Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARS
  • air
  • approche
  • cancer
  • expertise
  • pollution
  • santé-environnement
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La réunion

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L'audition débute à quatorze heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

M. le professeur, vous êtes professeur des universités, praticien hospitalier. Vous êtes directeur général de la santé depuis début 2018.

Entre autres compétences, la direction générale de la santé (DGS) propose les objectifs et les priorités de la politique de santé publique en veillant, notamment, à la prévention des risques, à l'amélioration de l'état de santé général de la population, à l'égal accès au système de santé ainsi qu'à la qualité et à la sécurité de ce dernier. La direction générale de la santé élabore les plans de santé publique et les programmes nationaux de santé. Elle participe à la définition et contribue à la mise en œuvre des actions de prévention, de surveillance et de gestion des risques sanitaires liés à l'environnement, au milieu de travail, aux accidents de la vie courante, à l'eau et à l'alimentation. Elle contribue également à la définition de la politique nutritionnelle. La direction générale de la santé participe au Conseil national de pilotage des agences régionales de santé et assure le suivi de leur action entrant dans son champ de compétence. Elle assure également la tutelle des autres établissements publics et organismes exerçant leur activité dans les domaines de la santé publique et de la sécurité sanitaire.

(M. le Pr Jérôme Salomon prête serment.)

Permalien
le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Mme la présidente, Mme la rapporteure, Mmes et MM. les députés, c'est avec grand plaisir et beaucoup d'intérêt que je réponds aujourd'hui à votre commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques en santé-environnement.

Notre environnement est un déterminant majeur de notre santé. En tant que directeur général de la santé, ma mission quotidienne est de protéger la santé de nos concitoyens. De plus en plus, ils s'interrogent, à juste titre, sur les relations entre leur environnement et leur santé. Les accidents récents de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou de l'usine Lubrizol, les clusters de cancers pédiatriques ou les investigations menées autour des cas d'agénésies transverses des membres supérieurs le montrent.

La crise de la Covid-19, qui m'occupe quotidiennement depuis maintenant dix mois, en est également l'exemple. Elle nous réinterroge sur un principe fondamental, peut-être oublié de nos sociétés occidentales, le lien étroit entre notre santé, la santé animale et la santé de l'environnement, le concept de « santé globale ».

Depuis plus d'un demi-siècle, le dispositif réglementaire consacré à la santé-environnement s'est considérablement renforcé, tant au niveau national qu'européen, garantissant une meilleure protection de l'homme et de l'environnement. Ainsi, la consécration du principe de précaution dans la Constitution française est une force. Ce principe garantit la protection de la santé de chacune et chacun, dans un domaine encore empreint de nombreuses incertitudes. Nous portons cette politique avec le ministère de la Transition écologique, ceux de l'Agriculture, de la Recherche, du Travail, de la Consommation, de l'Éducation nationale, et j'en oublie, afin de réduire les impacts négatifs de l'environnement sur notre santé et, de façon parallèle, promouvoir un environnement favorable à la santé.

La sous-direction de la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation, des facteurs extérieurs qui vont agir sur notre exposome, est depuis longtemps une sous-direction majeure de la direction générale de la santé. Elle est dotée d'une cinquantaine d'agents, dont les profils sont atypiques pour une administration centrale puisqu'il s'agit principalement d'ingénieurs du génie sanitaire, médecins, pharmaciens et agents administratifs.

Les sujets quotidiens du ministère chargé de la Santé, dont ceux de la direction générale de la santé, sont aussi l'offre de soins, le financement du système de santé, la sécurité sanitaire et les produits de santé au sens large, la lutte contre le tabagisme, l'alcool, les addictions, les enjeux de santé mentale, mais aussi la gestion des crises sanitaires. La santé-environnement est probablement le domaine pour lequel les attentes sociétales sont de plus en plus fortes. Nous le constatons très nettement de la part de nos concitoyens, des médias, des élus, ce qui est tout à fait légitime.

Cette sous-direction existe depuis une vingtaine d'années. Ses champs d'intervention sont extrêmement variés : la qualité sanitaire des eaux, notamment les eaux de consommation, les environnements intérieurs, qui peuvent être plus dangereux que l'environnement extérieur. Nous sommes attentifs aux sujets de la pollution par l'amiante, du radon, un risque naturel, mais réel, qui entraîne une morbi-mortalité significative en France, du plomb, sur lequel nous avons heureusement réalisé de grands progrès ces dernières années. Nous traitons également des sujets comme l'habitat insalubre, important pour nos concitoyens.

Parmi les environnements extérieurs, la préoccupation majeure est celle de la qualité de l'air que nous respirons et, plus largement, de toutes les substances chimiques et les agents physiques. Je citerai en particulier les interrogations sur les perturbateurs endocriniens, sur l'impact de la 5G, l'usage des pesticides au quotidien dans l'environnement de nombre de nos communes, et, plus largement, l'alimentation et la nutrition.

Je voudrais aussi insister sur un autre point fort : l'existence d'un vivier très important de compétences en santé-environnement dans les agences régionales de santé (ARS) et dans les délégations territoriales. Il s'agit également d'ingénieurs, de médecins, de pharmaciens, mais aussi de techniciens sanitaires. Je crois que plusieurs des personnes que vous avez déjà auditionnées ont salué la compétence technique de ces personnels. Je la salue aussi.

Les sujets de santé-environnement sont très complexes et les ARS doivent continuer à exercer leurs missions pour garantir la sécurité sanitaire des populations et promouvoir des environnements et des comportements individuels et collectifs favorables à la santé, tout au long de la vie.

Leurs missions, qui sont régaliennes, concernent la sécurité sanitaire des eaux, la lutte contre l'habitat insalubre, la lutte anti-vectorielle, qui deviendra un sujet majeur dans les prochaines années puisque nous avons de plus en plus de vecteurs sur le territoire métropolitain. Ces missions sont fondamentales. Si la qualité microbiologique, bactériologique des eaux s'est considérablement améliorée ces dernières années, la présence croissante de substances chimiques ou de leurs produits de dégradation nécessite de poursuivre le contrôle sanitaire et les investigations, avec une technicité très importante.

De même, l'habitat insalubre est une des causes des inégalités de santé en France, contre lesquelles la DGS et moi-même luttons. Les inégalités de santé, sociales, géographiques et d'accès à l'information en santé sont des facteurs explicatifs de morbidité et de mortalité tout à fait significatifs en France. Ce constat est encore plus criant avec la Covid.

Enfin, avec les effets du changement climatique, l'emprise des espèces nuisibles, vecteurs de maladies, est de plus en plus forte. Cette extension des vecteurs sur le territoire métropolitain se déroule du Sud vers le Nord, de façon rapide.

Toutes ces compétences sont essentielles pour accompagner les collectivités locales. Les maires sont des interlocuteurs privilégiés des inquiétudes des populations, des associations. Ces compétences doivent aider les collectivités à s'approprier les enjeux de santé-environnement et à bâtir, de manière coordonnée avec les ARS, des programmes d'action au plus proche des territoires et des populations les plus vulnérables, qui tiennent compte des spécificités de ces territoires. Des difficultés liées à l'histoire ou à la géographie font que ces problèmes de santé-environnement sont différents. Il faut donc être compétent, capable d'être au plus près du terrain et des élus. De plus, ce sont souvent les populations les plus vulnérables qui sont les plus exposées aux difficultés environnementales, en raison de l'habitat, de la proximité d'une zone à haut risque. Cette situation peut et doit donc s'affiner avec un dialogue permanent entre l'ARS, ses délégations territoriales et l'ensemble des élus des territoires.

Le troisième point concerne deux grandes agences d'expertise, sous tutelle du ministère de la Santé, l'Anses et Santé publique France pour l'évaluation des risques sanitaires liés à notre environnement, à notre alimentation, et plus globalement, pour la surveillance de la santé des populations, la veille et la recherche. Je vous recommande également Geodes, un site d'accès grand public qui permet, à un échelon territorial, de connaître les pathologies. Vous pouvez regarder le nombre de cancers du poumon, de cas Covid, les pathologies multiples chroniques.

Il est très important d'aller vers la transparence. Les associations, la population générale et les élus doivent connaître les spécificités de santé de leur territoire, afin d'alerter ou de rassurer, sur le fait, par exemple, qu'il n'y a pas plus de cas de cancers du sein, du poumon ou de la thyroïde chez les hommes et les femmes de leur territoire. J'ai cette volonté que tout soit transparent, que les acteurs s'emparent des questions de santé à l'échelle des territoires et que les populations aient accès à cette information. C'est important pour « embarquer » les populations dans des enjeux d'aménagement de leur environnement et de changement de comportements, car elles ont besoin de savoir exactement quel est leur état de santé. L'Anses et Santé publique France ont un rôle de veille, mais surtout un rôle de partage de l'information pour susciter des efforts de recherche de la part des acteurs académiques ou « du terrain ».

Ces deux grandes agences sont reconnues au niveau européen et international pour leurs compétences et leur organisation. Elles possèdent aussi un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts. Il est fondamental que les experts qui se positionnent soient dénués de conflits d'intérêts, compte tenu de l'ensemble des controverses qui sont suscitées à la fois par la complexité des sujets et par les incertitudes multiples dans le champ de la santé environnementale.

Par ailleurs, Santé publique France dispose d'une représentation territoriale, la cellule d'intervention en région (Cire), qui est un atout majeur dans la gestion des situations locales, en appui des ARS. Ces cellules investiguent sur le terrain, par exemple les clusters de cas de cancers pédiatriques. Les agénésies transverses des membres supérieurs en ont bénéficié. Les Cire interviennent également dans les investigations des nombreux sites et sols pollués par des activités industrielles anciennes ou des activités minières, qui sont arrêtées depuis des décennies, mais dont nous gardons malheureusement l'empreinte géographique et territoriale. Elles analysent les conséquences sanitaires pour la population qui vit à proximité.

Nous avons aussi la chance d'avoir un Haut conseil de la santé publique (HCSP), qui montre tous les jours, y compris les week-ends, sa puissance d'action et de réaction face à la crise de la Covid-19. Je crois l'avoir déjà saisi près de cent fois sur des sujets techniques cette année. Le Haut conseil joue un rôle essentiel dans l'analyse des risques évalués par les agences d'expertise. Il apporte aussi des recommandations de gestion sur lesquelles reposent nos décisions, ainsi qu'un appui pour l'orientation et l'évaluation des politiques publiques. En santé-environnement, l'expertise repose sur la commission risques liés à l'environnement. Tous les travaux et avis spécialisés du Haut conseil sont en ligne pour l'ensemble des acteurs et le grand public.

Je n'oublie pas d'autres agences ou autorités indépendantes, qui jouent un rôle majeur en appui à la politique en santé-environnement. La Haute autorité de santé (HAS) s'est beaucoup positionnée sur des enjeux environnementaux, l'Institut national du cancer, qui est en train de rédiger sa stratégie décennale, est très attentif au rôle de l'environnement dans l'évolution des cancers. Étudier, dans les dix prochaines années, les liens entre l'exposome et la survenue de cancers, chez les enfants, les femmes, mais aussi dans la survenue de cancers rares, sera probablement une priorité de l'Institut. Les expositions environnementales peuvent donner des cancers particuliers. La recherche actuelle porte sur les cancers du cerveau, des cancers survenus in utero ou des cancers liés à une exposition à des perturbateurs endocriniens. L'Institut est très mobilisé sur ces sujets, ce qui est aussi le cas d'acteurs opérateurs spécifiques que sont l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou l'Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN). Sur notre territoire, nous avons beaucoup de sites naturellement ou industriellement contaminés. Il est très important d'avoir accès à ces informations et à ces expertises.

Enfin, il faut de la coordination. Tous les mercredis matin, je préside une réunion mise en place en 1997 par Bernard Kouchner lorsqu'il était ministre. Elle réunit tous les acteurs de la sécurité sanitaire en France, toutes les agences que j'ai citées, ainsi que les directions de l'administration centrale telles que la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). L'idée est que tous ces acteurs reçoivent la même information au même moment pour avoir une coopération et une richesse d'expertise sur des sujets qui peuvent être extrêmement complexes. Cette réunion doit nous permettre d'œuvrer efficacement, de façon collégiale, pour protéger la santé des populations. Elle est l'occasion de faire le point sur tous les sujets. Les urgences peuvent être traitées à un autre moment et plus rapidement. Nous avons ainsi un partage efficace de l'information.

Je voudrais également souligner le dynamisme des parties prenantes. Nous avons la chance d'avoir en France de nombreuses associations de défense des consommateurs ou de l'environnement, très structurées et très bien informées. Nous avons des organisations professionnelles, des acteurs économiques, des personnalités qualifiées. Je voudrais citer un exemple de réussite française, l'étiquetage nutritionnel Nutriscore, qui nous est envié à l'extérieur et qui rencontre un très vif succès chez les consommateurs. Il s'agit d'un très bon exemple de l'adhésion possible de l'ensemble des parties prenantes.

Le Nutriscore est parti d'une expertise française liée à une recherche. Cette création progressive a entraîné l'adhésion de Santé publique France, des acteurs de l'industrie et du grand public, a beaucoup intéressé l'OMS et d'autres pays proches de nous. Ils considèrent que participe de l'éducation sanitaire des Français, la démarche de savoir ce qu'ils mangent et s'ils sont face à un produit de bonne qualité nutritionnelle ou pas, grâce à cette simplicité du Nutriscore, basé sur des codes couleurs. Même un enfant peut comprendre qu'il vaut mieux utiliser un code couleur vert qu'un code couleur rouge. On sait d'ailleurs que les enfants interviennent dans le choix des produits en ayant parfaitement compris ce que voulait dire le Nutriscore. Nous avons donc un effet pédagogique, mais aussi un effet positif concurrentiel. Les industriels préfèrent avoir un Nutriscore de bonne qualité qu'un Nutriscore dégradé. Ils font donc des efforts dans la présentation de leurs produits. Nous sommes dans un cercle vertueux de l'adhésion des parties prenantes.

S'agissant de la santé-environnement, toutes ces parties prenantes avec lesquelles nous échangeons régulièrement sont réunies au sein du groupe santé-environnement (GSE), que vous présidez, Mme la présidente. Je connais leur attachement et le vôtre à contribuer à l'élaboration et à l'évolution des politiques en santé-environnement.

La récente convention citoyenne sur le climat doit aussi conduire à nous interroger sur l'organisation du débat public autour des sujets de santé-environnement, débat auquel je suis très attaché, ainsi que sur la possible évolution de la gouvernance du plan national santé-environnement, en lien notamment avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

En revanche, des évolutions sont possibles en raison des points faibles, voire des difficultés. Le premier enjeu concerne la partie interministérielle. J'ai évoqué la présence d'un vivier de compétences en santé-environnement au sein du ministère de la Santé, une grande force pour assumer les fonctions régaliennes de sécurité sanitaire et dans les champs de compétences de la DGS, la promotion de la santé, l'éducation en santé, mais aussi la prévention. Pour les jeunes générations, nous devons construire un environnement favorable à la santé, tous ensemble et avec elles, dans une approche positive plutôt qu'une approche qui ne ferait qu'alerter sur les risques.

Les leviers d'action sont nombreux, dans les transports, où nous constatons depuis quelques mois l'explosion de l'utilisation du vélo, l'aménagement des territoires, enjeu fondamental pour les élus de proximité, l'agriculture, l'enseignement, la formation. Les jeunes générations d'agriculteurs demandent à être impliquées dans les environnements favorables à la santé et à leur santé, puisqu'ils sont directement exposés. Ces points relèvent de compétences de nombreux ministères, beaucoup plus largement que de celui de la Santé. Le comité interministériel pour la santé (CIS), présidé par le Premier ministre, a justement pour vocation d'impulser la santé dans toutes les politiques publiques.

Pour ces raisons, il était prévu de présenter les mesures phares du plan national santé-environnement 4 (PNSE 4) lors du comité interministériel pour la santé, programmé mi-mars 2020. Malheureusement, la Covid est venue bouleverser l'agenda du Gouvernement, cette présentation étant prévue juste après l'instauration du premier confinement, particulièrement strict. Il n'était donc pas possible de tenir cette réunion, mais ces sujets restent d'actualité. J'imagine que le Premier ministre voudra réunir cette instance dès lors que la situation se sera améliorée.

S'agissant de la santé-environnement et de l'élaboration du PNSE 4, je me réjouis de la forte présence des autres ministères. Je pense cependant toujours que nous pouvons faire mieux, notamment en décloisonnant, puisqu'il s'agit d'un enjeu transversal à l'ensemble des actions publiques. Nous devons éviter les « silos » pour que l'approche soit la plus intégrée possible et que toutes les démarches, toutes les politiques respectives et respectables, soient coordonnées. C'est une réalité au niveau national, mais aussi dans les régions et dans les territoires. Le développement en cours du principe « une seule santé », initié dans le projet de PNSE 4, ira vers un décloisonnement de ces politiques, qui est attendu par nos concitoyens. Dans la mise en œuvre du suivi du PNSE 4, une évolution en ce sens serait à envisager.

Par ailleurs, la DGS met régulièrement des outils techniques à disposition des ARS. Nous transmettons des instructions sur la recherche de métabolites de pesticides dans l'eau, sur le radon dans les habitations, en particulier dans les zones les plus touchées. Nous avons besoin d'accompagner les agences dans la déclinaison de dispositifs réglementaires souvent très techniques. Je tiens toutefois à rappeler qu'elles sont autonomes. La responsabilité d'utiliser les outils que nous leur fournissons leur incombe.

Dans un domaine où nous avons une expertise de haut niveau et des enjeux complexes, nous aurions à gagner à mutualiser les compétences. J'y suis attentif, car ce serait mentir que d'affirmer que toutes les compétences sont partout, ce qui n'est pas techniquement réalisable. En revanche, avec les élus et les organisations, nous pourrions mutualiser des outils et des compétences entre ARS. Par exemple, si un expert des perturbateurs endocriniens se trouve en Occitanie et peut aider à expertiser une situation très pointue en Nouvelle-Aquitaine, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions, d'autant que l'expertise en région est souvent très riche. De même, lors de nombreuses investigations de terrain, certaines ARS ont mis en place des dispositifs d'information de la population et de mobilisation d'une expertise. Ils pourraient être judicieusement partagés avec d'autres territoires si l'expérience a été une réussite pouvant servir à d'autres problématiques proches.

Cette mutualisation est un enjeu majeur pour les prochaines années parce que nous devons améliorer notre capacité à réagir vite, efficacement et de manière homogène entre territoires. Or, actuellement, tous ne sont pas dotés des mêmes expertises, certains étant plus isolés ou faisant face à des difficultés spécifiques.

La culture de la santé-environnement dans les territoires me semble devoir être consolidée par des moyens de sensibilisation et de formation. Le PNSE le prévoit, notamment pour la formation des élus et des agents des collectivités locales. Cette tâche est difficile au regard du nombre important d'acteurs impliqués, souvent avec de petits moyens, et de la diversité du sujet. Il existe toutefois de très nombreux sites officiels d'information institutionnelle, sur des sujets majeurs tels que l'amiante, le radon, la qualité de l'eau de consommation, la chlordécone aux Antilles.

Dans le cadre du PNSE et de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, nous avons récemment créé un site, porté par Santé publique France et l'Anses, consacré aux bons gestes quotidiens au cours des 1 000 premiers jours de l'enfant. Il s'agit d'un site grand public, qui donne des conseils adaptés, de la grossesse jusqu'aux deux ans de l'enfant. Cette période est la plus à risque d'exposition environnementale, d'accidents de santé. Ce type de site mériterait davantage de publicité auprès des élus et associations pour qu'ils participent aussi à modifier l'environnement.

Nous avons également utilisé un site de co-construction pour les maladies à tiques et le signalement de l'ambroisie. Le grand public participe à l'enrichissement de l'information en signalant par exemple qu'une commune est touchée par l'ambroisie ou des problèmes de vecteurs. Nous pouvons ainsi diffuser des messages de prévention validés et les bons gestes à adopter, ce qui permet de partager une information de qualité et de lutter contre la désinformation.

Nous pouvons également améliorer la mesure de l'efficacité des politiques, en santé-environnement et sur l'économie de la santé. L'évaluation du coût sanitaire et social de certains facteurs environnementaux existe déjà, notamment en ce qui concerne l'impact de l'air. La pollution de l'air est une cause très méconnue de morbi-mortalité. Je crois que les Français ne sauraient pas répondre à la question de l'impact de la pollution de l'air sur la santé alors qu'il est majeur. L'information est également disponible sur les perturbateurs endocriniens ou l'ambroisie. En revanche, l'impact d'une politique en santé-environnement sur le changement des comportements est rarement mesuré, ni même les économies potentielles de santé. Nous pointons toujours les risques, alors que les avantages sont réels. Déclarer qu'une politique en santé-environnement peut faire économiser des consultations et des dépenses de santé beaucoup plus lourdes lorsqu'il s'agit de cancer est une approche que nous n'avons pas.

Pourtant, nos voisins anglo-saxons peuvent démontrer qu'une politique efficace permet d'économiser des dépenses majeures dans les deux, cinq ou dix ans. Notre approche budgétaire annuelle freine les enjeux de santé publique parce que souvent, en santé, le retour sur investissement n'apparaît pas immédiatement. Je pense préférable de favoriser un investissement à moyen et long terme. Les pays scandinaves ont par exemple obtenu un pacte national sur ces enjeux. Ils acceptent qu'un investissement en santé ou qui favorise les bons comportements entraîne une diminution de 10 %, 20 % ou 30 % des cancers hormono-dépendants ou liés à une pollution à un horizon de dix, quinze ou vingt ans.

Ces données seront d'autant plus utiles demain pour justifier l'intérêt du financement en santé-environnement et mobiliser les politiques autres que la santé. La modification des transports implique des financements considérables, qui engendreront des retours sur investissement plus tard, grâce au passage de transports polluants vers des transports non polluants. De même, dans la lutte contre le réchauffement climatique, nous savons que nos villes doivent complètement changer. La végétalisation des voiries, des toitures est probablement une solution pour lutter contre les îlots de chaleur. Or, il s'agit d'aménagements extrêmement lourds financièrement, de dizaines de milliards d'euros, mais dont le retour sur investissement sera considérable. Nous aurons beaucoup moins de morbi-mortalité à la suite des canicules, qui ne manqueront pas de se succéder.

Le financement et l'évaluation médico-économique de l'action me paraissent donc fondamentaux, d'autant que les recherches interventionnelles interdisciplinaires sont nombreuses. J'appelle de mes vœux des recherches décloisonnées, faisant appel à toute l'expertise française. En France, nous avons la chance d'avoir trois alliances extrêmement riches : l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), qui réunit le CNRS, l'Inserm, le CEA ou l'Institut Pasteur ; l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), totalement dédiée aux sciences de l'environnement et des milieux ; l'alliance Athéna, pour les sciences sociales et humaines, qui réunit des sociologues, des psychologues et des spécialistes des comportements. Ces derniers peuvent nous aider à comprendre pourquoi nos concitoyens adoptent ou non certains comportements.

La communication est également un défi à relever. Je suis un fervent partisan de la transparence et de la pédagogie. Je suis persuadé que nos concitoyens sont parfaitement matures dès lors qu'ils sont informés. Ils l'ont démontré à plusieurs reprises. J'ai présidé un « colloque du futur » aux Antilles, sur la chlordécone. Il était présenté comme un véritable défi, avec des menaces sur l'ordre public et une inquiétude quant à de possibles manifestations. Finalement, il s'est très bien déroulé, malgré de fortes tensions initiales parce que les populations en veulent à leurs élus et au préfet. Plus le débat s'est poursuivi, plus la discussion s'est révélée riche et positive.

Nous devons sortir du débat très ancien entre scientifiques et décideurs. Deux grands acteurs s'y sont ajoutés, la population et les médias. Cette ouverture nous oblige à adopter un discours différent, beaucoup plus ouvert et tolérant, qui ne reste pas technocratique ou scientifique. Nous devons être prêts à entendre la controverse, les questions d'une maman angoissée ou d'un papa énervé. Je suis persuadé que ce modèle est celui de demain.

Pour l'avoir vécu avec des parents d'enfants victimes de cancers pédiatriques, ce qui nécessite beaucoup de psychologie et d'empathie, mais aussi pour avoir suivi les quelques familles concernées par les agénésies transverses du membre supérieur, tous m'ont remercié de l'écoute et de la communication, car ils ne souhaitent pas aller jusqu'au contentieux. Ces familles veulent comprendre ce qui s'est passé, que l'on montre que nous avons compris le signal et que nous l'étudions.

Très souvent, les situations s'enveniment et deviennent polémiques, parce que les collectivités locales, le préfet ou l'ARS n'ont pas réussi à mettre en place une instance de débat et de communication auprès des administrés. Quand le maire instaure ce débat, que les experts se déplacent, que l'ARS écoute, le sujet devient plus apaisé.

Cet enjeu de soutien rapide de l'ARS est essentiel dans des territoires qui ont des problèmes spécifiques, notamment ceux contaminés par des sites industriels ou miniers. Il est primordial de compter aussi sur la mobilisation de l'Anses ou de Santé publique France pour élucider les liens éventuels entre l'environnement et la santé, en associant très tôt les organismes de recherche et en aidant les élus à mettre en place des messages de prévention adaptés, malgré les incertitudes. Il faut éviter de laisser la défiance s'installer, sans réponse et sans écoute. Il faut chercher le consensus des différents acteurs de recherche, du Haut conseil de santé publique ou de la Haute autorité de santé, que nous avions mobilisés sur des expertises en toxicologie, avec des sociétés savantes.

La santé-environnement est l'affaire de tous. Chacun peut agir à son niveau pour un environnement favorable à la santé. Il suffit de peu pour améliorer très nettement cet environnement. C'est pour cette raison que nous avons souhaité que le PNSE 4 soit un plan opérationnel, accessible et utile aux citoyens, élus, professionnels de santé, chercheurs.

Les attentes citoyennes sont au cœur du plan, notamment les inquiétudes telles que les nuisances sonores. La DGS est mobilisée sur le bruit de voisinage, notamment l'utilisation de sons amplifiés. Le plan reprend les inquiétudes autour de la 5G, des nanos, de l'augmentation des nuisibles tels que les moustiques ou les punaises de lit, de la qualité de l'air intérieur, en particulier dans les établissements sensibles qui accueillent les tout-petits. Nous devons aussi mener d'importants travaux avec les enceintes ferroviaires. Vous aurez noté ceux qui ont été lancés sur les transports en commun souterrains. Nous nous concentrons également sur l'utilisation des produits chimiques dans la vie quotidienne, dont les biocides et les désinfectants.

En outre, les jeunes sont une population à protéger, à motiver et à impliquer puisqu'ils seront les élus de demain. Ils sont concernés par différentes actions comme celles du service national universel, qui comprend des modules « environnement », le service civique, qui aide souvent dans des actions de protection de l'environnement, et le service sanitaire des étudiants en santé. Avec ce dernier, notre objectif est de transmettre des messages sur la santé environnementale puisque, dans leur formation initiale et continue, nos professionnels de santé ne reçoivent pas forcément d'informations sur l'impact de l'environnement sur la santé.

Des enjeux territoriaux sont portés par des élus et font aussi partie des actions du plan, notamment la problématique des sites et sols pollués. Des outils simples d'utilisation permettent de connaître la qualité de l'environnement à proximité de chez soi. Il s'agit d'une forte demande. Si vous déménagez, que vous achetez une maison ou que vous vous installez dans une commune, vous avez envie de connaître les problématiques de santé, de savoir s'il y a des sources de pollution, quelle est la qualité de l'air à proximité. Les familles veulent être informées des enjeux spécifiques de pollution de l'air, de l'eau ou du terrain pour adopter rapidement les bons gestes quotidiens. Nous avons d'ailleurs noté, pour certains sites et sols pollués très connus du territoire national, un enjeu de transmission d'informations. Les familles qui y sont installées depuis de nombreuses générations connaissent parfaitement les sites et comment se comporter, alors que ceux qui arrivent n'ont pas connaissance des bonnes pratiques et des gestes à respecter pour ne pas mettre en danger leur santé.

En tant qu'universitaire, je constate qu'un autre enjeu majeur porte sur la recherche. Les chercheurs se verront allouer des moyens plus conséquents. Vous débattez aussi en ce moment de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche. Nous avons convaincu le ministère de la Recherche de consacrer beaucoup d'efforts de recherche aux liens complexes entre notre santé et des expositions multiples, itératives, chroniques à des facteurs exogènes, mais aussi à caractériser l'exposome. Nous avons énormément de progrès à faire et d'innovations à apporter. La France peut être l'un des pays les plus engagés dans ce domaine. Les Français sont tout à fait prêts à participer de manière proactive à ce type de recherche, en étant même impliqués dans des suivis de longue durée.

Cette caractérisation de l'exposition à un niveau individuel peut encore beaucoup progresser. Nous avons probablement des innovations majeures à mettre en place pour caractériser l'exposition chronique d'une femme enceinte ou d'un enfant. L'exposition collective à des produits chimiques, des pesticides à l'échelle d'une commune, d'un canton ou d'un département est un sujet intéressant pour les industriels comme pour le développement de nouvelles technologies. Les enjeux sont d'ordre intellectuel et scientifique, mais nous pourrions aussi avancer vers de la recherche et développement, voire des brevets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est très plaisant qu'un directeur général de la santé soit aussi intéressé par les politiques qu'il porte en matière de santé environnementale.

Je vous remercie de cette présentation détaillée, que je qualifierai de sincère et lucide. Vous avez su valoriser ce qui se pratique en matière de santé environnementale, mais vous avez aussi accepté de reconnaître toutes les lacunes, toutes les marges de manœuvre et de progression qui demeurent pour que l'ensemble soit suffisamment cohérent pour être efficace.

Ce que vous venez de nous présenter conforte le sentiment que nous retirons de toutes ces auditions : nous sommes quasiment victimes d'un excès de richesses. J'en veux pour preuve les nombreux plans sectoriels. Vous avez évoqué tous ceux qui relèvent de votre ministère, mais il y en a tout autant au ministère de la Transition écologique, à celui de l'Agriculture. Nous en avons dénombré trente-quatre. Avez-vous une vue d'ensemble de tous ces plans qui touchent à la santé environnementale ? Nous avons essayé de retrouver la piste des financements, qui constitue un véritable écheveau. Nous ne retrouvons aucune information, ce qui nuit à la problématique du financement général de la santé environnementale, car nous n'avons aucune visibilité.

Par ailleurs, vous avez insisté sur la nécessité de la transversalité. Vous l'appliquez à l'intérieur de votre propre équipe par des réunions régulières pour assurer la coordination entre tous vos services. Qu'en est-il à l'échelle interministérielle ? Vous avez évoqué l'accusation de technocratie que l'on fait souvent aux administrations ministérielles. Qu'en est-il de cette black box dans laquelle entrent énormément d'informations, qu'il s'agisse d'informations objectives venues des agences, de propositions portées par les groupes de travail du GSE ? Quand elles en sortent, elles se résument à quelques lignes d'un plan que tout le monde a l'air de critiquer, parce qu'il manque de structure, qu'il est trop évasif, qu'il ne comporte pas de quantification ni de critères d'évaluation. On constate un décalage entre la volonté manifeste que vous portez, construite, sincère, et ce qui sort de la black box. Cette situation crée des frustrations difficilement compréhensibles.

On a parfois l'impression que les processus de réflexion internes aux cabinets ministériels et aux réunions interministérielles ne sont pas accessibles au commun des mortels, ce qui place votre volonté de participation en complet décalage. Les résultats restent décevants, alors que les informations disponibles, les bonnes volontés, les expertises sont nombreuses. Il faudrait simplement les coordonner. On entend toujours parler d'un problème de gouvernance, à l'échelle nationale comme territoriale.

Permalien
le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je vous remercie de votre commentaire sur ma sincérité, qui est totale. Je n'ai pas tout à fait le profil d'un directeur d'administration centrale puisque je suis un universitaire qu'on a « débauché » pour rejoindre le ministère de la Santé. Ceci peut expliquer mon appétence pour le débat et la recherche.

Nous pourrions avoir une solution simple, qui serait de tout faire de manière transversale. Malheureusement, les élus et les populations attendent qu'on aborde leurs problèmes. Si on adopte une approche globale en environnement face à une spécificité de pollution au plomb, les citoyens nous demandent : « Que faites-vous sur le plomb ? » Il faut présenter un plan « plomb ». Il me semble donc nécessaire de garder parfois des approches spécifiques, techniques, liées à des enjeux particuliers tels que la réduction du plomb dans les maisons, l'aération des lieux et des habitations contaminées par le radon, etc.

De temps en temps, nous devons toutefois répondre à une question sur le changement climatique, les pesticides, les perturbateurs endocriniens. Souvent, les associations attendent que nous répondions à une question par un plan, ce qui n'est pourtant pas toujours nécessaire. Il existe donc des enjeux d'intégration et de transversalité.

Vous avez parlé de l'approche interministérielle, qui peut être une faiblesse, car chacun campe sur ses problématiques. Vous avez évoqué la technocratie, mais je ne rejoins pas forcément cette approche, à laquelle je préfère le terme de technicité.

De plus, un mal typiquement français est que nous ne communiquons pas suffisamment sur ce que nous faisons, alors que dans 99 % des cas, les informations sont disponibles. Il n'y a pas de boîte noire, tout est en ligne sur les sites de l'Anses, du Haut conseil de la santé publique, de Santé publique France. Pendant la Covid, les élus ont découvert le site Geodes, qui enregistre désormais six millions de connexions par jour. Nous faisons face à un déficit de partage de l'information disponible.

En outre, nous organisons de nombreux débats publics, notamment pour la co-construction du plan chlordécone, aux Antilles, avec les maires et les élus des territoires de la Guadeloupe et de la Martinique. Un « copil » est mené par les élus locaux. La consultation publique est également en cours. Sur un sujet majeur de pollution, la population, les associations et les maires portent donc la construction du plan. Nous ne l'avons peut-être pas fait suffisamment savoir, mais il s'agit d'un bel exemple de plan venu du terrain et qui est ensuite porté par les ministères. Il est transversal, impliquant les ministères de l'Outre-mer, de la Santé, de l'Environnement, de la Recherche, de l'Agriculture et de la Pêche.

En revanche, nous pouvons progresser sur les enjeux de financement. En fractionnant toutes les actions, nous nous retrouvons avec un saupoudrage qui ne rime à rien, avec des sommes ridicules sur une dizaine de plans, alors que nous pourrions décider ensemble de prioriser des actions pendant trois ou cinq ans. Elles bénéficieraient d'un financement clair de la part des parlementaires, qui considéreraient que cet effort devrait être soutenu, quitte à ne pas être populaire. À force de vouloir faire plaisir à tout le monde, on ne fait plaisir à personne.

Je vous rejoins aussi totalement sur les enjeux de l'évaluation, un déficit français. Nous devons avoir systématiquement, dans tous les plans, un volet sur l'évaluation, qui doit être financée. Il s'agit d'une bonne pratique internationale, avec un audit externe, une équipe de recherche qui validera après deux ou quatre ans si notre action a été efficace. Cette démarche doit faire partie des politiques publiques modernes.

Je pense également que nous devons avoir des instances de gouvernance qui regroupent les associations ou les élus pour débattre de l'évolution du plan. De même, ce que font très bien les Anglo-Saxons, contrairement à nous, c'est la communication autour du plan. Des instances d'amplification de l'action doivent passer par une communication des pouvoirs publics ou d'acteurs autres, associatifs ou locaux, dans des réunions publiques régulières où l'on présente les résultats et où l'on débat avec les élus.

Les Français ont le savoir-faire, mais pas le faire-savoir. Nous réalisons des actions de santé publique extrêmement positives, comme le Nutriscore, les mesures amiante ou le plan chlordécone, mais nous n'en parlons pas. Les Américains font le contraire, ils en parlent avant même d'avoir commencé, avec de grandes campagnes de communication sans qu'aucune action ne soit en place.

Nous devons en tirer des leçons pour les prochaines années, pour développer plus de transversalité, de priorisation de certains plans, tout en réglant les difficultés de financement, d'évaluation externe, de gouvernance avec l'ensemble des acteurs, en développant une communication beaucoup plus solide, déjà intégrée dans le plan avec un financement spécifique.

Personnellement, je plaide pour une approche intégrée et transversale, qui est aussi celle de l'OMS. La santé de l'homme dépend énormément de celle de la faune, de la flore et de notre environnement. En parlant d'une seule santé, nous devons aussi avoir conscience que nous n'avons qu'une seule planète.

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Cette commission d'enquête a pour titre « L'évaluation des politiques publiques de santé environnementale », et non de santé-environnement. Pour moi, la santé environnementale, c'est l'impact de l'homme sur son environnement, mais aussi sur la faune et la flore, et les conséquences sur sa propre santé. Le terme de « santé-environnement » cloisonne, alors que nous devons décloisonner. La sémantique est importante, c'est pourquoi en début de rapport, je redéfinirai cette notion de fluidité, de santé environnementale.

En outre, j'ai écouté avec attention vos propos sur le suivi dans les territoires. J'ai fait partie du comité de suivi de Sainte-Pazanne. Cette expérience a motivé l'ouverture de cette commission d'enquête parce que j'ai constaté de nombreux dysfonctionnements. Les informations transversales étaient complètement absentes. Entre Santé publique France et l'ARS, nous n'avions pas le même discours, ce qui induisait une cacophonie. Les outils de modélisation n'étaient pas adaptés, avec des fichiers datant de 2015 ou des chiffres de 2003, ce qui pose énormément de difficultés pour étudier le problème actuel. De même, j'ai constaté très peu de portes ouvertes à l'innovation, aucune possibilité d'accéder à une autre méthode de travail par manque de moyens humains et financiers de la part de l'ARS des Pays de la Loire.

Enfin, je voulais connaître votre point de vue sur le profil des malades de la Covid-19. On parle beaucoup de maladies chroniques, d'obésité.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je partage votre analyse sur la sémantique. La définition de la santé environnementale est celle de l'OMS, incluant la qualité de vie et tous les facteurs qui y contribuent, physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques. Elle est très large puisqu'elle tient compte de l'ensemble des facteurs exogènes qui sont susceptibles d'affecter la santé de notre population et des générations futures. J'étais embêté, car votre présidente pilote le plan national santé-environnement, c'est pourquoi j'ai conservé les deux appellations. Je ne voulais pas la vexer.

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Je n'ai aucune préférence entre les deux termes. Je trouve l'expression « santé environnementale » beaucoup plus euphonique.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je suis aussi sensible à cette approche. Pour convenir à tous, nous pouvons reprendre la définition de l'OMS, qui est très large et accessible.

Je me suis intéressé au sujet de Sainte-Pazanne, un modèle de ce qu'il faudra améliorer. Comme souvent dans ces investigations, qui traitent de cancers pédiatriques, on constate une énorme souffrance et une forte attente des parents pour que l'on comprenne ce qu'il se passe. Avec le Président de la République, le Gouvernement et le ministre des Solidarités et de la santé, nous souhaitons faire des cancers pédiatriques une priorité des prochaines années. Ce domaine est encore peu connu. Ces cancers sont souvent liés à des histoires de vie, à des expositions pendant la grossesse, puisque les tumeurs peuvent survenir très tôt chez l'enfant. Il est primordial de rassurer les futurs parents pour savoir si une exposition environnementale est en cause et mériterait une action très rapide de l'État.

Par ailleurs, la Cire est le bras armé en région de Santé publique France et l'ARS s'appuie sur elle. Les démarches devraient donc être coordonnées. Si tel n'est pas le cas, il s'agit d'un problème qui mériterait d'être regardé de près.

En ce qui concerne les moyens humains et financiers, le soutien national a été fort, puisque nous avons mobilisé les échelons régionaux que vous avez cités, l'ARS et la Cire, mais aussi l'expertise nationale de l'INCa, de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), puisque nous nous étions posé la question de l'ensemble des origines des cas repérés dans cette zone.

Ce type d'alerte ne peut pas rester au niveau régional face à une inquiétude portant sur un cluster atypique et préoccupant. J'ai demandé aux ARS de mettre en place plusieurs niveaux, avec d'abord la réaction d'alerte. Il faut immédiatement faire preuve d'écoute et d'empathie et comprendre si l'alerte est significative ou non. Il peut ensuite y avoir une réponse locale, régionale, si l'expertise est disponible. En cas de signal préoccupant pour la santé publique, une question qui n'est pas traitée ou une réelle interrogation sur une exposition particulière, il faut mobiliser l'expertise nationale. Il n'y a pas de censure financière ou humaine de notre part, même si les budgets ne sont pas illimités et font l'objet d'âpres négociations et de débats parlementaires.

Les agences d'expertise ont des difficultés à mettre en place des outils modernes. Les registres et leur fonctionnement ont un coût. De même, la participation des médecins à l'enregistrement de données sur le système national de santé, à des fichiers modernes accessibles en ligne, à des données de qualité, à de la modélisation constitue un investissement important, que je soutiens totalement. Nous avons aussi besoin de l'interface entre les agences d'expertise et les milieux de la recherche. En effet, le soutien des chercheurs pourra nous apporter les réponses attendues, notamment des parents.

Il est donc essentiel d'avoir une très forte corrélation entre l'ARS et la Cire et, au moindre signal, de répondre aux questions.

Toutes les données sur la Covid sont en ligne. L'analyse des facteurs de risque montre plusieurs points. Tout d'abord, la Covid est un révélateur des inégalités sociales, car il s'agit d'une maladie de la promiscuité, de la précarité et de l'exposition. Toutes les personnes qui, du fait de leur logement, de leur profession sont soumises à de nombreux contacts sont plus exposées que les autres. Ensuite, la surreprésentation de malades d'origine hispanique ou appartenant à la communauté noire s'est retrouvée dans les pays anglo-saxons, mais pas en France, où nous n'avons pas le droit de réaliser des statistiques ethniques. En revanche, nous observons que les personnes issues de milieux défavorisés sont davantage touchées, par exemple les migrants ou les populations de zones très denses.

En ce qui concerne les facteurs de risque individuels, on relève chez les malades qui souffrent de formes graves et qui se trouvent en réanimation une surreprésentation de personnes ayant des comorbidités. Le facteur de l'obésité ressort très nettement, entraînant des détresses respiratoires. Ce constat se retrouve avec la grippe, puisque les obèses souffrent plus de formes graves. Ces points sont démontrés de manière très nette dans la Covid sévère. De même, nous constatons aussi beaucoup de diabète, d'hypertension.

Depuis le début de la crise, nous constatons également une surreprésentation masculine que nous ne nous expliquons pas. En réanimation, nous avons en permanence 72 % d'hommes pour 28 % de femmes, ce qui constitue une différence énorme. Il est possible que les hommes se comportent moins bien que les femmes et soient donc plus exposés à des anomalies de santé. Une autre piste envisagée est que les chromosomes sexuels favoriseraient l'expression de récepteurs pulmonaires un peu différents chez l'homme et chez la femme.

Le facteur majeur reste l'âge : plus une personne est âgée, plus elle présente des risques de souffrir d'une forme sévère.

Les profils de patients sont globalement identiques en France et en Europe, avec plus de personnes précaires, fragiles et de malades chroniques, notamment ceux qui sont mal suivis, décompensés, qui vivent probablement dans un milieu qui ne favorise pas le suivi optimal de leur pathologie.

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À Taïwan, la promiscuité est importante, mais sans cas de coronavirus. La question de la promiscuité devrait donc être creusée au regard de ce contre-exemple.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Il ne s'agit pas réellement d'un contre-exemple puisque Taïwan n'a pas vraiment de circulation de la Covid en raison d'une politique policière, de contrôles aux frontières et d'isolement des cas. En revanche, à Hong-Kong, on constate que dès que le milieu est très dense, avec énormément d'interactions sociales, il est très difficile d'éviter les contacts, avec quinze ou vingt personnes dans un ascenseur ou des transports bondés.

Taïwan est un exemple atypique, car le pays est totalement isolé, avec des règles drastiques pour la gestion du moindre cas, un dépistage très strict et un isolement immédiat. À Singapour, les communautés précaires de travailleurs pauvres sont cloîtrées dans des cités et n'ont pas le droit de sortir vers la ville. Les mesures de santé publique sont plus ou moins policières dans certains pays et seraient difficilement acceptables dans le nôtre.

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Vous avez parlé de vos actions relatives au radon et au plomb. La qualité de l'air intérieur est un enjeu important pour le PNSE 4. J'aimerais vous entendre plus précisément sur ce point.

L'air intérieur a ses polluants propres, comme l'ont largement démontré l'Anses et l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI). Faute d'aération suffisante et d'information sur les meubles et produits d'entretien ménager, les modes de cuisson, ces polluants sont concentrés.

Le plomb et le radon font l'objet de diagnostics techniques, lors des transactions portant sur le logement. Ils sont nécessaires, mais ils ne sont plus suffisants pour lutter contre l'habitat insalubre ou pour développer des logements favorables à la santé. Que pensez-vous d'un élargissement du diagnostic de performance énergétique vers un diagnostic de performance santé-environnement ?

En ce qui concerne la qualité de l'air extérieur, le mois dernier, l'Alliance européenne de Santé publique (EPHA) a estimé à 166 milliards d'euros par an, à l'échelle européenne, le coût de la pollution de l'air. Pour les Français, cela correspond en moyenne à 1 000 euros par personne et par an. Cette pollution a des conséquences graves sur la santé publique, puisqu'elle tue chaque année entre 48 000 et 76 000 Français.

Cette qualité de l'air extérieur est dégradée par les transports routiers, le chauffage résidentiel et les émanations de l'agriculture. Or, avec des changements modestes des habitudes locales, on peut agir de façon considérable. Comment, à travers le PNSE 4, allez-vous allouer des ressources pour travailler avec les acteurs de terrain, dans une concertation et une réponse plus rapides ? Ils peuvent apporter une solution forte, locale, en ce qui concerne des habitudes telles que les trajets domicile-travail, source importante de réduction de nos émissions.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Ces questions majeures m'interpellent depuis plusieurs années. Sur la qualité de l'air intérieur, je suis frappé que les Français aient presque une fausse réassurance en pensant que lorsqu'ils sont chez eux, ils sont plus en sécurité qu'à l'extérieur. Avec la Covid, nous inversons cette fiabilité et nous insistons sur l'importance de l'aération. Le milieu proche, intime, familial n'est pas forcément le plus sûr. Ces représentations sont en train de changer.

Le plomb est un sujet qui est très bien traité depuis plusieurs années. Nous pouvons nous féliciter que l'impact sanitaire se réduit, notamment en ce qui concerne le saturnisme chez les enfants. Le radon est quant à lui une pollution naturelle. Les villes concernées procèdent à de nombreuses mesures. Les maires se chargent de l'information systématique de leurs administrés, du partage en mairie du diagnostic et insistent sur l'importance de réduire la pollution en aérant simplement les locaux. Nos aînés savaient le faire et laissaient toujours la fenêtre de la cave ouverte alors qu'aujourd'hui, nous faisons des efforts pour tout rendre hermétique. Les bons gestes sont essentiels.

Il faut que les familles prennent conscience de l'origine de la pollution de l'air intérieur. Vous avez cité certains facteurs. Nous pourrions ajouter les bougies, les essences, des polluants qui donnent l'impression d'aller dans le sens de la santé. Il existe de nombreux dispositifs, comme la simplification et la mobilisation dans le cadre de la récente loi Elan. Nous avons aussi tout ce qui concerne l'hygiène et la salubrité, avec l'importance de disposer d'un logement salubre, ce que le confinement a montré.

En outre, l'outil Domiscore, produit depuis début 2020, est une évolution portée par une assise scientifique, pour un habitat favorable à la santé. Il peut aider les occupants à comprendre où ils se situent par rapport à un habitat favorable. Nous devons aussi impliquer tous les ministères concernés : la Santé, le Logement, la Cohésion des territoires. De même, l'échelon communal est fondamental puisque les maires et les services communaux d'hygiène ont un rôle clé dans la prévention et la protection de la santé.

Je vous concède que le dispositif était relativement compliqué. Avec le décret en Conseil d'État, nous avons beaucoup avancé en ce qui concerne les procédures de péril, notamment pour les immeubles et l'insalubrité. Nous accompagnons aussi les ARS, grâce à un système d'information qui remplace ce qui existait auparavant sur le suivi de l'habitat. Nous avons mis en place des actions contre les punaises de lit, sujet méprisé par les journalistes, alors qu'il génère une réelle souffrance pour les personnes touchées.

Vous avez cité l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur, qui travaille énormément sur les polluants. Il nous a beaucoup appris sur les logements, les écoles, les bureaux. Il y a eu beaucoup d'avancées pour les produits utilisés dans les garderies d'enfants, car certains produits pouvaient être très polluants. Nous avons désormais une surveillance obligatoire de la qualité de l'air intérieur dans les crèches, les écoles maternelles et élémentaires. Elle est étendue depuis peu aux collèges, lycées et accueils de loisirs.

Je compte également beaucoup sur la participation citoyenne. L'étiquetage des produits polluants est un point important dans la prise de conscience de nos populations. Nous travaillons plus spécifiquement avec nos acteurs, notre environnement. Les établissements de santé sont désormais totalement impliqués dans les démarches de développement durable, avec l'affiche qualité de l'air intérieur, les sites de Santé publique France « Agir pour bébé » et « Les 1 000 premiers jours ». Ces actions devront certainement être amplifiées.

Le site Agir pour bébé a beaucoup plu aux parents, car ils ont pris conscience qu'on veut généralement se faire plaisir et accueillir son enfant dans les meilleures conditions, mais en pratique, on fait le pire. On refait la peinture, on achète des meubles neufs, on laisse tout sous housse et quand la grossesse arrive à terme, l'enfant se retrouve dans une pollution maximale de l'air intérieur. Les gens ne le savent pas. L'enjeu est de faire comprendre qu'il vaut mieux avoir une chambre un peu ancienne, très aérée, très nettoyée, avec des mobiliers anciens, que de tout acheter et de retirer les housses en plastique 24 heures avant l'arrivée du bébé.

En ce qui concerne l'air extérieur, vous avez totalement raison. Avec l'OMS, nous sommes fortement impliqués sur ces questions, qui concernent l'ensemble de l'Europe. Tous les pays rencontrent les mêmes problématiques de transport routier, de pollution industrielle.

Le ministre s'est déplacé à plusieurs reprises en raison d'enjeux de pollution locale, liés à des enjeux nationaux, voire internationaux. Nous pouvons citer l'exemple de la vallée de l'Arve. Cette magnifique vallée est traversée par une quantité impressionnante de camions. Nous avons recommandé des surveillances et des actions. La Haute autorité de santé a été saisie pour suivre les populations et entreprendre des démarches sanitaires, afin que cette population inquiète reçoive des informations fiables sur la qualité de l'air.

Ce sujet fait partie des questions de santé sous-appréhendées, au même titre que la qualité de l'air intérieur. Les Français n'imaginent pas que celle-ci peut être dégradée et nuire à leur santé. Ils n'imaginent pas non plus suffisamment l'impact de la qualité de l'air extérieur. D'une part, nous sommes passifs et contraints de respirer. D'autre part, on pense toujours à la pollution purement routière, alors qu'il existe toutes sortes d'autres pollutions.

Je suis frappé du développement du feu en cheminée, au nom du développement durable et du retour à la nature, alors qu'il est une source de pollution majeure. Dans l'imaginaire collectif, faire un feu dans une cheminée est un moment agréable, avec un retour aux traditions, alors que nous avons désormais la démonstration que ce feu produit des micropolluants qui ont un impact considérable sur la santé.

Je m'interroge donc sur l'éducation en santé. La réponse viendra de nos enfants parce qu'ils sont extrêmement curieux de ces questions, très demandeurs. Tout ce qui va participer de l'Éducation nationale, de la formation de nos enfants à l'école, au collège et au lycée sur la pollution du quotidien aidera à avoir des générations qui seront beaucoup plus attentives à ces questions.

Aujourd'hui, on note la création d'un environnement de proximité favorable à la santé, le choix d'élus de ne pas construire une crèche près d'un axe routier ou d'un site industriel. Je milite pour que les maires aient accès à l'ensemble des données de pollution. Ils ne pensent pas forcément que la source peut être une usine qui n'est plus en activité, un axe routier auquel on est tellement habitué qu'on ne se rend pas compte qu'il est potentiellement polluant.

Les comportements évoluent très rapidement. Dans des villes comme Paris ou Lyon, l'année 2020 a été totalement différente. À Paris, le trafic cycliste a été multiplié par quatre, ce qui est considérable. Il est donc possible que les comportements changent encore plus vite que prévu. Je m'en réjouis.

Les Français attendent des conseils visant à améliorer leur quotidien et protéger leurs enfants de pollutions extérieures, avec un impact économique et un impact de santé publique majeurs, mais avec des acteurs qui s'interrogent encore. Il faut en effet trouver des réponses à des questions complexes, pour décider quoi faire du trafic routier ou de la production industrielle. Le diagnostic doit être partagé avec les élus.

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Pour que les élus choisissent, ils doivent effectivement disposer des données d'environnement. Ils doivent aussi avoir un appui d'aide à la décision. Par moments, ils vont dire ne pas avoir d'autre choix que d'implanter une crèche à un endroit et on va leur « vendre » qu'en plaçant une barrière en bois, la pollution sera repoussée. Il faut donc vraiment qu'ils puissent s'adresser à un interlocuteur compétent.

Pour revenir à la chambre des bébés, tout le monde ne dispose pas de meubles anciens. Il est important que les meubles neufs aient cet étiquetage. Le consommateur doit devenir beaucoup plus acteur, grâce à des données fiables, transmises par le pouvoir public.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

On a évidemment le droit d'acheter des meubles neufs. En revanche, nous pouvons accompagner les parents en leur expliquant qu'il faut les ouvrir, aérer, plutôt que de les garder sous housse et de laisser la chambre fermée jusqu'à l'arrivée du bébé.

Je tiens moi aussi beaucoup à l'information des élus. Un élu qui arrive en responsabilité doit avoir accès aux données et à l'expertise. Nous travaillons avec l'Association des régions de France (ARF), l'Assemblée des départements de France (ADF) avec l'Association des maires de France (AMF) pour « donner un bagage » à l'élu nouvellement en fonction. Cette expertise existe. S'il a besoin de conseil, il doit savoir où la trouver auprès de l'AMF, du délégué territorial ou pour une question spécifique qui fait appel à une expertise d'agence particulière. Il faudrait presque lui donner une mallette des bons outils pour savoir comment répondre aux différentes questions, un élu étant sollicité de toutes parts.

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Nous pouvons espérer que le PNSE 4 s'attellera à ce genre de travail.

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Comme professionnelle de santé publique, je suis sensible au sujet de la santé environnementale, favorable à une approche globale de la prévention, à la nécessaire coordination et au décloisonnement. Une chose est le souhait, une autre est la mise en œuvre, qui n'est pas si facile. Les nombreux problèmes de prévention attachés à la santé environnementale s'intègrent dans un cadre plus général d'une politique globale de prévention.

En 2017, nous nous sommes engagés pour une révolution de la prévention. Nous étions ambitieux, mais cette révolution est à la fois timide et tardive. La volonté politique est réelle puisque l'un des quatre piliers de « Ma santé 2022 » était explicite. Elle est formalisée au travers d'un PNSE, mais l'efficience et l'efficacité ne sont pas encore à la hauteur de nos espérances.

Le comité interministériel pour la santé (CIS) est censé être le garant de ce travail en commun et de la tenue des objectifs, mais il est compliqué d'obtenir des résultats concrets.

Ces problèmes sont connus. Dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle, dont je fais partie, la Cour des comptes mène une enquête à propos du pilotage, de la gouvernance de notre politique de prévention. Avec notre collègue M. Régis Juanico, je rendrai d'ailleurs un rapport à cet égard avant la fin du mandat.

Je me permets de reprendre la métaphore employée par le directeur de l'ARS de Nouvelle-Aquitaine, lors de son audition devant la commission d'enquête, car elle illustre de façon concrète ce qui se passe. Il a comparé notre politique à un orchestre, avec de nombreux acteurs et compétences mis à disposition de la prévention et de la santé environnementale. En revanche, pour beaucoup de musiciens, il manque une partition unique et un chef d'orchestre. Cette image rend compte de ce qui se passe dans notre cher pays, qui a encore de grandes marges de progrès.

Dans ce contexte, comment renforcer la coopération interministérielle ? Où sont les points de blocage du comité interministériel, qui a été piloté par la DGS pour un langage commun, une politique commune, une doctrine d'action partagée ? Comment faire passer la santé dans toutes les politiques, et pas uniquement de manière incantatoire ?

Par ailleurs, comment passer d'une politique d'accumulation de plans, d'une culture des « silos » à une politique cohérente, durable, non dépendante de la volonté politique et qui dépasse les mandatures ?

Enfin, comment avoir un pilote au niveau des territoires, avec autorité et planification, de façon à ce que tous les acteurs aillent ensemble dans la même direction ?

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Je suis évidemment favorable à une approche globale. J'ai été formé en santé publique et le décloisonnement, la coordination, la promotion de la santé, la prévention me vont parfaitement. Nous avons une stratégie nationale de santé et un plan national de santé publique qui s'appelle « Priorité de prévention ».

Je ne suis pas un homme politique, mais je pense que vous avez raison : il manque à la France un plan. Les élus doivent aussi accepter que l'on priorise et que l'on détermine pour les cinq ou les dix prochaines années les grandes priorités de la lutte pour l'amélioration de la santé. Nous avons du mal à l'accepter. Vous êtes toujours face à quelqu'un qui va dire que si vous travaillez sur le cancer, vous allez oublier le Parkinson, si vous travaillez sur le Parkinson, vous n'allez pas citer l'Alzheimer. Il existe des pressions, sans parler de lobbies. Chacun veut défendre sa cause.

Quelles sont les priorités françaises ? Devons-nous nous baser sur celles venues du terrain ou sur un diagnostic confié par l'OMS qui considère que la France a des faiblesses ? La part de la prévention est importante. Nous avons parlé d'un Ségur de la santé publique, qui serait une très bonne chose. Le Premier ministre y est favorable.

De votre vote en tant que parlementaires, relèvent le projet de loi de finances (PLF), le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) et l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Vous noterez qu'il n'y a pas d'Ondam prévention ou pluriannuel. Je pense que c'est l'un des points qui rend le préventif plus faible par rapport au curatif. On peut investir pour un an dans du curatif, ce qui est très difficile dans la prévention, surtout si cet effort n'est pas poursuivi. Je vais au-delà de mes prérogatives, mais il faudrait peut-être un plan pluriannuel, comme dans le champ militaire, qui permettrait de se donner les moyens d'investir sur plusieurs années sur un sujet de prévention.

Je partage votre analyse en termes d'orchestre. Il est très riche de la diversité, mais il a besoin d'un chef. Le CIS n'est pas présidé par la DGS, mais par le Premier ministre, c'est donc à lui d'impulser cette politique.

Les élus de terrain ont un rôle très important à jouer. Le pilote en local est forcément le maire. En cas de mobilisation d'experts, le préfet doit coordonner toutes les actions des autres ministères, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), les services de l'agriculture, la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), en lien très étroit avec le délégué territorial et l'ARS.

Souvent, le pilotage territorial se déroule bien, de même qu'au niveau interministériel, même si les logiques de ministères peuvent être différentes. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait d'obstruction volontaire de la part des ministères. Face à une cause commune, tout le monde se mobilise, pour le bénéfice des populations concernées. Je dirais qu'il faut du charisme, du temps, la nomination d'un pilote, d'un directeur de projet, d'un animateur sur une durée où il est affecté comme tel, en cas de pollution ou d'enjeu majeur. Nous avons procédé ainsi pour les pesticides, avec un responsable de l'action relative aux phytos, un pour la chlordécone. Tout cela participe de l'animation et de la coordination des acteurs.

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Le fait que le Parlement ait voté un orange (document de politiques transversales), puis un jaune budgétaire sur la prévention a constitué une première avancée, notamment dans le cadre d'un possible Ondam. Cette démarche montre que les parlementaires se saisissent du sujet.

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Dans la presse ou dans nos boîtes mails, nous constatons une certaine stigmatisation des élevages intensifs, notamment du fait du Covid et sur les questions autour des visons. La question des zoonoses est très bien traitée dans les élevages de rente, avec des prophylaxies sanitaires obligatoires depuis très longtemps.

En revanche, quid des animaux de compagnie ? Il n'y a pas de prophylaxies obligatoires, si ce n'est pour la santé des animaux de compagnie, mais pas pour la protection des maîtres ou des propriétaires. Je prends comme exemple la maladie de Lyme et la lutte contre la tique, qui n'a pas de caractère obligatoire. En termes de santé publique et de santé environnementale, ce risque est-il mesuré ? Un plan de prévention pluriannuel est-il envisagé ? La part relative aux animaux domestiques est sous-estimée par rapport à celle relative aux animaux de rente.

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Êtes-vous déjà en mesure de tirer des conclusions de cet épisode Covid ? Pensez-vous les intégrer dans le PNSE 4 ?

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Ce sont des questions à la fois techniques et immenses. Les zoonoses sont une préoccupation majeure. Dans les émergences qui ne manqueront pas de se succéder, il s'agit d'un enjeu majeur pour les prochaines décennies. Deux tiers des émergences seront probablement des zoonoses.

Elles sont nées de l'interface entre la faune, la flore et l'homme. Nous sommes de plus en plus confrontés au milieu sauvage, que nous démolissons en traversant une forêt ancienne. La promiscuité entre l'homme et l'animal peut être intense dans certaines zones, avec une étroite surveillance. Cela peut être le cas en Asie, mais aussi en France, où une région comme la Bretagne fait l'objet de plans de surveillance particuliers, en raison de la présence de nombreux élevages intensifs auprès des populations humaines.

Ce point est emblématique de l'approche One Health. Pour travailler correctement, il faut associer les agronomes et les vétérinaires. Ce fonctionnement ne fait pas du tout partie de l'ADN des professionnels de santé. Je suis conscient que le fait qu'un médecin parle à un vétérinaire n'est pas une pratique classique, mais elle est fondamentale. Les vétérinaires et les agronomes sont d'excellents professionnels, et ils ont des connaissances que n'ont pas les professionnels en santé humaine. Le fait de décloisonner et d'échanger sur les connaissances est essentiel. Si la présidente nous soutient dans le PNSE, nous souhaitons promouvoir cette approche intégrant la recherche, l'environnement, le champ agricole et la connaissance de la faune sauvage, car celle-ci a un impact considérable sur la santé humaine.

Vous noterez d'ailleurs que s'agissant de la Covid, nous n'avons toujours pas compris d'où venait le virus. Nous savons que le réservoir initial est très probablement celui de la chauve-souris. On a retrouvé un virus très proche sur cet animal, voilà plusieurs années. En revanche, le virus ne se transmet pas directement de la chauve-souris à l'homme. Il manque donc un maillon que personne n'a réussi à démontrer.

La surveillance des élevages est très stricte en France. Nous travaillons en étroite collaboration avec la direction générale de l'alimentation (DGAL). Vous avez totalement raison quant aux animaux de compagnie : nous sommes face à un vide complet. Les Français adorent leurs animaux de compagnie. Vous pensez peut-être aux chats et aux chiens, mais je pense aussi à des animaux moins classiques tels que les nouveaux animaux de compagnie, qui introduisent beaucoup de pathogènes.

Nous sommes dans un enjeu de milieu familial très proche, puisque les gens ont souvent ces animaux dans leur salon, leur chambre à coucher ou leur cuisine. Là encore, il y a probablement de l'éducation à la santé à faire sur les risques de contaminer son animal de compagnie ou d'être contaminé par lui. Les deux existent. Cela a été démontré avec des pathogènes très classiques, que ce soit le staphylocoque ou la Covid, que l'on peut transmettre et récupérer de son chat.

De nombreux travaux sont en cours sur la Covid pour en tirer toutes les leçons. Il y a plusieurs missions de l'inspection générale interministérielle du secteur social (IGAS), deux commissions d'enquête portées par les parlementaires, une commission indépendante confiée par le Président de la République au docteur Didier Pittet, un expert suisse, pour avoir une approche internationale. Je propose qu'une fois que nous aurons toutes les conclusions de ces commissions d'enquête, de ces retours d'expérience ministériels, interministériels, de terrain, nous en tirions toutes les leçons pour le PNSE. Il s'agit d'une approche de santé environnementale que de se dire qu'un virus peut émerger, paralyser le monde entier, alors qu'il est probablement d'origine animale et que personne ne l'a détecté à temps et n'a démontré qu'il pouvait être à très fort risque pathogène pour l'homme.

Vous avez cité la maladie de Lyme, qui est mon sujet de recherche. Elle est très emblématique d'une approche de type zoonose. Elle concerne les accès aux tiques, qui ne se trouvent pas en pleine forêt, mais dans votre jardin, au plus proche de votre perron. Les gens les ramènent soit sur eux-mêmes, soit sur leurs animaux de compagnie. La recherche de tiques, qui est maintenant systématique dans les pays scandinaves, n'est pas du tout une habitude française. Quand les Suédois partent en pique-nique, l'activité au retour consiste à regarder si les enfants ou les compagnons ramènent des tiques. Il s'agit d'une démarche totalement culturelle, parfaitement intégrée après une promenade en forêt, ce qui n'est pas encore le cas des Français.

Dans le partage des traditions, les agriculteurs qui connaissent très bien les tiques et les générations qui y ont été exposées savent qu'il faut mettre des bottes, les pantalons dans les bottes, des chemises longues ou blanches. C'est ainsi que l'on évite les tiques. Or, aujourd'hui, les urbains en particulier vont pique-niquer en tongs et en shorts, ce qui les expose aux tiques et à la maladie de Lyme.

Tout cela fait partie de la prévention, de l'éducation et de la recherche. Nous avons monté de nombreux programmes de recherche avec l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, des analyses sur les tiques, sur les chiens, sur les tiques des bovins et des équins. Ce n'est que par une approche globale de formation interdisciplinaire, de surveillance renforcée de la faune sauvage et des liens avec la santé humaine, d'un usage raisonné des biocides et des désinfectants, que nous limiterons les impacts de la faune et de la flore sur l'environnement et la santé humaine. Nous devons très nettement renforcer les recherches sur les émergences puisque les zoonoses vont nous menacer, dans les prochaines années, de façon encore plus importante, avec le réchauffement climatique, la démographie galopante et ces contacts de plus en plus étroits entre la faune sauvage et l'homme.

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Le lien entre obésité, diabète, hypertension et Covid est avéré. Si ces facteurs avaient été anticipés dans la recherche préventive, auraient-ils pu avoir un impact sur cette crise sanitaire ?

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Vous me posez une question très difficile. Les experts se rejoignent sur le fait que la prise en charge de l'obésité précoce, que nous proposons avec le dépistage chez les enfants et les adolescents, est une nécessité absolue. Nous ne pouvons pas laisser des enfants et des adolescents obèses sans prise en charge et sans prévention rapide.

Il y a aussi un dépistage et un traitement du diabète chez des populations précaires. Un diabète bien traité se complique beaucoup moins, d'où l'importance de l'accès aux soins. Ce sujet est pour moi fondamental, même si je ne suis pas le responsable de l'accès aux soins et que nous avons une direction générale de l'offre de soins (DGOS) et une direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Des populations dépistées à temps, prises en charge, qui reçoivent des programmes d'éducation nutritionnelle de l'obésité et du diabète, deux pathologies assez intriquées, sont en meilleure santé et subissent beaucoup moins de complications.

Malheureusement, la Covid et peut-être d'autres maladies sont révélatrices d'inégalités sociales ou de déficits de prise en charge d'un certain nombre de pathologies. Cela encourage à la prévention, primaire, secondaire et tertiaire, à l'éducation à la santé.

Je finirai par une conclusion positive. Les gens ont l'impression que quand ils sont malades, c'est fini. Or, les études scientifiques sont nombreuses qui montrent que, quel que soit le stade de votre maladie, toute démarche de prise en charge, même tardive, a un impact positif sur votre santé. Il ne faut pas dire : « C'est trop tard, je suis déjà obèse, cela ne sert à rien d'améliorer ma santé ». Même tard, même après vingt ans d'évolution, le fait de rééquilibrer le traitement, d'être bien suivi et pris en charge par son médecin traitant ou un médecin spécialiste améliore très vite sa santé.

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À vous écouter, une campagne de prévention sur l'obésité est une nécessité.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Cette campagne est une priorité dans le plan d'approche de la santé de l'enfant et de l'adolescent. Il y a beaucoup de financements de dépistages précoces des enfants obèses et de prise en charge par des programmes innovants d'éducation à la santé, d'alimentation de qualité et d'activité physique, celle-ci étant souvent une bonne solution. Ils sont inclus dans le PNNS (programme national nutrition santé).

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Bien entendu. Il s'agit de l'un des facteurs. Des recherches sont menées en ce qui concerne l'impact des perturbateurs endocriniens sur la prédisposition à l'obésité, mais il y a aussi des facteurs génétiques, d'environnement. Le sujet est extrêmement complexe.

Le PNNS est un bel exemple de plan non sectoriel, non en « silos », à la fois porté par la Santé et l'Agriculture, de façon conjointe, ce qui n'était pas évident. Nous aurions pu imaginer que l'Agriculture s'oppose à des démarches de bien manger, avec des impacts économiques, ce qui n'est pas le cas. Nous sommes totalement alignés.

Nous nous situons aussi sur des enjeux de recherche : pourquoi certains enfants développent-ils des obésités précoces ? Est-ce en raison des perturbateurs endocriniens ou d'autres facteurs, puisqu'il existe aussi beaucoup de modifications comportementales ? Au Brésil, une étude a ainsi démontré que les enfants étaient très actifs jusqu'à l'âge de sept ans, puisqu'ils jouent au foot dans la rue. À partir de sept ans, les enfants qui ont accès à un téléphone portable s'assoient sur le canapé pour jouer avec et ne sont plus actifs du tout. Quand on leur retire le téléphone et qu'on les remet à jouer au foot dans la rue, on constate un effondrement de l'obésité.

Nous pouvons donc proposer des programmes d'éducation à la santé relativement simples et peu coûteux. La promotion de l'activité physique reste une très bonne démarche.

Pour nous, la santé de l'enfant est une priorité, dans le PNNS, dans le PNSE et dans le Plan national de santé publique. Nous essaierons d'agir très fortement sur les troubles nutritionnels et l'obésité précoce.

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Les enfants qui ont eu un cancer développent très souvent des obésités à l'adolescence ou parfois à l'âge adulte. Ce sujet est préoccupant.

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le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Absolument. Avec le ministre, nous avons pour priorité de développer la recherche et des actions sur les cancers de l'enfant. Il existe des prédispositions et des gens peuvent malheureusement faire plusieurs cancers. Le rôle de l'activité physique et du sport est fondamental dans la prise en charge des enfants, notamment ceux atteints de cancer. Les effets sont très bénéfiques. Même pour les enfants pris en charge en chimio et en radiothérapie, l'activité physique doit être maintenue.

Une autre découverte relativement récente est celle du rôle des antibiotiques sur l'obésité. Ils modifient la flore, et le microbiote peut être profondément perturbé par un usage prolongé. Nous étions dans la semaine de lutte contre l'antibiorésistance. Cette profonde perturbation de la flore digestive mène souvent à des obésités induites par les médicaments.

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Il ne nous reste plus qu'à vous remercier chaleureusement pour votre disponibilité, vos très longues et très intéressantes explications. Nous espérons que le PNSE 4 sera à la hauteur de tous les projets et objectifs que vous voudriez lui confier.

L'audition s'achève à seize heures.