Nous nous livrerons tout de même à l'exercice que vous avez demandé, qui consiste à passer en revue rapidement les externalités et à vous dire où nous en sommes dans la réflexion et la démarche de valorisation.
L'année dernière, nous avons conduit plusieurs études sur ce sujet. Dans le cadre du comité stratégique de filière mis en place avec le Gouvernement, nous pilotons une étude plus approfondie sur la valorisation et l'estimation des externalités pour aller dans le sens que vous souhaitez.
La première externalité est l'économie de CO2. Le contenu en CO2 est un peu supérieur à 200 grammes par KWh – cela varie que l'on regarde le pouvoir calorifique supérieur (PCS) ou inférieur (PCI). Dans la mesure où mettre en place du biométhane plutôt qu'une solution de gaz fossile permet d'économiser à peu près 80 % du CO2, nous sommes à 20 € du MWh pour une tonne de carbone à 100 euros et à 50 euros du MWh pour une tonne de carbone à 250 euros comme l'envisage le rapport Quinet. Pour rappel, le tarif d'achat moyen d'achat du biométhane est actuellement de l'ordre de 90 euros le MWh, et le prix de marché est de l'ordre de 30 euros le MWh – il est même plutôt de 25 euros le MWh mais il risque d'augmenter d'ici à 2030. L'écart n'est donc que de 10 euros. Donc si nous baissons nos coûts d'abord de 2 % par an puis plus rapidement dans l'avenir, pour cette seule externalité du CO2, nous sommes déjà bien positionnés vis-à-vis des valeurs du rapport Quinet.
Votre question ne portait pas trop sur le CO2, parce que je pense que vous avez déjà amplement de la documentation là-dessus ! Quoi qu'il en soit, nous continuerons à préciser ces chiffres, notamment pour prendre en compte le stockage du carbone dans les sols – les fameux « 4 pour 1 000 » dont parlait Olivier Dauger.
Nous avons pu plus ou moins chiffrer d'autres éléments, à commencer par la qualité de l'eau. L'un des gros atouts de la méthanisation vient du fait que lorsqu'on méthanise les nitrates contenus dans les effluents agricoles, en particulier les effluents d'élevage, on ne supprime pas le nitrate mais on le met sous une forme plus facilement utilisable par les plantes et qui a moins tendance à aller directement dans les nappes phréatiques. La méthanisation permet aussi d'éviter d'autres substances, contribuant là encore à la qualité de l'eau. Nous l'avons chiffré à partir des valeurs communiquées par les agences de bassin à 6 euros le MWh.
Une autre externalité importante est le coût de traitement des déchets. Fut un temps, les producteurs devaient payer pour éliminer certains déchets. Aujourd'hui, on les leur achète. Le coût de traitement d'un certain nombre de déchets a ainsi fortement diminué. La valeur de cette externalité peut aller de zéro pour les projets qui ne recyclent pas de déchets à 16 € pour certains projets industriels qui recyclent énormément de déchets.
Nous avons également essayé de valoriser les emplois, car la filière biométhane crée des emplois et améliore la résilience des exploitations. On peut considérer que cela représente de l'ordre de trois ou quatre emplois en fonction de la taille des installations, parfois il y en a que deux, par unité de production de biométhane.
Le coût pour la collectivité d'une exploitation sans emploi est une externalité de l'ordre 8 euros le MWh.
Il est plus difficile de chiffrer la biodiversité apportée. Je n'ai pas de méthode pour le faire, aujourd'hui. Je n'ai pas non plus de méthode pour valoriser la réduction de l'utilisation des pesticides, des herbicides et des fongicides. Elle permet en tout cas l'amélioration de la qualité de l'air et la réduction des odeurs. En outre, quand il y a un élevage et si la méthanisation a été faite correctement, cela permet d'épandre du digestat stabilisé plutôt que des effluents agricoles qui sont encore en phase de fermentation. Cela réduit les odeurs, mais nous n'avons pas pu le valoriser.
Une autre valeur très importante mérite d'être citée : le fait de rendre les agriculteurs, qui sont parfois critiqués, acteurs de la transition énergétique. Je pense que cette dimension, plus sociale et sociétale, est aussi extrêmement importante.
Nous essaierons de valoriser un peu mieux toutes ces externalités, d'autant que les études ont un peu été faites en chambre – certes, avec les agriculteurs, mais pas toujours de façon partagée avec les pouvoirs publics. Dans le cas du comité stratégique de filière, nous reprendrons donc ces études pour approfondir certaines d'entre elles et partager les résultats avec les pouvoirs publics pour aller vers des valeurs plus reconnues, plus opposables et moins sujettes à polémique.