Intervention de Jean-François Guégan

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h30
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Jean-François Guégan, directeur de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) :

Les changements ne peuvent de toute façon pas être drastiques. Il faudra des années pour assurer cette transition. Je travaille actuellement sur ces sujets à l'INRAE.

Nous ne savons pas bien, car peu de recherches ont été effectuées, si le fait de sortir des animaux d'élevage pour les remettre dans les champs présente des dangers sanitaires pour ces animaux. Ces animaux ont été mis sous cloche exactement comme nous avons été mis sous cloche, ces derniers mois, pour nous protéger d'un danger sanitaire. L'une des premières raisons de la constitution des élevages est la minimisation du risque sanitaire infectieux. Nous n'avons pas de réponse toute faite. Sans parler de l'élevage intensif, je vous explique finalement que mettre des animaux en élevage est intéressant, parce qu'il minimise le risque infectieux.

Nous savons que l'élevage mondial, notamment pour la production de viande rouge, donc essentiellement des ruminants, altère les terres, les espaces naturels, en particulier les forêts primaires atteintes de déforestation pour le développement de cet élevage. Ces vaches produisent des quantités importantes de gaz à effet de serre – 20 à 30 % – ce qui a un effet sur le changement climatique. De plus, la consommation de cette viande rouge est responsable de maladies chroniques, de cancers, de maladies cardiovasculaires ou du diabète de type 2. Manger de la viande n'apporte donc pas que des avantages, mais a aussi des conséquences dramatiques. Nous essayons à l'INRAE de calculer et de mesurer ces différents bénéfices et risques du développement de la production animale.

Nous devrons effectivement réduire notre consommation, en particulier de viande rouge. Je suis né dans les années 1960 et, à l'époque, la population mangeait en moyenne seulement deux ou trois fois par semaine de la viande rouge. Un excès de consommation a eu lieu dont nous voyons aujourd'hui les conséquences, les conséquences négatives étant bien supérieures aux effets positifs de cette consommation.

Il est important de réfléchir au développement de l'agriculture : dans quels espaces ? Comment ? Combien ? Il s'agit d'éviter des dangers sanitaires nouveaux, par exemple le risque infectieux. Des pays comme la Thaïlande, le Vietnam, le Nigeria ont toute une politique agroalimentaire de développement de production de poulets dans des zones à forte diversité biologique, donc à fort risque de nouvelles maladies infectieuses émergentes. Il faut vraiment réfléchir à ces orientations, à ces trajectoires. Nous ne pouvons pas empêcher ces pays de le faire, mais, d'ici dix ans, ces pays seront très probablement des foyers d'émergence de nouvelles infections.

Il faut développer la cartographie, la surveillance, l'incitation à de nouvelles orientations et proposer des solutions. Le problème de la viande de brousse, notamment en Afrique, ne provient pas tellement de la consommation elle-même, en ce qui concerne le risque infectieux, mais plutôt des pratiques de chasse lorsque les gens sont mordus ou griffés ou reçoivent des postillons ou des fèces lorsque les animaux sont tués. C'est probablement de cette façon que les précurseurs des virus HIV sont passés de l'animal à l'homme. Malgré tout, vous ne pouvez pas interdire à ces populations de chasser. Les populations les plus pauvres du monde pratiquent cette chasse, de manière séculaire. Il faut leur proposer les moyens de leur subsistance, en leur donnant la possibilité de développer une agriculture respectueuse de l'environnement.

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