Intervention de Olivier Véran

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Olivier Véran, ministre :

La question de l'obésité m'a beaucoup occupé lorsque j'étais parlementaire. J'ai déposé des amendements concernant aussi bien l'anorexie que la boulimie ou l'obésité. Toutefois, je ne crois pas qu'à ce stade, un lien direct ait été établi entre santé environnementale et obésité. En revanche, vous avez raison, madame la rapporteure, de souligner que l'obésité est manifestement multifactorielle. Certains enfants peuvent présenter un surpoids important, ou même une obésité morbide, sans manifester aucun trouble des conduites alimentaires, voire en ayant une alimentation dite équilibrée.

Certains spécialistes subodorent une origine génétique. Les fondations de lutte contre les troubles alimentaires, que j'ai eu l'occasion de rencontrer, militent pour qu'on évite de tenir un discours culpabilisant à l'encontre des familles dont les enfants souffrent d'obésité, dans la mesure où il y a manifestement des cas qui relèvent de l'inné plutôt que de l'acquis.

La recherche sur ces troubles se développe. Faut-il une médecine de l'obésité ? En réalité, elle existe déjà, et est plutôt bien structurée. À Grenoble, par exemple, le réseau de santé pour la prise en charge pluridisciplinaire de l'obésité (REPPOP) est capable de faire à la fois du dépistage, en liaison avec les écoles, du diagnostic et du suivi, en centre spécialisé lorsque c'est nécessaire, mais aussi dans la durée, en ambulatoire, grâce à des équipes pluriprofessionnelles impliquant aussi bien des endocrinologues que des nutritionnistes, des pédiatres et, lorsqu'il y a besoin d'un accompagnement, des psychiatres. Je trouve cette organisation plutôt intéressante. Je crois que les travaux de votre commission d'enquête touchent à leur fin, mais si ces questions vous intéressent, je vous recommande vivement de contacter l'équipe du REPPOP ; elle dispose – me semble-t-il – d'une délégation de service public, elle est financée par l'agence régionale de santé et est chargée du suivi des cohortes de patients obèses.

Faut-il un « Toxi-Score » intégrant les perturbateurs endocriniens ? Dès lors qu'il existe un lien de causalité avéré entre un perturbateur endocrinien et un risque sanitaire, je suis pour l'interdiction du perturbateur endocrinien ; c'est ce qui a été fait avec le bisphénol ou le dioxyde de titane, par exemple. S'il s'agit d'un risque supposé, peut-être cela pourrait-il être indiqué clairement. Les applications qui ont été développées à cette fin, notamment en matière alimentaire, fonctionnent bien ; on peut toujours discuter du traitement de certaines données, mais je crois que c'est une solution d'avenir.

Une commission d'enquête n'est pas le lieu pour que je décline mes idées relatives à la profession de préventologue. Je veux en outre laisser aux équipes qui seront chargées d'animer le Ségur de la santé publique le soin de définir cette profession si elles estiment cela nécessaire, voire judicieux – ce dont je ne suis pas sûr à l'heure à laquelle je vous parle, puisque les travaux n'ont pas encore été lancés.

S'agissant du rôle des collectivités territoriales en matière de santé publique, quatorze régions sont dotées d'un troisième plan régional santé-environnement courant, suivant les cas, jusqu'en 2021 ou 2022. Conformément à la loi, le PRSE est mis en œuvre par l'ARS, le préfet, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et le conseil régional, sauf dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France et Occitanie ; il est intégré au projet régional de santé.

De manière générale, j'avais défendu, dans une tribune et un amendement – qui, je crois, avait été adopté –, l'idée qu'il fallait donner plus de légitimité aux collectivités territoriales en matière de politique de santé publique. En effet, si je crois profondément que la gestion du risque sanitaire relève du domaine régalien, à travers l'assurance maladie, et si je crois en une déconcentration, par l'intermédiaire des ARS, plutôt qu'en une décentralisation des politiques sanitaires, en revanche, en matière de santé publique, les collectivités territoriales doivent pouvoir s'impliquer ; d'ailleurs, elles le font déjà bien souvent. Comment concevoir un plan local d'urbanisme sans un volet sanitaire ? Comment penser l'organisation des transports collectifs sans mener une réflexion sanitaire ? Et ne sont-ce pas les collectivités territoriales qui ont détruit les murailles des villes fortifiées lorsque les pandémies sévissaient, de manière à aérer et permettre l'évacuation des germes ? Ne sont-ce pas elles qui ont raccordé les logements au tout-à-l'égout, construit des fontaines et des aqueducs, puis installé l'eau courante et enfin l'eau potable ? Qui ont espacé les rues et fait retirer les porcs qui mangeaient les déchets pour éviter la transmission des maladies ? De tout temps, les collectivités locales se sont pleinement impliquées dans la santé publique ; d'ailleurs, les gains les plus importants en termes d'espérance de vie furent la conséquence directe de ces actions, et le mouvement des hygiénistes a été porté par les collectivités locales. Je revendique leur rôle en la matière : il faut pouvoir les laisser faire – sous réserve toutefois que leur action soit adaptée aux risques sanitaires réels et qu'elle n'anticipe pas des risques non avérés.

Vous me pardonnerez de faire à ce sujet une petite digression de nature politique. Quand un élu local décide de réduire la circulation des voitures et de favoriser les déplacements en transports collectifs ou à vélo, c'est formidable, mais si cela se fait au prix d'un report de la pollution vers d'autres lieux, avec des conséquences sur la santé des gens, cela n'a pas beaucoup de sens. En outre, vouloir réduire la pollution par les voitures, c'est bien, mais s'attaquer aux antennes-relais alors qu'il n'a pas été démontré qu'elles présentaient un risque pour la santé, c'est autre chose.

Cette réserve faite, laissons libre cours aux idées des collectivités territoriales et à leur volonté de bien faire, et accompagnons-les.

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