La séance est ouverte à dix-huit heures quarante.
Dans le cadre de cette commission d'enquête, nous entendrons pour la dernière audition de la journée l'association France Gaz Renouvelables, représentée par son coprésident Olivier Dauger, son délégué général Jean Lemaistre et sa déléguée générale Cécile Frédéricq.
Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2028 retient un objectif d'injection de biométhane dans le réseau de gaz naturel compris dans une fourchette de 14 à 22 térawattheures (TWh) en 2028. Pour rappel, en 2018, moins de 1 TWh a été injecté.
Au regard d'une telle trajectoire, quels sont les paramètres de compétitivité de la filière biométhane par rapport au gaz naturel et aux autres énergies renouvelables dans le mix énergétique ? Comment apprécier l'impact environnemental de la méthanisation, qu'il s'agisse d'approvisionnement des installations ou du co-produit de la méthanisation ? Quelle vision avez-vous de l'acceptabilité des projets ? Où en est-on du système des garanties d'origine ?
Monsieur Dauger, nous allons vous écouter pour un exposé liminaire de quinze minutes, puis les membres de la commission d'enquête vous interrogeront, en commençant par les questions de notre rapporteure, Mme Meynier-Millefert.
Mais avant toute chose, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».
(MM. Dauger et Lemaistre prêtent successivement serment.)
Je vous remercie de nous permettre d'être auditionnés devant cette commission.
France gaz renouvelables est une toute jeune association, puisqu'elle n'a pas encore un an, qui regroupe l'ensemble de la filière biogaz, du gisement – donc de l'agriculture et des déchets – jusqu'aux réseaux. Notre volonté était de rendre cette nouvelle énergie claire et visible, et de faire en sorte que la filière travaille ensemble, étant entendu que tous les maillons de la filière étaient persuadés, et le sont toujours, de son intérêt tant pour le mix énergétique que pour les grands enjeux climatiques et environnementaux d'aujourd'hui. J'y reviendrai car c'est un élément important, spécifique à la filière biogaz et que nous cherchons à mettre en avant.
Je suis agriculteur. Je représente donc l'amont de la filière. Je suis également élu de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), en charge du dossier climat-énergie, président de la chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France et en charge du dossier climat-énergie pour l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) depuis quatre ans. Je suivais donc déjà le dossier climat-énergie avant les Accords de Paris. J'ai toujours vu la corrélation très forte entre la transition climatique et la transition énergétique, laquelle a d'ailleurs été décidée lors des Accords de Paris. Il est important de l'avoir en tête : on a décidé la transition énergétique aussi et surtout pour répondre à l'enjeu du climat. C'était même le premier objectif. D'où l'importance des externalités positives que j'évoquerai tout à l'heure. Il ne s'agit pas, pour le monde agricole du moins, de chercher uniquement un nouveau développement. Nous cherchons à résoudre un certain nombre de difficultés liées au climat, étant entendu que l'agriculture en est à la fois une victime, une cause et une solution, notamment dans l'utilisation des sols, dans le captage des gaz à effet de serre et dans la production d'une partie de l'énergie dans le mix, en particulier pour aider à la sortie du fossile.
Vous parliez d'un objectif de volume. Lors de la publication de la PPE cet hiver, nous avons été particulièrement déçus au regard de la loi de transition énergétique et du débat national qui s'était tenu quelque temps avant sur ce sujet. La PPE a finalement beaucoup reculé par rapport aux ambitions et aux enjeux de départ. Je rappelle que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), lors du débat national, évoquait un potentiel de 30 % de gaz renouvelables méthanisation. On était ensuite arrivés à 20 %, puis à 10 %. Aujourd'hui, on parle certes de 6 %, 8 % ou 10 %, mais si l'on regarde bien la mise en œuvre et plus encore l'accompagnement financier, avec les tarifs actuels sur lesquels je reviendrai, on est plutôt à des niveaux de 3 %, 4 % ou 5 %, et on a du mal à lancer et développer la filière.
Nous avons pleinement conscience que la baisse des coûts est un objectif. La question n'est pas là. Simplement, nous estimons que pour pouvoir baisser les coûts, il faut que la filière ait démarré. C'est un peu l'histoire de la poule et l'œuf, pour utiliser cette image. Tant qu'une filière n'a pas démarré, elle ne peut pas créer de dynamique. La situation est compliquée pour toutes les filières amont de la filière et tous les concepteurs de matériel. Pour baisser les coûts, il faut arriver à un seuil critique. C'est d'ailleurs la demande de la profession : démarrons jusqu'aux 8 TWh de la loi de transition énergétique en 2023 pour commencer à baisser les prix.
J'en viens aux impacts environnementaux. Il est compliqué de parler d'énergie dans le monde actuel en essayant d'élargir le débat. Souvent, quand on parle de transition énergétique, on ne regarde que le coût du matériel ou de l'énergie.
La méthanisation est une énergie du territoire, la seule qui permet aussi de traiter les déchets, de capter plus de gaz effet de serre grâce à la couverture permanente des sols et de répondre à l'enjeu de l'engrais organique. Je n'invente rien concernant la captation des gaz à effet de serre. Ce sont les « 4 pour 1 000 » de M. Le Foll ou encore les « 4 pour 1 000 » de M. Mauguin, président-directeur général de l'Institut de recherche nationale agronomique (INRA), qui est particulièrement convaincu de l'intérêt d'intégrer la méthanisation dans les systèmes agricoles. En effet, plus vous augmentez la matière organique d'un sol, plus vous vous avez possibilité de capter le carbone et plus vous le faites si le système suit. C'est donc un élément important. Un autre élément important concerne les digestats et engrais organiques : vous apportez un engrais organique beaucoup plus simple à gérer qu'un effluent. Cela permet donc aussi de résoudre le problème environnemental. Si la Bretagne s'est orientée relativement rapidement vers la méthanisation, c'est d'abord pour gérer le dossier des effluents. Un effluent est très compliqué à gérer dans le sol dans la mesure où l'azote ne se libère pas toujours comme on le souhaiterait, tandis qu'un digestat permet, entre la phase solide et la phase liquide, d'adapter l'azote exactement aux besoins des plantes et d'éviter le lessivage de l'azote. C'est un avantage annexe, mais pas du tout neutre.
La méthanisation est aussi, bien sûr, une énergie renouvelable.
C'est une énergie stockable. C'est précisément là tout l'intérêt de la filière : aujourd'hui, nous avons à la fois le stockage et les réseaux. Il n'y a pas besoin de réseaux supplémentaires, ou très peu seulement, il n'y a pas besoin de stockage.
C'est une énergie non intermittente, qui peut donc être utilisée dans le mix énergétique. Il ne s'agit pas d'opposer le gaz à l'électricité, mais de l'utiliser en complément dans le mix énergétique et surtout pour appuyer la consommation d'énergie électrique, notamment dans les phases un peu compliquées de pic.
C'est une énergie qui permet, dans les territoires, d'apporter des solutions pour le transport de camions et, pourquoi pas, des bateaux. Ce faisant, elle permet de répondre assez rapidement au remplacement de l'énergie fossile, qui reste l'objectif premier.
La méthanisation, c'est aussi la préservation de la biodiversité. On ne le dit pas assez souvent, mais à partir du moment où l'on ajoute de nouvelles plantes qui serviront pour le méthaniseur mais qui sont immatures, donc pas alimentaires, cela permet un assolement plus long, donc une moindre utilisation de produits phytosanitaires.
Certes, tous ces éléments ne sont pas complètement chiffrés au départ. C'est la raison pour laquelle la filière travaille depuis cinq mois, à la demande du Gouvernement, avec un organisme pour effectuer un chiffrage de tous les apports de la méthanisation. Nous vous remettrons également ces chiffres, qui sont transparents.
Il faut aussi évoquer l'acceptabilité sociétale. Lorsqu'un dossier met 5 ans ou plus à sortir, cela nourrit un doute sur le terrain. Les voisins se demandent nécessairement pourquoi c'est si long. Par ailleurs, le manque de connaissance engendre aussi des réticences. On parle souvent des odeurs, mais un digestat n'a pas d'odeur contrairement à un effluent. Dans les quelques cas qui existent, la gestion des problèmes d'odeur est souvent liée au non-respect du protocole de la méthanisation. Lorsque le produit n'est pas fini, il continue à émettre un certain nombre d'odeurs. En outre, un vrai méthaniseur – je vous invite à en visiter quand vous voulez – est tout de même mieux qu'une éolienne dans la mesure il ne se voit pas au-delà de 500 mètres ou 1 kilomètre.
Un dernier élément est très important à mes yeux : nous nous inscrivons véritablement dans la transition telle qu'elle évolue dans les conférences des parties (COP), c'est-à-dire une transition vers les projets territoriaux, vers l'économie circulaire, vers l'emploi local non-délocalisable. C'est l'occasion d'avoir une filière franco-française non-délocalisable. C'est un besoin, dans nos territoires – c'est l'élu de terrain qui le dit. L'histoire des « gilets jaunes » ne vient pas de nulle part. Elle vient aussi du manque de dynamique, dans un certain nombre de régions et de terrains plutôt ruraux. En l'occurrence, cette transition permet aussi de créer des collectivités ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui peuvent devenir autonomes grâce à leurs déchets, à leur biomasse et à leurs effluents, et dans leur intérêt, avec des emplois locaux. Alors qu'on parle beaucoup de développement des territoires, c'est un véritable appui à ce développement.
J'ai brossé un panorama assez rapide, mais je pourrais en parler beaucoup plus longtemps. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Vous posiez une question spécifique sur les certificats d'origine. Le biométhane injecté dans le réseau fait l'objet de certificats d'origine qui peuvent être valorisés auprès des consommateurs. L'objectif était d'avoir un tarif d'achat pour tirer la filière et pousser l'aval.
Par ailleurs, le biométhane étant une énergie territoriale, ces certificats d'origine permettent de faire des boucles locales. Ce sont eux qui permettent à la ville de Lille de dire « Je roule avec mes bus ». Ce sont eux qui permettent cette territorialisation et cette appropriation locale du biométhane. Nous savons que le Gouvernement et les pouvoirs publics s'interrogent sur ces certificats d'origine. Nous sommes tout à fait favorables à ce que le système évolue vers plus de rigueur et plus de transparence, afin que les interrogations qui existent soient levées. En revanche, nous ne souhaitons pas, car ce serait très dommage, que le système évolue dans un sens qui ne permettrait pas la pérennité de ces boucles locales. En effet, l'implication des territoires est un puissant levier de développement du biométhane. Ainsi, si l'on délivrait les certificats d'origine dans le cadre d'un appel d'offres national lancé par l'État sans possibilité de privilégier les boucles locales, ce serait à mon avis très préjudiciable à la fois à l'attente des territoires et au développement du biométhane.
Il est très important de parler d'analyse du cycle de vie et du développement de nouvelles filières. Le biogaz coûte peut-être un peu plus cher à produire, mais les réseaux existent déjà et ses apports sont réels. Ainsi, il est bien mieux placé du point de vue de l'analyse du cycle de vie que si l'on regarde uniquement le coût de production d'un méthaniseur. Il faut bien regarder les conséquences positives et négatives de tout développement. Dans un mix énergétique équilibré, il convient certes de favoriser le moins coûteux possible, mais surtout le plus utile au regard de l'enjeu initial – qui est, je le rappelle, la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le remplacement du gaz naturel par le biogaz est un véritable atout, en particulier pour la France qui peut produire son propre biogaz et rester indépendante y compris au plan géopolitique. Ensuite, c'est la méthanation, le power-to-gas et éventuellement l'hydrogène. Mais la première étape, pour laquelle nous sommes aujourd'hui techniquement matures, est la méthanisation. Elle peut être développée dans les quinze ans qui viennent. Mais malheureusement, si la PPE s'applique dans son état actuel, la filière aura beaucoup de mal à se développer.
Je voudrais revenir sur la question de la garantie d'origine. Vous disiez que vous seriez favorables à plus de rigueur et de transparence dans ce domaine. Quelles seraient vos propositions à ces fins ?
Très franchement, nous n'avons pas suffisamment travaillé pour vous présenter des propositions formalisées. Je vous rappelle le système actuel. Lorsque la garantie d'origine est valorisée et que le gaz est vendu au consommateur pour un usage de gaz naturel véhicule, la moitié de cette valeur est reversée, venant ainsi soulager le coût du tarif d'achat. Pour les usages plus classiques, la difficulté est liée au fait qu'il est compliqué de distinguer le coût de la molécule classique et la survaleur liée au fait qu'il s'agit de gaz vert.
Je pense qu'il existe des mécanismes qui permettraient d'éviter les questions que pose la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) à juste raison. On pourrait ainsi parfaitement mettre en place un dispositif qui maintienne les boucles locales et repose sur le volontariat plutôt que sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE) obligatoire, pour soulager le tarif d'achat.
Il nous faudrait davantage de temps pour travailler des propositions avec les acteurs. Nous sommes conscients que le système tel qu'il existe doit évoluer. Notre filière ne considère pas du tout qu'il doit rester tel qu'il est. Nous sommes conscients qu'il doit évoluer, et je pense qu'il est tout à fait réaliste de trouver un système qui évite les interrogations que se posent certains acteurs comme la DGEC. Mais à mon avis, la solution qui consisterait à faire un grand appel d'offres centralisé qui supprimerait les boucles locales serait une erreur grave. Cette solution peut être évitée.
Pour être tout à fait honnête, nous avons découvert dans le cadre de cette commission d'enquête la manière dont on distingue l'énergie produite dans le cadre des énergies renouvelables (EnR) d'une part et, d'autre part, la valorisation via les garanties d'origine qui ont une valeur propre détachée de cette production dans la mesure où on ne sait pas différencier les sources des différentes énergies. Les entreprises souhaitent affirmer qu'elles utilisent uniquement de l'énergie verte. D'où la valeur de ces garanties d'origine, qui échappe toutefois pour partie aux acteurs de la production. C'est, en tout cas, ce que nous ont expliqué d'autres filières EnR. Qu'en est-il dans le cadre de la méthanisation ?
Ce sujet est très complexe et nécessiterait de longs développements. Il existe une difficulté supplémentaire au système des garanties d'origine, c'est la logique de l'Europe et le fait que ces garanties peuvent s'échanger dans l'espace économique européen. C'est un constat. Ainsi, des consommateurs de gaz vert en France peuvent acheter des garanties d'origine produites à l'étranger. Pour tout vous dire, nous qui sommes là pour soutenir le développement de la méthanisation en France, nous préférerions à la limite un système qui privilégierait le biométhane français produit en France et les boucles locales territoriales, comme je vous l'ai expliqué. Certes, ce n'est pas toujours possible et un acteur en France peut, en achetant des garanties d'origine dans un autre pays de l'espace économique européen, affirmer qu'il est 100 % vert. Néanmoins, je pense que nombre d'acteurs locaux, territoriaux, notamment des collectivités territoriales qui participent à des projets de gaz renouvelable, souhaitent pouvoir le valoriser localement. C'est un point très important qu'il faut absolument préserver en laissant la possibilité aux acteurs locaux, quels qu'ils soient, de valoriser le gaz renouvelable au plus près. C'est la raison pour laquelle un appel d'offres centralisé ne nous semble pas être la meilleure des solutions : il couperait un peu cet élan local.
Nous sommes là pour parler du fond des choses. La valeur des certificats d'origine s'explique par deux éléments. D'une part, le gaz vert échappe à certaines taxes. D'autre part, certains acteurs ont une appétence pour les EnR. Je pense donc qu'il serait tout à fait possible – mais c'est une idée qui mériterait d'être approfondie – de considérer qu'un minimum de valorisation de la garantie d'origine doit être retenu quand on vend le gaz. Je suis convaincu qu'il peut y avoir un système plus transparent et plus visible qui permettrait à la fois de maintenir les boucles locales et d'éviter les dérives.
La filière de la méthanisation française souhaitait avoir un cahier des charges qui lui soit propre. Et pour cause, elle ne voulait pas, à l'instar de l'ensemble du monde agricole, réitérer les mêmes erreurs que d'autres pays en ayant une méthanisation reposant largement sur la production alimentaire. C'était un choix. Et ce choix a un coût, qui ne peut pas baisser aussi rapidement que certains le voudraient. Certes, il serait possible de faire baisser très rapidement le coût du gaz avec des méthaniseurs 100 % maïs ou 100 % betteraves. Mais ce ne serait pas durable. Et si la filière se pénalise au départ, c'est pour disposer d'atouts durables. D'où l'importance que les certificats puissent rester locaux ou franco-français.
Il me semble que la capacité de captation de CO2 des sols agricoles fait encore débat. Qu'en est-il ?
Les sols qui gardent beaucoup le CO2 sont les forêts et les prairies, de même que les haies et les zones humides. Mais il y a un potentiel dans tous les sols de l'agriculture – c'est l'idée des « 4 pour 1 000 », prônée par le monde scientifique avant de l'être par le ministre, selon laquelle en travaillant et en labourant ces sols, on a libéré du carbone. C'est la raison pour laquelle j'indiquais qu'il faut réaugmenter la matière organique des sols, ce qui requiert de refaire de la biomasse et de capter le carbone en évitant de trop retourner le sol. C'est tout le débat actuel sur les agricultures dites simplifiées ou de conservation.
Nous savons aussi qu'à un moment donné, nous arriverons au taquet de ce que l'on peut faire dans un sol. Le risque sera alors que tout se libère d'un coup. Mais si l'on ne commet pas d'erreurs techniques, cela ne se libère pas. Il existe une marge de manœuvre. En France, la matière organique des sols n'est pas la pire du monde, loin de là. Mais quand on parle de biomasse et de méthaniseurs à partir de plantes immatures, c'est au sujet de ces sols-là. Il est aussi possible de faire des méthaniseurs avec de l'herbe et moins d'élevage. C'est la formule proposée par Solagro : un élevage moins intensif et l'utilisation de l'herbe, qui pousse, dans des méthaniseurs. Mais on ne touche pas au sol.
Quand vous mettez une troisième culture en deux ans, même si vous la récoltez, 50 % restent dans le sol, entre les racines et la partie pas récoltée. Cela signifie que la troisième culture permet un véritable apport organique. L'INRA l'a calculé et a prouvé qu'un méthaniseur améliore la qualité et la matière organique du sol à la seule condition – c'est un élément important qu'il faut prendre en compte dans la filière – que le digestat retourne dans le sol : à partir du moment où on prend de la biomasse pour faire du gaz, il faut que le retour du digestat au sol soit assuré. Quoi qu'il en soit, il est assez logique, dans une exploitation ou un groupe d'exploitations agricoles, de remettre de l'amendement ou de l'engrais organique. Et quand vous faites cela, vous augmentez la matière organique des sols. Les travaux de l'INRA vous le confirmeront.
Vous avez parlé de seuil critique pour générer la baisse des coûts. Selon vous, quel est-il ?
Notre demande concerne les cinq prochaines années. La filière a déjà proposé une baisse du tarif de 2 % par an. C'est une proposition que nous avons présentée dans le cadre des travaux sur la PPE.
Il est de l'ordre de 90 euros le mégawattheure (MWh). Il fluctue selon les installations. Sur les petites installations qui éliminent beaucoup de déchets, le tarif peut monter à plus de 100 euros le MWh. En revanche, sur les plus grosses installations, il peut descendre jusqu'à 70 euros le MWh, voire 50 euros le MWh dans certains cas particuliers. En tout état de cause, le prix moyen est actuellement de l'ordre de 90 euros le MWh. Il était un peu plus élevé au tout début de la filière.
Nous sommes bien dans une dynamique de réduction des coûts. Nous avons fait cette première proposition d'une baisse de 2 % par an d'ici 2023, sur la première période de la PPE. Par ailleurs, nous pensons qu'il faudrait véritablement conserver pour 2023 l'objectif de 8 TWh qui figurait déjà dans la précédente PPE. Compte tenu d'une augmentation progressive du nombre de projets année après année et de la lisibilité sur ces 8 TWh, il nous semble que cela permettrait de donner confiance aux acteurs, en particulier aux constructeurs et aux bureaux d'études, donc de disposer d'un gisement d'affaires qui permettrait d'industrialiser la filière et de diminuer les coûts. Nous avons proposé au Gouvernement de faire un retour d'expérience en 2022 pour voir quelle ambition de baisse des coûts on pourrait fixer pour la 2e période de PPE, étant entendu que l'objectif que nous estimons envisageable à horizon 2030 est une baisse de l'ordre de 30 % des coûts.
La situation est quand même un peu compliquée. Dans notre filière, en tout cas pour l'injection, on compte moins d'une centaine d'installations en service. Quand on nous dit qu'il faut absolument que nous baissions les coûts de façon drastique – dans les premières versions de la PPE, nous avons vu apparaître des baisses de coûts extrêmement rapides –, nous avons le sentiment que l'on met un peu la charrue avant les bœufs. Cela nous désole un peu. Nous sommes d'accord sur la baisse des coûts et sur la nécessité d'industrialiser la filière. Nous avons d'ailleurs monté un groupe de travail dans le cadre du comité stratégique de filière pour accélérer la baisse des coûts. Cela étant, on ne peut pas demander à une filière qui émerge d'être industrialisée avant d'avoir commencé.
Vous avez dit qu'un projet pouvait mettre jusqu'à cinq ans pour sortir. Quelles seraient vos préconisations pour réduire ce temps nécessaire à l'émergence de projets ?
C'est un serpent de mer ! Je pense qu'il est possible de simplifier le processus. Je suis dans une région, les Hauts-de-France, proche de la Belgique, des Pays-Bas et de l'Allemagne. Dans ces pays, il faut un an pour mettre en place un méthaniseur. Et ils ne sont pas nécessairement plus mauvais que nous. Il faudrait peut-être un guichet unique. Le problème, en France, est qu'il faut contacter différentes administrations, monter de nombreux dossiers et suivre plusieurs démarches sans aucune centralisation. Ainsi, pour démarrer un nouveau dossier, il faut que le précédent soit achevé, et les délais entraînent une perte de temps. Je ne dis pas qu'il faut que tous les projets sortent en un an, mais si tous les dossiers pouvaient être finalisés en dix-huit mois ou deux ans, ce serait déjà une véritable aide. D'autant que c'est aussi un coût de démarrage pour les méthaniseurs.
C'est un élément à prendre en compte pour la baisse de tarifs.
Nous n'avons pas toutes les réponses à nos questions. Aujourd'hui, on nous répond que les déchets ne coûtent pas cher, que les intrants ne valent rien et que faire du gaz ne vaut pas grand-chose. Mais si l'on multiplie de 1 TWh à 30 TWh, les déchets vont coûter de l'argent. Cela veut dire qu'il faudra vraiment des méthaniseurs avec de la biomasse. Or produire de la biomasse a quand même un coût, humain comme matériel.
Tant que nous ne savons pas exactement comment le marché procédera, il est difficile d'évaluer les coûts. En tout cas, réduire la durée de constitution des dossiers faciliterait l'acceptabilité en permettant aux porteurs de projets de ne pas avancer d'argent.
Comme vous le rappeliez, nous essayons tous de faire baisser le prix des EnR. Dans cette optique, seriez-vous capable de chiffrer l'inertie ou les contraintes administratives ? Quel que soit le dossier EnR, c'est apparemment toujours plus compliqué en France qu'ailleurs ! Il faudrait arriver à le chiffrer très précisément, pour voir quelle part du coût ou du surcoût des EnR est liée aux règles que nous nous imposons à nous-mêmes. Cela permettrait de savoir si cette part, qui dépend directement de nous, pourrait être allégée et comment. Pourriez-vous travailler de votre côté sur des éléments chiffrés ?
Les contraintes administratives ne portent pas seulement sur les délais et les procédures d'autorisation. La filière en tout cas, parce qu'elle veut être acceptée par les riverains et ancrée dans les territoires, est tout à fait favorable à ce qu'il y ait un minimum de mise en débat, de discussion et de partage des projets – ce qui requiert nécessairement du temps. Il faut aussi nécessairement un peu de temps pour que trois ou quatre agriculteurs parviennent à se mettre d'accord pour monter ensemble un projet. Nous ne sommes donc pas pour la précipitation. Qui plus est, il n'existe pas dans notre filière de risque d'emballement comme il y en a eu pour d'autres EnR.
Pour prendre cet exemple, se pose la question de l'hygiénisation et de la qualité des digestats. Dans aucun pays en Europe, on n'envisage d'hygiéniser les intrants pour la méthanisation. En France, en revanche, cette question est actuellement en débat. Il nous semble que, d'une manière générale et à condition de respecter des durées de traitement suffisantes et de suivre un certain nombre de précautions, il n'y a pas lieu de faire de l'hygiénisation systématique, en tout cas dans le domaine agricole. Cela apporterait une complexité inutile qu'il vaut mieux, à mon avis, éviter. Certes, il faut être prudent sur toutes ces questions de santé publique et d'hygiénisation, mais ce sont des sujets à propos desquels nous espérons qu'il n'y aura pas de surenchère réglementaire à l'avenir, pour permettre à la filière de se développer normalement comme c'est le cas dans les autres pays européens. Il serait très dommage qu'en la matière, nous ayons en France la réglementation la plus dure d'Europe.
On nous répète régulièrement que c'est plus compliqué en France qu'ailleurs, ce qui facilite le développement de projets en dehors de nos frontières, de même que l'installation des compétences et des talents. Il me semble important d'évaluer ces sujets dans leur ensemble.
Par ailleurs, vous indiquez que les EnR participent à la vitalité territoriale. Disposez-vous de chiffres ou d'éléments précis sur ce point ?
Vous voulez connaître le nombre de méthaniseurs territoriaux ?
Non. Vous évoquiez la dynamisation des territoires comme l'une des externalités positives de la méthanisation. Pouvez-vous le chiffrer ?
Dans ma région, les Hauts-de-France, il existe de nombreux projets en cours et à venir entre des collectivités et le monde agricole. Le schéma régional climat-air-énergie indique qu'il faut aller vers une autonomie. Dans cette région, les collectivités considèrent que c'est peut-être l'occasion de faire de l'économie circulaire et de refaire de l'économie sur le territoire. Cette perspective rassemble les acteurs. Les agriculteurs amènent le gisement avec les effluents ou les boues d'épuration si nécessaire, par exemple. On constate l'émergence d'une volonté politique, de projets de territoire, y compris dans les territoires qui n'ont malheureusement plus ou que très peu d'activité économique et de services publics. Cela recrée un plaisir de vivre. Et demain, sans doute, des territoires auront une autonomie énergétique et pourquoi pas alimentaire également. Ils vivront avec leurs propres ressources, pour eux mais pour d'autres aussi. Ils pourront valoriser au maximum ce qu'ils ont chez eux. Nous le ressentons. C'est ce que nous appelons les externalités positives. Il est vrai qu'il ne s'agit pas d'apports sonnants et trébuchants, mais il n'empêche que c'est un plus, qui répond à un certain nombre de questions qui se posent aujourd'hui, aussi concernant la gestion des effluents ou des déchets d'une usine ou des collectivités, tout simplement – y compris les cantines.
J'en suis parfaitement convaincue. Mais nous manquons de données chiffrées pour le valoriser. En revanche, le coût d'une énergie ou le montant d'une subvention est très tangible. Si vous pouviez nous apporter des éléments permettant de débuter un chiffrage, cela nous permettrait d'aller plus loin.
Je suis d'accord, mais je reste persuadé que le débat doit être plus large que le sujet principal. Certes, nous évoquons un ressenti et il n'y a pas de solution parfaite. Seule une somme de solutions imparfaites permettra d'avancer et d'améliorer la situation. Mais « ce qui compte ne peut pas toujours être compté et ce qui peut être compté ne compte pas forcément », pour citer Einstein. Cette phrase illustre parfaitement notre débat. Avec la DGEC et Bercy, il faut que chaque élément entre dans la bonne case. Mais tout n'entre pas nécessairement dans les cases.
Il me semble que le rôle des parlementaires est aussi de faciliter la transition vers un changement de monde. C'est en ce sens que j'évoquais l'importance de l'analyse du cycle de vie, en identifiant les externalités positives et négatives. La solution parfaite n'existant pas, avançons dès que nous en trouvons une meilleure.
Nous nous livrerons tout de même à l'exercice que vous avez demandé, qui consiste à passer en revue rapidement les externalités et à vous dire où nous en sommes dans la réflexion et la démarche de valorisation.
L'année dernière, nous avons conduit plusieurs études sur ce sujet. Dans le cadre du comité stratégique de filière mis en place avec le Gouvernement, nous pilotons une étude plus approfondie sur la valorisation et l'estimation des externalités pour aller dans le sens que vous souhaitez.
La première externalité est l'économie de CO2. Le contenu en CO2 est un peu supérieur à 200 grammes par KWh – cela varie que l'on regarde le pouvoir calorifique supérieur (PCS) ou inférieur (PCI). Dans la mesure où mettre en place du biométhane plutôt qu'une solution de gaz fossile permet d'économiser à peu près 80 % du CO2, nous sommes à 20 € du MWh pour une tonne de carbone à 100 euros et à 50 euros du MWh pour une tonne de carbone à 250 euros comme l'envisage le rapport Quinet. Pour rappel, le tarif d'achat moyen d'achat du biométhane est actuellement de l'ordre de 90 euros le MWh, et le prix de marché est de l'ordre de 30 euros le MWh – il est même plutôt de 25 euros le MWh mais il risque d'augmenter d'ici à 2030. L'écart n'est donc que de 10 euros. Donc si nous baissons nos coûts d'abord de 2 % par an puis plus rapidement dans l'avenir, pour cette seule externalité du CO2, nous sommes déjà bien positionnés vis-à-vis des valeurs du rapport Quinet.
Votre question ne portait pas trop sur le CO2, parce que je pense que vous avez déjà amplement de la documentation là-dessus ! Quoi qu'il en soit, nous continuerons à préciser ces chiffres, notamment pour prendre en compte le stockage du carbone dans les sols – les fameux « 4 pour 1 000 » dont parlait Olivier Dauger.
Nous avons pu plus ou moins chiffrer d'autres éléments, à commencer par la qualité de l'eau. L'un des gros atouts de la méthanisation vient du fait que lorsqu'on méthanise les nitrates contenus dans les effluents agricoles, en particulier les effluents d'élevage, on ne supprime pas le nitrate mais on le met sous une forme plus facilement utilisable par les plantes et qui a moins tendance à aller directement dans les nappes phréatiques. La méthanisation permet aussi d'éviter d'autres substances, contribuant là encore à la qualité de l'eau. Nous l'avons chiffré à partir des valeurs communiquées par les agences de bassin à 6 euros le MWh.
Une autre externalité importante est le coût de traitement des déchets. Fut un temps, les producteurs devaient payer pour éliminer certains déchets. Aujourd'hui, on les leur achète. Le coût de traitement d'un certain nombre de déchets a ainsi fortement diminué. La valeur de cette externalité peut aller de zéro pour les projets qui ne recyclent pas de déchets à 16 € pour certains projets industriels qui recyclent énormément de déchets.
Nous avons également essayé de valoriser les emplois, car la filière biométhane crée des emplois et améliore la résilience des exploitations. On peut considérer que cela représente de l'ordre de trois ou quatre emplois en fonction de la taille des installations, parfois il y en a que deux, par unité de production de biométhane.
Le coût pour la collectivité d'une exploitation sans emploi est une externalité de l'ordre 8 euros le MWh.
Il est plus difficile de chiffrer la biodiversité apportée. Je n'ai pas de méthode pour le faire, aujourd'hui. Je n'ai pas non plus de méthode pour valoriser la réduction de l'utilisation des pesticides, des herbicides et des fongicides. Elle permet en tout cas l'amélioration de la qualité de l'air et la réduction des odeurs. En outre, quand il y a un élevage et si la méthanisation a été faite correctement, cela permet d'épandre du digestat stabilisé plutôt que des effluents agricoles qui sont encore en phase de fermentation. Cela réduit les odeurs, mais nous n'avons pas pu le valoriser.
Une autre valeur très importante mérite d'être citée : le fait de rendre les agriculteurs, qui sont parfois critiqués, acteurs de la transition énergétique. Je pense que cette dimension, plus sociale et sociétale, est aussi extrêmement importante.
Nous essaierons de valoriser un peu mieux toutes ces externalités, d'autant que les études ont un peu été faites en chambre – certes, avec les agriculteurs, mais pas toujours de façon partagée avec les pouvoirs publics. Dans le cas du comité stratégique de filière, nous reprendrons donc ces études pour approfondir certaines d'entre elles et partager les résultats avec les pouvoirs publics pour aller vers des valeurs plus reconnues, plus opposables et moins sujettes à polémique.
Cela renforce aussi la durabilité des exploitations en valorisant au maximum la photosynthèse. C'est important à savoir dans le cadre du débat sur le rôle que peut jouer l'agriculture en matière d'énergie. L'agriculture a toujours naturellement fait de la bioéconomie, ou de l'économie de la photosynthèse, pour l'alimentation bien sûr mais aussi, avant l'ère du pétrole, pour le chauffage et le bois. C'est naturel. Avec le sol et l'eau, la photosynthèse permet soit d'avoir un élevage, soit de produire de l'alimentation, soit d'exploiter le sol. Pendant deux siècles, on n'a fait que de l'alimentation et on avait autre chose, pas cher bien que peut-être un peu polluant – mais on ne le savait pas, à l'époque. Aujourd'hui, on revient au cycle naturel de l'agriculture, qui peut se faire sans remettre en cause la production alimentaire. C'est important, car certains ne parlent que d'externalités négatives. Or la filière française a choisi la complémentarité, c'est-à-dire de ne pas empiéter sur l'alimentaire pour faire du biogaz, ce qui est possible.
C'est important car cela permet de renforcer la durabilité de l'exploitation, qui peut valoriser davantage de choses : un effluent devient un produit, par exemple. Il est également possible de retirer une valeur ajoutée des intercultures qui s'imposeront au fur et à mesure. Cela permet aussi de produire de l'engrais organique. Je rappelle qu'aujourd'hui, le prix de l'engrais chimique est fondé sur celui du gaz ou du pétrole. Ainsi, plus le prix de ces énergies augmente, plus celui de l'engrais chimique croît aussi.
Ma question était en partie relative aux externalités. Je ne vais donc pas la poser. L'énumération que vous avez faite est très intéressante. Il me semble que l'on ne met pas suffisamment en avant, même si vous l'avez fait dans votre introduction, la diversité des exploitations qui peuvent être intéressées par la méthanisation. On parle de la méthanisation depuis une trentaine d'années. Des stations expérimentales ont mis en place des outils. Mais c'est surtout dans le monde de l'élevage que l'on envisageait les méthaniseurs, pour mieux traiter les lisiers et les fumiers. Aujourd'hui, comme vous l'avez dit, les grandes cultures s'y intéressent aussi pour revaloriser un certain nombre de déchets.
Vous avez parlé d'une filière franco-française non-délocalisable. Mais au niveau des installations, nous sommes quand même loin d'avoir une filière française. Si j'ai bien compris, nous dépendons essentiellement de l'Allemagne ou d'autres pays sur ce plan. Pouvez-vous me dire si je me trompe ?
Par ailleurs, vous nous avez invités, nous autres députés, à nous intéresser à la méthanisation. Lors du précédent mandat, un groupe de travail était consacré à la méthanisation. Il me semble que c'est à nouveau le cas actuellement. Nous nous intéressons donc au sujet. Tout comme nous nous sommes intéressés à la fiscalité, qui n'était pas très favorable aux agriculteurs et que nous sommes parvenus à améliorer. Aujourd'hui, que vous manque-t-il vraiment ?
Ce qui ne va pas, c'est que la PPE met la charrue avant les bœufs – j'emploie ce terme agricole à dessein. Si l'on veut développer une filière, il faut déjà lui permettre de sortir du nid. Or nous avons le sentiment que la première marche est tellement haute que personne ne pourra la monter. C'est cela, le problème.
Vous évoquiez la diversité des projets. En l'occurrence, dès lors que l'agriculture est elle-même diverse, les projets de méthanisation sont très variés. Ils peuvent concerner toutes tailles d'exploitation et tous types de production, des projets individuels ou collectifs. C'est ce qui est intéressant. Il s'agit vraiment de projets liés au terroir.
La première question à se poser est celle du gisement. En effet, il faut faire un projet en fonction du gisement et pas un projet copié/collé. Il faut aussi définir le type de projet : collectif, avec des voisins, dans un groupe, etc.
Il est vrai que ce sont les éleveurs qui ont démarré cette démarche, par la co-génération pour valoriser leurs effluents. C'était une façon de montrer qu'un déchet peut devenir un produit.
En outre, les éleveurs ont souvent besoin de chaleur. Or la co-généération en produit, ce qui n'est pas le cas de l'injection. Aujourd'hui, le national pousse plus vers l'injection parce que nous avons besoin de sortir du fossile et du gaz, l'électricité n'étant peut-être pas une urgence absolue en France. Mais un éleveur qui a un projet de valorisation de sa chaleur peut tout à fait encore prévoir un co-générateur.
Je rappellerai ici que lorsque nous avons rediscuté les prix de la co-génération, il y a deux ou trois ans, la discussion s'est faite dans la transparence : 80 ou 90 méthaniseurs ont apporté leurs tarifs au gouvernement et à la DGEC de l'époque en totale transparence, l'objectif étant alors d'éviter ce qui avait pu se passer en photovoltaïque.
Par ailleurs, on nous dit qu'il n'est pas possible d'ajuster les tarifs en fonction des externalités. Mais je rappelle qu'en co-génération, il y a à la fois le prix de l'électricité, soit 15 centimes, et une prime effluents, de 5 à 6 centimes selon le pourcentage d'effluents, visant précisément à favoriser les éleveurs. Cela montre bien qu'il est possible d'adapter les prix en fonction de l'intérêt apporté par la pérennisation des élevages, la gestion de l'environnement, voire la création de valeur ajoutée.
Concernant la filière française, nous avons démarré avec l'idée de ne pas faire comme les autres. Mais dans la mesure où il n'existait pas de filière amont pour le matériel, c'est la filière allemande qui est venue – avec un système moins costaud que le nôtre. En effet, quand vous ne mettez qu'un seul produit, qu'il y a un seul entrant et un seul sortant, peu importe la robustesse du matériel. Mais quand vous commencez à mettre plusieurs produits dans le méthaniseur, qu'il faut éventuellement broyer, il faut du matériel plus costaud et moins corrosif. Or le matériel allemand qui est arrivé en France s'est révélé moins fiable – pas nécessairement par la faute des Allemands, mais parce qu'il a été conçu pour un certain type de méthanisation.
Cela a entraîné une augmentation des tarifs et des coûts de production qui n'était pas prévue. De nombreuses start-up et entreprises françaises envisagent donc de créer une filière française. Mais ce ne sera possible que lorsqu'il existera une véritable dynamique. Les outils existent, mais seules l'industrialisation et la massification permettront de faire baisser les tarifs. Encore une fois, c'est l'histoire de la poule et l'œuf. En tout cas, nous pouvons créer une filière franco-française liée à une méthanisation qui réponde aux enjeux du climat et des territoires sans toucher à l'alimentation, avec du matériel adapté. C'est même notre objectif. C'est la raison, dans notre filière, de l'Association Technique Energie Environnement (ATEE) et la filière amont de matériel. Pour nous, il est essentiel de pouvoir aussi développer cette filière-là.
Il est vrai que, pour beaucoup de matériel, nous sommes plutôt partis de l'expérience des Allemands que nous avons adaptée et « francisée », étant entendu qu'un méthaniseur est une installation en béton, donc essentiellement une production locale.
En revanche, certains composants sont beaucoup plus technologiques. Dans le domaine de l'injection, quand on valorise le biométhane non pas en produisant de l'électricité mais en l'injectant directement dans le réseau, cela suppose de l'épurer. En l'occurrence sur ce plan, la France est à la pointe au niveau mondial. Plusieurs start-ups comme Chaumeca, Cryo Pur ou Waga Box sont de véritables leaders mondiaux. Chaumeca, par exemple, produit à moitié pour la France et à moitié pour l'export.
J'ai donc tendance à être beaucoup plus confiant et optimiste sur la filière industrielle française, et à penser à la fois que l'essentiel de la valeur ajoutée – au moins 75 % – restera bien en France, et que sur certains segments d'activité, notamment l'injection, nous avons même la capacité à exporter notre savoir-faire dans le domaine de la méthanisation si l'on donne à la filière la chance de se développer.
Concernant le développement de la filière, vous remerciez la représentation nationale, notamment sur les questions fiscales. Vous m'avez demandé ce qu'il faut faire et quelles sont les attentes de la filière. Notre premier objectif pour 2023, car nous sommes quand même un peu dans l'urgence, est celui des 8 TWh dont je vous ai parlé. Ce n'est pas un plus : c'est ce qu'il y avait dans la précédente PPE. Nous souhaitons également conserver, dans le domaine de l'injection, l'objectif d'un vrai 10 % de gaz renouvelables dans les réseaux en 2030. Une loi énergie passera d'ailleurs prochainement à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons vraiment qu'à cette occasion, soit réaffirmée cette trajectoire déjà inscrite pour une large partie dans la PPE.
Comme vous l'avez très bien dit, nous souhaitons éviter de réitérer ce que nous avons connu avec le solaire : les contrats qui existaient jusqu'en 2011 nous coûtent aujourd'hui 2 milliards d'euros par an. Sur la balance globale de EnR, c'est un passif assez conséquent que nous traînerons jusqu'en 2035. Nous avons rencontré le syndicat des EnR, qui estime qu'il faut maintenir nos ambitions en la matière mais décaler à 2030 l'objectif d'un coût de 67 euros initialement fixé pour 2023. Il souhaite également introduire le seuil de 40 GWh par an dans les contrats.
Vous parlez d'une filière franco-française. Quel est le retour d'investissement ? Disposons-nous d'évaluations chiffrées dans d'autres pays européens ? Par ailleurs, l'échelon franco-français n'est-il pas trop restrictif pour cette filière ? Ne vaudrait-il pas mieux raisonner à l'échelon européen ? De fait, nous sommes sur un marché ouvert. Vous l'avez très bien montré, il ne faut pas se leurrer : avec les réseaux, le gaz que l'on achète et que l'on consomme n'est pas nécessairement produit localement.
Vous abordez plusieurs points.
Pas du tout ! Nous y voyons la marque de votre intérêt. Nous vous en remercions.
Je vais commencer par répondre sur la valeur ajoutée française. Nous considérons qu'elle se situe aujourd'hui autour de 75 %. Elle pourrait être plus élevée si nous étions au niveau européen. Je souhaite attirer votre attention sur le fait que nous parlons plutôt de la partie investissements. L'une des spécificités de la méthanisation par rapport aux autres EnR, qui sont quand même beaucoup plus connues, est qu'elle n'est pas posée sur le sol. Elle transforme les territoires. Elle est ancrée dans le process agricole. C'est un continuum par rapport au territoire où elle est implantée. Enfin, les deux tiers de ses coûts sont des coûts d'exploitation. Ainsi, quand on implante un méthaniseur, ce n'est pas un équipement avec aucun emploi pérenne et uniquement quelques emplois ponctuels pour l'entretien, mais ce sont deux à trois emplois pérennes sur toute la durée de vie du projet. Cette dimension d'ancrage dans les territoires, d'emplois pérennes et de synergie avec l'activité agricole en matière de résilience des exploitations nous semble absolument fondamentale.
Vous considérez que l'on peut compter les emplois européens et pas uniquement les emplois français. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Dans le cadre de l'étude que nous sommes en train de conduire pour le comité stratégique de filière, telle est d'ailleurs bien notre intention. Cela étant, je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que nous souhaitons aussi compter les emplois locaux dans les territoires où est implanté le méthaniseur, c'est-à-dire là où l'on coule le béton, là où il y aura de l'exploitation pendant toute la durée de vie du méthaniseur, avec des emplois supplémentaires. Et pour cause, ces méthaniseurs sont bien souvent implantés dans des territoires en souffrance, dans lesquels on n'a pas investi depuis des années et où la laiterie a fermé. Or les emplois locaux, je ne dis pas cela pour opposer les uns aux autres, ont une valeur spécifique dans le cas de la méthanisation.
Il est un peu compliqué d'évaluer le retour sur investissement sachant qu'il y a très peu de méthaniseurs d'injection et qu'ils sont tous assez récents et différents. Nous avons entamé de travail – d'où la demande d'une échéance à 2023, qui permettra d'avoir un peu plus de recul. Les acteurs en co-génération nous ont alertés sur ce point. J'ai participé à la négociation sur les tarifs de la co-génération, et je me souviens qu'on affirmait que les moteurs allemands duraient 8 ans. Pourtant, il a fallu les changer au bout de 4 ans. Ce n'était pas prévu dans le plan de départ. D'où l'importance d'avoir du recul. Aujourd'hui, on compte une dizaine de méthaniseurs, dont la plupart ont deux ou trois ans. Cela ne permet pas d'évaluer le retour sur investissement, même si, vous avez raison, il est très important de le connaître.
Concernant le coût, le gisement est entre 85 % et 90 % agricole. Le reste n'est pas agricole. C'est une complémentarité – nous sommes d'ailleurs là pour parler de tout le monde. Il va de soi qu'une taille critique est nécessaire, mais un méthaniseur agricole peut être relativement compétitif avec un méthaniseur plus gros. En effet, les coûts du méthaniseur agricole, qui concernent les coûts de fonctionnement, viennent notamment de la main-d'œuvre. Dans une ferme, un méthaniseur est un élevage de bactéries. C'est la raison pour laquelle il est assez naturel, pour un agriculteur, d'évaluer la ration à mettre dans le méthaniseur pour équilibrer les bactéries. Les agriculteurs sont habitués à le faire avec leurs animaux. Ils sont également habitués aux astreintes. Si le méthaniseur tombe en panne à 3 heures du matin, l'agriculteur se lève sans hésiter. Dans une entreprise privée, c'est plus compliqué. Soit il faut des salariés en permanence, soit vous attendez le matin pour réparer le méthaniseur mais vous perdez plusieurs heures de fonctionnement.
Ces éléments sont compliqués à évaluer, a fortiori sans recul. Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'au tarif actuel, nous sommes relativement bien placés. Mais c'est la brutalité de la descente qui gêne. Nous savons qu'il faudra travailler la descente. C'est important, sachant qu'un tiers du méthaniseur vient du béton, dont le prix ne baisse pas. Le Grand Paris n'aide d'ailleurs pas à le baisser, étant donné qu'il n'y a quasiment plus de bétonnières. Le deuxième tiers vient de l'alimentation du méthaniseur. Aujourd'hui, il s'agit de déchets qui ne coûtent pas cher parce que les gens sont encore bien contents de s'en libérer. Toutefois, on sent déjà une certaine tension, notamment dans ma région, avec la proximité de la Belgique où les déchets sont vendus. Cela risque de jouer, à terme, sur les retours sur investissements.
Quelle est la rentabilité moyenne d'un méthaniseur pour un agriculteur ? C'est aussi un point essentiel.
Là encore, un recul est nécessaire. Pour jouer la transparence absolue, il faut aussi voir les externalités positives apportées à l'agriculteur, à commencer par l'engrais, qui est de très bonne qualité. C'est important, compte tenu du prix actuel de l'engrais chimique. Certes, un éleveur a déjà son effluent, mais il gère son problème environnemental. Mais pour un agriculteur, acheter un engrais chimique ou avoir son propre engrais fait partie du prix de revient du gaz. C'est une globalisation, sur l'exploitation, de ce qu'apporte le méthaniseur. C'est un produit. Le digestat est un produit. Il peut être vendu, même s'il vaut mieux qu'il revienne sur le sol.
Avez-vous malgré tout une idée ? Sur mon territoire, de nombreux agriculteurs se lancent dans des projets de ce type. Il s'agit parfois de projets de 4 à 6 millions d'euros. La notion de retour sur investissement et de rentabilité est nécessairement chiffrée. Je ne peux pas croire que l'on se lance dans un investissement de 4 à 5 millions et qu'on aille chercher des financements sans avoir une notion de rentabilité fondant un business plan.
Le tarif construit il y a quelques années selon le processus habituel vise une rentabilité de l'ordre de 7 %, de mémoire. Je précise toutefois qu'il existe une diversité de rentabilités effectives pour les agriculteurs. Certains projets tirent très bien leur épingle du jeu, notamment quand ils ont pu obtenir des déchets à moindre coût. D'autres sont plus en souffrance et en difficulté, pour diverses raisons.
En tout état de cause, si la filière se développe correctement, il existe des raisons industrielles d'obtenir une baisse régulière des coûts. C'est pour cela que nous avons proposé une baisse du tarif de l'ordre de 2 % par an. Une analyse est en cours par les pouvoirs publics. Au sein de la filière, nous ne sommes pas favorables aux effets d'aubaine sur des niches particulières. Nous prônons un développement progressif, avec une rentabilité raisonnable des agriculteurs. Ceux-ci n'attendent pas des taux de rentabilité à deux chiffres. Nous ne sommes clairement pas dans cette logique-là, et ce n'est pas cela que nous défendons. En revanche, nous sommes attentifs à ce que la charrue ne soit pas mise avant les bœufs.
Il est vrai qu'au début de l'année, plusieurs projets ont déposé leur dossier de candidature parce que le Gouvernement avait laissé entendre qu'il envisageait une baisse relativement drastique des tarifs compte tenu des annonces de la PPE. Cela a produit une sorte de mini-emballement. Il est difficile, avec quelques centaines de projets, de parler d'emballement, mais force est de constater qu'il y a eu un regain que nous avons interprété positivement comme le démarrage – enfin ! – de la filière. Car il faut quand même regarder les choses comme elles sont : le tarif est en place depuis plusieurs années, mais il n'y avait qu'une dizaine d'installations et de mises en service par an dans le domaine de l'injection. Dans le domaine de la co-génération, personne ne parle d'effet d'aubaine. Une baisse du tarif de 2 % est également prévue, et ce n'est pas un sujet.
Mon impression est que les pouvoirs publics sont en train d'approfondir ce point-là et que le dispositif est sous contrôle. Nous ne sommes pas du tout, comme cela a été le cas pour d'autres EnR, dans une situation d'effet d'aubaine, d'emballement ou de bulle. De toute façon, la durée de maturation d'un projet de méthanisation est telle, qu'un phénomène de bulle est quasiment impossible.
Ne pensez-vous pas que les choix politiques et l'orientation retenue s'expliquent par la volonté de supprimer tous les véhicules thermiques d'ici 2040 – le gaz restant du thermique, et un véhicule, même au gaz, produisant toujours du CO2 ?
Par ailleurs, que répondriez-vous aux arguments que l'on pourrait vous opposer concernant la méthanisation ?
Je laisserai au président le soin de conclure. Ce que je peux d'ores et déjà indiquer, c'est qu'aucune EnR n'est zéro CO2. Certaines EnR consomment même des ressources qui ne sont pas renouvelables à la surface de la planète et qui sont en quantité limitée. Le gaz naturel émet de l'ordre de 240 grammes de CO2 par KWh PCS pour le gaz naturel. Le gaz renouvelable n'est pas non plus à zéro, puisqu'il émet de l'ordre de 35 grammes. Il n'existe pas d'activité humaine qui n'ait pas d'externalités négatives. Il faut être réaliste.
Pour être clair, ce n'est pas nécessairement ce que je pense. Mais ce type d'arguments peut vous être opposé. Comme je l'indiquais tout à l'heure, la seule énergie verte est celle que l'on ne consomme pas.
Exactement ! Nous sommes bien d'accord. En résumé, nous sommes pour un mix diversifié, qui présente deux avantages sur le plan économique et énergétique, au-delà des externalités dont nous avons largement parlé.
Le premier avantage est qu'il s'agit d'un carburant mature de 2e génération. Et c'est le seul, pas uniquement en France mais dans le monde entier. Nos moteurs sont matures. La technologie de la méthanisation n'est pas industrialisée, mais elle est mature. L'injection est également une solution mature.
Le deuxième avantage est qu'il s'agit de la seule EnR qui peut être développée à grande échelle et qui est stockable. D'autres EnR peuvent être développées à grande échelle, mais elles sont intermittentes. Je pense qu'une énergie franco-française, ancrée dans les territoires, développée à un coût raisonnable, stockable et complémentaire des autres EnR mérite toute l'attention de la représentation nationale. Nous comptons sur vous à l'occasion des prochains votes qui auront lieu sur ces sujets !
Tout est dit. Il n'y a pas de solution parfaite. Lors du 10e rendez-vous des EnR, Julien Aubert regrettait que l'on quitte une EnR sans émission tout en oubliant de sortir du fossile, alors que cela avait été considéré comme l'urgence. Finalement, depuis cinq ans, on émet énergétiquement plus de gaz à effet de serre. Il n'y aura jamais d'émission zéro. Nous le savons. Mais nous proposons une diminution en passant d'un peu plus de 200 à 35. Nous savons très bien que l'électricité sur les tracteurs et les transports lourds n'est pas pour demain. En revanche, les tracteurs et les camions au gaz existent et peuvent tourner dès demain.
Nous avons donc une solution à court terme qui diminue déjà de 80 % les émissions. Et nous sommes en deuxième génération, puisque nous utilisons les déchets. Par ailleurs, n'oublions pas que nous ne remplacerons pas tout le gaz par du gaz renouvelable. Il y aura une baisse de consommation d'énergie, ainsi qu'un transfert vers plus d'électricité. Nous sommes à plus de 400 ou 450 TWh aujourd'hui et l'objectif est de descendre à 150 ou 100 à terme. Il y aura donc sans doute moins de gaz, mais nous en aurons toujours besoin.
La complémentarité des énergies est un point essentiel. Le tout électricité peut poser des difficultés en cas de pic, avec de l'intermittent.
Enfin, nous n'avons pas beaucoup parlé de l'acceptabilité sociétale, mais la pression est actuellement plus forte sur les éoliennes que sur la méthanisation.
D'aucuns considèrent que les éoliennes gâchent la vue. Et les méthaniseurs suppriment les odeurs. Sans compter qu'ils chauffent la piscine et l'école, donc tout le monde est content !
Seriez-vous en train de dire qu'il faut construire des piscines ? Cela ne va pas tellement dans le sens du développement durable !
Le président de l'association des méthaniseurs de France est un producteur bio. La méthanisation accompagne aussi la transformation bio, en chauffant des fromageries par exemple. Tous les systèmes agricoles sont concernés.
Nous étudions actuellement la loi d'orientation sur les mobilités (LOM), dans laquelle nous incluons les projets innovants autour de la mobilité propre. Le coût de l'acceptabilité sociale est un fort sujet de tension, en particulier avec la crise que nous venons de vivre en France. En l'occurrence, la LOM vise à apporter des mobilités propres et durables dans les territoires le plus souvent exclus – 80 % d'entre eux n'étant même pas couverts par une autorité organisatrice des mobilités.
Dans la biométhanisation, avez-vous approché des collectivités ou des départements, dans les milieux ruraux, pour leur apporter une solution alternative pour la réceptivité du déplacement ?
Il est dommage que votre collègue de Bretagne soit parti parce qu'il représente précisément l'un des territoires très dynamique dans le domaine de la mobilité gaz. Nous avons parlé du biométhane en disant que soit on faisait de l'électricité, soit on l'injectait dans le réseau. Mais on peut aussi l'utiliser localement. L'objectif est que partout où il y a un méthaniseur, il puisse y avoir une station de gaz avec un petit compresseur permettant d'avoir du biométhane et du gaz renouvelable pour faire rouler les tracteurs, les véhicules de la commune et même quelques voitures, ainsi que les bennes à ordures et les autocars.
Cette idée d'ancrage territorial de la mobilité rurale, grâce à la méthanisation, est très importante. Avec le gaz naturel véhicule, en particulier avec le gaz naturel véhicule biométhane renouvelable, nous disposons d'un levier extrêmement intéressant pour les territoires et la mobilité dans les territoires.
Bien sûr, cela nécessite d'avoir un petit compresseur et une station. Il ne faut pas que la réglementation soit trop compliquée. En tout cas, nous pensons que la méthanisation peut se développer. Pour leur part, les agriculteurs méthaniseurs ont la volonté d'aller vers la mobilité gaz pour leurs tracteurs.
Pourquoi pas ? Dans mon département, l'Aisne, deux transporteurs viennent de créer un méthaniseur avec des agriculteurs – à Saint-Quentin et à Laon – avec une station-service pour leurs camions mais aussi les camions de passage, ainsi que pour les bus. Voilà un cas concret de mobilité. Les transporteurs sont très demandeurs, d'autant qu'un nombre croissant de villes, y compris Paris, imposent des camions à gaz ou électriques. Or il n'existe pas beaucoup de solutions électriques pour les gros camions.
Vous l'aurez compris, nous sommes pour la complémentarité des énergies. Or la méthanisation, c'est vraiment la complémentarité.
Je ne suis pas opposé au mix énergétique, bien au contraire. Je suis même convaincu qu'il est nécessaire. Il faudra déterminer l'énergie utilisée au regard de l'usage et des spécificités territoriales. Toutes les EnR apportent une réponse. Reste un degré de maturité à définir en fonction des problématiques à régler.
La semaine dernière, nous avons organisé une journée d'auditions au cours de laquelle l'éolien a été très critiqué. Cela m'a un peu choqué. Je tiens à le dire et à ce que mes propos figurent dans le compte rendu. Je considère que cela allait à l'encontre de notre approche pour une EnR globale.
Je vous propose d'arrêter ici cette audition. Merci beaucoup d'avoir répondu clairement et de manière très détaillée à toutes nos questions. Si vous avez des éléments complémentaires à nous fournir, n'hésitez surtout pas à nous les faire parvenir.
La séance est levée à vingt heures dix.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique
Réunion du mardi 21 mai 2019 à 18 h 40
Présents. - M. Xavier Batut, Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Hervé Pellois, M. Didier Quentin, M. Vincent Thiébaut
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Christophe Bouillon