Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 13h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle :

L'élément-clé, dans l'introduction du rapport Écophyto, est l'expertise collective de l'Inserm. Ce document date de 2013. En tant, alors, que nouveau député m'inscrivant dans le combat pour une maîtrise des pesticides et l'agroécologie, je considère ce rapport comme une étape absolument décisive.

La corrélation entre les pesticides et la santé a émergé dans les années 60-70 et a été renseignée très tardivement sur le plan scientifique. Cette étude collective de l'Inserm apparaît comme un point de référence car il s'agit de la synthèse de multiples approches scientifiques à l'échelle nationale et internationale permettant d'établir un lien avec certaines maladies. Ce rapport ne définit pas seulement le lien entre telle molécule et telle maladie, mais évoque un risque à bas bruit de « cocktails de molécules » produisant, de façon certaine, mais parfois indifférenciée, des troubles neurologiques dramatiques ou des troubles hormonaux tragiques comme des pubertés précoces qui nous bouleversent car ils touchent à l'intime et à l'identité des personnes. Ce rapport fait date et j'amorce ma démarche sur cette question.

Nous avions des lanceurs d'alerte. Nous disposons désormais de rapports scientifiques, qui sont synthétisés grâce aux travaux de l'Inserm et qui continuent à faire référence. Les thèses synthétisées n'ont été que confirmées depuis, ce qui donne du poids à ce rapport. Dans le même temps, avec nos collègues sénateurs, je travaille à un fonds d'indemnisation à destination des victimes de la phytopharmacie. Au cours de cette même décennie, s'est développé un mouvement associatif, syndical, de défense, de réparation et de prévention appelé Phyto-Victimes, association d'aide aux professionnels victimes des pesticides. Nous savons que de nombreuses personnes sont atteintes. Nous ferons les premiers pas au cours de ce quinquennat, puisque la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 le permet. Il a été nécessaire d'interpeller à deux reprises les ministères pour que les décrets soient publiés, ce qui est désormais le cas. Depuis quelques semaines, nous disposons des décrets qui prennent en compte une décision prise voici presque un an dans l'hémicycle et qui constituent un premier pas pour la réparation concernant des victimes qui n'étaient pas indemnisées pour des questions de statut. Nous pouvons penser aux aides familiales dans les exploitations agricoles qui ne bénéficiaient pas de l'assurance maladie et accident du travail. Par ailleurs, les enfants contaminés in utero dans une famille d'agriculteurs sont désormais pris en compte, ce qui constitue une juste réparation qui n'est que partielle car elle s'inscrit dans une logique d'accident du travail-assurance maladie (AT-AM), mais il s'agit d'une première étape qu'il convient de saluer.

Par manque de vigilance ou parce qu'elles n'étaient pas encore visibles, nous sommes alors totalement passés à côté des questions de voisinage qui ont enflammé la France quelques mois après. Je continue à penser que cette approche présente un très fort « effet lampadaire ». Il convient de préférer une démarche globale de diminution des pesticides à un combat fratricide dans notre société sur les distances d'épandage. Écophyto 2 tel que nous le proposions aurait certainement résolu de nombreux problèmes de voisinage, mais ce rapport n'envisage pas de solution de cohabitation entre les riverains des champs traités et les pulvérisations.

Nous sommes passés à côté de la question du voisinage et d'un concept qui aurait pu être une sorte de fil conducteur. En revanche, la question de la santé était au cœur du dispositif. Si j'établissais le rapport aujourd'hui, je le baptiserais « Une seule santé », à savoir la santé de la terre et des hommes. Le concept «  One Heath  », qui est né de l'épidémiologie, peut devenir un récit politique et scientifique. Je suis heureux de l'avoir fait inscrire dans le rapport annexe de la loi de programmation de la recherche.

Actuellement, dix-huit instituts travaillent à l'échelle européenne autour de l'INRAE sur la sortie des pesticides, la mosaïque paysagère et des questions d'agroécologie. Ils œuvrent sur des solutions d'affranchissement systémique et ont baptisé leur programme «  One Health  ». Se battre pour sortir des pesticides est se battre pour la santé des hommes et de la terre.

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