Je pense que les universités, en France et ailleurs, disposent de laboratoires qui ne sont pas inféodés à l'industrie chimique. Tout au moins, j'ose l'espérer. Au-delà, le CRIIGEN prône la mise en place d'une Haute autorité d'expertise, ce qui permettrait de gérer correctement ces problématiques. Cette Haute autorité d'expertise pourrait être composée de députés des différents groupes parlementaires, de personnes responsables des missions d'expertise collective, des grands organismes de recherche nationaux, d'un représentant des organismes participant à l'évaluation des risques pour la santé et l'environnement et aussi de personnalités réputées pour leurs travaux de recherche dans le domaine de l'expertise, à savoir des personnalités qualifiées en droit du travail, de l'environnement et de la santé publique, des représentants des associations concernées par l'éthique et l'expertise et des représentants de chaque grande Union (Union des médecins, etc.). Les députés pourraient être nommés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, par exemple.
Une telle instance ouvrirait la possibilité d'entamer un véritable dialogue, en toute transparence, parce qu'il importe que les études qui ont permis la mise sur le marché des produits soient portées à la connaissance des scientifiques. Actuellement, ils n'y ont pas accès. Cette obscurité est tout à fait délétère à l'initiation de dialogues et chacun campe sur ses positions. À titre d'exemple, près de deux cents publications démontrent la toxicité des herbicides à base de glyphosate pour l'environnement et pour autant, leur utilisation est encore autorisée.
Un autre exemple concerne les néonicotinoïdes. Ils ont été interdits, puis de nouveau autorisés pour la betterave. La porte est donc ouverte pour l'élargissement de cette autorisation pour d'autres cultures. Les néonicotinoïdes sont des perturbateurs endocriniens et l'imidaclopride, notamment, perturbe les trophoblastes. Qu'est qu'un trophoblaste ? La rencontre d'un ovule et d'un spermatozoïde produit un œuf et cet œuf s'entoure de cellules trophoblastiques qui vont lui permettre momentanément de se nourrir et d'aller ensuite s'implanter dans l'utérus ; c'est ce qu'on appelle la placentation. Nous savons désormais que des perturbateurs endocriniens perturbent la placentation et c'est ainsi que nous constatons une augmentation du nombre des fausses couches, notamment, chez les humains.
Il importe donc de disposer d'une vision globale et non partisane si nous voulons enfin régler ces problématiques. Mon exposé n'est pas du vent. Le constat de l'augmentation de ces pathologies environnementales est-il tolérable ? Non, ce n'est pas tolérable. Sur ce point, notre société disjoncte. De quoi mourait-on avant Pasteur, avant Fleming et avant la découverte des antibiotiques notamment ? Les populations mouraient de malnutrition, mais également de manque d'antibiotiques, d'anti-infectieux, d'hygiène et bien sûr, de toutes les problématiques chirurgicales et liées au diagnostic des pathologies. Nous avons dépassé ce stade, mais nous constatons, depuis soixante-dix ans, l'émergence de pathologies qui ne peuvent être dues qu'aux produits chimiques toxiques, certes dans un cadre plurifactoriel, mais cette augmentation est manifeste.
Nos centenaires sont nés dans l'entre-deux-guerres. À cette époque, je peux vous assurer qu'aucun des xénobiotiques que je vous ai montrés précédemment n'était présent dans le ventre des femmes en gestation. L'impact de ces produits chimiques toxiques pendant la grossesse et aussi pendant l'allaitement commence à être colossal sur la survenue de pathologies. Sans être un oiseau de mauvais augure, j'affirme qu'au fil du temps, ces pathologies vont entraîner des décès et des pathologies lourdes. C'est déjà le cas, mais dans cinquante ans, on ne vivra pas aussi facilement jusqu'à 100 ans.