La séance est ouverte à dix-sept heures dix.
Nous entamons nos auditions d'aujourd'hui, qui ont pour thème la dimension énergétique de l'aménagement du territoire et l'articulation, d'une part entre le niveau national et le niveau local, et, d'autre part, entre le niveau régional et le niveau local.
Nous accueillons dans un premier temps M. Jacques Regad, directeur régional adjoint pour la transition écologique et énergétique et la nouvelle économie à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine.
La région Nouvelle-Aquitaine est en superficie la plus vaste de nos régions ; elle présente une grande diversité géographique, démographique ou économique. Si, pour ses deux tiers, la population vit dans une aire urbaine, plus de la moitié des habitants réside dans des communes de faible ou très faible densité. Comme pour l'ensemble de la France métropolitaine, 75 % de la consommation finale d'énergie de la région est liée aux transports et au bâtiment, les produits pétroliers représentant 42 % de cette consommation. La précarité énergétique se situe également au niveau de la moyenne nationale, concernant près de 15 % des ménages.
Selon les données de 2015, reprises par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), la production d'énergies renouvelables (EnR) représente 20 % de la consommation finale régionale. La biomasse est la première source d'énergie renouvelable produite : 78 %, dont 61 % pour la production de chaleur à partir du bois. Quant à l'électricité, outre deux centrales nucléaires sur son territoire, Blayais et Civaux, la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables conduit à distinguer trois territoires : celui de l'hydroélectricité – 9 % de la production régionale d'énergies renouvelables – lié aux conditions naturelles favorables dont bénéficient la Haute-Vienne, la Corrèze, la Dordogne et les Pyrénées-Atlantiques ; celui du photovoltaïque – 5 % de la production –, dont la région est la première productrice, dans les Landes et en Gironde ; celui enfin de l'éolien – 3 % de la production régionale d'EnR – en Charente-Maritime et en Charente, dans les Deux-Sèvres et dans la Vienne.
Le projet de SRADDET fait état de la bonne acceptabilité locale du photovoltaïque, soulignant néanmoins le fort enjeu de compétition foncière lié à son développement, compte tenu de la préférence des opérateurs pour les centrales au sol ; d'où une orientation privilégiant le développement sur les terrains artificialisés.
En second lieu, le SRADDET pointe la répartition inégale de l'éolien sur le territoire régional, en opposant les 805 mégawatts installés sur le territoire de l'ancienne région Poitou-Charentes à l'absence d'installations dans l'ancienne Aquitaine. Il y est donc suggéré de privilégier l'installation dans le sud de la région, le remplacement ou le renforcement des parcs en fin de vie étant toutefois recommandé, à partir de 2025.
Comment les objectifs d'intérêt national en matière d'EnR se déclinent-ils régionalement, compte tenu du potentiel économiquement exploitable des ressources locales en ce domaine ? Comment s'articule le passage des schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) au SRADDET, et quelles conséquences emporte-t-il ? Quels sont les critères d'approbation par les représentants de l'État d'un SRADDET comme celui de Nouvelle Aquitaine ? Comment la différenciation territoriale est-elle prise en compte, notamment en ce qui concerne les risques d'atteinte au paysage, la pression sur l'utilisation des sols ? N'y a-t-il pas un risque de fracture supplémentaire entre les métropoles, qui portent un discours valorisant, voire moralisant, sur les EnR, et les territoires dans lesquels les énergies renouvelables sont appréhendées dans tous leurs aspects y compris leurs inconvénients ? Comment les collectivités du territoire sont-elles associées à la définition et à la mise en œuvre d'une telle stratégie ? À cet égard, le projet d'installation de plusieurs dizaines d'éoliennes dans les marais de l'estuaire de la Gironde ne manquera pas d'intéresser les membres de notre commission. Par quelle logique un espace régional sur lequel sont implantées deux centrales nucléaires, qui est le champion de l'énergie solaire, dont la biomasse est la première ressource d'EnR et dont la décarbonisation des transports et du bâtiment devrait raisonnablement être la priorité, au regard de la nécessité d'agir contre le changement climatique, en arrive-t-elle à estimer prioritaire l'installation d'éoliennes dans un écosystème que certains jugent fragile et dont la préservation est de toute évidence un impératif écologique ?
Avant de vous céder la parole pour répondre à toutes ces questions, je vais, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité : veuillez, s'il vous plaît, monsieur Regad, lever la main droite et dire « Je le jure. »
(M. Jacques Regad prête serment.)
Je commencerai ce propos liminaire par une présentation rapide des principales caractéristiques actuelles de la région, en matière de production d'énergies renouvelables.
La Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe les anciennes régions Limousin, Poitou-Charentes et Aquitaine, est historiquement marquée par une consommation et une utilisation importantes du bois énergie, qui est, de fait, la première source d'énergie renouvelable de la région, employée pour la production de chauffage individuel aussi bien que pour les chaufferies industrielles et collectives. La seconde source d'EnR est l'hydroélectricité, qui constitue une ressource historique des départements de la Corrèze et des Pyrénées-Atlantiques.
À ce mix énergétique historique s'ajoutent de nouvelles sources d'énergie, comme l'énergie éolienne, installée dans l'ex-région Poitou-Charentes – soit au nord de la région Nouvelle-Aquitaine –, ou le photovoltaïque, plus particulièrement présent sur le territoire de l'ancienne Aquitaine. Plus marginalement enfin, on trouve d'autres sources d'énergies renouvelables, notamment la méthanisation, la géothermie et le solaire thermique.
La Nouvelle-Aquitaine s'inscrit dans une dynamique plutôt positive en matière de développement des EnR, et le SRADDET reprend pour la région l'objectif national inscrit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 32 % d'énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale en 2030. Si le SRADDET est en cours d'élaboration et n'a pas été définitivement validé, l'objectif néanmoins paraît réaliste et compatible avec la trajectoire nationale.
Pour atteindre cet objectif, il faut certes augmenter significativement la part des EnR dans le mix énergétique, mais cela nécessite également de s'inscrire dans une logique d'efficacité énergétique en baissant la consommation.
Vous avez souligné, monsieur le président, que la répartition territoriale du mix énergétique était déséquilibrée. C'est un fait mais, la Nouvelle-Aquitaine étant une région particulièrement vaste, il s'agit moins de parvenir à une répartition homogène des sources d'énergie renouvelables sur le territoire que de tenir compte des caractéristiques et des gisements locaux pour développer ici ou là telle ou telle source d'énergie renouvelable. Le SRADDET d'ailleurs n'assigne aucune territorialisation aux objectifs quantifiés d'EnR.
Il n'en reste pas moins nécessaire que les services de l'État, lequel valide et approuve les différents projets, s'inscrivent dans une logique régionale pour fixer des lignes directrices en matière de gouvernance des quatre filières principales sur lesquelles repose notre stratégie, à savoir le bois énergie, la méthanisation, le photovoltaïque et l'éolien. Sur le terrain, des pôles départementaux organiseront la discussion avec les élus et les acteurs locaux autour des différents gisements, pour préciser, au niveau départemental, les modalités de développement de ces filières.
En ce qui concerne le bois énergie, une augmentation d'environ 10 % de la production d'énergie est envisagée à l'horizon 2023, compte tenu de notre fort potentiel en matière de boisement. Non seulement cet objectif peut être atteint sans forcément remettre en cause l'équilibre d'une gestion durable des forêts, mais il peut s'appuyer sur un potentiel à peu près bien réparti sur l'ensemble du territoire régional.
La méthanisation est également une source d'EnR importante dans une région à dominante agricole. La dynamique est forte, puisqu'une cinquantaine de projets sont actuellement en cours d'instruction. C'est donc une solution d'avenir, qui nécessite toutefois que l'on soit attentifs à une répartition équitable de la ressource entre les grosses unités industrielles et la méthanisation « à la ferme », de manière à permettre aux agriculteurs de développer cette activité sur leurs exploitations.
En ce qui concerne le photovoltaïque, la Nouvelle-Aquitaine est la première région de France en termes de puissance installée. Une récente étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) confirme qu'il existe un réel potentiel, si l'on exploite les terrains délaissés ou artificialisés comme les parkings ou les bords de voie de chemin de fer. Cela permettrait un développement du photovoltaïque qui ne fasse pas concurrence à l'usage agricole, forestier ou naturel des terrains. Je tiens toutefois à signaler à votre commission que la baisse régulière du coût de production du photovoltaïque conduit les opérateurs à proposer plus en plus de projets en plein champ, c'est-à-dire en zone non artificialisée, ce qui rend nécessaire selon nous une régulation ou, à tout le moins, une forme de vigilance qui empêche que le développement de ces projets ne menace l'usage agricole des sols.
J'en viens enfin à l'éolien, dont le développement est en effet assez déséquilibré puisque essentiellement installé dans le nord de la région, une série d'interdictions ayant trait à la défense nationale ou à la présence de radars météo empêchant les implantations dans le sud, sachant en outre que le potentiel en termes de vent est au sud inférieur à celui de Poitou-Charentes.
La problématique essentielle en matière d'énergie éolienne concerne les phénomènes de saturation touchant certains territoires, en particulier dans l'ancienne région Poitou-Charentes, sachant que nous disposons en puissance autorisée mais non encore installée de l'équivalent des gigawatts actuellement installés, et que les projets en cours d'étude par les services de l'État représentent une puissance d'environ 1 700 mégawatts, ce qui donne une idée des tensions qui traversent le nord de la région.
Au-delà donc des récents moratoires dont certains projets ont pu faire l'objet, notamment en Charente-Maritime, l'objectif de l'État est d'essayer de trouver des marges de manœuvre avec les collectivités territoriales et les acteurs locaux pour faire émerger des projets respectueux de l'environnement et des paysages, et acceptables socialement.
Dans ce cadre, il reste des possibilités d'installation sur certains territoires, à condition de travailler très en amont avec les collectivités et l'ensemble des parties prenantes pour faire accepter les projets. La planification territoriale est un élément stratégique dont les collectivités se sont emparées à travers le SRADDET, qui a une vocation régionale. Nous mettons également beaucoup d'espoir dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), qui couvriront à terme 90 % de la population en Nouvelle-Aquitaine et qui ont vocation à fixer des orientations techniques, stratégiques et politiques. Au-delà des questions ayant trait aux économies d'énergie, le PCAET doit comporter un volet sur la place des énergies renouvelables à l'échelle des intercommunalités, ce qui inclut leurs conditions d'acceptation par les populations. Il ouvrira ainsi une voie de progrès importante en matière de planification locale.
L'État se positionne également en tant qu'accompagnateur des collectivités de Nouvelle-Aquitaine, en mettant notamment à leur disposition des études sur les potentiels énergétiques – en particulier le potentiel solaire – ou sur les contraintes environnementales. Il s'agit de guider, le plus en amont possible, à la fois les opérateurs et les collectivités sur l'implantation des projets et, comme je le disais, d'organiser la discussion sur l'acceptation des projets et leur compatibilité avec les objectifs politiques des territoires.
L'accompagnement par l'État des porteurs de projets en amont nous semble extrêmement importante. À cet égard, la gouvernance mise en place au travers des pôles départementaux permet les discussions, la réorientation, voire l'annulation de projets qui auraient été mal engagés. Ce cadrage anticipé des enjeux réglementaires et environnementaux – en particulier, l'application de la séquence « éviter, réduire, compenser les impacts sur l'environnement » – ainsi que la recherche du consensus en matière d'acceptabilité sont, à nos yeux, un préalable nécessaire à tout projet.
Plus généralement, les possibilités offertes par la réforme de 2016 sur la démocratisation du dialogue environnemental pourraient être mieux utilisées, notamment la formalisation de la phase de concertation préalable, avancée essentielle qui permet de vérifier sur le territoire que les conditions de mise en place des projets sont réunies.
Vous avez évoqué le projet du Blayais, porté par EDF Renouvelables. Il se trouve que le porteur de projet a pris l'initiative d'organiser une concertation préalable avec un garant de la Commission nationale du débat public, concertation qui doit permettre de recueillir les différents avis. Il devra nécessairement être tenu compte de ces avis et des conclusions auxquelles aboutit la consultation, y compris si cela implique de renoncer au projet. Je ne me prononce pas pour ma part sur le fond du projet, mais y vois un exemple de concertation très en amont des projets.
J'en terminerai en signalant que, si j'ai beaucoup insisté sur nos quatre filières les plus dynamiques, la région peut également compter sur le développement d'autres filières, comme la géothermie, filière plus marginale mais qui offre, elle aussi, un potentiel de développement intéressant.
Vous avez mentionné les PCAET, qui constituent, selon vous, une voie de progrès importante pour améliorer l'acceptabilité des projets. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Y a-t-il déjà des PCAET en cours en Nouvelle-Aquitaine et, le cas échéant, qu'ont-ils apporté ?
Nous avons en Nouvelle-Aquitaine 90 PCAET, qui sont soit des PCAET obligatoires, imposés par le nombre d'habitants de l'intercommunalité, soit, pour quelques-uns d'entre eux, qui procèdent de démarches volontaires. Ces PCAET ont vocation à définir sur le territoire à la fois les sources d'économies d'énergie et les conditions d'implantation des projets.
À l'échelle des collectivités, la réflexion et l'élaboration se construisent à deux niveaux. Il y a donc d'abord les PCAET, qui sont plutôt des documents d'orientation stratégique et politique ayant d'abord vocation à fournir aux collectivités un diagnostic sur leur situation et leur potentiel en matière d'EnR, ainsi que sur leur consommation énergétique.
Ils constituent ensuite un cadre de discussion au sujet des projets existants ou en cours, en formalisant dans ce dispositif de programmation territoriale des échanges qui, jusqu'à présent, s'effectuaient dans des conditions plus informelles.
Le second étage de cet exercice de programmation est constitué par les plans locaux d'urbanisme (PLU), les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) et les schémas de cohérence territoriale (SCOT) qui, eux, définissent à l'échelle du zonage, les modalités d'implantation – ou, le cas échéant, de non-implantation – de tel ou tel projet.
Dans la mesure où les PCAET sont portés à la connaissance de l'État et doivent faire l'objet d'une approbation de sa part, ils sont également l'occasion pour les collectivités d'avoir un échange avec l'État sur la programmation et le potentiel des EnR.
Y a-t-il un moment où les PCAET sont additionnés pour vérifier qu'ils sont en adéquation avec le SRADDET, et que le SRADDET lui-même est conforme à la PPE ?
Nous n'en sommes qu'au début des PCAET, mais il faudra en effet les additionner et confronter ces programmations locales avec les objectifs régionaux. Le SRADDET est de la compétence exclusive de la région, mais il y aura pour l'État un réel intérêt à analyser la qualité et le contenu des PCAET pour vérifier que leurs trajectoires sont conformes à la PPE.
Existe-t-il des outils partagés ? En d'autres termes, y a-t-il une grille et des critères communs aux PCAET et au SRADDET, qui permette de concaténer les premiers, de manière à obtenir une conjugaison pertinente des deux dispositifs ? De la même manière, les SRADDET sont-ils élaborés selon des normes communes qui permettent les comparaisons entre régions et un partage d'informations lisible au niveau national ? Cela me paraît d'autant plus important que nous avons des objectifs définis au niveau national, qu'il revient aux différentes collectivités de mettre en œuvre, ce qui implique une forme de coordination.
Je n'ai malheureusement pas de vision d'ensemble des SRADDET et ne peux vous dire s'ils répondent aux mêmes normes. Je sais en revanche qu'ils obéissent à la même réglementation et répondent à un même objectif, selon une trame identique.
En ce qui concerne les PCAET, en Nouvelle-Aquitaine il n'existe pas de typologie normée. Cela étant, un travail d'analyse est actuellement en cours sur les premiers PCAET. Cela doit nous permettre d'évaluer la qualité des documents et de procéder à un retour d'expérience destiné à infléchir, le cas échéant, les PCAET en préparation, de manière à ce qu'ils reprennent les prérequis, notamment en matière de production d'EnR. C'est un travail qui en est à ses débuts, mais il n'existe pas de référentiel commun aux PCAET du territoire.
Vous avez indiqué qu'il y a 90 PCAET en Nouvelle-Aquitaine, la plupart ayant été engagés de manière obligatoire et quelques-uns de manière volontaire. Pouvez-vous nous donner le ratio précis ?
Je n'ai pas le chiffre exact mais je pourrai vous le communiquer. Les PCAET volontaires représentent environ 10 % du total.
À terme, ces quatre-vingt-dix PCAET correspondront-ils à 90 % de la population ou seront-ils largement supérieurs à ce pourcentage ?
Les 90 PCAET couvriront 90 % de la population régionale.
Vous avez mentionné la géothermie et le solaire thermique comme des sources non citées mais non négligeables. Font-elles l'objet de politiques spécifiques ?
Le solaire thermique ne fait l'objet d'aucune politique particulière de l'État, si ce n'est un encouragement par l'intermédiaire de l'ADEME sans que cette source soit considérée comme prioritaire.
La géothermie est considérée comme un réel enjeu en Nouvelle-Aquitaine, en particulier dans l'ancienne région Aquitaine où le potentiel existe. C'est un moyen de produire de l'énergie notamment pour les petites collectivités ou pour des installations collectives. Les pouvoirs publics sont attentifs à la qualité des professionnels. Nous devons informer sur la réglementation en matière de forage et veiller à ce que tous les professionnels respectent bien les normes afin d'éviter des problèmes qui ont pu apparaître : contamination des nappes phréatiques ou fracturations d'édifices générées par des installations géothermiques mal conçues. L'État doit vérifier que les professionnels respectent les conditions réglementaires et techniques afin que cette filière se développe de manière fiable. Quoi qu'il en soit, c'est une nouvelle filière possible pour la région Nouvelle-Aquitaine.
Pourriez-vous revenir sur la méthanisation et sur la nécessité d'être vigilant en ce qui concerne les ressources disponibles et la consommation à la ferme ?
Région d'agriculture et d'élevage, la Nouvelle-Aquitaine a un fort potentiel en biomasse. Les méthaniseurs installés à la ferme sont gérés par des groupements d'agriculteurs, ou par des agriculteurs et des collectivités à l'échelle d'un petit territoire. Ce système doit disposer d'un approvisionnement fiable et pérenne pour être viable et éviter que l'équilibre économique des installations ne soit remis en cause. Par le biais d'une cellule biomasse, qui réunit tous les services concernés de la région, nous nous assurons que ces projets ne seront pas en concurrence avec ceux d'industriels qui sont dotés de capacités beaucoup plus importantes. Nous voulons éviter que les petites ou moyennes installations, dont le modèle économique est déjà fragile, soient déstabilisées par de grosses structures qui viendraient capter l'ensemble des ressources disponibles sur le territoire.
La filière est dynamique ; elle se développe ; elle permet aux agriculteurs d'avoir un complément de revenus mais elle réclame une forte technicité de leur part. C'est un métier à part entière qui implique une professionnalisation. En outre, les pouvoirs publics doivent mettre en place une régulation sur l'accès à des ressources de qualité pour la méthanisation.
Vous avez en partie répondu à une question sur le bois que je voulais vous poser. Vous dites qu'il est possible de continuer à développer l'utilisation du bois en gérant durablement vos ressources locales et donc sans redouter des problèmes d'approvisionnement.
Le schéma régional de la biomasse, piloté par la région et l'État, sera finalisé d'ici à la fin de l'année 2019 et il viendra consolider les capacités de la Nouvelle-Aquitaine dans ce domaine.
Compte tenu de la ressource disponible et de l'accroissement régulier de la biomasse forestière, nous considérons, en effet, que le bois énergie est une source d'avenir non-concurrente des usages plus valorisants que sont le bois d'œuvre et le bois d'industrie qui sortent des forêts de Nouvelle-Aquitaine.
Cette ressource est plutôt bien répartie sur l'ensemble du territoire régional, avec des caractéristiques très différentes dans l'ex-Limousin et l'ex-Aquitaine où se trouve le massif landais. Cette ressource globalement importante provient des massifs forestiers mais aussi des sous-produits de scieries.
L'accroissement des capacités en matière de bois d'œuvre permet donc de produire plus de combustible, de bois énergie, à destination des chaudières. Le bois énergie se développe aussi sous forme normalisée de pellets ou de granulés qui émettent moins de particules et permettent une production plus qualitative que celle des bûches utilisées dans des foyers traditionnels. C'est une filière intéressante.
Venons-en à l'acceptabilité des projets, un thème qui sera certainement repris par mes collègues et que vous avez déjà effleuré en disant que certaines méthodes étaient meilleures que d'autres pour favoriser le débat et recueillir l'assentiment des citoyens. Quelles sont vos préconisations en la matière ?
Il n'y a pas de recette miracle, mais nous constatons que les projets présentés aux citoyens et ayant des retombées financières locales sont mieux acceptés que ceux qui sont plaqués sur un territoire sans cette phase préalable de diagnostic et de partage.
Avec le conseil régional, nous avons réfléchi au développement de méthodes de participation citoyenne. Nous avons organisé ce que nous avons appelé le « médiathon », consistant à travailler pendant 24 heures sur les méthodes de participation. Dans trois territoires tests, nous formons les élus et les acteurs locaux, notamment les associations. Nous les amenons à réfléchir sur la place et l'intégration des énergies renouvelables ainsi que sur le travail avec les opérateurs afin que le débat soit organisé sur le terrain.
Au vu des résultats obtenus dans ces trois territoires tests, nous pourrons savoir si ces méthodes apportent une plus-value par rapport aux processus habituels et normaux, à savoir les enquêtes publiques et les dispositifs prévus dans le système d'autorisation des projets. Cette initiative un peu hors cadre permet de favoriser le dialogue. Il n'y a pas de recette miracle mais c'est une clef importante pour que les projets aboutissent.
Monsieur le directeur régional adjoint de la DREAL Nouvelle-Aquitaine, je voudrais vous dire que j'ai passé mon week-end de Pentecôte à lire le SRADDET de la région Centre-Val-de-Loire.
(Sourires.)
J'ai lu cet épais document de planification pour vérifier l'un des propos que nous a tenus François Brottes, le président du directoire du Réseau de transport d'électricité (RTE), lorsque nous l'avons auditionné. Il m'a assuré que, contrairement à ce que je pensais, il existe un document de planification prescriptif : le SRADDET. Celui de la région Centre en étant au stade de l'enquête publique, j'ai regardé ce qu'il a de prescriptif concernant les énergies renouvelables. J'ai été très déçue : il n'y a rien, absolument rien de prescriptif.
Ce n'est pas celui de la région Nouvelle-Aquitaine, mais je me permets néanmoins de vous interroger sur le sujet. Comment l'État a-t-il pu travailler avec la région sur le SRADDET pour imaginer y remettre une partie des zones de développement éolien (ZDE) qui ont été supprimées en 2015 ? Ce ne sont pas les grands projets éoliens que nous voulons éviter. Nous voulons prévenir le mitage : des groupes de quatre, cinq ou six éoliennes partout, installés par des promoteurs qui chassent la prime, en se mettant parfois des agriculteurs ou des élus locaux dans la poche, je ne le nie pas, parce qu'ils apportent des ressources aux territoires.
Cette planification nous échappe alors que nous avons pourtant dépensé beaucoup de temps et d'argent sur un SRADDET et sur un schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui ne sont pas prescriptifs. Pour finir, l'État nous dit que, dans un plan local d'urbanisme (PLU), nous n'avons pas le droit d'interdire l'implantation d'éoliennes sur tout le territoire de la commune. Comment vivez-vous cela au niveau de la DREAL ? Quels outils de planification donnez-vous aux élus ? Je vous pose la question par rapport aux propos de François Brottes.
Le SRADDET de la Nouvelle-Aquitaine n'est pas encore approuvé mais, comme je l'ai dit, il n'est pas précis en matière de territorialisation. Il fixe des objectifs par filière énergétique sans aller jusqu'à prévoir les implantations. En application du principe de subsidiarité, il laisse l'objet du développement aux territoires infra.
L'État m'a dit que, dans un PLU, on ne peut pas interdire l'implantation d'éoliennes sur tout le territoire d'une commune. Confirmez cette information ? C'est peut-être une erreur de ma part, une mauvaise interprétation. Si je fais un PLU dans une commune rurale, est-ce que je peux interdire l'installation d'éoliennes sur tout son territoire ? Si je dis que c'est le choix de ma commune, est-ce que je peux faire cela ?
Le PLU peut ne pas ouvrir des zones à l'installation d'éoliennes. Une collectivité peut, à l'échelle de son territoire, créer les conditions pour que cela se fasse ou que cela ne se fasse pas.
Si vous ne mettez rien dans votre PLU, vous n'avez pas besoin d'ouvrir à l'éolien pour qu'il soit autorisé. Il faut interdire à l'éolien. Sinon, si vous ne mettez rien dans le PLU, l'éolien est autorisé.
Tout dépendra de l'instruction qui sera faite ensuite dans le cadre de la procédure d'installations classées pour la protection de l'environnement – ICPE – et de l'autorisation environnementale qui l'accompagne. Le simple fait d'avoir un PLU ne veut pas dire que le projet éolien se fera à l'échelle du territoire.
Je sais. Je vais reposer ma question : quand je fais un PLU, est-ce que je peux décider d'interdire l'éolien dans ma commune ?
Je ne pense pas.
Le SRADDET n'est pas prescriptif. Le SCOT n'est pas prescriptif. Dans le PLU, je n'ai pas le droit d'interdire les éoliennes. Un territoire n'a aucun moyen juridique de planifier le développement de l'éolien comme il le souhaite si les SRADDET ne sont pas prescriptifs. Or ceux qui en sont actuellement au stade de l'enquête publique ne sont pas prescriptifs. Je trouve cela absolument dément vis-à-vis de nos concitoyens.
Je voudrais compléter les propos de ma collègue. Pour ma part, j'avais retenu que le SRADDET n'était pas prescriptif, que ce n'était qu'un schéma, une orientation.
J'aimerais néanmoins avoir plusieurs précisions d'ordre réglementaire.
De quelle manière la région peut-elle orienter la réalisation des objectifs qu'elle définit dans le SRADDET ?
Dans mon esprit, le photovoltaïque ne peut être implanté que sur des terrains dégradés – d'anciennes carrières ou décharges – et il est interdit sur les terrains agricoles. Dans votre intervention, vous avez semblé dire le contraire. Qu'en est-il vraiment ?
Si les SRADDET ne sont que des schémas, qu'en est-il des PCAET élaborés par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ? Les PCAET, eux, sont-ils contraignants ? Peuvent-ils prévoir des contraintes par types d'énergies renouvelables ou des proportions à ne pas dépasser ? Vont-ils s'imposer aux communes membres de l'EPCI qui aura réalisé un PCAET ?
Prenons l'exemple de mon département de la Vienne. Dans le sud du département, il y a une très forte concentration d'éoliennes et, au vu de tous les projets agréés, nous ne sommes qu'au milieu du gué. Dans la partie nord, où je suis élu, il y a très peu de projets d'éoliennes, voire aucun dans la communauté de communes du Pays loudunais, celle de M. Monory. Étant donné tous les projets qui sont en cours d'instruction, nous risquons d'assister à une explosion. Nous allons passer rapidement d'un excès à l'autre.
Le PCAET peut-il apporter une solution à ce problème de territorialisation, de mitage, comme dit notre collègue ? J'ai l'impression que le PCAET est l'équivalent du SRADDET au niveau de l'EPCI, c'est-à-dire qu'il n'a aucune vertu contraignante. Il peut donner des objectifs de développement mais une commune peut décider de passer outre et d'en faire davantage.
Pourriez-vous nous dire quelle est la réglementation sur ces différents points que sont le SRADDET, le photovoltaïque sur les sols cultivés et le PCAET ?
Le PCAET est un document d'orientation qui n'a pas de caractère prescriptif par rapport au PLU. Il vise à définir des orientations politiques qui pourront être reprises dans le PLU. L'emboîtement normal du dispositif est le suivant : le PCAET travaille sur le volet programmatique ; le PLU, à travers le zonage, définit les modalités d'implantation territoriale des projets retenus.
Il n'y a pas d'interdiction stricte d'implanter des installations photovoltaïques sur des terres agricoles. Les services de l'État et les directives nationales donnent néanmoins une indication très claire : l'installation de panneaux photovoltaïques doit se faire en priorité sur des terrains dégradés, c'est-à-dire d'anciennes mines ou des sites complètement artificialisés tels que des parkings ou des toitures. Un porteur de projet peut proposer des opérations de plus ou moins grande envergure sur des terrains forestiers, agricoles ou naturels. Il faut alors regarder au cas par cas, mais il n'y a pas de moyens d'interdire ces installations si le PLU ouvre cette possibilité. La logique est de faire en sorte que la consommation d'espaces agricoles, forestiers ou naturels ne soit pas prioritairement orientée vers le développement du photovoltaïque. Sur le plan réglementaire, il n'y a aucune interdiction stricte. C'est une orientation forte, une pratique dans le cadre du système d'instruction local.
Non, il faudrait qu'ils soient classés en zones à urbaniser dans le PLU. Ce serait un changement de vocation des sols. Je n'ai pas une vision d'ensemble des SRADDET qui sont du ressort des conseils régionaux mais celui de la région Nouvelle-Aquitaine ne prescrit pas des secteurs favorables ou défavorables au développement de telle ou telle filière énergétique.
Ils n'ont pas de caractère prescriptif.
Alors que je suis plutôt favorable à l'éolien, je vois tous les travers de sa mise en œuvre. On se retrouve avec des projets de trois éoliennes systématiquement mis en limite de commune, c'est-à-dire que les installations seront plus embêtantes pour la commune voisine que pour la commune porteuse. Les avantages reviennent à la commune porteuse mais les inconvénients sont supportés par la commune voisine. Les projets de cinq ou six pylônes représentent plutôt l'exception qui confirme la règle car nous avons plutôt des projets à trois pylônes et ce sont de grandes éoliennes. Pour l'organisation du territoire, c'est absolument insensé. Je n'ai pas d'autre mot alors que je suis plutôt favorable au développement de l'énergie éolienne.
D'où l'intérêt de travailler à l'échelle des intercommunalités sur la logique de développement.
Vous dites que cela doit se faire à l'échelle intercommunale ? Permettez-moi de reprendre l'exemple du territoire que j'ai déjà évoqué. Un ancien président de communauté de communes, qui était très puissant politiquement, avait réussi à empêcher tous les projets. Maintenant qu'il a d'autres responsabilités, les maires, qui ont des orientations différentes, n'arrivent pas à se mettre d'accord : certains d'entre eux sont favorables à ce type de projet, d'autres non, et c'est l'intérêt individuel qui prédomine, c'est-à-dire l'intérêt de chaque commune. Certaines d'entre elles lancent des projets, sans concertation. Il va certes y avoir un PCAET, mais comme il n'est pas prescriptif, cela ne réglera rien.
Comme Mme de La Raudière me l'a rappelé, le président de RTE nous a dit que des décisions prescriptives sont prises, au niveau régional, qui fixent le plan de raccordement, et donc la stratégie de RTE. Mais on a du mal à voir comment RTE peut nous assurer, les yeux dans les yeux, que tout est sous contrôle et qu'on connaît le coût et le rythme de montée en charge du plan de raccordement, alors qu'on nous explique, d'un autre côté, que ces schémas ne sont pas prescriptifs et qu'on a une très mauvaise visibilité de ce qui va être fait.
Je n'ai pas écouté l'audition du président de RTE, mais il existe effectivement un schéma de raccordement des énergies renouvelables, le S3REnR qui, lui, est établi par RTE. Il a vocation à programmer les investissements qui doivent être faits sur le réseau électrique pour y raccorder les différents projets : il faut qu'à terme tous ces projets soient raccordés au réseau. Le schéma de raccordement est piloté par RTE et soumis à l'approbation de l'État. Pour dimensionner les investissements à faire sur le réseau, ce schéma se fonde à la fois sur le SRADDET, qui fixe un volume de puissance par type d'EnR, et sur l'inventaire des projets connus sur le territoire.
Maintenant que tous mes collègues ont posé leurs questions, je vais vous poser les miennes. Je me demande si, dans cette affaire, on n'a pas tous les inconvénients de la planification, sans les avantages. On passe de longs mois, parfois une année, à bâtir un schéma extrêmement étoffé, corpulent, détaillé et nourri. On consomme du temps de fonctionnaires et du temps d'élus et, quand on arrive sur le terrain, on a l'impression que c'est un peu le Far West : on se fait démarcher par des promoteurs, on apprend par la bande que tel projet va être lancé… J'aimerais donc que l'on clarifie tout cela : est-ce qu'un promoteur qui propose des installations éoliennes ou photovoltaïques peut, aujourd'hui, démarcher directement des particuliers ou des élus pour obtenir un terrain, même si son projet ne respecte pas le SRADDET ?
Actuellement, chaque opérateur a sa propre stratégie, mais certains d'entre eux sont effectivement dans une logique de prospection, indépendamment des orientations de programmation. Les opérateurs fondent leur stratégie sur la disponibilité foncière et sur les capacités de raccordement. C'est la raison pour laquelle le schéma de raccordement est stratégique : c'est en fonction des capacités de raccordement que les opérateurs ajustent leur stratégie de prospection.
Mais alors, c'est la question de la poule et de l'œuf… Qui, au fond, prend les décisions ?
Est-ce le pouvoir politique qui, dans un schéma, définit de grandes orientations pour le développement de son territoire, puis les opérateurs qui essaient ensuite de se positionner ? Ou bien le travail administratif est-il purement théorique et ne sert-il à rien ? Le président de la majorité au conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur avait décidé de faire de l'éolien une priorité. Or, au bout de cinq ans, aucune éolienne terrestre n'avait été construite. Cet exemple montre qu'il peut y avoir un monde entre ce qui est prévu et ce qui est réalisé. On a l'impression que deux univers coexistent sans communiquer : d'un côté, un SRADDET qui n'est pas respecté et, de l'autre, des opérateurs dont les décisions sont dictées par des contingences techniques. N'est-ce pas au schéma de raccordement de donner le la et de faire le lien entre le SRADDET et les opérateurs ?
Et nous ne parlons ici que du niveau local ! Mais il y a aussi, au niveau national, un parlement et un gouvernement qui prennent de grandes orientations, du type grand plan quinquennal soviétique. Et je n'ai toujours pas compris à quel moment et de quelle manière les décisions prises au niveau national se déclinent au niveau local.
Il y a une question de temporalité. Les SRADDET, dans leur grande majorité, n'ont pas encore été approuvés, alors que les opérateurs sont déjà à l'œuvre et qu'ils ont, grosso modo, répondu aux objectifs de la précédente programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en matière de production d'EnR. On a, d'un côté, un système de programmation et de planification qui est en train de s'établir à l'échelle régionale et infrarégionale et, de l'autre, des opérateurs qui ont leur propre stratégie. Tout l'enjeu va être de raccorder ces projets au réseau.
À cet égard, les schémas S3REnR, qui sont en cours d'élaboration, constituent un espace de discussion entre les opérateurs et la région : ils doivent permettre de définir des objectifs réalistes. Il est en effet arrivé que des opérateurs déposent des projets qui ne seront pas raccordables dans les cinq ou dix années à venir. Le schéma de raccordement est un outil de discussion intéressant qui permet de faire le lien entre le volet programmation, qui n'est pas encore complètement arrêté et qui est sans doute insuffisamment prescriptif, d'une part, et la stratégie des opérateurs, d'autre part.
Quelle est, pour vous, la plus-value du SRADDET ? Il n'est pas prescriptif, il prend du temps, il n'est pas contraignant pour les opérateurs : quelle est donc sa plus-value ?
Le conseil régional, à travers ce document de programmation auquel il consacre un long travail d'élaboration, se donne les moyens d'orienter une politique. Le rôle du conseil régional n'est pas seulement d'établir un document de programmation : il a aussi un rôle de chef de file en matière de développement des énergies renouvelables sur son territoire. Il peut mettre en œuvre des dispositifs d'appui, à la fois financiers et techniques, afin de réaliser la planification définie par le SRADDET, en collaboration avec les opérateurs. Je rappelle que je ne siège pas au conseil régional…
Je vous pose précisément cette question parce que vous n'êtes pas juge et partie. Tout à l'heure, je vous ai demandé pourquoi on fait de l'éolien dans la région Nouvelle-Aquitaine. Alors que vous avez un fort potentiel solaire et hydroélectrique, on a décidé, à un moment donné, de faire de l'éolien. Est-ce le conseil régional, dans son SRADDET, qui a donné cette impulsion ?
Historiquement, l'éolien était présent dans l'ancienne région Poitou-Charentes, ainsi qu'en Limousin, mais dans une moindre mesure. Ce n'est donc pas au SRADDET que l'on doit la naissance des projets éoliens. Vous me demandez pourquoi on fait de l'éolien. Le principe du développement des EnR en Nouvelle-Aquitaine est fondé sur un mix énergétique : l'exploitation des capacités des gisements territoriaux doit permettre d'atteindre un certain volume de production d'EnR à l'échelle territoriale.
Le conseil régional, dans son SRADDET, fixe effectivement des objectifs de production d'énergie éolienne. Il fixe également un objectif de rééquilibrage entre le Nord et le Sud. Le SRADDET entend orienter cette filière mais celle-ci, de fait, existe depuis plusieurs années en Nouvelle-Aquitaine.
De quelle volonté procède le projet qui est en train de se développer dans les marais de l'estuaire de la Gironde ?
Dans le Blayais.
Vous nous avez dit que le SRADDET permet d'orienter les projets grâce à des outils financiers. Avant le SRADDET, il y avait d'autres documents : les stratégies régionales. Ce projet est-il le fruit d'une ancienne stratégie régionale ? Est-ce le conseil régional qui, par le passé, a eu la volonté de développer l'éolien ? Ou bien ce projet a-t-il été lancé par un promoteur, par le conseil départemental, par l'intercommunalité ? Quelle est, enfin, l'origine de ce projet ? Je vous ai interrogé sur la plus-value du SRADDET. Est-ce le schéma qui s'organise par rapport à l'action des opérateurs ? Ou bien les opérateurs qui s'organisent par rapport au schéma ?
À ma connaissance, ce projet est né de la volonté d'un opérateur.
Dans ce cas, pouvez-vous nous citer un cas où le SRADDET a permis de faire naître un projet d'EnR ?
Je ne peux pas vous répondre, parce que le SRADDET n'a pas encore été approuvé.
Alors prenons la question dans l'autre sens. Ne ferions-nous pas mieux de simplifier tout cela ? L'État et la région pourraient signer un contrat. Premièrement, l'État fixerait un objectif national, par exemple 20 % ou 30 % d'éolien, et la région fixerait, de son côté, sa part d'effort pour chaque type d'énergie – elle pourrait, par exemple, décider de développer davantage le photovoltaïque. Cette première étape permettrait de vérifier que, lorsqu'on additionne la production de toutes les régions, on arrive bien à l'objectif national – c'était le sens de la question de la rapporteure.
Deuxièmement, la région ferait une programmation, en fonction de son potentiel théorique de vent et de soleil, mais aussi de l'espace foncier disponible. Elle choisirait les zones d'implantation des éoliennes, par exemple dans des zones déjà artificialisées, et elle présenterait ce projet aux opérateurs, qui entreraient alors en jeu.
Un tel système ne serait-il pas plus logique que le système actuel, qui est bidirectionnel ?
S'agissant de votre première question, le SRADDET doit effectivement permettre de vérifier que les décisions prises au niveau régional sont conformes à la trajectoire fixée par la PPE. S'agissant de l'idée d'introduire un schéma par type d'EnR, on a essayé des systèmes de planification avec les zones de développement de l'éolien, qui n'ont pas été une grande réussite partout.
Je pensais plutôt à des contrats d'objectifs et de moyens. Vous dites que la région a des outils financiers. Si la région veut mettre 2 millions d'euros dans le développement du photovoltaïque, il serait intéressant que ce développement bénéficie aussi d'un financement de l'État ou d'autres instances : cela permettrait de mettre le paquet sur le photovoltaïque, une fois qu'on est d'accord sur le fait que c'est le conseil régional qui décide. L'idée est d'investir dans la bonne direction.
Dans le domaine du photovoltaïque, on considère que la priorité va à l'installation sur des zones artificialisées ou délaissées. Mais il se peut que, politiquement, un accord soit trouvé pour développer une, deux ou trois grandes centrales photovoltaïques sur des secteurs qui sont en dehors des secteurs délaissés. On peut arriver à orienter le développement choisi de projets de ce type, qui ne sont pas forcément prioritaires, si, localement, on a un consensus politique et technique sur leur faisabilité. On aboutirait au renforcement des capacités de production, sur la base d'un consensus local sur des projets choisis, et non subis.
Je partage vos doutes, monsieur le président, et j'aimerais reformuler ma question. Il me semble que le SRADDET peut être un bon outil pour promouvoir le développement d'une énergie en particulier, dans la mesure où le conseil régional peut flécher un certain nombre de moyens financiers pour accompagner ce développement. En revanche, il me semble que le SRADDET est d'une efficacité nulle pour empêcher le développement excessif de certaines énergies, notamment l'éolien. Confirmez-vous cette analyse ?
Je ne peux pas vraiment vous répondre, puisque je répète que nous n'avons aucun recul sur les SRADDET. Dans la région pour laquelle je travaille, ce document n'a pas encore été approuvé. C'est à l'usage que l'on mesurera son effet. Il est clair, en tout cas, que le SRADDET est un outil qui permet d'orienter le développement de filière. Vous me demandez s'il permet d'interdire le développement de projets locaux : on n'est pas à la même échelle de travail.
Vous voulez dire qu'aujourd'hui, que ce soit au niveau d'une région, d'un EPCI, voire d'une commune, il n'est pas possible, pour la puissance publique, de limiter la prolifération d'un certain type d'énergie renouvelable ?
Si, c'est possible : des projets sont d'ailleurs refusés régulièrement. Pour prendre le cas de l'éolien, il arrive souvent que des projets ne soient pas acceptés par les préfets, soit parce qu'ils ont un impact environnemental trop important, soit pour des raisons de non-acceptabilité après avis des collectivités. Il existe donc des moyens de s'opposer à un projet.
Des projets sont refusés quand les opérateurs cherchent à implanter des éoliennes dans des zones Natura 2000 ou à proximité d'un bâtiment historique. Mais si un territoire lambda estime tout simplement que trop, c'est trop, il ne sera pas entendu.
Il risque en effet d'être attaqué au tribunal administratif.
Permettez-moi de revenir à la question de la norme. Comment disposer d'une norme permettant de faire des comparaisons qui aient un sens ? Avec le président, nous nous demandons par exemple comment une région peut s'assurer qu'elle s'inscrit bien dans la trajectoire nationale. Si l'on compare des pourcentages à l'échelle régionale et à l'échelle du PCAET, qui nous dit qu'on a la même base de calcul ? Il semblerait utile de disposer d'une grille indiquant la puissance des éoliennes, région par région. Si nous avions des données normées, nous pourrions entreprendre une gestion automatisée des données, ce qui assurerait un suivi plus fiable. Aujourd'hui, comment sait-on qu'on est dans les clous ?
Le SRADDET n'est pas finalisé partout et on révise déjà la PPE… Or je crois que la révision des SRADDET a lieu à chaque début de mandat…
Votre question porte en réalité sur l'observation. En Nouvelle-Aquitaine, nous avons créé un observatoire régional qui associe l'État, la région et l'ADEME. Il vise à recenser précisément l'ensemble des gisements et la production réelle des installations implantées annuellement dans le territoire. Ce dispositif nous permet d'avoir une donnée commune, partagée par la collectivité et l'État, au sujet du développement des EnR sur le territoire. Chaque année, nous pouvons confronter ces données aux trajectoires nationales : nous disposons donc d'un outil de mesure normé.
Certaines régions ont développé des outils d'observation, mais je ne peux pas vous dire si c'est le cas sur l'ensemble du territoire national. Pour le coup, je vous parle d'une initiative régionale.
Les autres initiatives de ce genre sont-elles coordonnées ? Utilisez-vous les mêmes grilles, les mêmes manières de concaténer l'information ? Les données collectées par ces observatoires sont-elles compatibles entre elles ? Sont-elles comparables ?
Grosso modo, ces données sont injectées par RTE, par les services de l'État qui sont en phase d'instruction des projets ou par les différents opérateurs. Les données elles-mêmes sont donc assez comparables. Nous avons la capacité de mesurer l'évolution régionale annuelle et, depuis peu, de fournir aux collectivités qui s'engagent, notamment dans les PCAET, des éléments de diagnostic à l'échelle locale, y compris sur les gisements possibles.
J'ai une dernière question à vous poser. Vous accompagnez les SRADDET : pouvez-vous évaluer la charge de travail que cela représente pour une DREAL ?
La région Nouvelle-Aquitaine a suivi l'élaboration du SRADDET depuis sa création de manière autonome : nous n'avons pas fait d'investissements lourds, en termes de contributions au SRADDET. Cette charge a occupé, pendant trois ans, l'équivalent de deux ou trois personnes en suivi de projet. Nous avons eu, par ailleurs, des contributions beaucoup plus spécialisées et ponctuelles de la part des différents services métier de la DREAL, sur les transports, l'énergie, l'environnement… Nous avions délégué une petite équipe projet pour accompagner la région.
Si on estime qu'un fonctionnaire coûte 46 000 euros, on peut donc estimer que le coût d'un SRADDET, pour une DREAL, s'élève à 0,5 million d'euros, rien qu'en charge salariale.
On peut voir les choses ainsi…
Je vous remercie, monsieur le directeur régional adjoint, d'avoir répondu à nos questions. Je regrette que M. Lionel Quillet n'ait pas pu venir. Il faudra, monsieur l'administrateur, vérifier la raison pour laquelle il ne s'est pas présenté devant notre commission d'enquête. J'espère ne pas avoir à appliquer le III de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative aux personnes qui refusent de comparaître devant une commission d'enquête. J'imagine que ce sont des problèmes techniques qui ont retenu le premier vice-président du conseil départemental de la Charente-Maritime.
La séance est levée dix-huit heures vingt.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique
Réunion du mardi 11 juin 2019 à 17 h 10
Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Laure de La Raudière, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Didier Quentin, M. Nicolas Turquois
Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Véronique Louwagie