Intervention de Patrice Cahart

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 11h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Patrice Cahart :

Nous sommes partis du projet de loi sur l'énergie qui vient d'être annoncé et qui indique que d'ici 2035 la part du nucléaire dans la production française d'électricité devra être ramenée à 50 %, ce qui revient à diminuer le potentiel nucléaire d'environ 21 centrales sur 71. Nous avons essayé de chiffrer cette opération de substitution en partant des données présentes dans le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui indique une progression souhaitée de l'éolien, mais aussi du photovoltaïque, jusqu'en 2028. Nous avons prolongé les chiffres jusqu'en 2035, échéance fixée par la loi. Nous avons ensuite multiplié les capacités supplémentaires de renouvelables ainsi chiffrées par les coûts unitaires de ces équipements, trouvés dans le rapport 2016 de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Nous avons ainsi obtenu un coût d'investissement, auquel nous avons ajouté les coûts de réseau liés à l'adaptation et à la diversification du réseau des énergies renouvelables (EnR) en France. Nous sommes ainsi parvenus à un total de 184 milliards d'euros pour la période allant de 2019 à 2035. Ces coûts seraient nécessairement supportés par le contribuable et le consommateur français, puisque les promoteurs que vous représentez vont emprunter tout cet argent auprès des banques et que ces emprunts seront remboursés soit par les ventes de courant, soit par les aides publiques qui leur seront versées. Je n'inclus pas dans ce chiffre l'incidence des décisions passées en matière d'EnR, que la Cour des comptes a estimé à 121 milliards d'euros, somme que le consommateur et le contribuable français devront aussi supporter durant les quinze ou vingt ans à venir.

Nous avons comparé ce coût à l'autre option possible. Je tiens à préciser d'emblée que je n'ai aucun lien avec EDF, ni avec Areva. Je suis inspecteur général des finances de formation, donc formé pour dénoncer les gaspillages, qui se révèlent souvent au travers de comparaisons. J'ai donc, de manière tout à fait indépendante et libre, réfléchi au chiffrage d'une prolongation éventuelle du parc nucléaire. Comme vous le savez, les Américains prolongent sans aucun problème leurs centrales jusqu'à l'âge de 60 ans et envisagent même d'aller jusqu'à 80 ans. Nos centrales procédant de la même technique, pourquoi ne ferions-nous pas de même ? J'ai donc imaginé la prolongation de notre parc de façon à produire la même quantité de courant électrique que le supplément d'EnR que je viens d'évoquer. J'ai utilisé pour ce faire des chiffres issus de travaux de la Cour des comptes, actualisés à 5 milliards d'euros par an, dont je n'ai pris qu'un tiers en considération, dans la mesure où la problématique que je viens d'exposer ne porterait que sur un tiers du parc nucléaire, les deux autres tiers n'étant pas en cause. Nous arrivons ainsi, sur 17 années, c'est-à-dire d'ici 2035, à un montant de 25 milliards d'euros, chiffre très modeste au regard des 184 milliards d'euros correspondant au coût des EnR sur la même période.

Nous nous permettons ainsi d'affirmer que la proposition faite au Parlement sous forme de projet de loi sur l'énergie n'est pas une bonne idée.

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