Intervention de Olivier David

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Olivier David, chef du service climat et efficacité énergétique du Pôle national des économies d'énergie :

La France a fixé des objectifs d'efficacité énergétique très ambitieux, puisqu'ils visent à diminuer de 20 % la consommation énergétique finale d'ici 2030 et à la diviser par 2 d'ici 2050. Les CEE constituent notre outil majeur pour les atteindre. Cet outil est à la fois performant, incitatif, particulièrement redistributif, mais également transparent. Je ne vais pas détailler le dispositif des CEE, qui a déjà fait l'objet de plusieurs auditions de votre commission, mais vous indiquer la façon dont la DGEC le perçoit.

Pour nous, le CEE est particulièrement performant, parce qu'il fixe un objectif de résultat aux vendeurs d'énergie. En l'occurrence, ceux-ci doivent réaliser 1 600 TWh cumac d'économies d'énergie sur une période de 3 ans, répartis entre eux au prorata de l'énergie vendue. Il ne s'agit pas d'un objectif de moyen, mais de résultat. Les économies d'énergie attendues peuvent être réalisées dans l'ensemble des secteurs : bâtiment, transports, industrie, agriculture. Cet objectif n'est pas a priori affecté à tel ou tel secteur. Pour vous donner un ordre d'idée, 100 TWh représentent l'effacement de la consommation résidentielle d'un million d'habitants pendant quinze ans. En pratique, 70 % de ces économies se font dans le bâtiment résidentiel et se traduisent directement par une baisse de la facture énergétique des ménages. En 2018, par exemple, 400 000 travaux d'isolation ont été réalisés grâce aux CEE, de même que 110 000 changements de chaudière. Par ailleurs, 18 % des économies sont réalisées dans l'industrie. À ce titre, les CEE sont aussi un dispositif de compétitivité économique de notre industrie, puisqu'ils permettent d'effectuer des travaux d'efficacité énergétique. Enfin, 5 % sont réalisés dans le transport, notamment pour développer la mobilité propre. Cette part est encore modeste, mais elle est en augmentation. Le covoiturage a ainsi pu être développé grâce aux CEE. BlaBlaCar, par exemple, a bénéficié d'un programme CEE.

L'efficacité économique est consubstantielle à l'objectif de résultat des CEE, puisque les vendeurs d'énergie sont amenés à réaliser les économies d'énergie là où elles sont les plus importantes possible pour un coût le plus faible possible. On estime que la valeur de l'incitation reçue par le consommateur est très inférieure au prix de l'énergie économisée. Ainsi, 5 euros permettent d'économiser 1 MWh sur la période de l'opération, soit un facteur 10 à 20 par rapport au prix de l'énergie économisée. Ce dispositif a donc un effet de levier particulièrement important pour les économies d'énergie.

Par ailleurs, il est incitatif par nature : le vendeur d'énergie qui doit obtenir des CEE doit avoir un rôle actif et incitatif, contrairement au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) dans lequel on effectue des travaux avant de demander une aide. C'est bien le CEE qui doit être déclencheur de l'opération d'économie énergie.

C'est ce qu'on appelle le rôle actif et incitatif du vendeur d'énergie.

Je le disais, ce dispositif est aussi particulièrement redistributif : 52 % des opérations sont réalisées dans le bâtiment résidentiel occupé par des ménages précaires. Il s'agit donc d'un dispositif de solidarité nationale entre les consommateurs d'énergie, puisqu'il est payé par tous les consommateurs d'énergie et bénéficie à 52 % aux ménages précaires.

Enfin, le dispositif est transparent. La DGEC publie tous les mois l'ensemble des données relatives aux opérations effectuées ainsi qu'au dépôt et à l'attribution de CEE. Elle publie aussi le prix moyen des CEE échangés sur le marché, ainsi que le prix spot sur le marché des CEE.

Après une phase de croissance et de montée en puissance, nous avons atteint un rythme de croisière dans la 4e période, avec cet objectif de 1 600 TWh CUMAC.

Je voudrais juste insister sur deux évolutions récentes. Tout d'abord, les programmes. Ils permettent d'impulser des économies d'énergie là où elles ne sont pas directement quantifiables, mais aussi de produire des CEE à un prix régulé de 5 euros par MWh en moyenne. Plusieurs exemples peuvent être cités : le programme porté par la Coopération maritime pour réduire la consommation d'énergie de 8 000 bateaux de pêche ; le programme porté par la Mutualité sociale agricole (MSA) qui permet l'autorénovation des bâtiments des agriculteurs ; le programme porté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) qui permet d'accompagner les collectivités dans la rénovation de leurs bâtiments publics ; les programmes pour l'accompagnement des syndicats copropriétaire, des syndics, des notaires, des acteurs bancaires ou encore les petits commerces et les conducteurs du secteur du transport de froid. Certains programmes sont en outre particulièrement orientés vers la précarité, comme le programme de la Fondation Abbé Pierre pour accompagner les publics précaires dans les travaux d'économie énergie.

Ensuite, les « coups de pouce » sur l'isolation et sur le chauffage, qui ont parfois fait l'objet de critiques. Cette évolution est née de plusieurs constats. D'une part, outre les dispositifs d'aide pour permettre des économies d'énergie, seul compte le reste à charge du point de vue du consommateur. Certes, les travaux d'isolation par exemple permettent d'économiser de l'argent sur la durée de vie de l'opération. Mais ce n'est pas toujours cela qui intéresse le ménage, qui regarde plutôt le reste à charge au moment où il investit. L'objectif consiste donc à le diminuer très fortement, notamment pour les publics précaires. D'autre part, les acteurs des CEE étant parfois des intégrateurs des aides, qu'il s'agisse du CITE, des CEE ou des aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), il faudrait qu'ils puissent proposer un package des aides aux ménages, c'est-à-dire un dispositif complet allant jusqu'à un accompagnement pour réaliser les travaux. Enfin, il s'agit aussi de bonifier un certain nombre d'actions en fonction de l'économie de CO2 réalisée. Nous avons lancé deux grandes actions : un coup de pouce pour l'isolation des combles et des planchers et un coup de pouce pour le changement de chaudière. Ce dispositif fonctionne particulièrement bien. Il est en phase de montée en puissance, avec un objectif de 600 000 changements de chaudières et d'isolement de 500 000 combles et 100 000 planchers en deux ans. Nous devrions atteindre voire dépasser cet objectif. En avril, nous avons engagé 23 000 travaux d'isolation et 16 000 changements de chaudière.

Vous nous interrogez sur le coût des CEE. La DGEC publie chaque mois le prix moyen d'achat des CEE. En 2018, le prix moyen d'échange s'est établi à 5,4 euros par MGw Cumac. Il est en augmentation et a ainsi atteint 6,6 euros par MWh CUMAC entre octobre 2018 et mars 2019.

Il s'agit du prix d'échange des CEE sur le marché, mais la plupart des obligés produisent des CEE par eux-mêmes. Prenons l'objectif de 533 TWh CUMAC pour 2019 : 200 TWh pourraient être acquis sur le marché entre 6 et 7 euros par MWh, auxquels s'ajouteraient 55 TWh de programmes à 5 euros, et le reste pourrait être produit en interne à des coûts que l'on peut estimer autour de 6 euros par MWh. Soit un coût estimé entre 3 et 3,5 milliards d'euros sur l'année 2019. Pour le consommateur, le dispositif coûte de l'ordre de 3 % de la facture. Pour un plein de 30 litres de gazole à 1,6 euro le litre, soit 48 euros, par exemple, les CEE représentent 1,28 euro, soit 2,6 % du prix du plein. Le dispositif coûte donc certes 3 % de la facture des ménages, mais il est intégralement reversé pour les économies d'énergie. Cela signifie qu'il coûte aux ménages, mais qu'il leur permet d'effectuer des travaux d'économie d'énergie grâce au phénomène de solidarité qui lui permet de bénéficier majoritairement aux ménages modestes.

Vous m'avez également interrogé sur les contrôles. Ils sont effectués par le PNCEE. Cette cellule de 21 personnes au sein de la DGEC a été renforcée pour faire face à la quatrième période. Notre politique de contrôle est ciblée en fonction du volume déposé par les acteurs, de l'historique des contrôles, des informations échangées avec les autres administrations et des retours du terrain – car des particuliers peuvent nous écrire pour nous signaler des problèmes.

Depuis 2015, nous avons lancé 400 contrôles, 52 sanctions ont été prononcées avec une annulation cumulée de 1,3 TWh CUMAC de CEE et des sanctions pécuniaires de 12 millions d'euros. On parle beaucoup du coût de ces contrôles et de ces sanctions de ces contrôles, mais ils représentent de l'ordre d'un millième des CEE accordés.

Nous renforcerons les contrôles en 2019, notamment sur les coups de pouce isolation et chauffage. Outre les contrôles sur pièces qui existaient jusqu'à présent, nous mettrons en œuvre des contrôles sur site pour lesquels nous consacrerons un million d'euros. Nous enverrons sur place des bureaux de contrôle mandatés par le PNCEE.

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