peuvent ainsi analyser elles-mêmes la présence de polluants dans leur air ambiant grâce à une application sur téléphone, qui leur suggère ensuite des bonnes pratiques pour diminuer la pollution par leurs propres moyens.

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Où en est le développement des pollinariums sentinelles ? Y en a-t-il dans toutes les régions de France ?

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Jacques Patris, président référent santé d'Atmo France et président d'Atmo Hauts-de-France

Non, mais nous participons aux pollinariums existants, comme le réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) situé en région lyonnaise, de façon à communiquer avec le plus grand nombre de personnes.

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Marine Tondelier, déléguée générale d'Atmo France

Je voudrais citer un livre paru la semaine dernière, avec lequel je n'ai aucun lien d'intérêt, « L'art de gouverner la qualité de l'air. L'action publique en question » de Franck Boutaric, chercheur en organisations. Il y explique que la pollution de l'air est la première cause de mortalité au monde mais que, paradoxalement, le sujet mobilise peu les citoyens et les élus car la pollution de l'air est invisible. Il existe quelques exceptions à l'occasion d'épisodes de brouillard tueur, par exemple à Londres en 1952. L'auteur estime donc que la problématique doit devenir visible pour que la mobilisation avance.

Franck Boutaric évoque souvent l'indice Atmo, que nous diffusons pour que les citoyens prennent conscience de la qualité de l'air qu'ils respirent. C'est un outil de sensibilisation et de pédagogie, mais aussi un moyen de pousser les politiques à passer à l'action. Si l'indice Atmo est vert toute l'année, nous pensons que tout va bien. S'il passe à l'orange, au rouge, voire au violet, il faut passer à l'action.

En outre, la méthodologie de l'indice Atmo va changer à partir du 1er janvier 2021, pour prendre en compte les PM2.5, mais la qualité de l'air ne va se dégrader pour autant dans la nuit. Je précise que l'indice est nommé Atmo mais est régi par un arrêté ministériel et ne dépend donc pas des seuls choix de calcul d'Atmo France. Entre le moment où nous avons pensé qu'il serait pertinent d'y intégrer les PM2.5 et le moment où le ministère les a réellement intégrés, plusieurs années se sont écoulées.

Par ailleurs, le nouvel indice ne comportera plus de catégorie « très bonne » car celle-ci n'avait pas de sens. L'Agence Européenne pour l'Environnement l'avait déjà supprimée. À l'opposé, une nouvelle catégorie « extrêmement médiocre » a été créée. L'indice sera donc plus alarmiste et poussera davantage à l'action. Néanmoins, la situation ne se dégradera pas instantanément, mais les données seront peut-être davantage en conformité avec les normes sanitaires, notamment celles de l'OMS. Nous pourrons peut-être mieux appréhender ainsi les enjeux de santé liés à la qualité de l'air.

L'audition s'achève à quinze heures cinquante.