Dans notre territoire, par exemple, le commanditaire principal est une société allemande de négoce international de matières premières agricoles, de matériaux de construction et de produits énergétiques – depuis le mazout jusqu'aux pellets et aux projets éoliens et solaires. Cette société cotée en bourse, dont le chiffre d'affaires est de 16 milliards d'euros, ne rencontre pas directement les élus locaux ni les propriétaires ; elle externalise en confiant toutes ces démarches à un promoteur local. Nous avons donc face à nous des interlocuteurs nombreux, plutôt aimables, qui cherchent à afficher un souci de concertation et de création de lien local mais, concrètement, rien n'est fait pour créer quoi que ce soit ensemble. Les moyens financiers déployés sont importants pendant la phase d'étude. Étant donné cet investissement, ils ne reculeront jamais – ils nous l'ont d'ailleurs dit. Nous irons devant les tribunaux et la procédure prendra le temps qu'il faut mais, au bout du compte, les projets se feront.
C'est aussi un lobby puissant parce qu'il a un accès à sens unique à la presse quotidienne régionale et déploie des ressources importantes à cet effet, y compris selon des méthodes assez particulière pour un territoire provincial comme le nôtre : des cabinets de relations publiques structurent la démarche et parviennent presque à faire paraître des communiqués de presse sous forme d'articles.
C'est un lobby puissant parce qu'il utilise toutes les voies possibles du marketing. Son modèle économique consiste à revendre les projets à des fonds financiers, et non à favoriser l'appropriation citoyenne. Il a néanmoins trouvé une parade en matière de marketing citoyen : le financement participatif. Il ne s'agit pas là de financer le projet lui-même mais d'offrir la possibilité d'une rémunération à un taux de 5 % à 7 % – c'est-à-dire des miettes – sur de petites sommes investies dans les études. Le développeur reconnaît lui-même qu'il n'a pas besoin de 50 000 euros puisque son commanditaire investit 300 000 euros dans les études. Ces 50 000 euros, au fond, servent à acheter la paix sociale. Chacun peut ainsi investir jusqu'à 2 000 euros à un taux brut de 5 % à 6 % : c'est peu, mais c'est toujours mieux que le livret A, est-il expliqué dans les réunions de village.
Ce marketing est donc très puissant et, hélas, relayé, sans que nous ne parvenions à nous faire entendre de ces acteurs publics et parapublics, par des plateformes participatives comme la plateforme Lendopolis de la Banque postale. Nous avons écrit au directeur général et à la directrice de la communication de la Banque postale ainsi qu'au directoire de Lendopolis pour leur expliquer qu'ils ne sauraient se prêter à cette démarche de marketing en faisant croire aux gens qu'ils investissent dans un projet d'énergie renouvelable piloté par le territoire. Pour toute réponse, nous n'avons eu que le silence. En effet, ce lobby ne répond pas – un moyen très efficace pour faire en sorte que l'information ne sorte pas. Nous pourrions nous épuiser : nos entreprises ne disposent pas de salariés qui se consacrent à ces projets, contrairement aux personnes que nous rencontrons.
La repossession locale des enjeux de politique énergétique est indispensable, car ils concernent le développement local, l'aménagement du territoire, la création d'emploi. Or, pour partie, ces projets s'apparentent à des produits financiers. Qui dit produit financier exclut toute politique industrielle, énergétique et, a fortiori, environnementale.
Enfin, pour associer les citoyens, il faut favoriser l'acceptabilité sociale qui, dans le secteur éolien, tient en particulier à la proximité entre des mâts gigantesques et les riverains. Au nom de mon collectif, je tiens à souligner la forte convergence technologique qui existe entre l'éolien en mer et l'éolien terrestre. Les engins ont à peu de choses près la même envergure dans les deux secteurs. En mer, les éoliennes mesurent cent cinquante à deux cents mètres, soit l'équivalent de la génération d'éoliennes technologiques déployées sur terre. Qui imagine installer des éoliennes de cette taille à cinq cents mètres des rivages ? Personne. Sur terre, pourtant, c'est ce qui se passe. Le périmètre de sécurité n'est que de cinq cents mètres. Il a été fixé à une époque où les éoliennes étaient beaucoup plus petites qu'aujourd'hui. Nous recommandons donc la révision de ce périmètre pour tenir compte de l'évolution technologique des engins, et pour instaurer un système plus flexible – comme en Bavière, par exemple, où le périmètre de sécurité correspond à dix fois la hauteur du mât. Les arbitrages peuvent ainsi être effectués en fonction de la hauteur, de l'énergie et des ressources disponibles sur le territoire.