Intervention de Jacques Regad

Réunion du mardi 11 juin 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Jacques Regad, directeur régional adjoint à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine :

Je commencerai ce propos liminaire par une présentation rapide des principales caractéristiques actuelles de la région, en matière de production d'énergies renouvelables.

La Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe les anciennes régions Limousin, Poitou-Charentes et Aquitaine, est historiquement marquée par une consommation et une utilisation importantes du bois énergie, qui est, de fait, la première source d'énergie renouvelable de la région, employée pour la production de chauffage individuel aussi bien que pour les chaufferies industrielles et collectives. La seconde source d'EnR est l'hydroélectricité, qui constitue une ressource historique des départements de la Corrèze et des Pyrénées-Atlantiques.

À ce mix énergétique historique s'ajoutent de nouvelles sources d'énergie, comme l'énergie éolienne, installée dans l'ex-région Poitou-Charentes – soit au nord de la région Nouvelle-Aquitaine –, ou le photovoltaïque, plus particulièrement présent sur le territoire de l'ancienne Aquitaine. Plus marginalement enfin, on trouve d'autres sources d'énergies renouvelables, notamment la méthanisation, la géothermie et le solaire thermique.

La Nouvelle-Aquitaine s'inscrit dans une dynamique plutôt positive en matière de développement des EnR, et le SRADDET reprend pour la région l'objectif national inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 32 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale en 2030. Si le SRADDET est en cours d'élaboration et n'a pas été définitivement validé, l'objectif néanmoins paraît réaliste et compatible avec la trajectoire nationale.

Pour atteindre cet objectif, il faut certes augmenter significativement la part des EnR dans le mix énergétique, mais cela nécessite également de s'inscrire dans une logique d'efficacité énergétique en baissant la consommation.

Vous avez souligné, monsieur le président, que la répartition territoriale du mix énergétique était déséquilibrée. C'est un fait mais, la Nouvelle-Aquitaine étant une région particulièrement vaste, il s'agit moins de parvenir à une répartition homogène des sources d'énergie renouvelables sur le territoire que de tenir compte des caractéristiques et des gisements locaux pour développer ici ou là telle ou telle source d'énergie renouvelable. Le SRADDET d'ailleurs n'assigne aucune territorialisation aux objectifs quantifiés d'EnR.

Il n'en reste pas moins nécessaire que les services de l'État, lequel valide et approuve les différents projets, s'inscrivent dans une logique régionale pour fixer des lignes directrices en matière de gouvernance des quatre filières principales sur lesquelles repose notre stratégie, à savoir le bois énergie, la méthanisation, le photovoltaïque et l'éolien. Sur le terrain, des pôles départementaux organiseront la discussion avec les élus et les acteurs locaux autour des différents gisements, pour préciser, au niveau départemental, les modalités de développement de ces filières.

En ce qui concerne le bois énergie, une augmentation d'environ 10 % de la production d'énergie est envisagée à l'horizon 2023, compte tenu de notre fort potentiel en matière de boisement. Non seulement cet objectif peut être atteint sans forcément remettre en cause l'équilibre d'une gestion durable des forêts, mais il peut s'appuyer sur un potentiel à peu près bien réparti sur l'ensemble du territoire régional.

La méthanisation est également une source d'EnR importante dans une région à dominante agricole. La dynamique est forte, puisqu'une cinquantaine de projets sont actuellement en cours d'instruction. C'est donc une solution d'avenir, qui nécessite toutefois que l'on soit attentifs à une répartition équitable de la ressource entre les grosses unités industrielles et la méthanisation « à la ferme », de manière à permettre aux agriculteurs de développer cette activité sur leurs exploitations.

En ce qui concerne le photovoltaïque, la Nouvelle-Aquitaine est la première région de France en termes de puissance installée. Une récente étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) confirme qu'il existe un réel potentiel, si l'on exploite les terrains délaissés ou artificialisés comme les parkings ou les bords de voie de chemin de fer. Cela permettrait un développement du photovoltaïque qui ne fasse pas concurrence à l'usage agricole, forestier ou naturel des terrains. Je tiens toutefois à signaler à votre commission que la baisse régulière du coût de production du photovoltaïque conduit les opérateurs à proposer plus en plus de projets en plein champ, c'est-à-dire en zone non artificialisée, ce qui rend nécessaire selon nous une régulation ou, à tout le moins, une forme de vigilance qui empêche que le développement de ces projets ne menace l'usage agricole des sols.

J'en viens enfin à l'éolien, dont le développement est en effet assez déséquilibré puisque essentiellement installé dans le nord de la région, une série d'interdictions ayant trait à la défense nationale ou à la présence de radars météo empêchant les implantations dans le sud, sachant en outre que le potentiel en termes de vent est au sud inférieur à celui de Poitou-Charentes.

La problématique essentielle en matière d'énergie éolienne concerne les phénomènes de saturation touchant certains territoires, en particulier dans l'ancienne région Poitou-Charentes, sachant que nous disposons en puissance autorisée mais non encore installée de l'équivalent des gigawatts actuellement installés, et que les projets en cours d'étude par les services de l'État représentent une puissance d'environ 1 700 mégawatts, ce qui donne une idée des tensions qui traversent le nord de la région.

Au-delà donc des récents moratoires dont certains projets ont pu faire l'objet, notamment en Charente-Maritime, l'objectif de l'État est d'essayer de trouver des marges de manœuvre avec les collectivités territoriales et les acteurs locaux pour faire émerger des projets respectueux de l'environnement et des paysages, et acceptables socialement.

Dans ce cadre, il reste des possibilités d'installation sur certains territoires, à condition de travailler très en amont avec les collectivités et l'ensemble des parties prenantes pour faire accepter les projets. La planification territoriale est un élément stratégique dont les collectivités se sont emparées à travers le SRADDET, qui a une vocation régionale. Nous mettons également beaucoup d'espoir dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), qui couvriront à terme 90 % de la population en Nouvelle-Aquitaine et qui ont vocation à fixer des orientations techniques, stratégiques et politiques. Au-delà des questions ayant trait aux économies d'énergie, le PCAET doit comporter un volet sur la place des énergies renouvelables à l'échelle des intercommunalités, ce qui inclut leurs conditions d'acceptation par les populations. Il ouvrira ainsi une voie de progrès importante en matière de planification locale.

L'État se positionne également en tant qu'accompagnateur des collectivités de Nouvelle-Aquitaine, en mettant notamment à leur disposition des études sur les potentiels énergétiques – en particulier le potentiel solaire – ou sur les contraintes environnementales. Il s'agit de guider, le plus en amont possible, à la fois les opérateurs et les collectivités sur l'implantation des projets et, comme je le disais, d'organiser la discussion sur l'acceptation des projets et leur compatibilité avec les objectifs politiques des territoires.

L'accompagnement par l'État des porteurs de projets en amont nous semble extrêmement importante. À cet égard, la gouvernance mise en place au travers des pôles départementaux permet les discussions, la réorientation, voire l'annulation de projets qui auraient été mal engagés. Ce cadrage anticipé des enjeux réglementaires et environnementaux – en particulier, l'application de la séquence « éviter, réduire, compenser les impacts sur l'environnement » – ainsi que la recherche du consensus en matière d'acceptabilité sont, à nos yeux, un préalable nécessaire à tout projet.

Plus généralement, les possibilités offertes par la réforme de 2016 sur la démocratisation du dialogue environnemental pourraient être mieux utilisées, notamment la formalisation de la phase de concertation préalable, avancée essentielle qui permet de vérifier sur le territoire que les conditions de mise en place des projets sont réunies.

Vous avez évoqué le projet du Blayais, porté par EDF Renouvelables. Il se trouve que le porteur de projet a pris l'initiative d'organiser une concertation préalable avec un garant de la Commission nationale du débat public, concertation qui doit permettre de recueillir les différents avis. Il devra nécessairement être tenu compte de ces avis et des conclusions auxquelles aboutit la consultation, y compris si cela implique de renoncer au projet. Je ne me prononce pas pour ma part sur le fond du projet, mais y vois un exemple de concertation très en amont des projets.

J'en terminerai en signalant que, si j'ai beaucoup insisté sur nos quatre filières les plus dynamiques, la région peut également compter sur le développement d'autres filières, comme la géothermie, filière plus marginale mais qui offre, elle aussi, un potentiel de développement intéressant.

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