Intervention de le docteur Joël Spiroux de Vendômois

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 11h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

le docteur Joël Spiroux de Vendômois, président du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) :

Je crois qu'il faut accepter de mettre les pieds dans le plat. Au sein du CRIIGEN, j'avais été promoteur d'une étude menée à Rouen sur les résidus de médicaments, alors que j'étais président de la commission santé environnement des Unions régionales des médecins libéraux de Haute-Normandie. J'ai mené cette étude avec deux professeurs académiciens, passionnés par mon idée. Nous avons choisi vingt-cinq molécules et, avec des préleveurs asservis aux flux, nous sommes allés à la sortie du CHU, à l'entrée de la station d'épuration, au milieu et à la sortie. Nous avons réalisé des prélèvements pendant un mois de sorte à être sûrs de faire le calcul de ce qui rentrait et sortait de la station d'épuration. De mémoire (cela se déroulait en 2008), nous avons calculé que trois cent quatre-vingt-quinze kilos de ces médicaments rentraient dans la station d'épuration à Rouen chaque année et trois cent quatre-vingt-dix d'entre eux sortaient de la station d'épuration et étaient déversés dans la Seine. Mme Roselyne Bachelot avait élaboré un pré-plan « résidus de médicaments dans l'eau » qui a été validé par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette dernière a émis l'idée de tester d'autres molécules. Nous avons trouvé des doses toxiques d'une substance qui n'était jamais testée. S'en est suivi un véritable branle-bas de combat et on s'est aperçu qu'une usine située à proximité polluait la nappe phréatique. Pour autant, ce sont des produits chimiques qu'on ne détecte pas partout. Nous fonctionnons dans une forme de pis-aller qui vise à nous donner bonne conscience. La récente publication de l'Ifremer nous montre que les effets cumulatifs des pesticides, y compris des pesticides présents à des taux inférieurs aux normes (0,1 microgramme par litre), sont toxiques et réellement toxiques.

Cela signifie que les autorisations de mise sur le marché nécessitent une plus grande rigueur. Peut-être m'opposerez-vous l'argument de l'impact économique. La santé publique a un impact économique. Si nous avons vocation à être les cobayes du bon fonctionnement de l'industrie, il appartient à nos politiques, français et européens, de nous le dire. Auquel cas, nous accepterons benoîtement de nous empoisonner au quotidien, en respirant notamment. L'air que nous respirons, la pollution aérienne, est responsable de soixante-cinq à soixante-huit mille morts chaque année, dues uniquement aux microparticules. Et nous l'acceptons, nous l'acceptons ! Si l'on considère qu'il est normal que nous soyons empoisonnés, qu'il est normal qu'un plus grand nombre de parents enterrent leurs enfants, dont acte. Au-delà, il nous appartient de mener la révolution. Il est nécessaire d'évoluer autrement que par le biais de demi-mesures. En regard de nos connaissances scientifiques, la majorité des pesticides devraient être supprimés et nous devrions être en agroécologie depuis trente ans ou quarante ans. Force est de constater que ce n'est pas le cas. L'augmentation de 2 à 3 % par an de l'agroécologie n'est pas glorieuse. C'est à ce niveau-là que l'environnement socio- anthropologique rentre en ligne de compte. Les primes de la PAC attribuées à une production riche en produits chimiques et toxiques et pauvre nutritionnellement devraient être transférées sur la mise en place d'une agroécologie qui permettrait de nourrir sainement la population.

Nous sommes dans la complexité, au sens littéral du terme qui signifie que tout est imbriqué. Effectivement, je pressens que vous serez un petit peu dépitée après cette audition. Si nous ne nous attachons pas à avoir une vision globale de la situation, nous avons l'impression de bien faire. Le lancement d'un nouveau produit impose d'en étudier les impacts environnementaux et sur la santé à court, moyen et long termes. À défaut, on accepte que les choses soient telles qu'elles sont. En tout état de cause, vous avez dû comprendre que ce n'était pas tout à fait mon état d'esprit.

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