Intervention de Arnaud Casalis

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Arnaud Casalis :

L'expérience que je vais vous présenter résulte des demandes formulées localement par les associations. Il existe en effet un millier d'associations regroupant des riverains qui subissent les nuisances des éoliennes. Les promoteurs des projets éoliens vantent à ces populations l'intérêt de l'énergie éolienne terrestre, grâce notamment à des prospectus produits à grands frais, dont le contenu témoigne de nombreux mensonges par omission. Les habitants sont donc forcés à subir les conséquences d'un dispositif dont on leur explique qu'il va aider des entreprises en voie de démarrage et contribuer à sauver la planète.

Cette situation a suscité de nombreuses questions et nous avons cherché à savoir qui étaient les promoteurs et quelles étaient leurs motivations pour implanter ces projets, lesquels ne sont à l'évidence pas bénéfiques pour la population locale.

Nous allons essayer de percer rapidement ces mystères, en rappelant tout d'abord quelques ordres de grandeur. Ainsi en 2016, la Cour des comptes a souligné que sur les 5,3 milliards d'euros de dépenses alloués aux EnR, seuls 10 % étaient affectés aux énergies thermiques et 90 % aux énergies électriques. Ces engagements, pris à compter de 2018 jusqu'à l'échéance des contrats, se retrouvent dans la somme absolument énorme de 121 milliards d'euros évoquée précédemment par M. Cahart. 94 % des charges prévisionnelles en matière d'EnR sont d'ores et déjà engagées. La plupart des fonds affectés à ces énergies électriques concernent l'éolien terrestre. Ceci montre, par rapport aux ordres de grandeur que nous venons de situer, que ces fonds sont alloués prioritairement à des énergies intermittentes, dont on connaît le caractère difficile à exploiter dans la mesure où l'électricité ne parvient pas au point de service où moment où ceci est souhaité. Il faut donc absorber une électricité dont la probabilité d'arriver au point de service est d'environ 6 %. Il s'agit donc d'une très mauvaise électricité, qui ne devrait de ce fait pas valoir très cher. Elle concentre pourtant l'essentiel des moyens financiers. Je vous rappelle que l'éolien terrestre représente 1,5 % seulement de l'énergie totale consommée en France et 4,5 % de l'énergie électrique, alors que l'on nous présente la situation sous un jour bien plus avantageux, pour des raisons évidemment liées aux intérêts qu'ont les promoteurs à développer cette activité.

Les sommes considérables que nous venons d'évoquer sont en fait limitées à une affectation extrêmement réduite, pour un bénéfice collectif totalement négligeable. Il est évident, comme le soulignait M. Cahart, que si l'on affectait les mêmes sommes à des économies d'énergie dans des bâtiments notamment ou dans l'aménagement du transport, l'effet de démultiplication de ces fonds serait sans commune mesure avec ce gâchis financier lié à l'utilisation de ces montants pour les seules énergies éoliennes.

Ceci nous a conduits à nous interroger sur la destination des sommes en jeu : pourquoi les promoteurs sont-ils si motivés par la récolte de fonds financiers issus des éoliennes ? Nous avons choisi d'aborder cette question par le biais de quelques exemples.

Le premier concerne une personne physique, en l'occurrence M. Moratoglou, qui a vendu sa société à EDF Energies renouvelables et a, à titre personnel, gagné environ 1 milliard d'euros par le dispositif des aides d'État que nous connaissons. Cette somme frappe l'imagination. Il est toujours surprenant de constater que l'on aide des entreprises à démarrer et qu'à la sortie ceci se traduit par le fait qu'une personne physique récolte une telle somme et aille la placer au Luxembourg pour dégager des financements pour de nouvelles opérations.

J'ai par ailleurs eu la chance de travailler sur le cas de la société EOLE-RES, devenue aujourd'hui Renewable Energy Systems (RES), filiale française d'un groupe anglais basé à Guernesey, détenu par la famille de Sir McAlpine, dont on ne connaît pas très bien les tenants et les aboutissants. Il apparaît assez clairement que tout ce qui concerne l'éolien terrestre, mais aussi peut-être l'éolien au sens plus large du terme, termine de toute façon un jour ou l'autre dans un paradis fiscal. Nous sommes ici dans le cas de Guernesey. Cette opération est intéressante car elle met en évidence les mécanismes par lesquels une société peut se constituer en ayant contracté sur des projets industriels éoliens. Il existait dans le Midi de la France une petite société nommée RES, qui disposait de 500 000 euros de capital initial. En 2008, cette société a été valorisée 245 millions d'euros et des fonds ont ainsi pu être apportés à une nouvelle société intermédiaire, qui a été constituée avec un capital de 45 millions d'euros, simplement par apport du fonds de commerce déjà établi en ayant souscrit des contrats avec des collectivités locales. Cet exemple illustre le fait qu'il est possible de s'enrichir de façon massive simplement en souscrivant des contrats avec des collectivités locales. Les 200 millions d'euros restant après l'affectation des 45 millions d'euros au capital de la nouvelle société ont été gardés pour être ensuite distribués aux actionnaires et ont bénéficié en France du régime fiscal de faveur appliqué aux apports de ce type. La rentabilité de la société était de 23,8 millions d'euros en 2017, tandis que le capital social n'était que de 10,8 millions d'euros. Le rendement de cette société est donc de 220 % du capital social. À titre de comparaison, je vous rappelle que le Livret A est rémunéré à un taux de 0,75 %. Ceci signifie que cette société bénéficie d'un niveau de rémunération 293 fois supérieur à celui d'un Livret A. Ceci montre clairement que l'énergie éolienne terrestre est exploitée à des fins essentiellement financières, avec des rendements absolument incroyables. Ce profit est égal par ailleurs, le montant déposé en moyenne sur les livrets d'épargne en France étant de 4 500 euros, à 700 000 fois cette valeur moyenne. Cette société a par la suite réitéré le même type d'opération, les 40 millions d'euros de valorisation de la nouvelle société ayant permis à leur tour de faire des appels sur les marchés financiers, ce qui a rapporté à la société holding quelque 300 millions de livres de placements financiers, auxquels elle peut garantir sur les marchés financiers 8,4 % de rendement annuel pendant vingt ans. Ce sont les contribuables qui paient et l'argent va, par défiscalisation, à l'étranger, où il contribue à nourrir encore de la spéculation financière internationale. Voici le schéma général.

Il s'agit d'un sujet très grave, avec des enjeux en termes de démocratie. Le juge sicilien Giovanni Falcone indiquait ainsi la chose suivante : « Suis l'argent et tu trouveras la mafia ». Le procureur anti-mafia Roberto Scarpinato déclarait quant à lui : « Après le gaz, la mafia s'est intéressée à l'énergie éolienne et photovoltaïque et nous avons découvert qu'il y avait même eu des accords passés entre la mafia italienne et la mafia russe pour pouvoir contrôler ce secteur de l'énergie qui est stratégique. Il y a bien un risque que des fonds européens, des fonds publics, finissent dans les poches de la mafia. C'est arrivé en Italie. Vous allez le connaître également chez vous ».

Au moment où le gouvernement accélère dans la voie d'un développement mal maîtrisé des EnR, en dehors de tout contrôle, y compris parlementaire, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, la question est vraiment de savoir si nous voulons un monde de l'énergie qui soit un monde mafieux.

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