Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 18 heures 49.

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Nous accueillons pour notre dernière audition de la journée les représentants de General Electric Renewable Energy (en bon français électricité générale énergies renouvelables) M. Jérôme Pécresse, président-directeur général, accompagné de M. Sebastien Duchamp, directeur des relations publiques.

La société General Electric Renewable Energy a été créée en 2015 avec un siège en région parisienne. Vous êtes une entreprise mondiale dont l'activité porte sur les techniques permettant d'offrir des solutions d'énergie éolienne en terre et en mer ou d'énergie hydroélectrique. Le stockage, l'énergie solaire et les solutions réseaux font également partie des solutions d'énergie renouvelable qu'elle fournit.

L'usine de Saint-Nazaire est dédiée à la fabrication de génératrices et de nacelles d'éoliennes, tandis que l'usine de Cherbourg se consacre à la fabrication de pales. À Nantes est implanté un centre d'ingénierie, de recherche et de développement sur les énergies marines renouvelables, qui a été affecté par un redimensionnement.

Nos interrogations générales portent sur plusieurs aspects, dont un aspect technique : il a été affirmé devant cette commission qu'en raison même du régime des vents en mer, le facteur de charge de l'éolien maritime est sensiblement supérieur à l'éolien terrestre. À cela s'ajoute l'avancée des techniques dont témoigne par exemple l'éolienne Haliade-X de 12 MW, soit le double de la puissance des éoliennes Haliade 150, en service dans le parc éolien allemand en mer du Nord de la société Merkur, qui gère 66 éoliennes. Cet aspect technique peut être lié à la question des moyens de réduire l'intermittence de l'éolien. La question technique consiste à demander si on peut plutôt mettre l'accent sur l'éolien maritime et si l'avenir consiste à faire du flottant très loin des côtes avec un énorme facteur de charge, si le coût de raccordement n'est pas beaucoup plus complexe quand on s'éloigne, etc.

Un deuxième aspect économique industriel est celui de la mise en place d'une filière en France. Les nacelles du parc Merkur ont été assemblées à Saint-Nazaire et des pales de l'éolienne Haliade-X devraient être construites à Cherbourg. Quelles sont les conditions nécessaires d'une telle mise en place et de sa pérennité ?

Une autre interrogation porte sur la faisabilité de l'éolien maritime en France. Une illustration tient à la décision de GE Renewable Energy de conclure un protocole d'accord avec Éolien Maritime France pour ne fournir les turbines et n'assurer la maintenance que d'un seul des trois parcs éoliens maritimes au large de Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire et Fécamp, sur lesquels portait son engagement antérieur.

Monsieur le président-directeur général, nos questionnements ne se limiteront probablement pas, compte tenu de l'actualité, à ces différents éléments. Nous allons vous écouter pour un exposé liminaire de 15 minutes, à la suite duquel j'entamerai le bal des questions avant de céder la parole à Mme le rapporteur Mme Meynier-Millefert puis aux membres de la commission qui souhaiteront poser des questions.

Avant que vous preniez la parole, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez s'il vous plaît Monsieur Pécresse lever la main droite et dire « Je le jure ».

(M. Jérôme Pécresse prête serment.)

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

. Merci Monsieur le président pour cette introduction, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les députés.

Je suis très heureux de cette opportunité qui m'est offerte de présenter aujourd'hui devant votre commission d'enquête ma vision de l'impact des opportunités économiques, sociales et environnementales des énergies renouvelables. Comme vous le verrez, cette vision s'appuie sur notre présence globale dans les métiers de l'énergie, toutes sources de production confondues, presque partout dans le monde. À la suite de cet exposé, je serai bien sûr honoré de répondre à vos questions, notamment celles que vous avez soulevées, Monsieur le président.

Je suis présent-directeur général de GE énergies renouvelables, division mondiale du groupe General Electric pour les énergies renouvelables, dont le siège est implanté en France à Boulogne-Billancourt. C'est en cette qualité que je m'exprime devant vous aujourd'hui. J'ai mené une carrière de cadre dirigeant dans l'industrie depuis 1998 et comme vous le savez peut-être, j'ai dirigé ce même secteur des énergies renouvelables au sein du groupe Alstom et j'ai rejoint mon poste actuel lorsque les activités énergie d'Alstom ont été acquises par General Electric en 2015.

Cette division mène une activité centrale pour le groupe General Electric. Elle représente aujourd'hui environ 40 000 employés partout dans le monde et 15 milliards de dollars de chiffre d'affaires, dont seulement quelques centaines de millions de dollars sont générées en France. Je vais plutôt essayer de vous faire partager mon éclairage global des marchés et la façon dont je vois les tendances mondiales s'appliquer ou ne pas s'appliquer au marché français. Je reviendrai également sur les enjeux et les freins auxquels nous sommes confrontés en France.

Nous avons en France des activités dans l'éolien terrestre, l'éolien maritime, l'hydroélectricité et les réseaux et nous employons en France dans les énergies renouvelables plus de 3 500 personnes chez General Electric. L'ensemble des employés de General Electric en France se monte à 16 000 personnes, une partie significative des emplois de General Electric.

Cette forte présence, notre croissance dans le secteur des énergies renouvelables et l'ampleur des activités témoignent d'une réalité, qui est que le marché des énergies renouvelables dans le monde est un marché d'avenir, aujourd'hui en plein essor, où sont actifs de très grands groupes industriels comme nous, Siemens, Vestas et d'autres. Ces groupes disposent de fortes capacités d'innovation et d'exécution et d'un bilan solide.

Au-delà de l'impératif climatique, nous croyons au renouvelable chez GE et nous y investissons partout dans le monde car nous pensons que ce secteur est porteur de formidables opportunités économiques en termes d'innovation, de développement de l'outil industriel et des compétences, d'exportation et d'emploi.

Partout dans le monde, la volatilité du coût des énergies fossiles et l'impératif de protection de l'environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposent une révision des stratégies énergétiques. La dynamique est là ; l'essor des énergies renouvelables est une réalité comme le confirment les chiffres. En 2018, 330 milliards de dollars ont été investis à travers le monde en faveur des technologies de production d'énergie renouvelable et à l'échelle mondiale, on observe depuis quelques années que plus de 60 % des nouvelles capacités de production installées chaque année concernent les énergies renouvelables de l'éolien et du solaire. La barre de 50 % des nouvelles capacités a été dépassée il y a deux ou trois ans et on s'attend à ce que le taux de 60 % continue à augmenter.

Au niveau européen, le constat est similaire : les énergies renouvelables progressent fortement. Elles représentaient 17,5 % de la consommation finale d'énergie de l'Union européenne en 2017. Leur part a plus que doublé depuis 2004 et l'objectif de l'Union européenne est de monter cette part à 27 %, avec des objectifs propres à chacun des États membres. 11 États membres en Europe ont déjà atteint ou dépassé leurs objectifs, notamment en Scandinavie.

Au niveau français, le marché des énergies renouvelables dispose également de nombreux atouts et représente une réelle opportunité de croissance. La France a de grands atouts géographiques et naturels, avec la plus grande façade maritime, la plus grande ressource en vent offshore, le deuxième plus grand potentiel éolien terrestre en Europe, le cinquième potentiel solaire et le plus gros potentiel hydroélectrique. Nous avons également des compétences technologiques indéniables qui permettent de nous positionner à l'exportation.

Toutefois, et je crois que les deux ne sont pas incompatibles, la France reste aussi un pays historiquement nucléaire avec une part de l'énergie nucléaire dans le mix français stabilisée à un niveau élevé, à peu près de l'ordre de 70 %. La France est le deuxième marché d'Europe en termes de puissance installée de parcs éoliens terrestres, avec plus de 14 GW de puissance mais l'éolien ne représente en France que 5 % de la consommation totale d'énergie, beaucoup moins que dans les autres pays européens. L'absence de filière industrielle éolienne terrestre en France à proprement parler est inquiétante. Les emplois créés en Europe dans l'éolien l'ont été principalement en Allemagne et en Espagne.

L'évolution notable des dernières années sur laquelle j'aimerais insister, c'est que ce potentiel d'énergies renouvelables est une réalité renforcée par un critère économique fondamental, qui est maintenant la compétitivité manifeste des énergies renouvelables comparées aux énergies fossiles du fait de la baisse spectaculaire des coûts de production notamment solaires et éoliens qu'on connaît depuis cinq ans. Du point de vue des coûts, l'énergie renouvelable dans la plupart des pays du monde est devenue une énergie comme les autres. Lorsqu'on regarde des grands pays comme les États-Unis, le Brésil et plusieurs grands pays européens, il est aujourd'hui économiquement rationnel de construire une nouvelle capacité de production d'énergie renouvelable par rapport à de nouvelles capacités de production d'énergie thermique. C'est moins cher en termes de coût de l'électricité produite et construire de nouvelles capacités de production d'énergie renouvelable, par exemple aux États-Unis, coûtera progressivement moins cher que faire tourner des centrales à charbon existantes. Je vous donnerai quelques éléments économiques sur ce sujet.

La transition écologique, qui était il y a dix ans un choix dicté par des contraintes sociétales et supporté par des financements publics, devient de plus en plus un choix de raison économique. Les énergies renouvelables sont compétitives par elles-mêmes et dépendent de moins en moins des soutiens publics. On redécouvre qu'on ne paie pas le soleil ou le vent. Cette tendance est supportée par un dernier facteur : de plus en plus, nos clients ne vont pas être des électriciens. EDF, Iberdrola et E.ON vont être les acheteurs directs d'électricité dans beaucoup de pays où le schéma réglementaire leur permet de contracter directement avec nous. Nos grands clients dans le monde d'aujourd'hui sont des entités comme Google Facebook et Amazon, qui achètent directement de l'électricité, ne veulent pas la payer plus cher que l'énergie thermique mais n'achèteront que de l'électricité renouvelable. Pour vous donner un ordre de grandeur que je trouve un peu frappant, la consommation d'électricité de Google dans le monde pour ses activités et ses data centers correspond à la consommation d'un pays comme la Hongrie. Ce sont maintenant des acteurs majeurs sur nos marchés, avec une désintermédiation en cours.

Pour donner quelques ordres de grandeur, le coût du kilowattheure des éoliennes a baissé de 40 % depuis 2010. En Europe, le coût de l'éolien terrestre est compris entre 45 et 65 €/MWh. L'éolien en mer est toujours un peu plus cher, en moyenne entre 60 et 87 €/MWh, mais gagne en compétitivité. On a vu en Allemagne et en Hollande des projets d'éolien en mer attribués par mise aux enchères sans subventions, donc au prix du marché, et on s'attend aussi dans quelques semaines, avant la publication du prix de l'appel d'offres en France pour le projet de Dunkerque, à des niveaux extrêmement bas.

L'énergie éolienne et l'énergie solaire sont devenues compétitives en Europe. Elles représentent 50 à 60 ou 70 €/MWh, comparées au coût de centrales à gaz en cycle combiné autour de 50 €/MWh, et au coût beaucoup plus cher du charbon. On est maintenant sur ce qu'on appelle la parité réseau pour les énergies renouvelables et la décision d'investir dans de nouveaux projets est une décision rationnelle économiquement. Il y a dix ans, nous y sommes arrivés grâce aux soutiens publics ; désormais, nous y arrivons par des investissements accrus dans la technologie et, pour le dire simplement, par le fait que les turbines fabriquées sont plus fiables, plus grandes et plus performantes. Les cycles d'innovation sont accélérés.

Nous produisons aujourd'hui une turbine pour l'éolien en mer qu'on appelle Haliade-X de 12 MW, par rapport aux turbines d'il y a 6 ou 7 ans à 6 MW. Sur une taille de champ donné, cela donne non seulement des facteurs de charge de capacité à produire plus d'énergie mais permet aussi d'implanter moins de turbines et donc d'économiser sur les coûts de câblage, d'installation et de fondation.

Aujourd'hui en éolien terrestre dans les pays où les contraintes de permis et d'occupation de terrain sont relativement flexibles, les éoliennes dépassent 5 MW alors que la taille moyenne des éoliennes qu'on installait il y a 5 ans est de 2 MW. Les acteurs de l'industrie ont réalisé des investissements majeurs dans la technologie, des effets d'échelle se sont créés, des dispositifs de mise aux enchères sont apparus dans beaucoup de pays où les différentes sources d'énergie renouvelables se font concurrence entre elles. Tout cela a tiré les coûts à la baisse pour arriver à la situation que nous connaissons aujourd'hui et que je viens de décrire et on s'attend à ce que le coût de l'énergie renouvelable continue à baisser année après année. Comme je le dis souvent, quand cela fait cent ans qu'on investit dans les technologies des turbines à gaz, cela ne fait que dix ans qu'on investit réellement dans les technologies de production d'énergie renouvelable, et il reste beaucoup à faire.

Cela nous amène à être une partie de plus en plus importante du mix énergétique. Dans un certain nombre de pays d'Europe, les énergies renouvelables peuvent désormais constituer 15 à 30 % de la production en énergie, ce qui est tout à fait gérable par les opérateurs de réseaux. Ce qui pourra être fait à 50 ou 70 % posera d'autres défis mais à 15, 20, 30 ou 35 % d'énergies renouvelables dans le mix, les pays et les opérateurs de réseaux savent gérer et quand on regarde devant nous, on va continuer à travailler pour baisser le coût de production des énergies renouvelables et un nouvel enjeu qui devient crucial est de savoir comment accommoder des niveaux croissants d'énergie renouvelable intermittente dans le mix et comment arriver à intégrer dans nos solutions des solutions de stockage ou à faire travailler de l'éolien, du solaire et de l'hydroélectricité ensemble pour construire des solutions qui permettront non seulement de donner du renouvelable intermittent pas cher mais aussi du renouvelable 24 heures sur 24 pas cher.

Cet horizon, qui est un peu le graal de l'industrie, n'est pas déraisonnable à 5 ou 10 ans. Nous croyons que les énergies renouvelables font partie d'un mix énergétique et que les énergies fossiles (gaz et nucléaire) ne vont pas disparaître demain. Ce mix va évoluer vers de plus en plus d'énergies renouvelables moins chères, et c'est pour participer à cet essor du marché que nous avons fait de cette division énergies renouvelables une division de premier plan, avec un portefeuille assez large. Nos activités mondiales dans l'hydroélectricité, dans l'éolien en mer et dans les réseaux (anciennement Alstom Grid) sont basées en France. Dans le cadre de ces activités, nous participons notamment à créer une filière industrielle dans l'éolien offshore. Nos deux usines de production de nacelles et de pales pour l'éolien offshore sont basées sur le territoire français (une usine de nacelles à Saint-Nazaire, un centre de recherche à Nantes et une usine de pales à Cherbourg, que nous avons ouverte il y a un an, qui comptait 100 personnes il y a trois mois et pour laquelle nous sommes en train d'en recruter 150 supplémentaires). Nous avons des projets sur le point de débuter, notamment celui avec EDF, une filière industrielle en construction dans l'éolien offshore et des emplois historiques dans l'hydroélectricité et dans les activités de réseau.

Nous croyons à ce potentiel. Quand on observe le marché français, il reste un peu étonnant dans la dynamique européenne car le potentiel français dans les énergies renouvelables en termes de production d'électricité et de création d'emplois reste largement inexploité. J'ai avec moi un document que nous pourrons partager, qui compare l'éolien en France et en Allemagne et montre qu'alors que la France a des conditions de vent bien meilleures que le marché allemand, la taille de la base installée française dans l'éolien terrestre est 4 fois inférieure à celle de la base installée allemande, que le coût de l'éolien terrestre en France est 20 % supérieur au coût de l'éolien terrestre en Allemagne et que le nombre d'emplois dans l'éolien en France correspond à 10 % du nombre d'emplois en Allemagne. Ce paradoxe français un peu perturbant s'explique principalement par le fait d'une part d'une prégnance du nucléaire dans le mix énergétique en France, qui reste peu cher et non émetteur de CO2, d'où une urgence de développer dans les énergies renouvelables moins importante qu'en Allemagne lorsque celle-ci a décidé de sortir du nucléaire et a dû développer massivement des sources d'énergie propres pour limiter le recours aux centrales fossiles.

Une deuxième contrainte qui obère le développement en France mais, à l'inverse, rend le coût de l'énergie renouvelable plus important en France, réside dans les freins juridiques, politiques et administratifs. Développer un projet éolien en France prend deux fois plus de temps que dans d'autres pays d'Europe ou du monde. Nous menons des projets éoliens dans plus de 50 pays. Le processus d'approbation des projets est très long et quand ces projets sont approuvés, ils sont très souvent ou presque tout le temps attaqués par voie de retour. En outre, les contraintes physiques de développement des projets font que les éoliennes sont plus petites en France que dans les autres pays du monde ; la taille moyenne d'un rotor d'éolienne en France est plus de 10 % inférieure à la taille moyenne d'un rotor en Allemagne et avec des rotors plus petits, l'électricité coûte plus cher puisqu'on capture moins de vent. Cette longueur d'aboutissement des projets conduit à les concrétiser bien après le moment où ils ont été lancés, donc avec des technologies qui sont progressivement devenues dépassées voire obsolètes car on ne peut pas changer la technologie avec laquelle on a demandé l'autorisation.

Ce retard empêche le marché de bénéficier de la baisse des coûts permise par les nouvelles technologies. Ce retard s'appuie sur un débat public en France et de temps en temps sur une violence de propos contre l'éolien aussi bien terrestre que maritime. Tout cela ne permet pas à la France d'être, dans l'éolien, la terre d'investissement et d'innovation qu'elle pourrait être.

Le meilleur exemple reste l'éolien en mer. J'ai rejoint Alstom fin 2011. Nous avons gagné en tant qu'Alstom 3 projets avec EDF début 2012 dont aucun n'a encore vu le jour, ce qui veut dire que probablement, même dans les scénarios les plus optimistes, si ces projets sont bientôt approuvés par le Conseil d'État, les premiers parcs seront mis en opération en 2022. Je ne suis pas là pour vous dire si l'éolien en mer est une bonne idée ou non mais il est de plus en plus compétitif et opère sans subvention en Allemagne, dans des conditions de vent globalement comparables et si c'est une bonne idée, il faudra arriver à faire les projets en moins de dix ans car le temps bureaucratique administratif n'est pas compatible avec le temps de développement des technologies et avec le temps industriel. Nous avons lancé une filière industrielle, nous la faisons travailler vers l'exportation, nous aimerions la faire travailler sur des marchés français mais comme vous l'avez signalé, Monsieur le président, nous avons dû renoncer à deux de nos trois projets avec EDF car nous ne pouvons pas à Saint-Nazaire faire à la fois des turbines de 6 MW pour des projets remportés en 2012 et des turbines de 12 MW pour des projets que nous sommes en train de gagner aujourd'hui. Nous avons dû faire des choix douloureux.

Je crois qu'il y a une sorte d'ambiguïté en France entre une volonté de faire plus d'énergies renouvelables et des dispositifs réglementaires qui ne permettent pas d'avancer aussi vite qu'on le devrait et qu'on le fait dans d'autres pays.

Pour revenir sur ces sujets d'emplois, c'est pour cela qu'aujourd'hui l'éolien et le solaire en France font un peu partie des promesses non tenues. L'éolien en France continue à augmenter (plus de 18 % entre 2015 et 2017). 2 630 emplois ont été créés dans l'éolien en France au cours des dernières années. La filière crée 4 emplois par jour. On compte malgré tout en Allemagne 160 000 emplois directs et indirects, contre seulement 17 000 en France dans l'éolien. En ce qui concerne la filière à construire dans l'éolien offshore par nous et par d'autres, pour ce qui concerne General Electric, notre ambition dans l'éolien offshore, quand les projets EDF auront démarré et que nous aurons notre turbine de 12 MW pour les marchés européens et américains, est de créer plus de 1 500 emplois entre Saint-Nazaire et Cherbourg. À chaque emploi direct que nous créons sont typiquement associés deux à trois emplois indirects.

L'éolien offshore représente un formidable potentiel pour revitaliser des bassins d'emploi dans des zones portuaires qui étaient sinistrées il y a quelques années. Étant donné qu'on ne sait pas créer une filière d'exportation sans un marché domestique solide, il faut arriver à ce que les projets en France suivent dans des délais compatibles avec nos délais. C'est ainsi que nous pourrons continuer à développer des énergies renouvelables. Le problème du coût de ces énergies est largement dépassé. Si on faisait en France des projets avec la rapidité avec laquelle on l'a fait dans d'autres pays et avec les technologies d'aujourd'hui, on les ferait dans des mêmes conditions de coût qui seraient parfaitement compétitives avec le coût de l'énergie fossile. Pour capturer ce potentiel, il reste à assurer un cadre juridique stable qui favorise des investissements et un processus de développement des parcs plus rapide et flexible qui permette de bénéficier des techniques d'aujourd'hui et pas de celles d'hier. Je vous remercie. J'ai essayé de faire court et je suis ravi de répondre à vos questions.

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Merci Monsieur le directeur général. Vous avez dit que vous étiez présent dans l'éolien terrestre et maritime, les réseaux et l'hydroélectrique ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Oui.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Si, nous avons à Grenoble un centre d'excellence avec des ingénieurs et des chercheurs qui travaillent dans l'hydroélectricité sur des projets à l'exportation. Nous avons travaillé sur des projets à l'exportation dans tous les pays du monde et nous avons désormais à Grenoble à peu près 500 emplois et une centaine d'emplois à Belfort dans l'hydroélectricité. Nous devons avoir environ 600 emplois dans l'hydroélectricité sur le territoire. Je crois à l'hydroélectricité comme stockage, je pense que c'est une façon peu chère et fiable de stocker de l'énergie et qu'on devrait arriver à en faire plus.

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Quelle est votre position sur l'ouverture des barrages hydroélectriques ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Je n'ai pas de position tranchée sur le sujet. Je constate simplement qu'il faudra arriver à prendre une décision dans un sens ou dans l'autre. En France, on peut produire plus d'énergie hydroélectrique si on investit dans la base installée. On sait gagner 5 à 10 % de rendement en investissant un peu dans la base existante. On peut prendre des cascades et développer au milieu de deux barrages qui se succèdent ce qu'on appelle des STEP (des unités de pompage-turbinage), qui permettent non seulement de faire descendre l'eau mais aussi de la remonter pour stocker l'électricité. C'est un outil majeur de stockage utilisé par de nombreux pays qui contribue à gérer la problématique de l'intermittence des renouvelables. Il faut pour cela investir dans la base installée. Or, ce que je constate depuis que j'ai rejoint l'industrie, c'est que les opérateurs n'investiront pas dans la base installée tant que le sujet des renouvellements des concessions ne sera pas clarifié.

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Ambitionnez-vous éventuellement, si par hasard ces barrages devaient être ouverts, une telle occasion ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

M. Si les opérateurs existants ou futurs investissent, j'envisage de leur vendre et de faire travailler mes ingénieurs à Grenoble. Une décision est nécessaire, dans un sens ou dans l'autre.

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Je vais vous reposer la question. Indépendamment des questions juridiques, pour votre intérêt commercial et industriel, serait-il préférable que le Gouvernement décide d'élargir, d'ouvrir la concurrence ou plutôt de rester sur le modèle actuel ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Il est urgent que le Gouvernement clarifie la situation pour que les opérateurs des barrages (existants reconduits ou nouveaux) lancent les investissements dont la base installée a besoin. Je ne peux pas vous dire mieux. Le statu quo, qui conduit à ne pas investir dans la base installée, n'est pas bon pour la pérennité des équipements et laisse un potentiel de production d'hydroélectricité et d'emplois sur la table. Je ne suis pas là pour dire quel est le bon actionnaire pour ces barrages mais il faut que l'actionnaire investisse.

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On se pose la question de la rentabilité de l'éolien. Il y a quelques années, la Cour des comptes avait mis en avant une surrentabilité dans le domaine de l'éolien. Disposez-vous de données sur cette surrentabilité ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Nous sommes rarement investisseurs dans les projets. Notre métier consiste à être fournisseur d'équipement. Il peut arriver que nous investissions transitoirement pour aider les projets à se développer mais c'est très rare. En termes de données publiques, par rapport à d'autres métiers industriels, la fourniture de turbines éoliennes n'est pas ce que nous faisons de mieux. Il est de notoriété publique que nous, les acteurs du marché, réalisons aujourd'hui entre 5 et 10 % de marge opérationnelle. Nous sommes les meilleurs acteurs du marché, parmi les trois leaders mondiaux et notre objectif est de parvenir à 10 % de marge opérationnelle et typiquement, quand on vend une turbine, on fait plus de marge dans les contrats de service à 20 ans sur la turbine que sur la vente d'équipement. La vente d'équipement n'est pas une activité très rentable ; le service aux équipements l'est davantage. Tout cela conduit à faire des activités qui aspirent à atteindre 10 % de marge opérationnelle, ce qui objectivement, par rapport à d'autres activités industrielles, n'est pas terrible.

Pour être clair, General Electric gagnait beaucoup plus d'argent quand nous vendions beaucoup de turbines à gaz. La compétition est féroce, nous nous battons chaque année pour baisser le prix des turbines et le coût de l'électricité éolienne et même si nous ne baissions pas le coût de l'éolien, nous nous retrouvons en concurrence avec l'électricité solaire dans beaucoup de pays. Si vous vous appelez Google et que vous voulez acheter de l'énergie renouvelable, si le solaire est moins cher que l'éolien, vous prendrez du solaire. Par conséquent, la baisse des prix du solaire entraîne la baisse des prix de l'éolien et de nos équipements. En plus, nous devons investir dans la recherche et le développement pour faire des équipements plus performants. L'activité industrielle n'est pas glorieuse. En revanche, pour répondre à votre question, des centaines de milliards de dollars sont investies chaque année dans les projets d'énergie renouvelable par les porteurs et les développeurs de projets. Je ne vais pas commenter la rentabilité de mes clients ni le retour qu'ils font sur les investissements mais il est clair que les personnes qui font des projets d'énergies renouvelables ont des retours qui les satisfont étant donné qu'année après année, de plus en plus d'argent est investi dans ce secteur.

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Au niveau des flux entrants, on voit passer des sommes très importantes quand on les cumule et l'un des enjeux est d'avoir une filière industrielle derrière. Pour l'acteur qui vit de cette activité, si elle n'est pas si rentable que cela, on peut très légitimement remettre en cause l'argumentaire de la fédération qui lui dit qu'investir dans l'éolien permet de créer de la valeur ajoutée en France. C'est compliqué car il s'agit de vos clients. Cependant, lorsqu'on s'adresse à des agriculteurs qui sont fournisseurs des grandes surfaces, ils ont généralement une opinion assez marquée sur les marges que réalise l'intermédiaire entre eux et le client final. Avez-vous entendu parler d'opérateurs qui ne seraient pas forcément vos clients (sans donner de nom et sans violer le secret les affaires), mais qui, d'après vous, réaliseraient des surrentabilités ? Dans le même temps, vous nous avez dit être sur des modèles économiquement compétitifs mais qui continuent à être subventionnés (par exemple par des appels d'offres avec parfois des prix garantis selon le mode de fonctionnement). Vous avez ajouté qu'en Allemagne désormais, on avance sans les roulettes du côté du tricycle. Si on persiste à vouloir aider une activité qui de facto est rentable par des moyens de subventionnement public, cela doit à un certain moment se retrouver quelque part.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Votre question comprend plusieurs sous-questions. À mon avis, le besoin de subventions en France s'explique principalement par le fait qu'on ne peut pas utiliser les technologies d'aujourd'hui, que les turbines et les rotors sont plus petits, que les projets prennent plus de temps et qu'il y a des aléas importants dans le développement des projets. D'où une électricité éolienne et solaire en France plus chère qu'ailleurs et un besoin de subventions qui n'est pas évident. Nous allons voir comment le projet de Dunkerque sur l'éolien offshore évolue et à quel niveau de tarif. Je ne suis pas sûr qu'il aboutisse à des niveaux qui nécessitent énormément de subventions publiques.

Quant à savoir si l'argent est bien dépensé en termes de création d'emplois dans le territoire, il est difficile de porter un jugement. Force est de constater que la France n'a pas créé de façon massive une filière industrielle dans l'éolien terrestre. Je ne trahis pas un secret en indiquant que les éoliennes installées en France sont principalement produites en Allemagne ou en Espagne, car la France s'est lancée dans le développement de l'éolien beaucoup plus tard que l'Allemagne et l'Espagne et que les usines existaient déjà en Allemagne et en Espagne.

Sur l'éolien offshore, on a encore les moyens de créer une filière. Nous avons créé des usines, Siemens s'est engagé à le faire publiquement… il faudrait maintenant que les projets se développent, faute de quoi on se retrouvera dans une situation perverse où les projets ne démarrent pas, donc ceux qui ont commencé à créer des emplois n'arrivent pas à rentabiliser leur usine, donc ils n'en créent pas plus et donc vos commentaires sont légitimes. Aucune filière industrielle ne peut vivre durablement si on met dix ans à mettre en œuvre les projets qui ont été lancés.

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Cet argument a déjà été présenté ici à de nombreuses reprises.

Vous avez dit que vous étiez dans l'éolien terrestre.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Oui, nous sommes l'un des trois leaders mondiaux dans l'éolien terrestre.

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Étant donné que des projets se développent dans l'éolien terrestre, qu'est-ce qui empêche GE de créer des usines en France pour vendre des pales, des mats ou je ne sais quoi pour les futurs parcs éoliens terrestres ? Notre Gouvernement dit : « Je vais augmenter, je vais multiplier par trois le volume. » On distingue ce qui relève du maritime de ce qui relève du terrestre mais légitimement, on pourrait se dire qu'il y a un marché à prendre. On achète en Allemagne ; pourquoi ne crée-t-on pas plus d'emplois en France ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Sur l'éolien terrestre, on n'en a pas créé car on s'y est pris tard. Pourquoi ne veut-on pas le faire aujourd'hui ? De façon simple, le coût de fabrication de pales ou de nacelles en France dans des usines neuves sera largement supérieur au coût de fabrication dans des usines dans des pays à coûts moins chers et largement amortis. On pourrait le faire si la France représentait 30 % du marché mondial mais même si la France atteignait son plein potentiel, elle ne représenterait que 4 ou 5 % du marché mondial. Les acteurs disposent de capacités de production largement amorties, non remplies dans des pays à bas coût avec des employés déjà formés. Je pense que l'opportunité qui se présente à nous est celle de l'éolien offshore car cela risque d'être compliqué dans l'éolien terrestre.

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Vous avez avancé un autre argument : la concurrence du prix du solaire. On s'aperçoit que tous les appels d'offres pluritechnologiques sont remportés par le solaire. D'où ma double sous-question : imaginons que le solaire continue tendanciellement à la baisse ; vous risqueriez à un moment donné de vous retrouver écrasés. Vous pourriez réduire vos coûts mais cela vaudrait-il encore le coup de faire des éoliennes si le solaire est imbattable ?

Deuxième point : c'est déjà le cas dans le domaine de l'éolien terrestre mais qu'est-ce qui nous dit qu'on ne va pas construire de belles usines pour l'éolien en mer pour dans cinq ou dix ans entendre qu'à l'étranger, ils sont capables de produire à des prix très compétitifs et que le travail coûterait trop cher pour des futurs parcs en France ? Dans d'autres industries, la valeur ajoutée ou la technicité font que de toute façon, la production n'a pas besoin d'être délocalisée. Concernant l'éolien en mer, je comprends aujourd'hui à l'instant T, mais comme nous nous engageons sur 20 à 25 ans, qu'est-ce qui nous permet de dire : « ne vous inquiétez pas, cela vaut le coup de mettre des milliards aujourd'hui pour garder une filière » ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Objectivement, dans ce combat éolien-solaire, sujet que je regarde de très près partout dans le monde, il n'y a pas aujourd'hui de vainqueur. Cela dépend s'il y a du bon vent et si c'est très ensoleillé. Quand on regarde tous les pays du monde, on est plutôt sur du solaire autour de l'Équateur et dès qu'on montre très au Nord ou très au Sud, où il y a plus de vent, les deux se tirent la bourre. Aux États-Unis, l'éolien gagne des appels d'offres dans le corridor du Midwest, où il y a beaucoup de vent, tandis que dans le Sud, le solaire domine. À l'intersection des deux, au Texas et en Oklahoma, c'est la bataille. Le solaire a des avantages car son acceptabilité est meilleure ; l'éolien a des avantages car il fonctionne 30, 40 ou même 50 % du temps, contre 20 à 25 % du temps pour le solaire, pas nécessairement au moment où on a le plus besoin d'électricité dans le réseau (en milieu de journée). Chaque source d'énergie a ses avantages et la concurrence entre les deux a comme effet de tirer les prix des énergies renouvelables à la baisse et donc d'avoir rendu l'énergie renouvelable compétitive par rapport aux énergies fossiles.

En France, d'une part les appels d'offres multi-technologies ne sont pas la règle et d'autre part, les contraintes imposées sur les technologies ne permettent pas d'utiliser les éoliennes les plus hautes et les plus performantes du marché avec les plus gros rotors et les plus grandes tours, pour des raisons qui peuvent être bonnes ou mauvaises (des raisons de protection du paysage, de co-visibilité, de radars militaires…), ce qui se traduit par de l'éolien 10 % plus cher qu'en Allemagne. Ce taux de 10 % représente à peu près la différence avec le solaire, étant donné que les deux sont à peu près à parité. L'exemple français n'est pas extrapolable sur la concurrence éolien-solaire en dehors de France.

Sur les usines d'éolien, les deux premiers appels d'offres en France avaient des exigences assez lourdes en termes de contenu local de production. Le troisième, celui de Dunkerque, n'a pas ces mêmes exigences.

Pour répondre à votre question « Qu'est ce qui nous dit qu'on ne fermera pas un jour les usines qu'on a créées ? », d'une part nous allons voir comment les prochains appels d'offres seront articulés en termes de contenu local. Nous sommes passés d'une exigence très importante à pas grand-chose. On peut imaginer des appels d'offres qui favorisent le contenu de production local. D'autre part, quand on transporte des grandes composantes comme des pales d'éoliennes ou des nacelles d'éoliennes offshore, les contraintes logistiques ne sont pas décisives mais restent importantes, et le coût est élevé. Pour vous donner un ordre de grandeur, le rotor de notre éolienne Haliade-X de 12 MW mesure 220 m et la pale 107 m (plus qu'un terrain de football). On les transporte par bateau mais c'est quand même mieux de le faire à Cherbourg que de leur faire traverser le Pacifique. Tant qu'on aura des marchés solides en Europe dans l'éolien en mer, on préférera toujours utiliser nos capacités existantes plutôt que d'aller dans des pays à bas coût. Des personnes auront été formées, des usines tourneront, on n'aura pas envie de faire autre chose.

S'il faut inclure une incentive, c'est dans les exigences de contenu local des appels d'offres. L'éolien offshore a démarré avec du contenu local et continue. J'en profite pour répondre à une autre de vos questions : dans la pérennité du marché français et européen, nous sommes très confiants sur l'éolien offshore posé à l'horizon 2050. Ensuite, le flottant constituera une partie importante du mix. Il ne s'agit pas d'abandonner le posé pour le flottant. Le posé est la technologie d'aujourd'hui ; le flottant pose encore quelques défis techniques et de coût mais le meilleur garant d'une activité industrielle pérenne sur le territoire est un marché domestique à long terme, visible, avec des exigences de contenu local qui peuvent se développer (du posé dans les cinq ans qui viennent et probablement du flottant après). Il faut commencer à réfléchir au développement de ces technologies et à l'articulation avec des appels d'offres pour le flottant.

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Vous n'avez pas parlé des turbines à gaz. Lors des négociations préalables à l'acquisition d'Alstom, Siemens a été le premier à s'engager à proposer la création de 1 000 emplois et General Electric avait ensuite proposé un nombre d'emplois similaires, ce qui d'ailleurs lui avait permis de remporter la manche. Cet engagement n'a pas été tenu. Vous avez donné des explications publiques par rapport à l'évolution mais :

1) Le développement des EnR en Europe est-il responsable de ce problème sur les turbines à gaz ?

2) Comment expliquez-vous un changement aussi dramatique dans la manière de concevoir l'implantation des emplois en moins d'un an-un an et demi ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Sur le marché du gaz, la croissance des énergies renouvelables dans le monde et la transition énergétique font qu'on vend beaucoup moins de turbines à gaz qu'avant car les énergies renouvelables sont compétitives avec le gaz en termes de coût. D'une part, on en vend beaucoup moins et d'autre part, les turbines à gaz, qui à une époque faisaient la charge du marché, font désormais plus que le pic, c'est-à-dire fonctionnent en l'absence de vent et de soleil. Le modèle économique des projets de gaz a changé, les turbines à gaz ne remplissent plus la même fonction et on en vend beaucoup moins. Chez General Electric et chez Siemens, qui annonce aussi des restructurations importantes, on en vend grosso modo la moitié de ce que l'on vendait il y a cinq ou sept ans, et ce depuis trois ou quatre ans. Un aggiornamento a été un peu difficile à faire dans une entreprise qui y a cru, qui a été profitable et qui a eu des magnifiques turbines à gaz. Nous avons toujours espéré que cette baisse de marché soit cyclique et non pas structurelle mais nous sommes maintenant arrivés à la conclusion que la baisse du marché des turbines à gaz est structurelle. Je suis l'un des plus grands avocats de cette théorie étant donné que mon métier consiste à vendre chaque année des éoliennes. Je vois la dynamique de ce marché ; nous ne retrouverons jamais les niveaux de marché que nous avons connus. Nous avons cessé de faire des scénarios marketing et industriels en pensant que ça reviendrait. C'est ce qui nous a conduits, après avoir engagé des restructurations très importantes de ces métiers pour plus de 10 000 emplois dans le monde, à devoir annoncer la semaine dernière une restructuration significative et douloureuse du site de Belfort dans les turbines à gaz pour s'adapter aux réalités du marché.

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Si vous dites que cela remonte à trois ou quatre ans, ce n'est pas nouveau. Au moment de ce rachat, vous aviez déjà l'information.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Non. Quand GE a racheté Alstom, GE pensait que le nucléaire et le gaz allaient continuer à croître. Pendant deux ou trois ans, il y a une phase où nous nous sommes dit : « Cela ne croît plus mais cela va revenir » et maintenant, nous sommes forcés d'en tirer comme conclusion que cela ne reviendra pas. Le facteur déclenchant, c'est qu'on sait faire du renouvelable à 30 ou 40 €/MWh. À ce prix, beaucoup de projets de gaz ne sont plus compétitifs partout dans le monde. Ce n'est pas un sujet français mais mondial. Belfort a toujours totalement vécu sur l'exportation des turbines à gaz. Il y a eu un aggiornamento progressif face à la réalité du marché, qui a été la source de débats internes pendant trois ou quatre ans.

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En tant que fabricant, vous avez troqué une activité très lucrative (la fabrication de turbines à gaz) pour une activité dont vous nous avez dit qu'elle l'était moins, soit celle de la fabrication de composants d'éoliennes. J'ignore ce que cela représente en termes d'emplois mais nous nous interrogeons sur les politiques publiques menées, qui coûtent très cher, avec des acteurs du gaz qui viennent nous voir en nous disant que nous faisons une erreur en investissant massivement dans ces EnR et que nous pourrions faire bien mieux au niveau de l'objectif CO2 en investissant dans le gaz. Le choix d'appuyer massivement les énergies renouvelables électriques a un impact industriel comme vous venez de le souligner et un impact de financement public. Ce n'est pas anodin.

En outre, vous dites que vous allez créer des emplois dans le domaine de l'éolien mais on nous disait aussi qu'on allait créer des emplois dans le domaine des turbines à gaz.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Nous les avons créés. Il y avait un terrain vague à Cherbourg il y a deux ans sur le port et aujourd'hui 150 personnes sont en cours de recrutement à Cherbourg. C'est la réalité. Si nous remportons des projets d'éoliennes de 12 MW, le seul site pour faire des pales pour cette éolienne dans le monde se trouvant à Cherbourg, nous pourrons avoir 800 personnes à Cherbourg. La restructuration du site de Belfort est pénible et douloureuse pour ceux qui sont sur le site. Elle n'a rien à voir avec l'acquisition d'Alstom. Les emplois sur les turbines à gaz à Belfort sont des emplois General Electric depuis 1999. Alstom n'avait pas d'activité de production dans les turbines à gaz sur le site de Belfort en 2015. Alstom avait des emplois à Belfort dans le nucléaire et le charbon quand elle a été rachetée par GE. Le nombre d'emplois à Belfort et dans le nucléaire à Cherbourg aujourd'hui correspond grosso modo au nombre d'emplois que nous avions en 2015. La problématique est exogène par rapport à la vision d'Alstom.

Pour les raisons de réalité du marché dont nous avons discuté, qui s'imposent à nous et nous conduisent à devoir réduire l'emploi à Belfort dans le site, nous nous sommes engagés à créer des emplois dans l'éolien offshore. Nous pouvons créer 1 000 emplois entre Saint-Nazaire et Cherbourg dans les deux ans qui viennent si nous réussissons à lancer notre turbine de 12 MW, à la gagner et à réaliser le projet que nous avons prévu de faire avec EDF. Ce ne seront malheureusement pas les mêmes emplois mais à l'échelle du territoire, un vrai sujet de transition énergétique, d'impact sur l'emploi et de gestion prévisionnelle en termes de compétences et de mobilité va s'imposer à nous.

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Dernière question avant de céder la parole au rapporteur : vos éoliennes contiennent-elles du dysprosium ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Nos éoliennes offshore utilisent des technologies d'entraînement direct avec des aimants avec du dysprosium et du néodymium, qui sont des terres rares rapportées de Chine. Nous achetons des aimants qui contiennent des terres rares.

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Vous avez lutté pendant trois ou quatre ans contre l'idée que le marché des turbines à gaz était en train de disparaître en vous disant que cela allait rester un marché puis revenir, c'était un peu de l'auto-persuasion. De la même façon, j'imagine que pendant cette période, vous l'avez fait aussi avec un objectif de maintien des compétences de vos employés.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Historiquement, le marché des turbines à gaz a toujours été un marché cyclique. Les personnes qui sont dans l'industrie depuis trente ans ont connu des années où on aurait pu vendre le double des turbines à gaz qu'on produisait et d'autres pendant lesquelles on n'en vendait plus. Dans un marché historiquement cyclique en fonction du contexte économique, des crises financières, du prix du gaz ou du prix du pétrole, à chaque fois qu'on arrive à un bas de cycle, une armée de gens vous disent que c'est toujours revenu et que cela va revenir. C'est pourquoi l'aggiornamento a été progressif. Nous sommes arrivés à la conclusion que ce n'était pas cyclique mais structurel car aujourd'hui, la transition énergétique n'est pas un phénomène cyclique mais durable qui s'appuie sur une baisse continue des coûts, des exigences sociétales et des clients qui ne veulent plus acheter que l'énergie renouvelable. Arriver à cette conclusion a pris du temps. Je ne dis pas qu'on ne vendra plus de turbines à gaz ou de turbines nucléaires mais un ajustement de capacité de production est nécessaire tout en maintenant les compétences. Il ne s'agit pas de fermer l'activité des turbines à gaz à Belfort car nous conservons à peu près la moitié de nos emplois actuels et des capacités de production et d'ingénierie sur ce site.

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Ma question n'était pas de savoir pourquoi vous n'aviez pas découvert cela. L'expérience fait qu'on a un peu tendance à essayer de conserver ce que l'on connaît et d'éviter le changement si on le peut. Certains aspects ne se rapprochent-ils pas de la réticence française à s'éloigner du modèle nucléaire ? Pendant très longtemps, ce modèle a été les joyaux de la couronne en France, notre fierté, et il est aujourd'hui concurrencé pour partie par des EnR électriques qui deviennent très performantes. Dans quelle mesure le modèle en lui-même résiste-t-il à ce changement ? Selon vous, dans quelle mesure les arguments posés par tous les réticents aux EnR sur les questions d'intermittence, d'absence de stockage et sur le fait que le foisonnement ne sera pas celui qu'on attend, sont-ils viables ou sont-ils le résultat d'un modèle qui peine à se défaire de ce qu'il a connu et de ses compétences ? Ayant vécu des expériences similaires, qu'en pensez-vous ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Je pense qu'il y a toujours une prégnance importante des modes de pensée et des historiques d'une part. D'autre part, la base installée dans un pays (le nucléaire en France, le charbon aux États-Unis) n'est pas quelque chose que l'on peut et que l'on doit rayer d'un trait de plume car ce sont des actifs, des personnes et des compétences, et les transitions ne sont pas nécessairement progressives. Il ne s'agit pas de prêcher vers du tout renouvelable car le nucléaire continuera à être une partie importante du mix énergétique français dans les années qui viennent du fait de notre historique et du fait qu'il demeure une source d'énergie à peu près compétitive et qui n'émet pas de carbone. Entre cela et le statu quo total, il y a différentes gradations. Ce n'est pas à moi de trancher mais aux pouvoirs publics et aux opérateurs. GE est un groupe actif dans le nucléaire et dans l'éolien.

En tout cas, concernant la prise de décision publique, quand je rentre en France de temps en temps après avoir voyagé partout dans le monde, en ouvrant la presse, je lis des choses qui ne sont pas correctes et qui ne peuvent pas être des facteurs de décision. Dire que l'éolien est trop cher est faux. L'éolien aujourd'hui, surtout si nous avions les bons dispositifs réglementaires et la capacité à faire des projets rapidement, n'est pas trop cher. Dans des conditions opératoires normales, il n'existe aucun pays du monde où l'éolien est plus cher que le fossile.

Ce n'est pas mon rôle de vous dire quelle doit être la part du nucléaire dans le mix. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui en France, le solaire et l'éolien doivent représenter 5 % chacun et les énergies renouvelables intermittentes 10 %. On pourrait gérer en France des pourcentages beaucoup plus importants d'énergies renouvelables dans le réseau (15, 20, 25 ou 30 %). Ce qui est vrai en dehors des frontières est vrai dans les frontières. La permanence des modes de pensée doit être confrontée à la réalité globale des marchés des technologies.

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Si je résume, l'éolien n'est pas trop cher et on peut faire techniquement du solaire sur le réseau, donc les freins sont ceux que nous nous fixons nous-mêmes.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Des freins que nous nous fixons nous-mêmes en termes de réglementation, de capacité et de contraintes sur la façon de mener les projets, pour des bonnes ou des mauvaises raisons. On impose des contraintes aux projets sur les tailles de turbines et les délais, qui se traduisent par des surcoûts. Une deuxième contrainte est la permanence et l'importance de la base installée, qui ne peut se rayer d'un trait de plume. Les transitions énergétiques doivent se gérer dans la durée.

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Cela correspond aussi à ce que vous disiez sur les coûts dans des conditions opératoires normales. Aujourd'hui, le surcoût de ces EnR vient aussi pour partie des freins administratifs, de la lenteur des projets, etc. Quelque part, les compensations que doit amener l'État en termes de subventions aux EnR pourraient s'annuler si on mettait des conditions normales d'exploitation comme vous le disiez.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Dans la plupart des pays du monde, si on fait des projets dans des délais raisonnables avec les techniques d'aujourd'hui, on n'a pas besoin de subventions. Le vent en France n'est pas très différent de ce qu'il est en Allemagne. Dans l'éolien offshore en mer du Nord, en Hollande et en Allemagne, les projets ont été remportés par des opérateurs sans subvention, au prix du marché. Le vent est un tout petit peu meilleur en mer du Nord. Si on n'y arrive pas en France aujourd'hui, on devrait pouvoir y arriver demain. Attendons que la CRE ou le Ministère publie le tarif de l'appel d'offres de Dunkerque sur l'éolien offshore pour voir la comparaison avec le prix du marché.

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Voulez-vous dire que les 9 milliards d'euros que nous avons consommés depuis dix ans pour aider l'éolien terrestre correspondent aux coûts administratifs ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Je ne dis pas cela. Il y a dix ans, l'énergie éolienne n'était pas compétitive. Tous les pays il y a dix ans ont lancé de l'éolien avec des subventions pour essayer d'arriver à ce qu'on a aujourd'hui, soit une situation où nous, industriels, avons des économies d'échelle et avons pu développer des technologies qui sont maintenant compétitives. Il y a dix ans, les subventions étaient nécessaires et il en existait partout dans le monde. Si on avait dit à quelqu'un alors : « Tu vas rester dans un projet. Voilà le tarif pour 15 ans », la pire chose à faire maintenant est de lui dire : « Tant pis, on retire le tarif. » La première chose dont l'éolien et le solaire ont besoin est un environnement réglementaire stable. Si tous les projets lancés il y a huit ans avec des subventions ont encore deux ou trois ans à courir avec ces subventions, il ne faut bien sûr pas revoir la règle du jeu après que le jeu ait été joué, car sinon, cela crée une instabilité réglementaire toxique pour les projets car personne ne financera un projet en France.

En revanche, les mêmes projets lancés maintenant avec les technologies d'aujourd'hui et un calendrier de développement normal n'ont pas nécessairement besoin de subventions publiques. Je ne pense pas que l'argent investi il y a dix ans a été mal investi car il a permis aux industriels d'obtenir des effets d'échelle et à l'énergie éolienne d'avoir été compétitive. La réalité est que la plupart des pays du monde aujourd'hui vont progressivement retirer ces subventions pour passer à un dispositif de mise aux enchères, ce qui remet un coup de compétitivité dans le système et permet à l'éolien de ne pas en avoir besoin. Je ne sais pas si je me suis fait bien comprendre. Il y a dix ans, cela avait du sens.

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Vous êtes le seul à nous avoir tenu ce discours. Tous les producteurs dans le domaine éolien nous ont plutôt dit que si on enlevait aujourd'hui les roulettes du tricycle, tout risquerait de s'effondrer.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Il faut laisser les roulettes sur le tricycle qui est parti et a fait les deux tiers du chemin car celui qui le conduit n'a jamais appris à faire du vélo. Aujourd'hui, dans beaucoup de pays du monde, le tricycle n'a plus besoin roulettes. Si la piste est la même, il n'y a pas de raison qu'il ne sache pas rouler. Cette piste comprend les conditions de vent (qui ne sont pas mauvaises en France) et le contexte opératoire des projets.

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Depuis deux ou trois ans, on ne peut pas dire que la politique du Gouvernement ait visé à complexifier cela, que ce soit au niveau de la juridiction, de l'enveloppe ou du raccordement pris sur le TURPE dans le cadre de l'éolien en mer. Les industries ont rarement été autant accompagnées.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Certaines initiatives de simplification administrative ont été extrêmement méritoires. Il faut voir si on peut aller plus loin. Reste la contrainte du coût de l'énergie compétitif avec l'Allemagne. Il faut pouvoir mettre des rotors et des turbines pour nous permettre d'installer des mats plus hauts car le vent est plus élevé en altitude, ainsi que des rotors plus grands. Ces éléments figurent sur le tableau que je vous ai donné : 96 m de diamètre pour le rotor en France contre 107 m en Allemagne et 87 m de hauteur de la nacelle contre 120 m. 40 m de différence en bout de pale, cela se remarque.

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Nous avons des critères d'acceptabilité sociale très faibles sur le terrestre, moyennement élevés sur le posé et beaucoup plus inexistants sur le flottant. Si on autorisait des éoliennes très grandes avec des pales énormes sur le modèle allemand mais à une distance respectable des côtes, des lignes de base, de manière à éviter le problème de l'acceptabilité, serait-ce à votre avis une opération gagnante en sachant que plus on est loin des côtes, plus il y a de vent ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Si je fais une éolienne de 12 MW, elle sera la même en France et en Allemagne. Si je sais la vendre en Allemagne à des projets sans subventions, dans un site en France qui a les mêmes vents ou une petite différence de vent, je pourrai la vendre aussi. La même technologie avec les mêmes conditions de vent devrait donner un coût de l'électricité à peu près comparable. Du vent, c'est du vent. En France, nous partons avec un boulet au pied qui est le fait que les exigences en termes de hauteur de mât et de dimensions de rotor sont plus contraignantes et on court moins vite car faire des projets prend plus de temps et s'avère plus aléatoire. Si les règles du jeu, les technologies et les vents étaient les mêmes, on arriverait au même coût d'électricité.

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J'ai l'impression que l'écart de tarif des installations dépend principalement de l'instabilité que se crée l'État lui-même vis-à-vis des filières dans la mesure où les filières ne savent pas sur quel cadre budgétaire elles peuvent compter, quelle durée de sortie des projets…

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Si le rotor est plus petit, on capture moins de vent et si la tour est moins haute, on va moins chercher les vents en altitude, là où ils soufflent le plus. C'est une règle physique de base. Si le rotor est plus gros, on produit beaucoup plus d'électricité. Si on monte plus haut, on capture des vents plus forts et plus solides. C'est la combinaison de ce que vous dites et de contraintes de permis.

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On ne voit pas dans d'autres pays les freins intellectuels qu'on peut avoir en France. Les gens n'ont pas la même réticence à l'installation des EnR et notamment des éoliennes de plus grande taille. À votre avis, cela peut-il également venir du fait qu'en France, on a misé très longtemps sur le nucléaire et que les contraintes intellectuelles du nucléaire sont acceptées tandis que les contraintes intellectuelles des EnR sont nouvelles et amènent donc à se poser des freins qui n'existent peut-être pas ailleurs, où le modèle nucléaire n'est pas aussi installé et où la stabilité et la sécurité du réseau de la production nucléaire ne sont pas aussi importantes ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Il est difficile de répondre à votre question. L'opposition publique à l'éolien en France est beaucoup plus virulente que dans d'autres pays d'Europe et du monde, ce que je n'aurais pas dit il y a cinq ou six ans. J'ai l'impression que l'acceptabilité a progressé dans beaucoup de pays comme les États-Unis ou le Brésil, qui comptent beaucoup de terrain. Elle n'a pas vraiment progressé en France, où les réactions sont largement plus virulentes avec une combinaison d'interrogations légitimes et d'autres choses qu'on n'entend plus depuis dix ans dans de nombreux pays du monde. Il y a une conjonction de différents débats, l'historique et l'acceptabilité du nucléaire, des débats liés à la préservation des territoires et des paysages… je ne dis pas que tel ou tel débat est illégitime mais il y a une coalition de sujets en France qui fait qu'aujourd'hui, c'est vraiment très différent de beaucoup d'autres pays. Il y a deux réponses à cette question :

- prendre les parcs existants et remplacer les petites éoliennes par des éoliennes d'aujourd'hui. Le paradoxe de l'éolien partout dans le monde est que les sites les plus venteux ou qui ont été installés les premiers sont ceux qui sont équipés des plus petites turbines. Ceci relève du domaine du régulateur mais on pourrait déjà mettre en place un dispositif qui favoriserait le remplacement de petites turbines par de très grosses turbines sur les sites les plus ventés.

- mettre le paquet sur l'offshore plus que ne le fait la PPE. En Angleterre, ayant constaté que mettre plus d'éoliennes terrestres devenait difficile sauf en Écosse ou dans les îles Shetland, ils ont mis le paquet sur l'éolien en mer.

À un moment donné, il faut faire des choix. On peut décider de mettre le paquet sur le terrestre, ou tripler l'éolien en mer et se lancer sur le flottant. On fera alors moins de terrestre, mais aujourd'hui, c'est un peu ni l'un ni l'autre.

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Je suis toujours très surpris lorsqu'on aborde la question du coût car on donne un coût de revient brut alors qu'en réalité, quand on parle d'autres énergies comme le nucléaire, on a un coût de production mais il ne faut pas oublier de prendre en compte les déchets, le grand carénage, le démantèlement… le coût de production n'est pas un coût intégral. Certains éléments sont provisionnés mais peut-être que certains sujets pourraient être revus.

Dans le domaine des EnR, un point qui n'est jamais mis en avant est la contrepartie stockage, c'est-à-dire que comme vous avez un côté intermittent, vous êtes obligés de restructurer votre réseau ou de trouver des pôles de stockage de manière à permettre que cette électricité soit utile, étant donné qu'il y a aussi le risque de produire de l'électricité au moment où personne n'en a besoin, ce qui n'est pas très utile. Lorsque l'État fait un choix économique, ne devrait-il pas plutôt comparer ces différentes énergies à coût complet, en prenant pour le nucléaire tout ce qui va avec, et pour les éoliennes, le coût pour la balance commerciale par exemple, étant donné que ce n'est pas produit en France, et de manière générale le coût de restructuration car un réseau avec 75 % de nucléaire est complètement différent d'un réseau avec 50 % de nucléaire et 30 % d'EnR ? Quel est votre avis à ce sujet ?

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Quand nous faisons des projets d'énergie renouvelable, nos clients provisionnent aussi le démantèlement des parcs. L'analyse du cycle de vie complète est étudiée. Sur l'aspect intermittence, objectivement, le problème peut se poser et cette question concerne davantage les personnes de RTE. Personnellement, je ne crois pas que le problème se pose à 5 % de solaire et 5 % d'éolien. À de tels niveaux, l'intermittence est assez gérable. Lorsqu'on aura atteint 20 à 30 %, la contrainte sera différente et il faudrait se servir de la base hydroélectrique dont nous disposons.

Pour rebondir sur le point que vous avez fait sur le renouvellement des concessions, avec la reconversion des centrales hydroélectriques existantes en stations de pompage-turbinage, je pense qu'en étalant l'intermittence à l'échelle européenne et en investissant dans les interconnexions entre pays, nous pourrons mieux traiter ces sujets. Il faudra effectivement mettre du stockage dans le système à un moment donné. Le stockage aujourd'hui coûte cher. Un projet éolien plus du stockage commence à pointer à l'horizon mais en France, nous sommes loin d'être arrivés à ce stade.

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M. Jancovici est venu ici et nous a montré des courbes qui exposent qu'en fait, lorsqu'il y a du vent en Allemagne, il y en a en France. Il y a une corrélation et pas du tout d'effet de foisonnement. Il nous l'a démontré entre la France et l'Allemagne et entre la France et l'Espagne : on produit en même temps. Si j'achète une électricité éolienne à un certain prix mais qu'elle est produite à un moment T où de toute façon je ne peux pas l'absorber par la demande et qu'en Allemagne ils ont exactement le même problème, ce qui fait que je tombe par exemple sur un cas extrême qui est un prix négatif, je paie les Italiens pour qu'ils achètent mon électricité éolienne au moment où je n'en ai pas besoin. En réalité, le prix de mon électricité éolienne n'est pas de 65 €/MW mais de 65 €/MW plus par exemple ce que j'ai payé aux Italiens pour qu'ils le consomment. C'est la différence avec d'autres électricités qui n'ont pas ce type de problème. C'est en cela que je me demande dans quelle mesure ce n'est pas biaisé. Je comprends que certaines industries mettent en avant ce coût en disant que le coût baisse mais le coût collectif ou global est peut-être plus compliqué.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Je ne dispose pas de ces éléments mais je ne suis pas sûr que ce coût aujourd'hui sur une année, à l'échelle du marché français à 5 % de solaire et 4 % d'éolien, soit significatif.

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C'est parce que nous sommes sur des petits montants mais dans le cadre d'une PPE qui envisagerait de multiplier par 2, 3 ou 5 en fonction des types d'énergie, on risque d'arriver à 15 %.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

À 15 %, pour procéder de la façon la plus économique possible, il faut utiliser une base hydroélectrique installée pour faire du pompage-turbinage, dont le coût est minimal. Je connais beaucoup de pays qui sont des réseaux fermés. L'exemple parfait est l'Israël, un pays dont le réseau électrique ne communique pas avec les pays voisins, qui développe beaucoup de solaire et commence à développer de l'éolien et a donc besoin de stocker l'énergie intermittente. L'Israël crée des nouvelles stations hydroélectriques de pompage-turbinage. La première est terminée, la deuxième en cours d'installation et une troisième est prévue. La France dispose d'un potentiel hydroélectrique qui peut être utilisé à cette fin.

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On modifie le mode de fonctionnement de nos barrages actuels. Si je prends mes barrages hydroélectriques aujourd'hui alors que j'ai du nucléaire, leur optimisation économique ne sera pas exactement la même que si demain on leur demande à un instant T de stocker une électricité surnuméraire.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Nous aurons des investissements à faire dans la base hydroélectrique.

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C'est pour cela que j'en reviens à ma question première : ce n'est pas la même chose de dire à un opérateur privé qui fait son choix économique qu'on lui concède un barrage hydroélectrique qu'il devra gérer de manière optimale pour produire de l'électricité que de lui dire ensuite : « Vous comprenez, on a des petits problèmes de pics, donc vous seriez bien gentil de faire tel investissement ou de stocker à l'instant T ».

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Il faut qu'il fasse l'investissement et qu'il soit rémunéré pour ce faire et que donc, en quelque sorte, le stockage dans le réseau soit rémunéré.

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Par conséquent, si son calcul économique change, il serait en droit de revenir vers l'État en disant : « Écoutez, j'ai accepté de prendre cette concession pour produire de l'électricité mais si demain vous me demandez de moduler mon barrage pour m'adapter à votre intermittence, cela revient plus cher ».

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Est-ce RTE ou la CRE qui a rendu un rapport récent sur le sujet pour savoir quels étaient les coûts dans le système ?

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Je pense que c'est plutôt la CRE.

Monsieur le président-directeur général et Monsieur le directeur des relations publiques, je vous remercie beaucoup de votre venue.

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Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable Energy

Je vous remercie.

La séance est levée à 20 heures.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 18 h 50

Présents. - M. Julien Aubert, M. François-Michel Lambert, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Véronique Louwagie