Intervention de André Cicolella

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

André Cicolella, président du Réseau environnement santé :

Un des enjeux dans cette discussion porte sur les compétences des collectivités locales. Nous voyons bien que le régalien ne peut pas assumer toutes les responsabilités à ce niveau.

Déclarer qu'une substance est un perturbateur endocrinien n'est certes pas une question locale car ce serait assez surprenant qu'une substance soit déclarée perturbatrice en Bretagne, mais pas en Pays de la Loire. Le niveau européen est ici le bon niveau d'ailleurs.

Par contre, les problèmes de santé environnementale ne peuvent pas être gérés de la même façon en Seine-Saint-Denis ou dans les Yvelines. Je fais donc référence aux CPTS, comme premier niveau de prise en charge de la santé environnementale, parce que l'ensemble des professionnels de santé s'y trouve. C'est le lien avec la population au niveau local.

Le niveau départemental est l'enjeu d'institutions comme la PMI. Cette institution doit être refondée autour de ce qui est son objectif historique, mais par rapport aux enjeux sanitaires actuels. Il faut aussi travailler la santé scolaire ; nous ne pouvons pas faire reculer l'obésité infantile et les troubles du comportement sans repenser la santé scolaire.

Un autre enjeu est la santé au travail ; le modèle de la santé au travail date de 1945 en séparant le travail de l'environnement et ce n'est pas pertinent. La période sensible est celle de la grossesse, mais personne ne s'occupe vraiment du fœtus lorsqu'il va sur le lieu de travail. Si le fœtus est impacté par une exposition au travail, il aura du mal à se faire reconnaître en maladie professionnelle. Cela paraît absurde alors que c'est un enjeu. Je pense donc qu'il faut sortir la santé au travail de son ghetto. Les normes en matière de santé au travail peuvent être dans un rapport de 1 000 à 20 000 entre la norme environnementale et la norme professionnelle.

J'imagine personnellement des agences régionales de santé environnementale pour regrouper les moyens, donner plus de pouvoir au niveau régional en lien avec les collectivités locales. Il faut un certain niveau de regroupement pour avoir la compétence technique. Le niveau régional est certainement le bon niveau. Les conseils régionaux auraient un rôle important à jouer. La mise en œuvre se ferait au niveau local avec les CPTS, en lien avec les collectivités locales.

Il faut également développer des métiers nouveaux. Je me flattais d'avoir lancé en 1998 un réseau santé et environnement intérieur pour regrouper tous ceux qui travaillent sur le sujet en France. Je suis passé au journal de TF1 parce que nous avions mis en évidence le fait que l'environnement intérieur était plus pollué que l'environnement extérieur, ce qui est aujourd'hui une banalité. Il faut sortir l'environnement intérieur de sa marginalité ; beaucoup de phénomènes se jouent à ce niveau. La fonction de conseiller médical en environnement intérieur a été créée voici une dizaine d'années et elle doit s'intégrer dans les CPTS pour qu'un professionnel fasse le lien entre les professionnels de santé et la dimension santé environnementale.

Il ne faut pas oublier de définir ce qu'est un professionnel de santé : nous confondons professionnel de santé et professionnel de soin. Pour moi, un ingénieur chimiste est, d'une certaine façon, un professionnel de santé. Il construira un environnement favorable ou défavorable. J'ai fait ce matin une réunion avec les urbanistes de l'école des ingénieurs de la ville de Paris : ils n'ont pas de formation en santé environnementale. Cette vision doit être portée dans toutes les professions. Si les ingénieurs chimistes, qui ont mis au point le polycarbonate à base de bisphénol et étaient très fiers d'avoir inventé un plastique alimentaire pour les biberons, avaient eu quelques connaissances, ils nous auraient évité de faire ce choix.

Je vois les états généraux comme le moment d'une discussion. Il faut les préparer pour savoir de quoi discuter. Il ne faut pas des cahiers de doléances. Il faut que la réflexion et les attentes de la population se soient manifestées dans des rencontres assez décentralisées et que l'ensemble se traduise en objectifs institutionnels et politiques. J'ai par exemple évoqué un opérateur dédié à la recherche en santé environnementale qui serait en fait la transformation de l'Initiative française pour la recherche en environnement-santé (IFRES). L'IFRES est actuellement une coordination des alliances, mais il faudrait un véritable opérateur chargé de la recherche en santé environnementale, de coordonner et de lancer des programmes par exemple sur l'exposome, avec un financement adapté.

Nous avons un programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens qui n'est pas financé d'une année sur l'autre. Ce n'est pas possible ! Une stratégie de recherche se construit sur le moyen terme, à l'échéance de cinq à dix ans. Nous ne pouvons pas douter aujourd'hui de la nécessité de le faire. Nous ne pouvons pas prendre une décision politique qui risque d'être remise en cause d'une année sur l'autre.

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