Intervention de André Cicolella

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

André Cicolella, président du Réseau environnement santé :

Oui, cela fait bien évidemment partie de nos objectifs en prenant le mot « politique » au sens le plus noble du terme, celui de la gestion de la cité. Nous avons un système de santé construit sur le modèle de l'après-guerre, c'est-à-dire que c'est un système de soins. Nous avons beaucoup progressé parce que les progrès médicaux ont été considérables, mais nous avons eu tendance, petit à petit, à croire que nous allions tout régler par ces progrès médicaux.

Lorsqu'arrive une pandémie telle que celle-ci, nous faisons face, mais nous n'avons pas la solution immédiatement. Il faut traiter le problème en amont. Nous avions autrefois à résoudre des problèmes de baignoire et de robinet. Lorsque nous ne fermons pas le robinet, la baignoire finit par déborder car elle est limitée et nous sommes dans cette phase.

Le système de santé doit reposer sur deux piliers. S'intéresser à la maladie lorsque les gens sont malades et les soigner est bien, c'est un système de soins. Toutefois, il faut aussi s'intéresser à la maladie en amont, c'est-à-dire à la santé environnementale. Il s'agit de repenser la santé publique dans cette optique comme nous l'avions fait au XIXe siècle lorsque nous étions confrontés aux pandémies de grandes maladies infectieuses. Lorsque les gens mouraient massivement du choléra ou de la tuberculose, nous avons transformé les villes. Nous avons ramassé les déchets et je rends hommage au préfet Poubelle. Nous avons réalisé des adductions d'eau, Paris est devenu une ville avec de grandes artères. Nous avons donc transformé l'environnement et fait de la santé environnementale, y compris en éduquant la population dans ce sens, ce qui est une dimension importante. Les droits sociaux ont permis aux gens de mieux maîtriser leur propre environnement. Je pense qu'il faut partir de cet exemple, dans un contexte différent, mais qu'il faut une deuxième révolution de la santé. L'objectif est de refonder notre système de santé, nos institutions de prévention.

Regardez les changements de paradigme d'aujourd'hui. Les perturbateurs endocriniens jouent un rôle, mais le concept de l'origine environnementale de la maladie est un concept plus large. La protection de la grossesse et de la petite enfance est une question centrale aujourd'hui et c'est un changement de paradigme, car la politique de santé publique n'a pas été construite sur cette idée. Elle l'était en 1945, lorsque la protection maternelle et infantile (PMI) a été créée pour faire reculer les maladies infectieuses. Aujourd'hui, votre collègue, Mme Michèle Peyron, a réalisé un rapport pour dire que la PMI est en danger. Cette institution doit être refondée autour de cet enjeu qui est sa raison d'être : la question de la grossesse et de la petite enfance. Nous savons bien que l'action des perturbateurs endocriniens, mais plus largement les stress chimiques, nutritionnels et même psychoaffectifs affectent la santé de l'enfant, du futur adulte et ce, sur plusieurs générations.

Les perturbateurs endocriniens et l'ensemble des stress agissent sur plusieurs générations : nous en avons la preuve scientifique. Il s'agit de savoir comment agir maintenant, sachant qu'une grande partie de nos réglementations reposent sur un paradigme ancien qui est aujourd'hui dépassé. Il faut revoir les règles, compte tenu de la science d'aujourd'hui et il me semble qu'il vaut mieux que la réglementation soit basée sur la science d'aujourd'hui que sur une science datant de 50 ans.

C'est le cas pour l'eau en particulier. Les critères utilisés pour définir l'eau potable sont devenus pour l'essentiel obsolètes. Nous avons fait un colloque sur ce sujet voici deux ans et personne ne nous a contredits. En matière de perturbateurs endocriniens, nous ne pouvons pas juger la qualité de l'eau comme nous le faisions jusqu'à présent. Il faut intégrer un indicateur qui permette de dire ce qu'est une eau potable du point de vue des perturbateurs endocriniens.

Le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne fait des propositions très précises en matière d'indicateurs biologiques. L'enjeu de la refondation de notre système de santé est aussi de refonder les normes et le fondement scientifique sur lequel elles reposent.

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