Intervention de Olivier Véran

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Olivier Véran, ministre :

De quelles initiatives la France pourrait-elle s'inspirer en matière de coopération européenne et internationale ? Je vous répondrai : l'approche One Health – « Une seule santé » –, qui fait actuellement l'objet de discussions avec les ministres de la transition écologique, de l'agriculture et de la recherche. Pour illustrer cette approche, le meilleur exemple que l'on puisse citer est celui l'antibiorésistance. Il s'agit de protéger notre planète en faisant en sorte que tous les acteurs de la santé humaine, de la santé animale et de la santé environnementale travaillent ensemble, notamment au plan européen.

Le PNSE4 a été renforcé pour mieux intégrer la dimension One Health. Plusieurs actions ont ainsi été complétées ou ajoutées : formation interdisciplinaire des professionnels de la santé humaine, animale et environnementale ; surveillance renforcée de la santé de la faune sauvage, en lien avec la santé humaine ; promotion d'un usage raisonné des biocides, notamment des désinfectants, par les professionnels et le grand public, en limitant leur impact sur l'environnement ; renforcement des recherches sur l'émergence des zoonoses, mises en lumière par la crise sanitaire. Ce plan sera lancé au début de l'année 2021.

S'agissant de la remontée des informations, j'ai été marqué, lors de l'incendie de Lubrizol, par le fait que la communication était plus ou moins organisée en « silos » – elle portait tantôt sur la qualité de l'air, tantôt sur celle de l'eau – et était donc assez éloignée de l'approche « Une seule santé ». Lorsque je me suis penché, en tant que député rhône-alpin, sur la question de l'agénésie des membres supérieurs dont souffraient un certain nombre d'enfants vivant à proximité de ma circonscription, je me suis aperçu que l'on raisonnait, là encore, en silos et, surtout, qu'il était difficile de mener de front des investigations sur le terrain, des actions d'information et de promotion et une réflexion sur les conclusions opérationnelles à en tirer.

C'est pourquoi, dans mon programme de candidat aux élections législatives, j'avais insisté sur la nécessité de créer des centres de recherche, de formation et d'information à l'échelle territoriale – probablement régionale –, composés d'équipes pluriprofessionnelles capables de mener des enquêtes de terrain et de récolter des données en lien avec la médecine du travail et des spécialistes de santé publique, de manière, pourquoi pas, à développer le métier de préventologue – le mot n'est pas très beau, mais sa signification est claire. La France a accompli de grands progrès en la matière. Je pense, par exemple, aux cellules régionales chargées d'informer les femmes enceintes – un public particulièrement fragile – et de les prévenir des risques environnementaux auxquels elles peuvent être exposées. Nous devons, pour être plus efficients, développer ce type d'interventions pluriprofessionnelles à tous les niveaux.

En ce qui concerne la gestion des données, je suis entièrement d'accord avec vous. Nous devons, tout d'abord, améliorer la mise à disposition des données agrégées, pour permettre à chacun de disposer du bon niveau d'information. C'est souvent possible à l'échelon régional, grâce au travail des observatoires régionaux de santé, mais ces travaux doivent aussi être accessibles aux citoyens. C'est la raison pour laquelle le PNSE4 prévoit la création d'une start-up d'État dans le domaine de l'éco-santé.

Nous devons ensuite améliorer la mise à disposition des données brutes, pour développer la recherche et la modélisation. C'est l'objet du projet Green data hub qui, sur le modèle du Health data hub – encore un affreux anglicisme –, doit permettre, à partir de données individuelles anonymisées mais chaînées, d'étudier les associations statistiques et de rechercher les causalités.

En France, les mécanismes de compréhension ne sont pas à un stade de développement très avancé. J'émets ainsi toujours d'importantes réserves quant aux interprétations que l'on pourrait faire de situations constatées sur le territoire. Je n'ai jamais été en mesure de démontrer, par exemple, que l'agénésie des membres supérieurs était liée à un facteur environnemental. Des spécialistes, notamment des généticiens, m'ont expliqué que lorsqu'elle était unilatérale, elle pouvait difficilement être d'origine génétique, de sorte que si l'on constate une surdensité de ce type de malformations dans un territoire donné, on peut incriminer l'environnement. Cela ne signifie pas pour autant que l'on a identifié le facteur concerné ni même que l'on détient la preuve irréfutable que l'environnement est en cause : les statistiques ne permettent pas, à ce niveau-là, des démonstrations imparables.

Il faut, en tout état de cause, se donner les moyens d'effectuer des recherches. Nous avons donc besoin de registres, et nous devons faire preuve de sang-froid pour éviter de formuler des conclusions qui, s'agissant de situations dramatiques sur le plan humain, font beaucoup parler dans la presse. On observe d'ailleurs le même phénomène actuellement ; je pense aux experts épidémiologistes qui se succèdent sur les plateaux de télévision depuis le début de la crise sanitaire pour nous expliquer qu'ils en connaissent les causes. Tant que nous n'avons pas de certitudes, il faut chercher, de façon déterminée.

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