Intervention de Anne Lapierre

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 14h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Anne Lapierre, avocate associée au bureau de Paris du cabinet Norton Rose Fulbright :

. Techniquement, il n'y a pas d'impossibilité. Une société peut se sourcer où elle veut et acheter du KWh à un parc éolien ou à un parc solaire. En raison de la volatilité à laquelle je faisais référence, sans complément de rémunération, aucune entreprise n'ira, d'autant qu'on parle d'un positionnement à l'achat sur quinze ans ou sur vingt ans. Cela s'appelle le « corporate PPA » et cela existe partout dans le monde sauf en France et en Allemagne. La subvention est requise pour permettre le lissage et s'assurer que le prix moyen auquel s'engage l'entreprise est acceptable. S'il y a une prise de risque de la part de l'entreprise, il y a une visibilité sur les coûts et un pari fait sur le prix de l'énergie à long terme. Chez nous, ce n'est pas fait, ou seulement à la marge, sur des tout petits volumes, dans le Sud-Est de la France, sur des parcs solaires profitables hors complément de rémunération en raison de l'importance de l'ensoleillement. Mais cela ne peut absolument pas permettre au marché français de se développer conformément aux objectifs que nous avons souscrits. Si l'on veut aider le développement, les opérateurs doivent avoir un acquéreur qui s'engage à un prix fixe à long terme. Le complément de rémunération a mis les acteurs sur le marché. Il lisse et assure un filet qui permet aux banquiers de s'engager. Mais en pratique, en raison de la volatilité, les agrégateurs – un parc de 12 MW ne peut aller seul sur le marché et il contracte avec un agrégateur qui vend et achète des volumes sur le marché – ne sont pas capables de s'engager au-delà de trois ans. Tous les contrats d'agrégation actuels sont des contrats de trois, voire quatre ans. Les agrégateurs sont de grands acteurs. C'est Agregio, l'agrégateur d'EDF, c'est Uniper. Ils ont un bilan et sont capables d'aller sur le marché, mais ils ne prennent pas de risque au-delà de trois ans, faute de visibilité sur le prix du marché.

Nous serions donc plus confortables vis-à-vis du banquier si on pouvait lui dire, par exemple : j'ai le complément de rémunération pour cette quotité-là et La Poste va m'acheter pendant vingt ans mon électricité à tel prix du KWh. J'obtiendrais une baisse importante du coût de financement, parce que je donnerais de la visibilité sur les revenus. La Poste le fera seulement si elle peut dire qu'elle remplit ses obligations RSE et qu'elle achète de l'énergie verte. Pour démontrer qu'on achète et qu'on consomme de l'énergie verte, il faut présenter des garanties d'origine. Pour chaque MWh d'éolien ou de solaire produit, est émise une garantie d'origine. C'est un produit qui se « trade ». On enregistre toute la production verte dans le registre. On sait combien de KWh ou de MWh verts la France a produit. Cela sert aussi aux obligations de reporting de la France au regard de ses objectifs européens, pour savoir où en est notre pourcentage de production renouvelable dans le bouquet global par rapport aux engagements que nous avons souscrits. Cette garantie permet de déterminer si le KWh est vert ou gris. Dès qu'il est dans le tuyau, on ne peut connaître la source d'un électron. Un électron vert est rigoureusement identique à un électron carboné. Pour justifier du caractère vertueux de sa consommation, il faut être capable de démontrer qu'on est propriétaire des garanties d'origine en quantités correspondantes. Cela est contrôlé par un registre. La problématique, c'est que la subvention, donc le complément de rémunération, emporte automatiquement le transfert de la garantie d'origine à l'État. Donc la garantie d'origine devient attachée à la subvention et non au KWh.

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