Intervention de le Pr Jérôme Salomon

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Je suis aussi sensible à cette approche. Pour convenir à tous, nous pouvons reprendre la définition de l'OMS, qui est très large et accessible.

Je me suis intéressé au sujet de Sainte-Pazanne, un modèle de ce qu'il faudra améliorer. Comme souvent dans ces investigations, qui traitent de cancers pédiatriques, on constate une énorme souffrance et une forte attente des parents pour que l'on comprenne ce qu'il se passe. Avec le Président de la République, le Gouvernement et le ministre des Solidarités et de la santé, nous souhaitons faire des cancers pédiatriques une priorité des prochaines années. Ce domaine est encore peu connu. Ces cancers sont souvent liés à des histoires de vie, à des expositions pendant la grossesse, puisque les tumeurs peuvent survenir très tôt chez l'enfant. Il est primordial de rassurer les futurs parents pour savoir si une exposition environnementale est en cause et mériterait une action très rapide de l'État.

Par ailleurs, la Cire est le bras armé en région de Santé publique France et l'ARS s'appuie sur elle. Les démarches devraient donc être coordonnées. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'un problème qui mériterait d'être regardé de près.

En ce qui concerne les moyens humains et financiers, le soutien national a été fort, puisque nous avons mobilisé les échelons régionaux que vous avez cités, l'ARS et la Cire, mais aussi l'expertise nationale de l'INCa, de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), puisque nous nous étions posé la question de l'ensemble des origines des cas repérés dans cette zone.

Ce type d'alerte ne peut pas rester au niveau régional face à une inquiétude portant sur un cluster atypique et préoccupant. J'ai demandé aux ARS de mettre en place plusieurs niveaux, avec d'abord la réaction d'alerte. Il faut immédiatement faire preuve d'écoute et d'empathie et comprendre si l'alerte est significative ou non. Il peut ensuite y avoir une réponse locale, régionale, si l'expertise est disponible. En cas de signal préoccupant pour la santé publique, une question qui n'est pas traitée ou une réelle interrogation sur une exposition particulière, il faut mobiliser l'expertise nationale. Il n'y a pas de censure financière ou humaine de notre part, même si les budgets ne sont pas illimités et font l'objet d'âpres négociations et de débats parlementaires.

Les agences d'expertise ont des difficultés à mettre en place des outils modernes. Les registres et leur fonctionnement ont un coût. De même, la participation des médecins à l'enregistrement de données sur le système national de santé, à des fichiers modernes accessibles en ligne, à des données de qualité, à de la modélisation constitue un investissement important, que je soutiens totalement. Nous avons aussi besoin de l'interface entre les agences d'expertise et les milieux de la recherche. En effet, le soutien des chercheurs pourra nous apporter les réponses attendues, notamment des parents.

Il est donc essentiel d'avoir une très forte corrélation entre l'ARS et la Cire et, au moindre signal, de répondre aux questions.

Toutes les données sur la Covid sont en ligne. L'analyse des facteurs de risque montre plusieurs points. Tout d'abord, la Covid est un révélateur des inégalités sociales, car il s'agit d'une maladie de la promiscuité, de la précarité et de l'exposition. Toutes les personnes qui, du fait de leur logement, de leur profession sont soumises à de nombreux contacts sont plus exposées que les autres. Ensuite, la surreprésentation de malades d'origine hispanique ou appartenant à la communauté noire s'est retrouvée dans les pays anglo-saxons, mais pas en France, où nous n'avons pas le droit de réaliser des statistiques ethniques. En revanche, nous observons que les personnes issues de milieux défavorisés sont davantage touchées, par exemple les migrants ou les populations de zones très denses.

En ce qui concerne les facteurs de risque individuels, on relève chez les malades qui souffrent de formes graves et qui se trouvent en réanimation une surreprésentation de personnes ayant des comorbidités. Le facteur de l'obésité ressort très nettement, entraînant des détresses respiratoires. Ce constat se retrouve avec la grippe, puisque les obèses souffrent plus de formes graves. Ces points sont démontrés de manière très nette dans la Covid sévère. De même, nous constatons aussi beaucoup de diabète, d'hypertension.

Depuis le début de la crise, nous constatons également une surreprésentation masculine que nous ne nous expliquons pas. En réanimation, nous avons en permanence 72 % d'hommes pour 28 % de femmes, ce qui constitue une différence énorme. Il est possible que les hommes se comportent moins bien que les femmes et soient donc plus exposés à des anomalies de santé. Une autre piste envisagée est que les chromosomes sexuels favoriseraient l'expression de récepteurs pulmonaires un peu différents chez l'homme et chez la femme.

Le facteur majeur reste l'âge : plus une personne est âgée, plus elle présente des risques de souffrir d'une forme sévère.

Les profils de patients sont globalement identiques en France et en Europe, avec plus de personnes précaires, fragiles et de malades chroniques, notamment ceux qui sont mal suivis, décompensés, qui vivent probablement dans un milieu qui ne favorise pas le suivi optimal de leur pathologie.

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