Intervention de Paul Christophe

Réunion du mercredi 29 novembre 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'accueillir temporairement dans votre commission et de m'avoir désigné rapporteur de ce texte qui me tient vraiment à coeur.

Avant de vous en présenter le dispositif, j'aimerais revenir sur ce qui l'inspire. Comme beaucoup d'entre vous, en qualité d'élu local puis de député, j'ai eu l'occasion d'observer la place qu'occupent les aidants familiaux dans l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie. Au dernier recensement de 2008, ces aidants étaient 8,3 millions de personnes et ils sont probablement plus nombreux actuellement, les associations les estimant à un nombre compris entre 11 millions et 13 millions. Leur place n'a pas toujours été reconnue à sa juste valeur.

Pourtant, les aidants constituent non seulement la solution privilégiée par les personnes âgées et par les personnes en situation de handicap parce qu'ils permettent le maintien à domicile auprès de personnes de confiance, mais ils constituent aussi une solution peu coûteuse pour les finances publiques par rapport à l'embauche de professionnels ou a fortiori au placement dans un établissement.

Si les aidants familiaux ne demandent naturellement pas de rémunération pour ce qu'ils font, le rôle fondamental qu'ils exercent dans l'intérêt de leur proche a un coût : le temps qu'ils n'accordent pas à leur famille, à leurs loisirs et parfois à leur travail ; le renoncement fréquent à tout ou partie de leur carrière, voire à toute activité professionnelle ; la fragilisation courante, constatée par plusieurs études, de leur propre santé.

Soyons conscients de l'importance des sacrifices consentis par ceux que les associations appellent la génération pivot, c'est-à-dire celle qui aura probablement à s'occuper de ses parents et de ses enfants en même temps. La difficulté d'être aidant aujourd'hui aura des conséquences sur le nombre d'aidants demain, et donc indirectement sur la qualité et le coût de la prise en charge de la perte d'autonomie dans notre pays. Si nous voulons montrer la reconnaissance de notre société à ceux qui donnent de leur temps aux plus fragiles et valoriser leurs actions, nous devons leur donner un vrai statut dont découleraient certains droits.

En 1975, les aidants de personnes en situation de handicap s'étaient vus reconnaître un début de statut en obtenant des droits spécifiques à la retraite. S'agissant des personnes âgées, il a fallu attendre la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement – sur l'application de laquelle travaillent mes collègues Charlotte Lecocq et Agnès Firmin Le Bodo – pour obtenir de réels progrès. Cette loi a, en effet, consacré trois avancées significatives : la reconnaissance du statut de proche aidant, lequel ne se limite pas aux seuls aidants familiaux ; la réforme du congé de soutien familial, devenu congé de proche aidant ; et la création d'un droit au répit, financé dans le cadre de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il ne me revient pas d'évaluer ces dispositifs mais je crois qu'un consensus commence à se dégager, à partir des rapports de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), sur la faiblesse et le caractère limité de ces mesures.

Nous devons nous remettre à l'ouvrage. Je me réjouis donc d'y participer, sachant combien ce sujet est à la fois essentiel, au regard des enjeux considérables du vieillissement, et fédérateur.

Je souhaiterais à ce propos insister sur la démarche constructive dans laquelle s'inscrit cette proposition de loi. Tous les députés ont été invités à signer ce texte, car nous savons que cette question dépasse très largement les clivages partisans. Si certains amendements montrent que des divergences persistent sur les modalités, je suis certain que l'objectif d'accompagner au mieux les aidants dans leurs démarches et dans leur vie quotidienne fait largement consensus.

Le constat de cet objectif partagé étant posé, il convenait de s'interroger sur les moyens d'y parvenir. Nous aurions pu choisir une solution maximaliste consistant à intégrer dans le texte l'ensemble des propositions dont nous avons tous entendu parler : l'assouplissement des conditions permettant de bénéficier du droit au répit ou du congé de proche aidant ; l'indemnisation de ces dispositifs ; l'ouverture de droits à la retraite pour les aidants de personnes âgées en perte d'autonomie ; la création de droits au chômage ou à la formation ; ou encore la création d'un cinquième risque pour le régime de sécurité sociale.

Toutes ces solutions ont fait l'objet d'un échange avec les associations rencontrées la semaine dernière, et je suis personnellement favorable à certaines d'entre elles. Il fallait choisir la mesure par laquelle on pouvait commencer : nous avons finalement opté pour l'extension de la possibilité de donner des jours de repos aux aidants de personnes âgées subissant une perte d'autonomie d'une particulière gravité. Ce faisant, nous ne comptons pas seulement souligner un consensus ; nous voulons aussi insister sur un terrain crucial pour l'amélioration de la situation des aidants, à savoir le monde de l'entreprise.

Actuellement, 47 % des actifs sont des aidants auprès de personnes âgées ou en situation de handicap. Cette conciliation entre activité et solidarité est une réalité que le monde professionnel ne peut plus ignorer. Or la création du congé de proche aidant n'a répondu que partiellement à cette problématique pour plusieurs raisons, qui tiennent notamment à ses conditions de mise en oeuvre encore trop restrictives et à l'absence de rémunération et d'indemnisation.

Nous sommes obligés de constater qu'en l'absence de dispositif spécifique indemnisé, comme il en existe aux Pays-Bas, beaucoup de salariés utilisent leurs congés payés. Nous pouvons le regretter mais c'est un fait, du reste parfaitement compréhensible en l'état du droit. L'idée de la proposition de loi consiste à répondre à la question suivante : que peut-on faire pour les aidants lorsque les autres droits spécifiques ou les possibilités du droit commun sont épuisés ?

La réponse est venue d'un modèle développé dans de nombreuses entreprises et élevé au niveau législatif par une récente proposition de loi : les salariés peuvent donner des jours de congé à leurs collègues qui s'occupent d'un enfant gravement malade. La transposition de cette disposition, qui a fait ses preuves, aura plusieurs avantages : sur le plan pratique, elle donnera un cadre juridique clair à ces pratiques ; elle sera aussi un puissant moyen d'ouvrir la discussion au sein des directions des ressources humaines (DRH) dans les entreprises qui ne sont pas encore assez conscientes de l'importance de ces thématiques.

Le don de jours de repos aux aidants s'occupant de personnes âgées constitue donc assurément un pas, limité, j'en conviens, mais parfaitement utile pour renforcer ce que l'on appelle maintenant depuis plusieurs années l'aide aux aidants. Je souhaite donc que cette nouvelle étape dans la conquête de droits sociaux pour les aidants ouvre, sous cette législature, un nouveau cycle de réflexion après la loi d'adaptation de la société au vieillissement. Je sais le Gouvernement mobilisé sur ce sujet, puisque Mme la ministre Buzyn a annoncé l'étude de certaines mesures. Il pourra compter sur le groupe UDI, Agir et Indépendants pour le soutenir comme nous tentons de le faire aujourd'hui devant vous.

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