Intervention de Bruno Bensasson

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 18h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables :

Monsieur le président, madame la rapporteure, EDF Renouvelables recouvre à la fois l'hydraulique, l'éolien et le solaire. Je resituerai d'abord notre action dans le cadre plus large de la transition énergétique telle que la perçoit EDF.

Je ne peux entamer mon intervention sans évoquer l'efficacité énergétique, voie dans laquelle notre groupe s'engage résolument. La chaleur renouvelable est également un élément très important, porté par mes collègues de Dalkia. Je pense aussi au programme de chauffage durable lancé récemment. Bien entendu, le nucléaire et les réseaux de distribution font partie de la transition énergétique.

J'en viens à notre stratégie énergies renouvelables (EnR). Comme vous l'avez dit, Monsieur le président, elle a été fixée en 2015 par le programme « Cap 2030 » qui vise à doubler notre puissance pour la faire passer de 25 à 50 GW net par une croissance de 10 % par an, ce qui est important dans des économies qui croissent plus lentement.

Cette croissance, nous la ferons avec un double rééquilibrage.

Le premier rééquilibrage sera opéré entre technologies. Notre première énergie renouvelable reste et restera l'hydroélectricité. Hydroélectricité et éolien restent au cœur de notre mix, surtout l'hydroélectricité, avec un peu plus de 20 000 MW hydrauliques exploités par notre groupe. Nous opérerons un rééquilibrage progressif depuis l'éolien vers le solaire. Nous avions historiquement 80 % d'éolien, aujourd'hui, dans le flux, le rapport est plutôt de 50/50 entre éolien et solaire. Nous opérerons aussi un rééquilibrage entre éolien terrestre et éolien maritime.

Le second rééquilibrage est géographique. Paradoxalement, notre groupe était d'abord présent en Amérique du Nord, aux États-Unis d'Amérique. Nous resterons importants en Amérique du Nord, mais nous nous rééquilibrons vers une série de pays émergents et vers l'Europe, en particulier la France, avec notamment le plan solaire que vous avez cité, Monsieur le président, qui prendra toute son ampleur à partir de 2020.

Nous sommes le premier électricien par la puissance renouvelable installée en France. Nous sommes d'ailleurs aussi le premier électricien par la puissance renouvelable installée en Europe. Au niveau mondial, nous sommes dans le peloton de tête, mais reconnaissons que l'italien ENEL, par exemple, est un peu devant nous.

Cette position française est d'abord faite d'hydroélectricité, qui est la première des électricités renouvelables. C'est une électricité formidable, ancrée dans les territoires, compétitive, souvent flexible. Il reste du potentiel. Vous savez sans doute que notre groupe poursuit des projets, comme à La Coche, en Savoie, mais aussi l'important projet de station de transfert d'électricité par pompage à la Truyère, dans l'Aveyron, qui représente 1 milliard d'euros d'investissement et 2 000 emplois. Sous réserve de l'accord des autorités françaises et communautaires, nous souhaiterions vivement le réaliser.

Après l'hydraulique, l'éolien terrestre représente 1 300 MW dans notre parc français. S'y ajoutent nos projets maritimes. Nous avons été les lauréats de projets à Saint-Nazaire, Fécamp et Courseulles. J'espère que nous pourrons bientôt passer à une nouvelle étape après une décision du Conseil d'État. En matière d'éolien terrestre et maritime, nous nous inscrivons naturellement dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et des appels d'offres. Beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières années par les pouvoirs publics dans la façon de promouvoir ces technologies. Les appels d'offres offrent un assez bon équilibre entre le souhait légitime des pouvoirs publics d'obtenir le meilleur prix et la possibilité pour les investisseurs de réaliser des investissements à long terme avec une sécurité de prix, à la hausse et à la baisse, comme à peu près toutes les technologies, qu'elles soient renouvelables, nucléaires ou fossiles, le demandent aujourd'hui.

Nous avons été un très grand acteur du solaire. Nous le sommes toujours dans le solaire pour toiture, dont nous sommes le premier acteur, avec notamment l'offre « Mon soleil & moi ». Sur le solaire au sol, nous avons été très forts hors de France mais, paradoxalement, pour des raisons que je pourrais développer, depuis 2012, nous avons levé le pied en France. Avec le plan solaire décidé par Jean-Bernard Lévy à la fin de 2017, notre intention est de redevenir un leader du solaire en France. Là aussi, les procédures ont fait des progrès. Les questions de la taille et du foncier restent des points d'attention pour beaucoup d'acteurs. La PPE, qui prévoit de l'ordre de 50 000 MW à l'horizon 2028, fixe un objectif qui appelle environ 50 000 hectares, soit 500 kilomètres carrés. C'est à la fois beaucoup et à l'échelle de notre pays. Nous voulons croire que c'est possible. Les évolutions en cours de réflexion pour l'éolien, sur le repowering ou pour le solaire sur la taille typique des projets nous paraissent aller dans le bon sens.

Je terminerai mon propos introductif en évoquant les enjeux de croissance, qui sont d'ordre économique, industriel et environnemental.

Concernant l'enjeu économique, il est vrai que les énergies renouvelables électriques ont coûté cher et que cela se ressent toujours sur les finances publiques. Après la contribution au service public de l'électricité (CSPE) à une époque, c'est maintenant la contribution climat énergie (CCE), et vous le savez bien mieux que nous. Mais il convient de souligner que les coûts de ces énergies, qu'il s'agisse de l'éolien ou du solaire, ont beaucoup baissé. Il y a quelques jours, le président de la commission de régulation de l'énergie (CRE) parlait d'une gamme de prix de 60 à 80 euros par mégawattheure, et l'on constate même des appels d'offres solaires ou éoliens légèrement inférieurs. Dans un coût du solaire de 55 euros par mégawattheure, il y a encore environ 15 euros par mégawattheure de taxe locale. Oui, il y a eu un coût. Les décisions passées ont encore un coût aujourd'hui, en particulier un coût allemand - les Allemands ont beaucoup payé l'apprentissage du solaire – mais elles ont permis l'émergence d'une filière. Aujourd'hui, force est de constater que le solaire et l'éolien sont proches de la monnaie, ici, en France, et, a fortiori, dans d'autres endroits du monde. Et si on imaginait un bon prix du CO2, elles seraient encore plus proches de la monnaie.

Le Parlement avait fixé l'objectif de 20 % de renouvelables en 2020 et de 32 % en 2030, dont 40 % d'électricité en 2030 et, naturellement, notre groupe s'inscrit dans ce cadre législatif. Une PPE qui prévoit davantage d'électricité décarbonée nucléaire – je le dis clairement – et renouvelable nous paraît aller dans le bon sens, quand on considère les euros publics par tonne de CO2 évités.

L'enjeu est aussi industriel. Selon les chiffres publics de la Cour des comptes et de l'ADEME, la part de valeur ajoutée française dans les filières renouvelables serait de 35 à 45 %. C'est à la fois plus que ce qu'on imagine, moins que le cas du nucléaire ou de l'hydraulique et plus que les énergies fossiles. En tant que propriétaire de Photowatt qui, à Bourgoin-Jallieu, dans l'Isère, emploie quelque deux cents personnes pour produire des panneaux photovoltaïques, nous ne pouvons que souhaiter que les autorités françaises et communautaires défendent leur industrie, au même titre que les autorités chinoises, indiennes, américaines le font sans hésitation.

Je finirai par les enjeux environnementaux, que nous considérons comme très importants. J'évoquerai sans exhaustivité les paysages, la biodiversité et les déchets.

S'agissant des paysages, il va de soi qu'il y a des enjeux autour de l'éolien terrestre et maritime. Parmi nos savoir-faire figurent le choix des sites et la concertation. Il faut avoir beaucoup d'humilité dans ce domaine. Nous nous efforçons d'avoir cette humilité et de pratiquer la concertation. Sans être parfaites, nos relations avec les territoires nous paraissent bonnes. C'est notamment le cas en ce qui concerne les projets éoliens maritimes, pour lesquels les choses se passent relativement bien. Cela ne veut pas dire que c'est facile partout, mais partout nous voulons cette concertation, dont nous reconnaissons la légitimité. Nous y sommes attentifs, même dans des cas sensibles, comme actuellement au Blayais.

La biodiversité est un autre sujet. Pour le solaire ou l'éolien, terrestre ou maritime, il y a des enjeux de faune, de flore. Cela fait partie aussi des savoir-faire de nos équipes que d'identifier, prévenir, limiter les risques pour la faune et pour la flore.

Enfin, si les déchets représentent des filières relativement jeunes, il est déjà temps de penser au recyclage. Pour le solaire, 95 % du contenu d'un panneau solaire peuvent être recyclés, les 5 % restants ne l'étant pas principalement pour des raisons économiques et non pour des raisons technologiques ou de dangerosité. Pour l'éolien, 97 % peuvent être réutilisés ou recyclés. Ce qui ne l'est pas est valorisé sous forme d'énergie, ce qui est mieux que rien. Ce sont les parties composites des pales qui, pour le moment, n'ont pas d'autre exutoire. Au total, le coût de démantèlement d'une éolienne est estimé à 50 000 euros, c'est-à-dire environ moins de 5 % de son coût total, selon sa puissance. Il est naturellement intégré et provisionné dans nos plans d'affaires.

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