Intervention de Laurence Huc

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Laurence Huc, chercheuse en toxicologie à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) :

Les cancers pédiatriques sont en effet préoccupants. En tant que toxicologues, nous avons été contactés par le cluster de la plaine d'Aunis, en Charente. Nous avons en effet été confrontés aux questions de ces associations de parents qui ont également bénéficié de l'appui local en Charente-Maritime pour effectuer des études environnementales. Nous avons été sollicités au stade des études menées par la Ligue contre le cancer pour observer le niveau de la pollution dans l'air. Ils ont retrouvé des pesticides et des polluants organiques persistants. Nous avons donc été sollicités afin de connaître notre avis sur ce qui a pu causer les cancers et la manière dont il est possible d'avoir plus de preuves.

En discutant avec eux, je me suis aperçu qu'ici encore, la charge de la preuve était demandée aux parents et aux associations. Je me suis demandé comment cela pouvait leur incomber. Et la détresse qui existe autour de cela ! Je me suis dit qu'il n'était pas possible de laisser les gens aussi isolés. Le système de santé publique ne fonctionne pas, lorsque la première chose consiste à commander une étude épidémiologique pour observer s'il y a une sur-incidence. Il y a en effet plus de cancers, mais nous n'avons pas assez de cas pour établir une significativité statistique. Tout d'abord, je trouve indécent de tenir de tels propos en tant que scientifique. De plus, l'étude épidémiologique est effectuée et rien ne se passe. Au niveau des territoires, les pouvoirs publics devraient en être saisis. Il ne devrait pas revenir à une association de demander à contrôler l'air, l'eau et le sol. Ces veilles devraient être systématisées dans toutes les zones.

Je suis également préoccupée, car les cancers pédiatriques, en l'occurrence des leucémies, sont probablement dus à une exposition au cours de la grossesse. Il aurait donc fallu avoir l'état chimique de l'environnement il y a quinze ans. Or, il n'y avait pas de mesures à cette époque. Au niveau du laboratoire, nous avons donc essayé de voir si les composés retrouvés – car il n'existe aucune publication à ce sujet – pouvaient transformer les cellules afin d'apporter des preuves mécanistiques qui prendront deux ou trois ans. En attendant de reconnaître, de prendre des mesures pour prévenir, de remonter sur la gestion des parcelles, la gestion des traitements et la gestion de l'usine pétrochimique à proximité, ces acteurs ne font rien et continuent. Je vous donne ma position de toxicologue.

Je serai ravie qu'au niveau de la toxicologie et des territoires nous soyons mobilisables rapidement et qu'il existe une pérennisation de cette veille pour l'évaluation de l'exposome. Toutefois, il faut aussi prévenir. La proximité résidentielle des zones agricoles n'est pas du tout suffisante et est illusoire. Un réaménagement territorial est donc à faire sur l'implantation des usines et des industries, ce qui dépend beaucoup des territoires et des gouvernances de santé publique. Je pense qu'il est très important d'arriver à déployer cela.

De même, les registres des cancers ne couvrent pas toutes les zones en France. Des médecins m'ont indiqué qu'ils avaient une cartographie des cancers. Par exemple, en Occitanie, il y a plus de gliomes. Le caractère régional de certains types de cancer montre bien qu'il y a une incidence environnementale directe. Nous devrions pouvoir mobiliser au niveau local des systèmes de santé publique de prévention qui soient plus efficaces et mettre tous les acteurs ensemble.

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