Il paraît de plus en plus d'articles sur ces sujets et la population en prend donc conscience. Nous le voyons sur le terrain, d'autant plus que c'est un carnage en ce moment. Nous avons des questions du type : « Pourquoi ai-je eu un cancer ? », « Pourquoi j'ai eu ça ? ». Parfois, ils ne fument pas, mais ils ont d'autres facteurs de risque, notamment des facteurs environnementaux. La population commence à prendre conscience de ces questions.
C'est plus difficile dans les milieux défavorisés où beaucoup continuent à faire n'importe quoi. C'est pourquoi rendre obligatoire une consultation de prévention pendant la grossesse peut être un élément important pour les populations en difficulté.
Il faut des relais auprès de la société civile pour donner les bons conseils. Ces relais peuvent être les professionnels de santé, s'ils sont formés. Le service national sanitaire bute sur cette même nécessité de former les personnes. J'ai discuté avec l'URPS à propos des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui sont précisément conseillées par l'URPS. L'élément essentiel des CPTS est l'organisation de l'offre de soins, mais il existe aussi un aspect prévention. Chaque CPTS doit choisir, selon le type de population de son territoire, quelles actions privilégier. Si la population est plutôt jeune, elle peut privilégier les actions sur les perturbateurs endocriniens. Dans la région de Fos, elle privilégiera la pollution de l'air. Toutefois, la difficulté tient au constat que les cinq chargés de mission par département qui vont sensibiliser les médecins n'ont pas cette idée en tête. Il faut donc les former eux aussi, tout comme il faut former les acteurs territoriaux. Il existe toute une chaîne de dispensation des bonnes idées et il faut former tous les intervenants. Les professionnels de santé ont un rôle particulier parce qu'ils possèdent encore la confiance des gens. La CPTS est un bon outil parce que le patient voit plus le pharmacien et l'infirmière que le médecin. Ils doivent aussi être formés mais, tant que cette formation ne sera pas faite, les gens ne seront pas sensibilisés alors qu'ils posent de plus en plus de questions. Personne ne me croyait lorsque j'en parlais voici dix ans, maintenant ce sont les personnes elles-mêmes qui viennent me parler d'un rejet d'usine et me dire qu'ils ne vont pas bien.
Pour expliquer « One Health », je raconte l'histoire des vautours en Inde. Les vautours ont été décimés parce que du diclofénac a été prescrit à 10 % des vaches pour leurs rhumatismes, puisque les vaches sont soignées en Inde. Ce produit détruit les reins des vautours qui servaient à nettoyer les vaches mortes autour de la route. Du coup, les chiens errants ont proliféré, la rage a proliféré et nous avons maintenant 30 000 morts de la rage en Inde. Les conséquences financières et sanitaires sont importantes. Il a fallu vacciner les chiens, les gens, enlever les carcasses. De plus, les gens qui récupéraient les os bien nettoyés par les vautours pour les broyer et en faire du fertilisant ont perdu leur travail. Enfin, sur le plan culturel, le vautour représentait le lien avec le ciel et ils ont perdu ce lien culturel. Ce médicament a donc eu un énorme effet sanitaire en cascade.
De même, plus la biodiversité est faible, plus l'incidence de la maladie de Lyme est élevée : c'est l'effet de la dilution. Les conséquences à long terme sont effroyables, même sur le cœur.
Il faut donc prendre en compte ce concept de « One Health ». Avec les vétérinaires, nous avons insisté sur les biocides. Comment le plan sur l'antibiorésistance peut-il ne pas intégrer les biocides qui participent à l'antibiorésistance ? Il existe des résistances croisées, puisque ce sont les mêmes mécanismes. Le PNSE 4 ne prévoit pas de réduction de l'usage des biocides, simplement de mieux les utiliser. Il faut écrire « réduction ». Que ce soit dans les milieux médicaux, vétérinaires, industriels, dans les élevages, il faut une éducation aux biocides. La stratégie du « plan chapeau » permettrait de remarquer qu'il manque tel item et d'articuler l'ensemble.
Ce concept de « One Health » prend ainsi toute sa signification et nous poussons dans ce sens. Nous avons écrit plusieurs lettres à cet égard aux ministres de la Transition écologique et de la Santé. Nous demandons de recréer ce groupe de travail au sein du PNSE.