Intervention de le Pr Jérôme Salomon

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 14h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Ces questions majeures m'interpellent depuis plusieurs années. Sur la qualité de l'air intérieur, je suis frappé que les Français aient presque une fausse réassurance en pensant que lorsqu'ils sont chez eux, ils sont plus en sécurité qu'à l'extérieur. Avec la Covid, nous inversons cette fiabilité et nous insistons sur l'importance de l'aération. Le milieu proche, intime, familial n'est pas forcément le plus sûr. Ces représentations sont en train de changer.

Le plomb est un sujet qui est très bien traité depuis plusieurs années. Nous pouvons nous féliciter que l'impact sanitaire se réduit, notamment en ce qui concerne le saturnisme chez les enfants. Le radon est quant à lui une pollution naturelle. Les villes concernées procèdent à de nombreuses mesures. Les maires se chargent de l'information systématique de leurs administrés, du partage en mairie du diagnostic et insistent sur l'importance de réduire la pollution en aérant simplement les locaux. Nos aînés savaient le faire et laissaient toujours la fenêtre de la cave ouverte alors qu'aujourd'hui, nous faisons des efforts pour tout rendre hermétique. Les bons gestes sont essentiels.

Il faut que les familles prennent conscience de l'origine de la pollution de l'air intérieur. Vous avez cité certains facteurs. Nous pourrions ajouter les bougies, les essences, des polluants qui donnent l'impression d'aller dans le sens de la santé. Il existe de nombreux dispositifs, comme la simplification et la mobilisation dans le cadre de la récente loi Elan. Nous avons aussi tout ce qui concerne l'hygiène et la salubrité, avec l'importance de disposer d'un logement salubre, ce que le confinement a montré.

En outre, l'outil Domiscore, produit depuis début 2020, est une évolution portée par une assise scientifique, pour un habitat favorable à la santé. Il peut aider les occupants à comprendre où ils se situent par rapport à un habitat favorable. Nous devons aussi impliquer tous les ministères concernés : la Santé, le Logement, la Cohésion des territoires. De même, l'échelon communal est fondamental puisque les maires et les services communaux d'hygiène ont un rôle clé dans la prévention et la protection de la santé.

Je vous concède que le dispositif était relativement compliqué. Avec le décret en Conseil d'État, nous avons beaucoup avancé en ce qui concerne les procédures de péril, notamment pour les immeubles et l'insalubrité. Nous accompagnons aussi les ARS, grâce à un système d'information qui remplace ce qui existait auparavant sur le suivi de l'habitat. Nous avons mis en place des actions contre les punaises de lit, sujet méprisé par les journalistes, alors qu'il génère une réelle souffrance pour les personnes touchées.

Vous avez cité l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur, qui travaille énormément sur les polluants. Il nous a beaucoup appris sur les logements, les écoles, les bureaux. Il y a eu beaucoup d'avancées pour les produits utilisés dans les garderies d'enfants, car certains produits pouvaient être très polluants. Nous avons désormais une surveillance obligatoire de la qualité de l'air intérieur dans les crèches, les écoles maternelles et élémentaires. Elle est étendue depuis peu aux collèges, lycées et accueils de loisirs.

Je compte également beaucoup sur la participation citoyenne. L'étiquetage des produits polluants est un point important dans la prise de conscience de nos populations. Nous travaillons plus spécifiquement avec nos acteurs, notre environnement. Les établissements de santé sont désormais totalement impliqués dans les démarches de développement durable, avec l'affiche qualité de l'air intérieur, les sites de Santé publique France « Agir pour bébé » et « Les 1 000 premiers jours ». Ces actions devront certainement être amplifiées.

Le site Agir pour bébé a beaucoup plu aux parents, car ils ont pris conscience qu'on veut généralement se faire plaisir et accueillir son enfant dans les meilleures conditions, mais en pratique, on fait le pire. On refait la peinture, on achète des meubles neufs, on laisse tout sous housse et quand la grossesse arrive à terme, l'enfant se retrouve dans une pollution maximale de l'air intérieur. Les gens ne le savent pas. L'enjeu est de faire comprendre qu'il vaut mieux avoir une chambre un peu ancienne, très aérée, très nettoyée, avec des mobiliers anciens, que de tout acheter et de retirer les housses en plastique 24 heures avant l'arrivée du bébé.

En ce qui concerne l'air extérieur, vous avez totalement raison. Avec l'OMS, nous sommes fortement impliqués sur ces questions, qui concernent l'ensemble de l'Europe. Tous les pays rencontrent les mêmes problématiques de transport routier, de pollution industrielle.

Le ministre s'est déplacé à plusieurs reprises en raison d'enjeux de pollution locale, liés à des enjeux nationaux, voire internationaux. Nous pouvons citer l'exemple de la vallée de l'Arve. Cette magnifique vallée est traversée par une quantité impressionnante de camions. Nous avons recommandé des surveillances et des actions. La Haute autorité de santé a été saisie pour suivre les populations et entreprendre des démarches sanitaires, afin que cette population inquiète reçoive des informations fiables sur la qualité de l'air.

Ce sujet fait partie des questions de santé sous-appréhendées, au même titre que la qualité de l'air intérieur. Les Français n'imaginent pas que celle-ci peut être dégradée et nuire à leur santé. Ils n'imaginent pas non plus suffisamment l'impact de la qualité de l'air extérieur. D'une part, nous sommes passifs et contraints de respirer. D'autre part, on pense toujours à la pollution purement routière, alors qu'il existe toutes sortes d'autres pollutions.

Je suis frappé du développement du feu en cheminée, au nom du développement durable et du retour à la nature, alors qu'il est une source de pollution majeure. Dans l'imaginaire collectif, faire un feu dans une cheminée est un moment agréable, avec un retour aux traditions, alors que nous avons désormais la démonstration que ce feu produit des micropolluants qui ont un impact considérable sur la santé.

Je m'interroge donc sur l'éducation en santé. La réponse viendra de nos enfants parce qu'ils sont extrêmement curieux de ces questions, très demandeurs. Tout ce qui va participer de l'Éducation nationale, de la formation de nos enfants à l'école, au collège et au lycée sur la pollution du quotidien aidera à avoir des générations qui seront beaucoup plus attentives à ces questions.

Aujourd'hui, on note la création d'un environnement de proximité favorable à la santé, le choix d'élus de ne pas construire une crèche près d'un axe routier ou d'un site industriel. Je milite pour que les maires aient accès à l'ensemble des données de pollution. Ils ne pensent pas forcément que la source peut être une usine qui n'est plus en activité, un axe routier auquel on est tellement habitué qu'on ne se rend pas compte qu'il est potentiellement polluant.

Les comportements évoluent très rapidement. Dans des villes comme Paris ou Lyon, l'année 2020 a été totalement différente. À Paris, le trafic cycliste a été multiplié par quatre, ce qui est considérable. Il est donc possible que les comportements changent encore plus vite que prévu. Je m'en réjouis.

Les Français attendent des conseils visant à améliorer leur quotidien et protéger leurs enfants de pollutions extérieures, avec un impact économique et un impact de santé publique majeurs, mais avec des acteurs qui s'interrogent encore. Il faut en effet trouver des réponses à des questions complexes, pour décider quoi faire du trafic routier ou de la production industrielle. Le diagnostic doit être partagé avec les élus.

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