À l'origine, le financement des dispositifs de recherche en santé-environnement provenait pour l'essentiel du ministère de l'Environnement. À ma connaissance, ce ministère, devenu aujourd'hui ministère de la Transition écologique, n'a plus d'appels à projets. C'était pourtant une très bonne idée : les initiatives prises dans le cadre de certains programmes de recherche étaient fabuleuses. Il faudrait recréer des appels d'offres par ce ministère mais, ces dernières années, le Gouvernement a voulu que la seule institution pouvant faire des appels d'offres soit l'ANR où toute approche globale de ces sujets, sortant d'une étiologie et d'un formalisme réductionnistes, n'est pas en odeur de sainteté, depuis quatre ou cinq ans. La plupart de mes collègues ont cessé de répondre aux appels d'offres de l'ANR, lorsqu'ils proposent des visions globales, car ils sont sanctionnés à la lumière de cette vision très conservatrice d'une étiologie réductionniste. Nous sommes plusieurs à ne plus répondre à l'ANR et à chercher l'argent ailleurs.
Si une nouvelle crise pandémique à virus a lieu, nous recruterons évidemment des virologues. Je ne dis pas qu'il ne faut pas en recruter. Nous en avons déjà beaucoup, il en faudra certainement d'autres, mais nous devons aussi réfléchir aux autres disciplines qui peuvent travailler en amont.
J'ai beaucoup travaillé dans le cadre du PNSE 2 et du PNSE 3, notamment pour le plan régional 3 en Guyane. J'ai été très sollicité par mon institution ces derniers mois pour le PNSE 4. Nous avons produit un document qui préconise une approche de santé-environnement en territoires, en suivant des cohortes de population.
Par exemple, des collègues de l'Inserm ont travaillé sur les niveaux d'incidence de la maladie de Parkinson en population humaine. Cette incidence est très liée au développement agricole et, en particulier, à certaines agricultures, dont notamment la viticulture. À l'intérieur même de la viticulture, le Bordelais est plus particulièrement touché. Les biocides ont été beaucoup utilisés dans cette région ces dernières années. Il existe ainsi un fort lien entre le développement agricole et la maladie de Parkinson, mais aussi probablement d'autres maladies.
Je préconise le suivi de cohortes de population humaine, mais aussi de populations d'espèces animales. Le même phénomène doit se produire chez les oiseaux, chez les batraciens, chez les bactéries du sol. Quels sont les niveaux des différents biocides dans le sol, dans les eaux ? Que deviennent les molécules issues des biocides ? Nous n'en savons rien. Nous demandons une meilleure coordination entre les ministères de l'Agriculture, de la Santé, de l'Environnement et de la Recherche. Nous souhaitons que soit conduite une étude sur huit à dix ans qui permettrait de comprendre, dans différents types de cohortes de différentes espèces, les incidences que peuvent avoir ces toxiques, ces biocides et autres sur la biodiversité, l'humain en faisant partie. Nous obtiendrions des faisceaux de compréhension sur différents éléments, dont l'humain, mais pas uniquement, qui nous permettraient de mettre en évidence les effets sur tel ou tel type de territoire. Voir ce qu'il se passe au niveau de multiples cibles serait mieux que de travailler uniquement sur l'humain, que de plonger systématiquement dans la recherche au laboratoire ou la recherche de la causalité pour savoir si telle molécule est bien responsable, est bien toxique.