L'audition débute à quinze heures.
Nous accueillons Mme Marie-Jeanne Husset, secrétaire du bureau de Women engage for a common future (Wecf) France. Vous êtes journaliste scientifique, physicienne de formation et professeure de mathématiques. Outre votre appartenance à l'antenne française du réseau international d'organisations féminines et environnementales Wecf, vous présidez l'association Agir pour l'environnement.
Wecf France a été fondé en 2008 pour, d'une part, agir au niveau local et d'autre part, plaider au niveau national et international, afin de « construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable ». WECF France centre ses initiatives autour de la santé des femmes et la protection de la période prénatale et de la petite enfance.
(Mme Marie-Jeanne Husset prête serment.)
Je suis administratrice et secrétaire du bureau de Wecf France. Je remplace aujourd'hui notre responsable plaidoyer, Mme Élisabeth Ruffinengo, malade.
Wecf France est l'antenne française du réseau international éponyme, dont la devise est : « Construire avec les femmes un monde sain, durable et équitable ». Ce réseau regroupe 150 organisations écoféministes et dispose d'antennes locales fortes – notamment en Allemagne et aux Pays-Bas. Il a été créé en 1994, à la suite du Sommet de Rio de 1992. Les femmes qui l'ont créé avaient compris l'importance de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans les mouvements écologistes.
L'antenne française a été créée en 2008. C'est une association française – avec un bureau et un conseil d'administration – basée à Annemasse, qui emploie huit salariés. Son activité porte particulièrement sur les questions relatives à la santé et à l'environnement, avec une importante action de terrain. Ainsi, dès l'origine et notre arrivée en France, nous avons déployé des actions de formation des personnels de santé dans les maternités : c'est le but de notre programme Nesting, extrêmement important et original. En France, nous avons été les premières à mener un tel programme de formation dans les maternités. Nous comptons actuellement plus de 300 animatrices qui – particulièrement dans les maternités – ont été formées aux questions de santé-environnement. Elles sensibilisent les jeunes parents ou les futurs parents, par des ateliers, à mieux consommer et à protéger la santé de la famille et des futurs enfants. Notre activité en ce qui concerne la périnatalité est donc très forte, notamment pour les femmes enceintes et les jeunes enfants.
Nous conduisons aussi une activité de plaidoyer – dont Mme Élisabeth Ruffinengo est la responsable – visant à mener des actions aux niveaux local, national et international. Nous assurons une forte activité auprès de l'Union européenne (UE), caractérisée par le suivi des politiques européennes en matière de santé-environnement.
Par ailleurs, nous menons également une activité en matière d'objectifs de développement durable et d'économie circulaire. Elle concerne, notamment au niveau international, des actions en faveur de la place des femmes dans la lutte contre le dérèglement climatique. Wecf est une organisation non gouvernementale (ONG) reconnue par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Ainsi, nous avons cofondé le prix Solutions genre et climat qui est décerné tous les ans, depuis la COP 21 de Paris – bien que cela soit particulier cette année –, à des associations féministes ayant mené des actions en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique. En effet, nous avons la preuve et nous sommes convaincues que, si les femmes étaient mieux considérées et étaient actrices des changements – notamment dans ce domaine – la lutte serait non seulement plus égalitaire, mais surtout plus efficace.
Pour quelles raisons affirmez-vous que, si les femmes étaient davantage associées aux actions en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de santé environnementale, leurs résultats en seraient meilleurs ? Est-ce une prise de position genrée et dogmatique ou une observation fondée sur des supports sociologiques ? Votre position est-elle motivée par le constat, dressé sur le terrain, que la lutte contre le réchauffement climatique (particulièrement pour les questions de santé environnementale) aurait alors plus de chances d'aboutir ? Est-ce votre travail sur la périnatalité qui vous amène à cette conclusion ? Je souhaiterais également que vous développiez le contenu du programme Nesting.
C'est le résultat du travail mené depuis plusieurs années – depuis 1994 pour Wecf International – avec des associations de femmes dans les pays en développement, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Le prix Solutions genre et climat démontre, notamment dans les pays africains et en Inde, que les actions mêlant les femmes aboutissent. Je ne pourrais pas développer toutes les initiatives prises et récompensées – par exemple à la dernière COP 25.
Lorsque les femmes prennent en charge les problèmes liés à l'eau – sachant qu'elles ont un rôle d'éducation des enfants et de la famille et qu'elles sont directement impliquées dans des projets de terrain – leurs actions entraînent des économies d'énergie et des changements des comportements, en faveur d'une lutte contre le dérèglement climatique.
Ce n'est pas démontré par des études théoriques, même si cela existe certainement en sciences humaines et sociales. Toutefois, pays par pays, les projets et initiatives locales font progresser la lutte contre le dérèglement climatique. L'ONU le reconnaît avec ce prix – même si les financements des projets faisant intervenir les femmes ne sont pas encore suffisamment développés. Lorsque les femmes se saisissent de ces questions, elles ne travaillent pas uniquement pour elles-mêmes, mais aussi pour la famille, pour les hommes, pour les enfants et donc pour l'humanité entière.
Tenir compte des femmes, les placer au cœur des projets et les rendre actives aboutit à une plus grande efficacité, particulièrement dans la lutte contre le dérèglement climatique et la transition écologique – bien que cela soit vrai pour tout.
C'est extrêmement vrai dans les pays pauvres, mais cela l'est sûrement aussi en France. Ainsi, Wecf travaille beaucoup sur d'importants programmes européens. Par exemple, à Annemasse, le programme Femmes rurales est destiné à aider des femmes – au niveau territorial – à prendre en main leur vie économique et des projets de terrain tenant compte du développement durable. C'est un projet de faible envergure, qui redémarrera – faute de financements – dans les mois à venir.
Nous le voyons également dans notre programme Nesting de sensibilisation des jeunes parents : lorsque les femmes sont à la fois sensibilisées et impliquées, c'est toute la famille qui progresse. Je précise qu'il n'est pas question d'exclure les pères, bien au contraire.
C'est un programme de formation d'animatrices et de personnels de santé. Il part de deux postulats, voire d'évidences. D'une part, le fait que les parents peuvent agir individuellement pour réduire les niveaux de pollution – notamment intérieure – et les expositions aux substances toxiques – particulièrement pour les bébés et les enfants – par de meilleurs choix de consommation. Pour changer de comportement, il faut avoir des informations et être sensibilisé et motivé. Les animateurs et animatrices les aident à mieux consommer, à mieux rénover la chambre d'un bébé, à mieux acheter et à changer leurs comportements.
Les personnels de santé – en particulier dans les maternités – en sont les meilleurs relais. Il serait beaucoup plus difficile et lourd de s'adresser directement au grand public. Nous passons donc par les personnels de santé des maternités, car ce sont les relais fondamentaux et privilégiés pour sensibiliser les futurs et jeunes parents et les amener à diminuer leur niveau d'exposition et celui de leurs futurs enfants.
Nous avons développé des programmes de formation pour ces animatrices depuis douze ans. Nous travaillons avec les Agences régionales de santé (ARS). Nous avons formé un peu plus de 60 maternités et 300 animatrices par le biais de journées de formation en lien avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), des experts et l'Institut de formation en santé environnementale (IFSEN).
Ces animatrices organisent ensuite – au sein ou en dehors des maternités – des ateliers Nesting destinés aux parents, aux femmes enceintes et à leurs compagnons, avec des comités construits autour de thématiques – telles que les cosmétiques, les détergents, les produits d'entretien ou la rénovation. Elles aident les parents à mieux se comporter, à mieux acheter, à comprendre les étiquetages et les labels et à voir les différences entre les produits. Cela aide les parents à changer de comportement.
Nous pouvons citer aussi d'autres ateliers, tels que Ma santé, ma maison, qui ne sont pas destinés uniquement aux maternités. Nous les développons également avec les milieux sociaux, au bénéfice des populations défavorisées, par exemple.
Nesting est un programme d'envergure.
Santé publique France a lancé le site Agir pour bébé. Que pensez-vous de cet outil ? En faites-vous la promotion ? Correspond-il aux attentes de la population que vous observez sur le terrain ?
Nous sommes évidemment au fait de cet outil de Santé publique France. Nous en avons largement parlé et notre site y renvoie. Je ne sais pas s'il a été évalué. Je ne pourrais donc pas vous répondre plus précisément. Il est certain que les mille jours et la petite enfance nous concernent. Néanmoins, je ne suis pas certaine que nous ayons évalué l'action de Santé publique France. Je ne sais pas si nous avons donné notre avis et si nous devons le faire. Nous en parlons toutefois sur notre site.
Nous assurons des activités de formation, à la fois en santé-environnement et sur la question du genre – en particulier des femmes –, donc portant sur la façon de mieux prendre en compte les inégalités femmes-hommes dans les questions de transition écologique.
Nous organisons des formations pour des collectivités locales. Notre présidente, Mme Véronique Moreira, réalise des formations dans ces domaines – ce n'est pas moi qui m'en charge. Elle intervient sur la façon de prendre en compte les inégalités femmes-hommes et la question du genre dans les questions de transition écologique et de mise en valeur des objectifs du développement durable.
Nous donnons des conseils à des entreprises désireuses de travailler dans ce domaine ou de mieux les prendre en compte elles-mêmes, ainsi qu'à des collectivités locales ou territoriales.
Avez-vous pris connaissance du projet de Plan national Santé-Environnement 4 (PNSE 4), actuellement soumis à consultation publique ? Je pense que oui, puisque vous y avez contribué. Avez-vous des commentaires à ce sujet ?
Je suis bien évidemment au fait des questions concernant le PNSE 4. Au titre de mes fonctions à Wecf, j'ai coprésidé le groupe de travail no 2 (GT 2) du PNSE 3. Cela fait partie des conseils que nous avons donnés pour la gouvernance du prochain plan, grâce à l'expérience tirée du PNSE 3. Le GT 2 est le groupe de suivi des actions du PNSE 3 concernant la recherche, la formation, l'information et l'éducation. Je l'ai coprésidé pendant quatre ans, de 2015 à 2019. J'ai donc suivi tout ce qui a été fait dans ces domaines dans le PNSE 3.
À ce titre, j'ai participé au Groupe santé-environnement (GSE), que Mme Élisabeth Toutut-Picard préside désormais. J'ai suivi l'évaluation à mi-parcours du PNSE 3 – sachant qu'il n'y a pas encore d'évaluation globale. J'ignore, d'ailleurs, s'il y en aura une.
Il doit, normalement, y en avoir une.
Auparavant, il y a aussi eu une évaluation à mi-parcours par le Haut conseil à la santé publique (HCSP). De plus, le groupe de travail a également mené sa propre évaluation, avant que son travail s'achève en 2019. Personne ne nous l'a demandé et nous l'avons réalisé pour nous-mêmes, afin de dresser le bilan de ces quatre années.
La deuxième présidente du GT 2 était Mme Jeanne Garric, présidente de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) – qui a récemment fusionné avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Nous avons émis des recommandations pour le PNSE 4 au nom du GT 2. Elles ont été soumises à la consultation publique, après avoir été envoyées à l'ensemble du groupe. J'ai bien évidemment participé au dernier GSE, où le PNSE 4 a été présenté. Je l'ai lu en détail. Nous avons également participé, en 2019, au groupe de travail de préparation du PNSE 4. En conséquence, j'ai de nombreux commentaires à formuler à son encontre.
Tout d'abord, la consultation publique est assez confidentielle. Elle n'a pas fait l'objet d'une importante communication. Wecf France l'a donc mise en ligne et incite tous ses sympathisants et adhérents à y participer. Personne n'est au courant qu'il y a, en France, des PNSE. Personne ne sait ce qu'est la santé-environnement. Aujourd'hui, tout le monde est au courant des problèmes de biodiversité et de dérèglement climatique. Cependant, ce n'est pas le cas de la santé-environnement.
J'ai été directrice du magazine 60 millions de consommateurs pendant dix-huit ans. À ce titre, j'ai largement suivi les questions de santé-environnement et les crises sanitaires et alimentaires de la fin du siècle dernier et du début du XXIe siècle. Nous avons beaucoup contribué à sensibiliser les citoyens à ces questions.
En France, la santé-environnement est insuffisamment prise en compte comme axe majeur de prévention et de santé publique. Nous avons l'impression que, tandis que des liens sont établis entre le dérèglement climatique et les questions de biodiversité, il n'y en a pas avec la santé-environnement. Les questions de santé-environnement ne sont pas prises en compte, y compris au plus haut niveau de l'État. Il faut le reconnaître.
Elles le sont encore moins au niveau international. J'en ai un exemple précis : la France a présidé le G7 en 2019. Elle avait défini deux priorités : la lutte contre les inégalités femmes-hommes et l'écologie. J'ai participé à de nombreuses réunions de préparation – où j'ai découvert que le mouvement des associations féministes est encore plus vaste que celui des associations écologiques. En participant à ces réunions de préparation du G7 du ministère de la Transition écologique – en mai, à Metz –, je me suis aperçu qu'étaient abordés le climat, la biodiversité et les océans, mais que les questions de santé-environnement ne l'étaient pas. Lorsque j'ai demandé si ces questions seraient abordées, il y a eu un long silence.
Les questions de santé-environnement ne sont pas retenues au plus haut niveau de l'État – ce qui est significatif – et ne le sont absolument pas au niveau international. Il faudra encore du temps pour qu'elles soient réellement prises en compte et pour montrer qu'elles sont parties intégrantes de la transition écologique. Les liens entre le dérèglement climatique, l'effondrement de la biodiversité et la santé-environnement doivent être établis. Ils ne sont pas évidents et il faut encore de la recherche dans ce domaine. Il est néanmoins certain qu'il y a un lien entre toutes ces questions. La pandémie actuelle démontre au moins un lien entre les questions de biodiversité et de santé-environnement.
Je le redis : nous ne savons pas, en France, qu'il y a un PNSE. D'ailleurs, que signifie « national » ? Les gens identifient bien le Plan cancer, car les pouvoirs publics se sont mobilisés et qu'une véritable stratégie de communication a été déployée. Lorsque nous nous sommes rencontrées la première fois, Mme Élisabeth Toutut-Picard, j'avais établi une comparaison avec le Plan national sur la sécurité routière – qui a vraiment fait progresser la question de la sécurité routière en France. Ce plan a fixé des objectifs politiques. J'entends par là le fait de dire qu'il faut qu'à son échéance, quatre ans plus tard, la mortalité sur les routes soit divisée par deux. Cela a donné une accélération aux questions de sécurité routière. Or il n'y a pas d'équivalent en matière de santé-environnement, et encore moins dans le PNSE 4. C'est un plan national ; il devrait donc fixer des objectifs politiques chiffrés – de diminution des expositions, des maladies chroniques, etc. Ce n'est pourtant pas le cas.
Ma seconde remarque d'ordre général est la suivante : l'objet même de ce plan peut être contestable. Le fait qu'il soit dénommé Mon environnement, ma santé donne l'impression – ce que démontre l'axe 1, focalisé sur l'individu – que toute l'action repose sur le particulier, l'individu, le citoyen, l'usager, le consommateur.
Or l'on sait pertinemment que le rôle de l'État est extrêmement important – par exemple pour obtenir des informations fiables et émettre des réglementations, ce qui n'est pas synonyme de chartes, qui ne sont souvent pas respectées et ne sont pas contraignantes –, de même que le rôle des collectivités locales et territoriales. Cela ne peut reposer uniquement sur l'individu. Ce plan national ne comprend aucune mesure contraignante ou volontariste. Organiser des applications pour smartphone est dérisoire et rabaisse le plan national.
De plus, l'étiquetage – et je peux en témoigner en tant qu'ex-directrice de 60 millions de consommateurs – démontre que l'information est révolutionnaire. C'est par l'information que l'on peut faire changer les choses, à condition que l'information soit fiable et juste – ce qui est extrêmement compliqué. Il faut donner une information, mais cela ne peut être soumis à la seule bonne volonté des entreprises et des industriels. Il faut une action volontariste. Et encore ne suffit-elle pas : il faut une réglementation pour imposer un étiquetage – qui a été bien conçu évidemment –, il faut des autorités de contrôle pour vérifier qu'il est apposé, et il faut des sanctions en cas de manquement.
Ainsi, dans le domaine des nanoparticules, un étiquetage est obligatoire pour les cosmétiques. Vous avez souligné tout à l'heure que je suis aussi présidente de l'association Agir pour l'environnement. Les deux associations ont mené, au début de l'été, un important travail d'enquête sur les cosmétiques pour bébé, qui nous a amenés à demander la saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Les produits n'étaient pas étiquetés. Nous avons diligenté des analyses de laboratoire, qui ont montré que certains produits contenaient des nanoparticules. Même une réglementation assise sur un règlement européen n'est pas appliquée par les entreprises, a fortiori si elles n'y sont pas obligées.
Le PNSE 4, en particulier son axe 1, ne contient pas assez de mesures. En témoigne l'action no 5 sur la grossesse. Pour les femmes enceintes, la santé-environnement devrait faire partie du parcours de grossesse. Cela devrait pratiquement être écrit dans le carnet de maternité. Ce plan est trop « tendre » – et je ne pense pas être la seule à tenir ce discours.
Par ailleurs, le GT 2 a noté une vision étriquée du « One Health ». Le mot « écologie » est absent du plan. Il n'y a pas assez d'actions concernant la santé des écosystèmes. Au début du PNSE 3, en 2015, le ministère de l'Écologie en était le moteur. Ce n'était pas celui de la Santé. Lors du premier GSE auquel j'ai participé, j'avais d'ailleurs demandé au responsable de la Direction générale de la santé (DGS) – qui l'avait assez mal pris : « Quand allez-vous découvrir ce qu'est la santé-environnement et vous en occuper ? ». Désormais, en quatre ans, le ministère de la Santé a pris en main les questions de santé-environnement. Or j'ai l'impression que, dans le PNSE 4, le ministère de l'Écologie est presque en retrait par rapport au ministère de la Santé. J'ai l'impression qu'il n'y a pas assez d'écologie dans ce PNSE.
Il est trop tendre et ne comprend pas assez d'actions volontaristes. Il n'y a pas d'objectifs politiques. Que se passera-t-il dans quatre ans ? Par ailleurs, il tient insuffisamment compte de l'état des écosystèmes. Nous avons l'impression qu'il a été établi en dehors du contexte pandémique. Il faudrait qu'il en tienne compte. De plus, il porte sur 2020-2024. Or 2020 s'achève et le plan n'a pas encore débuté. Il pourrait être réduit sur 2021-2023 et ne s'étaler que sur trois ans. Il vaudrait mieux qu'il soit légèrement réécrit, pour tenir compte de la situation actuelle.
Vos propos sont extrêmement passionnants et d'une hauteur de vue dont nous avons besoin. Votre analyse du plan national est sévère, mais parfaitement argumentée. J'entends toutes vos remarques. Vous avez fourni le chiffre de 60 maternités et 300 personnels dans le cadre du programme Nesting.
Oui, depuis dix ans. Nous continuons.
Pourquoi ce programme n'est-il pas étendu à toute la périnatalité et à tous les professionnels de santé ? Ce n'est plus une expérimentation après dix ans.
Je vous rejoins totalement quand vous affirmez que c'est par l'éducation des futurs parents que les problématiques de santé environnementale peuvent être abordées et apportées à l'éducation générale qu'ils dispenseront à leurs futurs enfants.
Cela tient au fait que nous agissons avec les moyens à notre disposition – qui sont ceux d'une association. Notre association n'a pas des moyens énormes et s'appuie sur sa force de persuasion pour convaincre les ARS, qui lui apportent les financements. Nous ne sommes pas une entreprise commerciale de formation ; nous sommes une association. L'association est arrivée en France en 2008 et le programme s'est réellement mis en place en 2010. Il avait déjà commencé en Allemagne.
Exactement. Aux Pays-Bas aussi. Nous pourrions bien sûr démultiplier notre action et passer à une vitesse supérieure, mais il faut que nous en ayons les moyens. Nous faisons de notre mieux.
Il est déjà remarquable qu'en peu d'années, nous soyons passés à 300 animatrices, alors qu'il n'y en avait qu'une cinquantaine il y a encore quatre ans. Nous progressons, même si nous aimerions aller beaucoup plus vite.
Nous avons organisé l'audit de notre programme Nesting l'année dernière, afin de savoir comment nous pourrions l'améliorer et le développer – en restant toujours, pour l'instant, dans le cadre associatif. Nous pourrions imaginer, dans quelques années, créer une entreprise pour le développer au titre de l'économie sociale et solidaire. C'est un autre sujet. Nous mettons en œuvre les résultats de cet audit actuellement.
Il pourrait même être introduit dans les référentiels de formation du personnel de la périnatalité.
Bien sûr. Je pense qu'il est connu dans le milieu de la périnatalité. Le programme Nesting est connu. Il est mené avec l'IFSEN, qui est l'institut français – assez original – créé pour les questions de santé-environnement. Wecf en est un des membres fondateurs, avec M. Philippe Perrin, lui aussi fondateur des questions de santé-environnement. Je pense que Nesting est assez connu dans le milieu des maternités. Cela progresse. Ainsi, l'année dernière et pour la première fois, il a concerné la maternité de l'hôpital Necker. Le programme est entré à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP). C'est un bon signe. Nous avançons.
Vous indiquez, dans vos missions officielles : « faire évoluer la réglementation en santé environnementale » et « coordonner et soutenir des projets portés par des femmes sur les objectifs de développement durable de l'ONU ». À ce jour, qu'avez-vous pu faire en matière d'évolution de la réglementation en santé environnementale ? Avez-vous des dossiers en cours actuellement sur ce sujet ?
Vous avez mentionné une saisine de l'Anses en ce qui concerne la présence de nanoparticules dans les cosmétiques pour bébé. L'été dernier, vous avez également lancé une campagne à propos des crèmes solaires pour enfants, visant à attirer l'attention sur les nécessités de mettre des crèmes solaires pour éviter l'exposition au soleil. Quelles sont les réactions des fabricants ? Collaborez-vous avec les entreprises ?
L'important travail d'enquête que nous avons mené et publié, en juillet de cette année, sur les produits solaires pour enfants visait un décryptage des étiquettes et une analyse de quelques produits pour y rechercher l'éventuelle présence de nanoparticules. Il dépassait toutefois largement la question des nanoparticules et portait sur toute la composition des produits solaires – y compris les filtres solaires –, pour mesurer s'ils étaient douteux sur le plan toxicologique. Nous les avons classés ainsi : « pas de problème », « problématique » et « douteux ». Cela dépassait largement la question des nanoparticules, car beaucoup de substances sont reconnues comme perturbateurs endocriniens par exemple. Nous connaissons très bien les dangers des perturbateurs endocriniens, en particulier pour les enfants.
Nous avons demandé par écrit la saisine de l'Anses – car nous ne pouvons pas la demander nous-mêmes – sur la base d'un travail d'enquête mené par Wecf France et Agir pour l'environnement. Nous avons demandé sa saisine afin qu'elle établisse le rapport bénéfices-risques de ces produits. D'un côté, les bénéfices en termes de protection solaire – dont on connaît l'importance contre les UV-A et UV-B, en particulier pour les enfants. Le mieux est, soit de ne pas trop les exposer au soleil, soit de leur mettre des vêtements ou de la crème solaire. De l'autre côté, les risques, concernant notamment les perturbateurs endocriniens ou les nanoparticules qu'ils peuvent contenir.
Il y a quelques années, l'Anses a mené un travail du même ordre sur les produits alimentaires (fruits et légumes), lors des recommandations des plans nationaux de nutrition. Il y a eu des questionnements. Manger cinq fruits et légumes apporte un bénéfice pour la santé, mais quels sont les inconvénients s'ils sont remplis de pesticides ? L'Anses avait travaillé sur ce sujet et devrait recommencer aujourd'hui – car elle l'a pratiquement conduit à sa naissance, il y a plusieurs années. Évidemment, il vaut mieux manger des fruits et légumes biologiques – qui ne contiennent pas de pesticides. Néanmoins, si les fruits et légumes en contiennent, les bénéfices sur la santé (anti-cancer, etc.) de leur consommation l'emportent sur les inconvénients. Nous demandons que l'Anses établisse la balance entre les bénéfices et les risques pour les produits solaires pour enfants.
« Faire progresser la réglementation » : aucune association ne peut avoir la prétention, seule, de la faire évoluer. Cela passe par un travail de plaidoyer. Par exemple, faire évoluer les réglementations concernant la présence de nanoparticules. Le moratoire sur le dioxyde de titane dans l'alimentation devrait être reconduit – nous l'espérons – au mois de janvier. Cela fait partie des actions auxquelles nous avons participé et il y en a sûrement bien d'autres. Il n'y a pas beaucoup de réglementations et il y en a peu de nouvelles aujourd'hui. Nous en aurions besoin. Nous avons été parmi ceux qui ont considérablement travaillé pour demander l'interdiction de bisphénol A et sa substitution.
Nous travaillons beaucoup aux questions de substitution. La substitution doit aussi comprendre le produit de substitution, lequel présente parfois plus de risques que le produit initial. Il faut alors changer de système et ne pas avoir une vision trop angélique de la substitution.
Comment soutenez-vous les projets portés par les femmes dans les démarches d'objectifs de développement durable de l'ONU ? Vous avez longtemps expliqué – et fort clairement – comment l'évolution des problématiques de santé environnementale devait, forcément, passer par l'intervention des femmes. Elles sont au cœur des foyers et s'intéressent non seulement à leur famille et à leurs enfants, mais également à la survie économique du foyer.
Vous avez aussi mentionné des inégalités entre les hommes et les femmes sur les questions de santé environnementale. Comment, au sein de l'ONU, arrivez-vous à faire évoluer ce genre de problématiques ?
Au niveau international, nous faisons partie de la convention sur les femmes de l'ONU. Nous participons à un important programme au Maroc avec les associations de femmes pour, au niveau rural, aider les femmes dans la culture de l'argan. Lorsque nous obtenons un financement de ces programmes internationaux – auxquels nous soumettons notre candidature –, ce n'est jamais Wecf International qui travaille seule. Elle travaille avec les associations féminines locales. Nous les formons. Nous les aidons à obtenir des financements internationaux. Elles savent quelles actions engager et comment procéder au niveau local, mais elles manquent souvent de financements. Nous les aidons à obtenir ces financements et nous les soutenons. Nous les valorisons et valorisons leur action, pour qu'elle soit démultipliée.
Le prix Solutions genre et climat n'est pas un prix qui récompense une action ponctuelle, mais une action pouvant se démultiplier et avoir une valeur exemplaire pour d'autres, ailleurs dans le même pays ou dans d'autres pays.
Vous avez émis moult critiques sur notre organisation de la politique publique santé-environnement en France. Qu'en est-il de la démarche au niveau de l'ONU ? Vous nous avez présenté une succession de petites interventions – et nous espérons fortement qu'elles essaimeront. Y a-t-il une réelle politique affichée par l'ONU en matière de santé environnementale, que cela soit vis-à-vis des femmes ou de l'humanité entière ?
Non, je ne le pense pas. L'action de l'ONU porte surtout sur la lutte contre le dérèglement climatique, dans le cadre des COP. Elle ne porte pas sur les questions de santé-environnement.
J'étais critique vis-à-vis de la France, car je suis en France et aimerais que cela aille mieux et plus vite. Mais, même au niveau européen, nous en sommes loin. Nous sommes presque les meilleurs en Europe, alors que, pourtant, nous ne sommes pas assez avancés. Il y aurait aussi beaucoup à faire dans ce domaine en Europe. La France a un rôle à jouer. Elle le pourrait aussi au plus haut niveau de l'État, de la même façon qu'elle a organisé des COP. Toutefois, j'ai conscience que les questions de santé-environnement sont bien plus compliquées que les questions climatiques, qui ne sont pas simples.
Nous n'avons pas parlé de la gouvernance du PNSE. Je l'aborderai peut-être dans le cadre du GSE s'il a lieu le 9.
Il est maintenu. J'espère que vous aurez la même franchise d'expression et de proposition par écrit dans la consultation et le jour de la réunion du GSE. J'ai bien entendu votre proposition de report du PNSE 4, pour qu'il puisse s'étoffer grâce aux retours du terrain.
L'audition s'achève à seize heures.