Intervention de Jérôme Pécresse

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy :

Objectivement, dans ce combat éolien-solaire, sujet que je regarde de très près partout dans le monde, il n'y a pas aujourd'hui de vainqueur. Cela dépend s'il y a du bon vent et si c'est très ensoleillé. Quand on regarde tous les pays du monde, on est plutôt sur du solaire autour de l'Équateur et dès qu'on montre très au Nord ou très au Sud, où il y a plus de vent, les deux se tirent la bourre. Aux États-Unis, l'éolien gagne des appels d'offres dans le corridor du Midwest, où il y a beaucoup de vent, tandis que dans le Sud, le solaire domine. À l'intersection des deux, au Texas et en Oklahoma, c'est la bataille. Le solaire a des avantages car son acceptabilité est meilleure ; l'éolien a des avantages car il fonctionne 30, 40 ou même 50 % du temps, contre 20 à 25 % du temps pour le solaire, pas nécessairement au moment où on a le plus besoin d'électricité dans le réseau (en milieu de journée). Chaque source d'énergie a ses avantages et la concurrence entre les deux a comme effet de tirer les prix des énergies renouvelables à la baisse et donc d'avoir rendu l'énergie renouvelable compétitive par rapport aux énergies fossiles.

En France, d'une part les appels d'offres multi-technologies ne sont pas la règle et d'autre part, les contraintes imposées sur les technologies ne permettent pas d'utiliser les éoliennes les plus hautes et les plus performantes du marché avec les plus gros rotors et les plus grandes tours, pour des raisons qui peuvent être bonnes ou mauvaises (des raisons de protection du paysage, de co-visibilité, de radars militaires…), ce qui se traduit par de l'éolien 10 % plus cher qu'en Allemagne. Ce taux de 10 % représente à peu près la différence avec le solaire, étant donné que les deux sont à peu près à parité. L'exemple français n'est pas extrapolable sur la concurrence éolien-solaire en dehors de France.

Sur les usines d'éolien, les deux premiers appels d'offres en France avaient des exigences assez lourdes en termes de contenu local de production. Le troisième, celui de Dunkerque, n'a pas ces mêmes exigences.

Pour répondre à votre question « Qu'est ce qui nous dit qu'on ne fermera pas un jour les usines qu'on a créées ? », d'une part nous allons voir comment les prochains appels d'offres seront articulés en termes de contenu local. Nous sommes passés d'une exigence très importante à pas grand-chose. On peut imaginer des appels d'offres qui favorisent le contenu de production local. D'autre part, quand on transporte des grandes composantes comme des pales d'éoliennes ou des nacelles d'éoliennes offshore, les contraintes logistiques ne sont pas décisives mais restent importantes, et le coût est élevé. Pour vous donner un ordre de grandeur, le rotor de notre éolienne Haliade-X de 12 MW mesure 220 m et la pale 107 m (plus qu'un terrain de football). On les transporte par bateau mais c'est quand même mieux de le faire à Cherbourg que de leur faire traverser le Pacifique. Tant qu'on aura des marchés solides en Europe dans l'éolien en mer, on préférera toujours utiliser nos capacités existantes plutôt que d'aller dans des pays à bas coût. Des personnes auront été formées, des usines tourneront, on n'aura pas envie de faire autre chose.

S'il faut inclure une incentive, c'est dans les exigences de contenu local des appels d'offres. L'éolien offshore a démarré avec du contenu local et continue. J'en profite pour répondre à une autre de vos questions : dans la pérennité du marché français et européen, nous sommes très confiants sur l'éolien offshore posé à l'horizon 2050. Ensuite, le flottant constituera une partie importante du mix. Il ne s'agit pas d'abandonner le posé pour le flottant. Le posé est la technologie d'aujourd'hui ; le flottant pose encore quelques défis techniques et de coût mais le meilleur garant d'une activité industrielle pérenne sur le territoire est un marché domestique à long terme, visible, avec des exigences de contenu local qui peuvent se développer (du posé dans les cinq ans qui viennent et probablement du flottant après). Il faut commencer à réfléchir au développement de ces technologies et à l'articulation avec des appels d'offres pour le flottant.

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