L'audition débute à quatorze heures.
d. France nature environnement (FNE) fédère, depuis 1968, les associations françaises de protection de la nature et de l'environnement. Elle est présente dans les instances de concertation au niveau européen, national et territorial et est organisée en réseau, dont l'un est consacré aux questions de santé et d'environnement.
À ce titre, nous recevons M. le Docteur Lilyan Le Goff, qui est médecin, membre du directoire du réseau santé-environnement, Mme Katia Baumgartner, qui est cadre de santé et membre du directoire et Mme Sylvie Platel, qui est docteur en santé publique et coordonnatrice du réseau.
Nous sommes intéressés à connaître l'appréciation de FNE en ce qui concerne la mise en œuvre des politiques de santé environnementale en France et sur les priorités qui doivent les animer.
(M. Lilyan Le Goff, Mme Katia Baumgartner et Mme Sylvie Platel prêtent serment).
Je suis coordinatrice du réseau santé-environnement de France nature environnement. Le réseau œuvre quotidiennement pour mettre en évidence l'impact de l'environnement sur nos santés et pour trouver les moyens d'y remédier à court, moyen et long terme.
France nature environnement, qui a été créée en 1968, est reconnue d'intérêt public. En tant que fédération des associations de protection de la nature et de l'environnement, elle est la porte-parole d'un mouvement de 3 500 associations. Elle présente un maillage territorial dense puisque le mouvement est présent sur tout le territoire en Métropole et en Outre-mer. Elle compte 880 000 hommes et femmes engagés, ce qui représente une force considérable, un savoir inestimable et des actions au plus près du terrain. Il s'agit de l'une des premières associations environnementales à s'être investie dans un volet santé-environnement avec la création, en 1997, de ce réseau que nous représentons aujourd'hui, suivant une préoccupation « One Health », alors d'avant-garde, au cœur de nos plaidoyers et de l'actualité.
En vingt ans, nous avons développé une expertise dans un contexte mouvant, puisque la place de la santé environnementale dans l'espace public a évolué. Nous pesons dans les instances adéquates, comme les agences sanitaires, Santé publique France et l'Anses, et sommes une partie prenante dans la construction des politiques publiques, notamment le plan national de santé-environnement, les plans régionaux de santé-environnement, la stratégie nationale de lutte contre les perturbateurs endocriniens, le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques, etc.
Nous assurons une veille sur les concepts incontournables liés au champ de la santé environnementale comme l'exposome, l'épigénétique, l'origine environnementale des maladies, les 1 000 premiers jours de la vie et la multiexposition aux toxiques. Nous veillons à créer des passerelles entre le monde de la recherche et la société civile. Nous engageons des actions contentieuses, notamment dans le cas du « dieselgate ».
Ces aspects font de la santé environnementale un domaine multiforme, multidisciplinaire et transversal dont la finalité est la prévention.
Pour bâtir une politique publique de santé environnementale, il faut d'abord considérer l'état des lieux. Le droit constitutionnel de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est proclamé. En revanche, faute de transposition législative, il ne peut être appliqué pour bénéficier effectivement aux populations, les seules mentions légales relevant de l'hygiène et de la salubrité publique.
Faute de prévention, la politique de santé n'est bien souvent que curative et limitée à la gestion des maladies, alors que la spécificité de la santé environnementale est d'intégrer la prévention sanitaire dans les mesures politiques et l'aménagement des territoires. Pour ce faire, encore faudrait-il une approche cohérente et non cloisonnée en plans thématiques qui sont presque au nombre de trente-cinq et qui sont qualifiés de plans « silos », car juxtaposés sans coordination. Il est également nécessaire d'avoir une approche tenant compte des spécificités de chaque bassin de vie, en termes d'exposition à des risques. Il faut territorialiser la santé environnementale, ce qui implique une dévolution de compétences en santé-environnement aux collectivités locales. Le rapport d'évaluation du PNSE3 le juge d'ailleurs décevant car peu opérationnel et éloigné des territoires sans que baisse le niveau des risques.
Le facteur économique n'est jamais pris en considération, alors que le coût de l'inaction par manque de prévention s'avère considérable. Celui de la pollution de l'air est évalué par le Sénat à 100 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du plan de relance post-COVID sur plusieurs années. S'il est un enseignement à tirer de l'actuelle crise sanitaire, due à un « effet boomerang » des perturbations portées à la biodiversité sous forme de zoonoses émergentes, ce sont bien les graves conséquences socio-économiques qu'elle engendre, amplifiées par ce défaut de prévention. Une politique de prévention sanitaire et environnementale est aussi cruciale pour une saine gestion économique.
FNE fédère quelque 3 500 associations, qui sont à la fois sentinelles et force de proposition, implantées sur l'ensemble de l'Hexagone et les départements ultramarins. Elle plaide pour que la France se dote résolument d'une politique de prévention qui territorialise la santé environnementale et qui devrait être charpentée par un axe stratégique dénommé « Une Santé » tenant compte de l'interdépendance entre l'humain, l'animal, le végétal et l'environnement, incluant le climat. Elle devrait se doter d'un axe opérationnel pour décloisonner et coordonner les approches thématiques avec une gouvernance nationale interministérielle et au niveau des territoires dotés de nouvelles compétences, ce qui impliquerait, pour le Parlement, une loi portant sur une dévolution de compétences en santé-environnement aux collectivités locales avec des plans régionaux santé-environnement coordonnant la réalisation, pour chaque EPCI, de diagnostics locaux de santé-environnement visant à inventorier leurs exposomes, suivis de plans territoriaux d'action en santé-environnement pour y remédier. Ceci renforcerait la prévention aux étapes clés de la vie, permettrait de repérer d'éventuelles synergies en complémentarité avec les données et registres épidémiologiques qui seraient ainsi renforcés, notamment pour mieux comprendre l'émergence de certains clusters. Je pense particulièrement aux cancers pédiatriques et aux malformations de type agénésie qui sont particulièrement traumatisants pour les familles qui n'obtiennent pas de réponse à leurs interrogations. Au niveau du département, il s'agirait de renforcer, par la prévention, ses missions sociales de santé et de solidarité, et de contribuer à réduire les inégalités territoriales et sociales en santé-environnement.
Les rares exemples existants, tels que Lyon, Valence ou Lorient, reposent sur une démarche volontaire qu'il importe de généraliser par une réglementation encadrant cette territorialisation de la santé environnementale, à l'échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), à la fois par souci d'une prévention efficace, de cohérence et de saine gestion. Le passage du volontariat à l'obligation pour les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) constitue un exemple encourageant à suivre pour une territorialisation de la santé environnementale dans son ensemble. Ces déclinaisons territoriales devront faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation au niveau national par un office ou un pôle territorial en santé-environnement.
Nous insistons sur deux moyens d'action incontournables pour la cohérence du concept « Une seule santé » :
– la formation initiale et continue dans de nombreuses disciplines, incluant la prévention sanitaire environnementale, en ce qui concerne les médecins et les paramédicaux, les grandes écoles qui forment les élites administratives et les élus, ainsi que dans le domaine de l'agriculture, de nombreuses branches industrielles, dans les filières de l'énergie, le bâtiment et les travaux publics, en direction des urbanistes et des aménageurs, des modes de transport, etc. ;
– l'évaluation du coût de l'inaction par manque de prévention et celui des externalisations négatives des pratiques générant des facteurs de risques supportés par la collectivité. L'analyse bénéfice-coût-risque doit être intégrée dans l'approche, le suivi et le bilan d'une activité, d'une filière ou d'une politique et, ainsi, déterminer les choix et la planification.
Outre ces préconisations visant à instaurer une politique de prévention sanitaire environnementale efficience et efficace, FNE participe activement au suivi de thématiques sectorielles.
France nature environnement intègre dans ses travaux le caractère plurifactoriel des effets de l'environnement. Nous travaillons sur des thématiques très fortes comme la qualité de l'air intérieur, avec la problématique des composés organiques volatils, et extérieur, en lien avec les pollutions liées aux émissions de gaz à effet de serre et de microparticules. Nous avons été précurseurs et lanceurs d'alerte dans le « dieselgate ». Nous traitons également des sujets porteurs et novateurs : les pollutions maritimes et la problématique liée aux émissions des activités agricoles. Nous nous soucions également de l'évolution des allergènes. Nous suivons très attentivement la problématique liée à l'ambroisie.
Nous avons été précurseurs dans le domaine des perturbateurs endocriniens et des nanoparticules. Nous travaillons sur l'obligation d'étiquetage sur l'ensemble des produits, l'interdiction des substances reconnues et identifiées comme étant des perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés et sur la problématique des nanoparticules. Nous avons remporté quelques victoires comme la suppression du dioxyde de titane dans l'alimentation, suppression que nous estimons toutefois insuffisante, notamment dans les cosmétiques. Nous portons haut et fort les demandes de réformes et d'accentuation des réglementations au niveau national et européen. Nous avons une large activité en ce qui concerne le bruit avec la protection des riverains, l'amélioration des normes, comme des bâtiments, dans la rénovation sonore.
FNE compte une quinzaine de réseaux thématiques sur l'ensemble du mouvement, en particulier sur la qualité des eaux avec les problématiques liées aux effluents, les résidus de pesticides, de polluants divers et de médicaments. Nous avons des alertes avec l'usage des biocides et des détergents au niveau du littoral. En ce qui concerne la prévention des déchets, nous avons la problématique des incinérations et des lixiviats, qui sont des jus de fermentation issus des produits enfouis. Le texte réglementaire portant sur la sortie des produits fermentescibles des poubelles, qui posent de réels soucis de pollution des sols, des cours d'eau et des nappes phréatiques, sera mis en place dès 2022. Nous traitons la problématique des plastiques et des emballages. Au-delà de la pollution évidente, beaucoup sous-estiment ou mésestiment la pollution par le retour de ces plastiques dans la chaîne alimentaire : ils se retrouvent dans l'environnement et sont absorbés par la faune et la flore.
Nous traitons de thématiques très fortes relatives à l'alimentation et l'agriculture, en lien avec les produits phytosanitaires, s'agissant de la problématique des pesticides perturbateurs endocriniens, des élevages intensifs et de l'usage des antibiotiques. Il existe forcément une corrélation étroite avec la santé humaine et l'émergence des antibiorésistances.
En ce qui concerne la biodiversité globale, le changement climatique et la perturbation des écosystèmes en lien avec les activités humaines entraînent des maladies émergentes, des zoonoses et des maladies vectorielles dont la crise actuelle est l'un des témoins. Dans nos travaux, nous portons des sujets très lourds, notamment en ce qui concerne les cancers pédiatriques et l'agénésie transverse des membres supérieurs en relation avec des activités industrielles ou des pollutions environnementales non identifiées.
L'ensemble de ces actions sont mises en œuvre de façon très pratique et opérationnelle, par des opérations de sensibilisation et de formation au sein de nos fédérations. Cela nous permet de prendre la mesure des préoccupations au plus près des citoyens, de mutualiser les retours d'expérience et de faire émerger des signaux faibles, qui passent souvent en dessous des « radars institutionnels ». Cette approche territoriale et de proximité éclaire notre volonté de décloisonnement et de coordination globale des politiques publiques.
Le site « Sentinelles de la nature » permet de signaler toute atteinte environnementale, y compris positive. Un suivi de ces signalements est assuré, pouvant aller jusqu'à des contentieux très forts dans les territoires. Il s'agit d'une veille citoyenne ne nécessitant pas d'être adhérent à FNE.
Notre réseau santé-environnement et notre partenariat avec l'ensemble des réseaux thématiques, nous permet d'appréhender totalement le concept « One Health » dans notre approche, puisque la santé humaine est complètement interdépendante de l'état de l'environnement. Nous ne pouvons qu'accentuer la démarche consistant à améliorer et à développer la prévention dans tous les domaines, ce qui équivaut à investir durablement.
Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de revoir les textes législatifs et les compétences attribuées aux collectivités territoriales.
Les PRSE sont les outils participatifs de la mise en place des politiques publiques en matière de santé environnementale à l'échelle des territoires. Je voudrais avoir votre regard critique sur leur effectivité dans les territoires. Que pourriez-vous proposer pour améliorer la participation de la société civile à l'organisation, la mise en place et la gestion des politiques ?
Vous évoquiez le site « Sentinelles de la nature » qui appelle à la veille citoyenne avec une démarche juridique à la clé. Avez-vous connaissance de l'existence de la commission nationale « déontologie et alertes en santé publique et environnementale » (CnDAPse) ? Avez-vous eu l'occasion de formuler des propositions dans ce cadre ?
Concernant la première question, j'ai siégé durant plus de dix ans, dès sa création, au comité de pilotage du plan régional santé-environnement de Bretagne. Parallèlement, j'étais membre de la conférence des territoires de santé au sein de mon agglomération de Lorient-Quimperlé. J'ai rapidement constaté, particulièrement dans le cas de la conférence des territoires, qui comptait essentiellement des membres du sérail médical, dont beaucoup d'hospitaliers, que certains ignoraient totalement l'existence du PRSE. Si je n'avais pas été présent, en tant que représentant des associations environnementalistes, en l'occurrence originaires de Bretagne, ils n'auraient pas eu d'informations à ce sujet. Je les ai donc informés sur la santé environnementale et certains ont fait valoir qu'ils n'avaient pas été formés à la santé-environnement. Je rappelle que les attendus du PRSE prévoient sa déclinaison dans les territoires. Or je constate un hiatus entre le niveau de la région proprement dite et ce qu'il advient dans les territoires. La santé environnementale passe par la circulation de l'information.
J'ai largement insisté pour que le PRSE s'inquiète des territoires et aide à la réalisation d'une politique efficace de prévention liée à l'environnement au plus près des populations, ce qui ne figure pas dans ses objectifs. Je ne fais plus partie du comité directeur du PRSE, mais je sais qu'il existe toujours des effets d'annonce et des objectifs extrêmement importants et louables comme la correction des inégalités sociales et territoriales en santé-environnement. Comment corriger les inégalités au plus près des bassins de vie sans diagnostics locaux santé-environnement liés à l'agglomération avec des plans d'action placés sous la responsabilité des élus locaux ?
Concernant la mise en œuvre de ces plans d'action, il existe un diagnostic au niveau de Lorient Agglomération. Étant aux deux extrémités de la chaîne au début des années 2010, j'ai plaidé pour territorialiser. Je me rappelle que le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne avait affirmé que nous viendrions à cette notion de territorialisation, laquelle est finalement tout à fait récente. Il faut convaincre afin que les esprits évoluent pour l'accepter dans la mesure où la France est extrêmement centralisée dans une organisation pyramidale, malgré les décentralisations qui nous sont régulièrement rappelées. Par conséquent, les personnes de terrain ont l'habitude d'attendre les directives. Des positions sont néanmoins prises au niveau du terrain pour prendre les affaires en main.
Toutefois, lorsque l'on restitue aux politiques et aux responsables de l'agglomération un diagnostic local santé-environnement sous l'égide de l'ARS, qui a missionné et budgété l'observatoire régional de la santé de Bretagne, lequel a procédé à de nombreuses auditions sur le territoire pour amener à ce diagnostic afin d'inventorier l'exposome lorientais, certains s'interrogent. Or le diagnostic n'est que la première partie de la démarche. La directrice de l'ARS, qui était présente en personne pour rassurer les élus et était assez timide dans cette approche, a indiqué : « Nous savons que nous n'avez pas toutes les compétences pour le faire, mais nous vous aiderons étant donné que vous êtes engagés dans une démarche tout à fait louable de prévention pour améliorer la qualité de vie de vos concitoyens ». Certains élus d'autres agglomérations que j'ai réussi à convaincre craignaient de se faire retoquer faute d'avoir les compétences.
Je reviens à votre questionnement et à la nécessité d'une loi, non pas pour tout réinventer, puisque des dispositions existent dans le code de la santé et de l'urbanisme. Il convient d'accentuer nettement la démarche, ce à quoi les esprits sont prêts, sous réserve, compte tenu de l'organisation pyramidale de notre pays, de passer par la loi en matière de santé-environnement et à condition qu'elle ose afficher cette volonté politique au plus haut niveau.
Qu'en est-il de ma question sur les « Sentinelles de la nature » ? FNE est représentée à la CnDAPse ? N'est-ce pas redondant ?
En tant que membre du directoire de FNE, je connais cette commission, puisque Agnès Popelin en est membre. Il existe une certaine complémentarité. Selon l'ampleur des signalements, nous demandons aux personnes concernées de faire un signalement auprès de la commission. Suivant la problématique, le comité de pilotage essaie d'engager des poursuites et d'effectuer le signalement en parallèle.
Nous constatons plutôt une méconnaissance de cette commission et de son accessibilité, de la part du tissu associatif ou du citoyen lambda, pour effectuer des signalements directs. L'outil FNE et « Sentinelles de la nature » est assez interactif. Il présente un aspect extrêmement visuel avec une cartographie presque en temps réel des signalements proposés et de certains suivis. Je pense que nous sommes plutôt complémentaires. Effectivement, il faut éviter les superpositions et les pertes.
La démarche de participation citoyenne commence à « infuser » dans l'ensemble des dispositifs. Nous pensons que la parole citoyenne est insuffisamment prise en compte ou légitimée en termes de savoir profane. Nos représentativités d'associations ou d'individus citoyens, au sein de certaines instances, de commissions et de groupes de travail, sont relativement modestes. Il peut aussi exister une limite dans l'expression individuelle de la société civile. Le travail qui a été amorcé mérite fortement d'être développé.
Le mouvement FNE est un réseau de bénévoles, lesquels donnent beaucoup de leur temps. Il n'est pas simple de participer à de nombreuses commissions ou réunions. La dématérialisation n'est pas toujours « accrocheuse » et il n'est pas toujours aisé d'y accéder. Des efforts de part et d'autre pourraient être fournis sur ce point.
Nous avons partagé un travail avec un groupe de recherche de l'IRSN sur l'intégration du citoyen dans les études scientifiques, qui montre un besoin d'acculturation collective accompagnant la vulgarisation, afin que le citoyen se sente légitime. Nous ne disposons pas toujours des espaces nécessaires pour exprimer ce que nous observons sur le terrain. Nous rencontrons parfois un manque d'écoute, quand des dogmes institutionnels sont en cause.
Nous sommes acteurs et intéressés à promouvoir un volet de science citoyenne qui permettrait aux parties prenantes de co-construire des recherches interventionnelles qui ne soient pas déconnectées des réalités du terrain ou des problématiques locales, notamment liées à l'environnement. Ce mouvement existe, mais est actuellement trop fermé sur lui-même. Nous tentons de construire des ponts, notamment sur des questions de capteurs citoyens pour mesurer la pollution de l'air, en lien avec des chercheurs du CNRS. Il s'agit d'une tendance extrêmement intéressante à nos yeux afin de faire profiter le monde académique des savoirs profanes. Il convient d'acculturer les personnes tout en restant chacun dans son domaine dans le cadre d'une méthodologie.
Quelle est votre définition de la santé environnementale ? Avez-vous pris connaissance du PNSE4 actuellement soumis à consultation publique ? Qu'en pensez-vous ? Qu'apporte-t-il quant à la politique sanitaire de prévention, l'enjeu crucial de la recherche ? Quels outils utilisez-vous pour alerter les pouvoirs publics ? Avez-vous des liens avec l'Association des maires de France ou d'autres associations ? Si oui, dans quels cas ?
Alors que la pandémie de COVID-19 pousse la société française à se pencher sur l'exposition à des zoonoses et leurs risques induits, comment améliorer la gouvernance française en termes d'information, de sensibilisation et d'action en ce qui concerne l'interdépendance de la santé de l'homme, des animaux, du végétal et de l'environnement ?
Quant à la définition de la santé environnementale, nous tendons à nous fonder sur la définition officielle de l'OMS qui date de 1994 et qui évoque tous les aspects de la santé environnementale, la qualité de vie, les facteurs physiques, chimiques, sociaux, etc. Elle est absolument indissociable de la politique et des pratiques visant à mener des actions en faveur d'une amélioration de ces facteurs. La définition reprend également l'idée des populations actuelles et futures affectées. Nous sommes très attachés au fait qu'un enfant qui naît maintenant ne grandira pas dans le même état de santé que nos générations, compte tenu de ces expositions multiples et du changement de paradigme d'un certain nombre de produits auxquels il sera exposé dès le plus jeune âge, ce qui impactera la santé de l'adulte qu'il deviendra.
En tant que professionnelle de santé publique, j'ai pu observer une évolution du concept. Il est question de santé environnementale dans certains milieux et de santé-environnement dans d'autres. Nous gagnerions à avancer sur une définition partagée compte tenu des aspects multiformes, multidisciplinaires, multithématiques, multi-entrées et multi-transversalité de ce champ. À mes yeux, il s'agit d'abord d'un champ scientifique qui est en pleine évolution et bien documenté, notamment sur les modes d'action, mais le volet relatif aux politiques publiques est essentiel.
Il est important de bien s'entendre sur les termes. Il s'agit d'être conscient que, selon les perturbations portées à l'environnement, l'homme agresse lui-même sa santé. La santé environnementale induit une prise de conscience, le diagnostic des impacts que notre environnement peut avoir sur notre santé, qu'ils soient liés à la dégradation de l'environnement tenant aux activités humaines ou que, sans avoir été modifié, il puisse être pathogène pour l'homme comme, par exemple, les émanations de radon du sous-sol qui engendrent des cancers du poumon.
Le traitement consiste à modifier les facteurs environnementaux qui sont pathogènes. Faute de pouvoir le faire, il existe des mesures d'évitement. Du traitement curatif, nous passons à la prévention, en améliorant les conditions de vie pour les générations à venir. La santé environnementale comprend une composante liée au souci de l'héritage à léguer aux générations futures.
Le PNS4 occupe largement notre temps et nous rendrons prochainement notre copie. Il manque le souci de la transversalité dans l'approche coordonnée des thématiques pour les traiter en cohérence, ce qui nécessite une loi pour territorialiser la santé-environnement.
Nous sommes en relation avec l'Association des Maires de France. Nous avons participé à des assemblées générales et des congrès. Je suis personnellement en relation avec l'association Santé Environnement France qui est uniquement constituée de médecins et de paramédicaux. Nous disposons d'un maillage qui couvre l'ensemble du territoire français et croisons nos réseaux avec d'autres collègues d'ONG, avec lesquels nous sommes complémentaires. Au niveau national, j'ajouterai les relations avec les conseillers des ministères. En tant que pilote de la mission biotechnologie de France nature environnement durant une dizaine d'années, lors du Grenelle de l'Environnement, je peux vous assurer que nous étions en relation régulière et étroite avec les conseillers du ministère de l'Environnement de l'époque. Ils avaient besoin de nous pour faire remonter des témoignages et des informations. Nous étions dans la préparation de la loi OGM, dont il faudrait se souvenir pour éviter quelques dérapages qui sont en gestation. Je pense à la course au vaccin contre le coronavirus qui est essentiellement fabriqué par génie génétique. Certaines manipulations génétiques sont en relation avec la loi OGM. Ce matin, j'ai vu passer une volonté de simplifier les procédures afin de ne pas freiner la course au vaccin. Il semble que, pour ce faire, il faille alléger l'évaluation de l'impact environnemental pour ne se fier qu'à l'aspect lié au vaccin et à la santé.
Nous sommes donc rompus aux relations avec le niveau gouvernemental et les conseillers des ministères.
S'agissant du PNSE4, je souligne le manque crucial de pertinence concernant certains types d'indicateurs, les moyens alloués et le calendrier, et l'absence de caractère prescriptif. Il est beaucoup trop basé sur le volontariat.
S'agissant des outils concernant les relations avec les autres instances de politiques publiques, nous disposons d'un réseau de territoires et de villes soutenables incluant un partage inter-réseaux auprès des collectivités locales.
S'agissant de la sensibilisation de la population, peut se poser la question de l'intégration des notions de prévention et de santé dès le plus jeune âge dans des socles communs dans l'éducation à la santé et les systèmes éducatifs. Ces éléments doivent infuser le plus tôt possible afin d'être intégrés dans les comportements de tout un chacun. Il s'agit de faciliter la compréhension de ces enjeux.
S'agissant de la problématique de la participation de la société civile, des enquêtes et des débats publics sont proposés, lesquels font parfois l'objet d'allégements ou d'entorses, ce qui nous conduit à alerter. Nous constatons également des délais de réponse réduits sur des dossiers extrêmement complexes.
L'audition s'achève à quinze heures.