Intervention de Lilyan Le Goff

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Lilyan Le Goff, membre du réseau santé-environnement de France nature environnement (FNE) :

Pour bâtir une politique publique de santé environnementale, il faut d'abord considérer l'état des lieux. Le droit constitutionnel de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est proclamé. En revanche, faute de transposition législative, il ne peut être appliqué pour bénéficier effectivement aux populations, les seules mentions légales relevant de l'hygiène et de la salubrité publique.

Faute de prévention, la politique de santé n'est bien souvent que curative et limitée à la gestion des maladies, alors que la spécificité de la santé environnementale est d'intégrer la prévention sanitaire dans les mesures politiques et l'aménagement des territoires. Pour ce faire, encore faudrait-il une approche cohérente et non cloisonnée en plans thématiques qui sont presque au nombre de trente-cinq et qui sont qualifiés de plans « silos », car juxtaposés sans coordination. Il est également nécessaire d'avoir une approche tenant compte des spécificités de chaque bassin de vie, en termes d'exposition à des risques. Il faut territorialiser la santé environnementale, ce qui implique une dévolution de compétences en santé-environnement aux collectivités locales. Le rapport d'évaluation du PNSE3 le juge d'ailleurs décevant car peu opérationnel et éloigné des territoires sans que baisse le niveau des risques.

Le facteur économique n'est jamais pris en considération, alors que le coût de l'inaction par manque de prévention s'avère considérable. Celui de la pollution de l'air est évalué par le Sénat à 100 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du plan de relance post-COVID sur plusieurs années. S'il est un enseignement à tirer de l'actuelle crise sanitaire, due à un « effet boomerang » des perturbations portées à la biodiversité sous forme de zoonoses émergentes, ce sont bien les graves conséquences socio-économiques qu'elle engendre, amplifiées par ce défaut de prévention. Une politique de prévention sanitaire et environnementale est aussi cruciale pour une saine gestion économique.

FNE fédère quelque 3 500 associations, qui sont à la fois sentinelles et force de proposition, implantées sur l'ensemble de l'Hexagone et les départements ultramarins. Elle plaide pour que la France se dote résolument d'une politique de prévention qui territorialise la santé environnementale et qui devrait être charpentée par un axe stratégique dénommé « Une Santé » tenant compte de l'interdépendance entre l'humain, l'animal, le végétal et l'environnement, incluant le climat. Elle devrait se doter d'un axe opérationnel pour décloisonner et coordonner les approches thématiques avec une gouvernance nationale interministérielle et au niveau des territoires dotés de nouvelles compétences, ce qui impliquerait, pour le Parlement, une loi portant sur une dévolution de compétences en santé-environnement aux collectivités locales avec des plans régionaux santé-environnement coordonnant la réalisation, pour chaque EPCI, de diagnostics locaux de santé-environnement visant à inventorier leurs exposomes, suivis de plans territoriaux d'action en santé-environnement pour y remédier. Ceci renforcerait la prévention aux étapes clés de la vie, permettrait de repérer d'éventuelles synergies en complémentarité avec les données et registres épidémiologiques qui seraient ainsi renforcés, notamment pour mieux comprendre l'émergence de certains clusters. Je pense particulièrement aux cancers pédiatriques et aux malformations de type agénésie qui sont particulièrement traumatisants pour les familles qui n'obtiennent pas de réponse à leurs interrogations. Au niveau du département, il s'agirait de renforcer, par la prévention, ses missions sociales de santé et de solidarité, et de contribuer à réduire les inégalités territoriales et sociales en santé-environnement.

Les rares exemples existants, tels que Lyon, Valence ou Lorient, reposent sur une démarche volontaire qu'il importe de généraliser par une réglementation encadrant cette territorialisation de la santé environnementale, à l'échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), à la fois par souci d'une prévention efficace, de cohérence et de saine gestion. Le passage du volontariat à l'obligation pour les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) constitue un exemple encourageant à suivre pour une territorialisation de la santé environnementale dans son ensemble. Ces déclinaisons territoriales devront faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation au niveau national par un office ou un pôle territorial en santé-environnement.

Nous insistons sur deux moyens d'action incontournables pour la cohérence du concept « Une seule santé » :

– la formation initiale et continue dans de nombreuses disciplines, incluant la prévention sanitaire environnementale, en ce qui concerne les médecins et les paramédicaux, les grandes écoles qui forment les élites administratives et les élus, ainsi que dans le domaine de l'agriculture, de nombreuses branches industrielles, dans les filières de l'énergie, le bâtiment et les travaux publics, en direction des urbanistes et des aménageurs, des modes de transport, etc. ;

– l'évaluation du coût de l'inaction par manque de prévention et celui des externalisations négatives des pratiques générant des facteurs de risques supportés par la collectivité. L'analyse bénéfice-coût-risque doit être intégrée dans l'approche, le suivi et le bilan d'une activité, d'une filière ou d'une politique et, ainsi, déterminer les choix et la planification.

Outre ces préconisations visant à instaurer une politique de prévention sanitaire environnementale efficience et efficace, FNE participe activement au suivi de thématiques sectorielles.

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