Intervention de Anne Lapierre

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 14h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Anne Lapierre, avocate associée au bureau de Paris du cabinet Norton Rose Fulbright :

. Ce serait une bonne chose mais comment cela serait-il financé ? La réponse est financière. Si j'ai un emprunt à dix ans pour financer le même actif, contre un emprunt à quinze ans, il faudra que le prix affiché soit beaucoup plus élevé afin que le banquier soit sécurisé pour le remboursement dans la période. À partir du moment où l'on envisage des solutions autres dans la durée, par exemple vingt ans, on peut être suivi par les banquiers. Mais si on a des obligations d'investissement à qui reviennent-elles ? À l'emprunteur ? À l'actionnaire ? Comment ce dernier est-il sécurisé ou rémunéré pour ses obligations ? À partir du moment où personne ne veut s'engager, on met tout dans la société de projet. On met les éléments en termes de subvention, en termes de KWh, on fait rembourser le banquier, on essaie de faire sa marge et c'est bouclé comme ça. Si on veut le faire différemment, il va falloir investir et on ne sera plus dans le financement d'un projet sans recours et un special purpose vehicle (SPV), on sera avec des engagements d'actionnaires portés dans le temps qui devront être financés. C'est en cela qu'il faut une vision stratégique.

Si je prends l'exemple du Maroc et du plan solaire pour la Méditerranée – 2 gigawattheures (GWh) de solaire -, ils ont imposé un centre de recherche-développement et ils font des appels d'offres sur toutes les technologies : solaire à concentration parabolique, solaire à concentration tour. Ce dernier, correspondant à l'appel d'offres n° 3 est le plus cher, mais il y a un centre de recherche-développement sur site où toutes les technologies sont présentes. Ils ont accepté de payer un premium dans le prix du KWh pour le faire et être libres de leurs choix pour les vingt ans à venir. C'est un choix qui a un coût, mais un coût nécessairement public. En tout cas, c'est ainsi financé au Maroc.

Après, la question est celle de la répartition du risque. Si l'État souhaite avoir recours au financement privé, ce qui permet de démultiplier ce qu'on fait, il doit y avoir une répartition juste des responsabilités et des rôles. Sans vision sur ce point, il ne se passe pas grand-chose, et la seule façon de faire avancer les choses, c'est le financement public. Mais le levier n'est pas du tout le même. Et quand on regarde les besoins en trillions pour le secteur de l'énergie dans le monde, et je rappelle que nous sommes en compétition avec d'autres pour les investissements, il est impératif d'avoir recours à la finance commerciale, ce qui passe nécessairement par un partage des rôles et des risques entre le privé et le public, donc par une vision à long terme. Faute de quoi il n'y a pas d'accès à cette manne privée. Quelle est la vision et quel est le rôle de chacun ? Si ce n'est pas défini, la seule solution, c'est le financement par une société contrôlée par l'État.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.