Intervention de Marie-Jeanne Husset

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Marie-Jeanne Husset, administratrice de Wecf France et co-présidente du groupe de travail GT 2 (recherche, formation, information, éducation) du plan national santé-environnement (PNSE3) :

Auparavant, il y a aussi eu une évaluation à mi-parcours par le Haut conseil à la santé publique (HCSP). De plus, le groupe de travail a également mené sa propre évaluation, avant que son travail s'achève en 2019. Personne ne nous l'a demandé et nous l'avons réalisé pour nous-mêmes, afin de dresser le bilan de ces quatre années.

La deuxième présidente du GT 2 était Mme Jeanne Garric, présidente de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) – qui a récemment fusionné avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Nous avons émis des recommandations pour le PNSE 4 au nom du GT 2. Elles ont été soumises à la consultation publique, après avoir été envoyées à l'ensemble du groupe. J'ai bien évidemment participé au dernier GSE, où le PNSE 4 a été présenté. Je l'ai lu en détail. Nous avons également participé, en 2019, au groupe de travail de préparation du PNSE 4. En conséquence, j'ai de nombreux commentaires à formuler à son encontre.

Tout d'abord, la consultation publique est assez confidentielle. Elle n'a pas fait l'objet d'une importante communication. Wecf France l'a donc mise en ligne et incite tous ses sympathisants et adhérents à y participer. Personne n'est au courant qu'il y a, en France, des PNSE. Personne ne sait ce qu'est la santé-environnement. Aujourd'hui, tout le monde est au courant des problèmes de biodiversité et de dérèglement climatique. Cependant, ce n'est pas le cas de la santé-environnement.

J'ai été directrice du magazine 60 millions de consommateurs pendant dix-huit ans. À ce titre, j'ai largement suivi les questions de santé-environnement et les crises sanitaires et alimentaires de la fin du siècle dernier et du début du XXIe siècle. Nous avons beaucoup contribué à sensibiliser les citoyens à ces questions.

En France, la santé-environnement est insuffisamment prise en compte comme axe majeur de prévention et de santé publique. Nous avons l'impression que, tandis que des liens sont établis entre le dérèglement climatique et les questions de biodiversité, il n'y en a pas avec la santé-environnement. Les questions de santé-environnement ne sont pas prises en compte, y compris au plus haut niveau de l'État. Il faut le reconnaître.

Elles le sont encore moins au niveau international. J'en ai un exemple précis : la France a présidé le G7 en 2019. Elle avait défini deux priorités : la lutte contre les inégalités femmes-hommes et l'écologie. J'ai participé à de nombreuses réunions de préparation – où j'ai découvert que le mouvement des associations féministes est encore plus vaste que celui des associations écologiques. En participant à ces réunions de préparation du G7 du ministère de la Transition écologique – en mai, à Metz –, je me suis aperçu qu'étaient abordés le climat, la biodiversité et les océans, mais que les questions de santé-environnement ne l'étaient pas. Lorsque j'ai demandé si ces questions seraient abordées, il y a eu un long silence.

Les questions de santé-environnement ne sont pas retenues au plus haut niveau de l'État – ce qui est significatif – et ne le sont absolument pas au niveau international. Il faudra encore du temps pour qu'elles soient réellement prises en compte et pour montrer qu'elles sont parties intégrantes de la transition écologique. Les liens entre le dérèglement climatique, l'effondrement de la biodiversité et la santé-environnement doivent être établis. Ils ne sont pas évidents et il faut encore de la recherche dans ce domaine. Il est néanmoins certain qu'il y a un lien entre toutes ces questions. La pandémie actuelle démontre au moins un lien entre les questions de biodiversité et de santé-environnement.

Je le redis : nous ne savons pas, en France, qu'il y a un PNSE. D'ailleurs, que signifie « national » ? Les gens identifient bien le Plan cancer, car les pouvoirs publics se sont mobilisés et qu'une véritable stratégie de communication a été déployée. Lorsque nous nous sommes rencontrées la première fois, Mme Élisabeth Toutut-Picard, j'avais établi une comparaison avec le Plan national sur la sécurité routière – qui a vraiment fait progresser la question de la sécurité routière en France. Ce plan a fixé des objectifs politiques. J'entends par là le fait de dire qu'il faut qu'à son échéance, quatre ans plus tard, la mortalité sur les routes soit divisée par deux. Cela a donné une accélération aux questions de sécurité routière. Or il n'y a pas d'équivalent en matière de santé-environnement, et encore moins dans le PNSE 4. C'est un plan national ; il devrait donc fixer des objectifs politiques chiffrés – de diminution des expositions, des maladies chroniques, etc. Ce n'est pourtant pas le cas.

Ma seconde remarque d'ordre général est la suivante : l'objet même de ce plan peut être contestable. Le fait qu'il soit dénommé Mon environnement, ma santé donne l'impression – ce que démontre l'axe 1, focalisé sur l'individu – que toute l'action repose sur le particulier, l'individu, le citoyen, l'usager, le consommateur.

Or l'on sait pertinemment que le rôle de l'État est extrêmement important – par exemple pour obtenir des informations fiables et émettre des réglementations, ce qui n'est pas synonyme de chartes, qui ne sont souvent pas respectées et ne sont pas contraignantes –, de même que le rôle des collectivités locales et territoriales. Cela ne peut reposer uniquement sur l'individu. Ce plan national ne comprend aucune mesure contraignante ou volontariste. Organiser des applications pour smartphone est dérisoire et rabaisse le plan national.

De plus, l'étiquetage – et je peux en témoigner en tant qu'ex-directrice de 60 millions de consommateurs – démontre que l'information est révolutionnaire. C'est par l'information que l'on peut faire changer les choses, à condition que l'information soit fiable et juste – ce qui est extrêmement compliqué. Il faut donner une information, mais cela ne peut être soumis à la seule bonne volonté des entreprises et des industriels. Il faut une action volontariste. Et encore ne suffit-elle pas : il faut une réglementation pour imposer un étiquetage – qui a été bien conçu évidemment –, il faut des autorités de contrôle pour vérifier qu'il est apposé, et il faut des sanctions en cas de manquement.

Ainsi, dans le domaine des nanoparticules, un étiquetage est obligatoire pour les cosmétiques. Vous avez souligné tout à l'heure que je suis aussi présidente de l'association Agir pour l'environnement. Les deux associations ont mené, au début de l'été, un important travail d'enquête sur les cosmétiques pour bébé, qui nous a amenés à demander la saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Les produits n'étaient pas étiquetés. Nous avons diligenté des analyses de laboratoire, qui ont montré que certains produits contenaient des nanoparticules. Même une réglementation assise sur un règlement européen n'est pas appliquée par les entreprises, a fortiori si elles n'y sont pas obligées.

Le PNSE 4, en particulier son axe 1, ne contient pas assez de mesures. En témoigne l'action no 5 sur la grossesse. Pour les femmes enceintes, la santé-environnement devrait faire partie du parcours de grossesse. Cela devrait pratiquement être écrit dans le carnet de maternité. Ce plan est trop « tendre » – et je ne pense pas être la seule à tenir ce discours.

Par ailleurs, le GT 2 a noté une vision étriquée du « One Health ». Le mot « écologie » est absent du plan. Il n'y a pas assez d'actions concernant la santé des écosystèmes. Au début du PNSE 3, en 2015, le ministère de l'Écologie en était le moteur. Ce n'était pas celui de la Santé. Lors du premier GSE auquel j'ai participé, j'avais d'ailleurs demandé au responsable de la Direction générale de la santé (DGS) – qui l'avait assez mal pris : « Quand allez-vous découvrir ce qu'est la santé-environnement et vous en occuper ? ». Désormais, en quatre ans, le ministère de la Santé a pris en main les questions de santé-environnement. Or j'ai l'impression que, dans le PNSE 4, le ministère de l'Écologie est presque en retrait par rapport au ministère de la Santé. J'ai l'impression qu'il n'y a pas assez d'écologie dans ce PNSE.

Il est trop tendre et ne comprend pas assez d'actions volontaristes. Il n'y a pas d'objectifs politiques. Que se passera-t-il dans quatre ans ? Par ailleurs, il tient insuffisamment compte de l'état des écosystèmes. Nous avons l'impression qu'il a été établi en dehors du contexte pandémique. Il faudrait qu'il en tienne compte. De plus, il porte sur 2020-2024. Or 2020 s'achève et le plan n'a pas encore débuté. Il pourrait être réduit sur 2021-2023 et ne s'étaler que sur trois ans. Il vaudrait mieux qu'il soit légèrement réécrit, pour tenir compte de la situation actuelle.

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