Dans notre vie de tous les jours, nombreux sont celles et ceux qui ont déjà entendu cette citation attribuée à Antoine de Saint-Exupéry : « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. » Nombreux sont également celles et ceux – moi le premier – qui se sont posé la question du sens que pouvait revêtir cette phrase dans notre société moderne. C'est bien la question environnementale qui est posée à travers ces lignes. Cette citation résonne en moi, en tant que ministre chargé de la santé, comme une ligne d'action qui pourrait se résumer ainsi : l'environnement est la clé d'une meilleure santé.
Ces dernières années, et même ces dernières décennies, si l'on pense aux premiers penseurs de l'écologie, la santé environnementale s'est imposée comme un sujet de société majeur, comme une exigence grandissante, comme un impératif moral, et les attentes de nos concitoyens n'ont cessé de croître. Votre commission en est l'illustration ; je tiens à vous en remercier. Je vous remercie également de m'avoir invité.
Selon le baromètre 2019 de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur la perception des risques par les Français, les questions environnementales occupent désormais une place centrale : les préoccupations liées à la dégradation de l'environnement concernent un Français sur trois et arrivent en quatrième position. En progression constante depuis 2009, ces préoccupations sont ainsi quasiment au même niveau que celles liées à la précarité sociale ou économique. Les jeunes générations, en particulier, ont une conscience aiguë de ces risques environnementaux, une conscience aiguë de la fragilité des écosystèmes, une conscience aiguë de notre fragilité. Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement cette prise de conscience collective de la nécessité d'adapter notre environnement pour protéger notre santé.
L'environnement est en effet l'un des principaux déterminants de la santé individuelle et communautaire. Agir sur notre environnement, c'est-à-dire sur nos milieux de vie, qu'ils soient domestique, naturel ou professionnel, doit permettre d'améliorer à moyen et long termes l'état de santé de la population. C'est pour agir dans ce sens qu'il a été décidé de lancer en 2018 le plan priorité prévention, un projet interministériel d'envergure destiné à améliorer la santé de la population.
Ce plan aborde tous les déterminants de la santé – environnementaux et comportementaux – et parcourt les différents âges de la vie avec leurs spécificités, de la préconception à la préservation de l'autonomie de nos aînés. Il se décline dans l'ensemble des politiques menées en matière de santé publique – cela va bien sûr au-delà du champ de mon ministère. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en 2018 et en 2019, le Premier ministre avait souhaité réunir un comité interministériel pour la santé, afin que l'ensemble des ministères puissent contribuer à la prévention en santé et à la promotion, dans tous les territoires et dans tous les milieux de vie, des comportements et environnements permettant de rester en bonne santé.
En matière de santé environnementale, mon rôle en tant que ministre est d'assurer la protection de la population, notamment des personnes sensibles – enfants, femmes enceintes, personnes fragiles – vis-à-vis des expositions liées à l'environnement et à certains modes de vie.
Comment agir ? Essentiellement par la prévention, c'est-à-dire en surveillant les expositions, en favorisant la recherche concernant leurs effets sur la santé, en les réduisant par une réglementation renforcée ou en recherchant des solutions alternatives à des substances présentant le plus de risques, mais aussi en informant le public de manière adaptée. J'insiste sur ce dernier point car, face à des risques émergents et/ou incertains, cette information est essentielle : une information transparente, fondée sur une approche scientifique et accessible à tous est le seul rempart face aux adeptes de théories du complot qui se nourrissent des inquiétudes légitimes de nos concitoyens.
J'identifie, pour ma part, quatre grands enjeux prioritaires qui doivent guider notre action au niveau national et se décliner dans les territoires, notamment par l'action des agences régionales de santé : premièrement, la qualité de l'eau et ses différents usages ; deuxièmement, la qualité des environnements intérieurs, en particulier concernant l'amiante, le radon, l'air intérieur, le bruit, les nuisances sonores, la résorption de l'habitat insalubre et du saturnisme ; troisièmement, l'exposition aux produits chimiques, aux agents physiques et, plus largement, aux polluants de l'environnement en lien avec les activités humaines, dont les déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) ; quatrièmement, bien sûr, l'alimentation et l'activité physique.
Mais, et je crois que c'est précisément ce que nous disent nos concitoyens, nous ne pouvons plus nous limiter à une approche exclusivement normative de la santé environnementale. Certes, elle est indispensable pour la protection des citoyens, mais nous devons ancrer notre mobilisation dans une stratégie qui permette à chacun d'agir pour un environnement favorable à notre santé.
C'est pour cette raison que j'ai souhaité lancer, avec Barbara Pompili, un nouveau plan national santé-environnement (PNSE) intitulé « Mon environnement, ma santé », coconstruit avec le groupe santé-environnement – que vous présidez, madame Toutut-Picard – et qui doit se traduire en pratique dans la vie de nos concitoyens, selon une approche concrète et opérationnelle. Pour qu'elle le soit encore plus, pour que ce PNSE ne soit pas un énième plan, nous avons souhaité le soumettre à une consultation publique, toujours en cours. Je souhaite ainsi que chacun se mobilise sur ce sujet afin de dégager un consensus solide pour acter, début 2021, notre feuille de route pour les cinq années à venir.
Vous le voyez, je ne me situe pas uniquement dans le constat, mais bien dans l'action. Ce n'est pas une action isolée, parce qu'en matière de santé environnementale, c'est à chacun – professionnels de santé, chercheurs, citoyens, élus, acteurs économiques – de se mobiliser au niveau d'action qui est le sien. Protéger les générations actuelles comme les générations futures doit être une responsabilité partagée.
Hippocrate disait : « Il faut, autant qu'on le peut, remonter à la cause. » Je suis certain que s'il était l'un de nos contemporains, il ajouterait : « et agir sur cette cause ». Je sais que vous partagez cette envie d'action et que c'est le sens que vous avez souhaité donner aux travaux de votre commission d'enquête. Soyez convaincus que vos propositions guideront notre action collective. Je vous renouvelle donc mes remerciements pour cette invitation et me tiens évidemment prêt à répondre à toutes vos questions.