Intervention de Bruno Bensasson

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 18h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Bruno Bensasson, président-directeur général d'EDF Renouvelables :

. Je reprendrai vos trois questions, sur la tarification, les subventions et la garantie d'un coût acceptable.

Concernant les subventions, peu nombreux sont les pays dans lesquels les énergies renouvelables se développent toutes seules. D'ailleurs, peu nombreux sont les pays dans lesquels les moyens de production électrique se développent sur la simple base d'un signal marché. Les pays dans lesquels l'électricité renouvelable est sans hésitation la plus compétitive, tels que le Brésil, le Maroc, les Émirats Arabes Unis, l'Inde ou la Chine, ont tous mis en place des mécanismes régulatoires, qu'on les appelle subventions ou pas. Quand, au Brésil ou aux Émirats un appel d'offres solaire sort à 20 dollars par mégawattheure, il bénéficie pour vingt ans d'un tarif garanti. Cela tombe bien parce qu'il n'y a pas de prix de marché aux Émirats arabes unis. Mais s'il y en avait un, il serait peut-être au-dessous ou en dessous mais il serait volatil et incertain.

Les appels d'offres, et des pays comme le Brésil ou les Pays-Bas en ont lancé plus tôt que nous, ont le mérite de faire jouer la concurrence, parce que les gens se bagarrent pour proposer un prix qui gagne, tandis que les tarifs administrés n'avaient pas cette vertu. Tantôt trop bas, il ne se passait rien, tantôt trop hauts, il y avait des bulles puis des surcoûts. Ils évitent à l'investisseur l'incertitude sur les prix à long terme, autrement dit le coût du risque. Dans le cadre d'un appel d'offres, cela permet de baisser le prix proposé. Les régimes de prix libres sont plutôt l'exception. Je songe à des structures d'appels d'offres, d'ailleurs pas si simples que cela, aux Pays-Bas ou en Allemagne, dans lesquels des gens pensent qu'ils pourront rémunérer les investissements sur la base des prix de marché. Cela présente au moins un inconvénient, à savoir que le gagnant n'est pas nécessairement le meilleur industriel mais souvent le plus optimiste sur les prix de marché. À la fin, quand il fait ses comptes, il s'aperçoit qu'il a détruit de la valeur. Les appels d'offres sont un schéma intéressant.

Ce qu'il manque au système électrique, et pas seulement renouvelable, c'est un prix du CO2 à la mesure des enjeux climatiques. Aujourd'hui, paradoxalement, on a en France, quatre prix du CO2 : le prix qui est la contribution climat énergie, le prix sur le marché européen, le prix à zéro par dérogation et le prix implicite dans toutes les politiques qui n'utilisent pas le prix du CO2 mais des normes. Je ne dis pas que c'est facile pour les générations présentes, je crois que les renouvelables électriques peuvent y contribuer en apportant des solutions à un coût compétitif. Mais cette incohérence des prix du CO2 est un sujet qui pèse sur le système et représente un petit dysfonctionnement.

Pour les acteurs des énergies renouvelables, la référence qui compte, c'est le marché de gros, car on vend son électricité soit sur le marché de gros, soit à un client susceptible d'acheter sur le marché de gros. Je ne mettrais pas cela en lien avec le tarif bleu tel qu'il existe, ni avec le tarif nucléaire dont vous savez que notre groupe souhaite vivement qu'il soit revu. Cela fait partie des chantiers qu'en novembre, le chef de l'État a confiés à Jean-Bernard Lévy, qui a encore récemment qualifié le dispositif très asymétrique d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) de « vrai péril » pour notre entreprise. D'ailleurs, avec une certaine cohérence, nous souhaitons que le nucléaire soit rémunéré à un coût qui permette l'investissement dans la durée, comme vous l'avez dit, avec une visibilité, sans être soumis aux aléas du marché, en préservant à la fois la solidité financière de l'entreprise et l'intérêt des consommateurs, ménages et entreprises, dans un corridor de prix croissant avec l'inflation. Il est quand même original que l'ARENH ait été fixé en euros courants et n'ait même pas suivi l'inflation depuis sa création en 2010. De notre point de vue, il y a beaucoup d'amélioration à apporter du côté des tarifs, sans faire de lien direct avec le renouvelable.

Enfin, je suis d'accord avec vous sur le troisième point : notre stratégie des renouvelables est une stratégie de diversification - nucléaire plus renouvelables -, conformément au choix du Parlement. C'est sans doute, mais vous le savez mieux que moi, une des conditions d'acceptabilité et d'acceptation du mix électrique dans la durée. Je n'ai pas plus de commentaires à faire sur la diversité. Elle est une force dans les mix énergétiques, comme dans les entreprises et comme dans les sociétés.

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