Intervention de le docteur Joël Spiroux de Vendômois

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

le docteur Joël Spiroux de Vendômois, président du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) :

La première route à suivre réside dans l'enseignement. Il est essentiel que les décideurs et la population dans son ensemble sachent ce qui se passe. Il s'agit d'un grand changement de paradigme. Jusqu'au milieu du XXe siècle, voire entre les deux guerres, on savait repérer dans la nature ce qui était défavorable. On ne laissait pas un enfant jouer avec une vipère ou manger de la digitale pourpre en se promenant dans les sous-bois. Ce rapport à notre environnement est dévoyé parce qu'il est impossible de repérer les produits chimiques toxiques et invisibles que j'ai mentionnés, à savoir les perturbateurs endocriniens. La problématique de fond consiste en ce que nous ne sommes plus capables de nous protéger nous-mêmes.

La mise sur le marché de produits mal évalués génère des risques que nous payons un jour ou l'autre. Le premier plan nutrition santé préconisait de manger cinq fruits et légumes par jour. Ce plan n'abordait absolument pas la problématique des résidus de pesticides. L'ingestion journalière de cinq fruits et légumes couverts de pesticides est complètement délétère.

La formation de tous, de l'ensemble des corps, politique, scientifique, etc., est fondamentale pour prendre conscience de la situation. Le déni conduit à considérer qu'il est normal d'être malade. Non, ce n'est pas normal d'être malade. Les chiffres ne sont pas sortis d'un chapeau ; ce sont les chiffres officiels. Comment est-ce possible d'en arriver à une telle situation ?

Au-delà, je confirme que tout est anormal. La législation toxicologique dans son ensemble est complètement anormale puisqu'elle ne nous protège pas. Il existe d'excellents scientifiques partout, mais il existe également des scientifiques inféodés aux grands lobbies industriels. Je l'affirme. Certaines décisions politiques sont aussi inféodées, ce que confirment les volte-face au sujet des néonicotinoïdes.

Et donc, je vous confirme qu'il est indispensable de tout changer et de réorienter le système vers une prise de conscience drastique de la dépendance de la santé de la population à la santé de l'environnement.

À titre d'exemple, évoquons les normes qui, s'agissant des produits chimiques toxiques, sont une catastrophe parce qu'elles ne nous protègent pas. Je pourrais vous en dresser un catalogue colossal et vous l'envoyer. Je siège depuis près de vingt ans au conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) de Seine-Maritime, en tant qu'expert en santé environnementale, mais je n'y vais plus qu'épisodiquement, pour les grandes affaires telles que celle de Lubrizol. Lorsqu'il s'agit de traiter des affaires moins graves, je suis toujours dépité parce qu'à chaque problème soulevé, on nous oppose les limites toxicologiques admises. Dès lors, je comprends l'impuissance de l'administration, puisque les normes officielles ne sont pas aptes à nous protéger. La population doit en être informée. Il vous appartient, à vous, les députés, de traiter cette question. Comment faire ? La politique de l'autruche conduit à accepter benoîtement que des enfants soient victimes de cancers, de malformations néonatales, etc. Je n'ai pas évoqué, dans mon exposé, les malformations congénitales émergentes, pour lesquelles d'ailleurs, il n'existe même pas de registre complet. En effet, il n'existe pas de registre complet pour les cancers ; il n'existe pas de registre complet pour les hypofécondités, etc. Si nous dressions de tels inventaires, nous constaterions que la situation est d'autant plus insupportable que ces pathologies sont des pathologies qui sont la conséquence de la présence de produits chimiques toxiques qui enrichissent certains groupes industriels et que nous payons non seulement de notre santé, mais également par les frais acquittés par notre Sécurité sociale puisqu'il faut bien soigner les malades. De nombreuses publications de certains scientifiques sont désormais consacrées au coût sociétal de ces produits chimiques. Pour autant, ces calculs ne sont pas exhaustifs. Par exemple, le coût du traitement d'un cancer du sein chez une femme enceinte de 25 ans est colossal. Cependant, si on calculait les autres coûts externalisés tels que l'évaluation de la souffrance endurée, des effets délétères sur la structure familiale, les enfants qui ne travaillent plus correctement à l'école et qu'il faut faire suivre par un psychologue, parfois la fuite du mari parce que la situation n'est pas facile de vivre dans ces conditions-là, etc. Si on calculait l'ensemble de ces coûts induits, ce serait insupportable et intenable pour notre société. C'est le médecin que je suis qui parle parce que j'ai vu tellement de cas de ce type-là que cela m'est quasiment insupportable.

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