Intervention de Hervé Novelli

Réunion du mardi 11 juin 2019 à 18h45
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Hervé Novelli, maire de Richelieu :

Je ne m'exprimerai qu'en tant que maire de Richelieu et éviterai toute considération d'ordre national. La commune de Richelieu possède des caractéristiques exceptionnelles. Comme son nom l'indique, elle a été créée par le cardinal éponyme au XVIIe siècle – c'est donc une commune dite « nouvelle » – aux confins de la Touraine et du Poitou. Elle jouxtait le manoir devenu château de la famille du Plessis – la famille du cardinal. De ce fait et en raison de sa situation excentrée par rapport aux grandes villes comme Tours ou Poitiers, Richelieu a tous les atouts pour demeurer quasiment inchangée en comparaison de ce qu'elle était lorsque le cardinal a invité les deux talentueux architectes Lemercier, dont l'un a construit la Sorbonne. C'est à eux que nous devons la construction de cette ville destinée à être parfaite pour les canons du XVIIe siècle. Aujourd'hui, Richelieu possède 103 monuments inscrits ou classés, ce qui, compte tenu de son périmètre géographique, en fait certainement la commune de France où la densité de monuments par mètre carré est la plus élevée. Je fais ce rappel pour montrer combien la dimension environnementale, paysagère et patrimoniale est importante pour la ville et pour ses habitants.

Autre caractéristique de la commune de Richelieu : elle est aujourd'hui située aux confins de la Touraine mais, avant la création des départements, elle faisait partie intégrante du Poitou. C'est dans les années 1795 qu'elle a été rattachée administrativement à la Touraine, ce qui fait de Richelieu et de son environnement proche une enclave poitevine en terre tourangelle. Or, certains événements survenus ailleurs en Touraine – Richelieu se trouve à deux kilomètres de la Vienne, par exemple – sont plus difficilement perceptibles en raison de ces frontières administratives. Autrement dit, lorsqu'une décision est prise dans la Vienne, à quelques kilomètres à peine de Richelieu, il est plus difficile de la contester du fait que les autorités départementales et régionales sont différentes, puisque la Vienne se trouve désormais dans la grande région qui s'étend jusqu'à Bordeaux. Pourtant, ces décisions prises dans la Vienne peuvent produire une incidence considérable sur la commune de Richelieu sans qu'il lui soit possible de les contrecarrer le cas échéant. Exemple : il est prévu d'implanter des éoliennes à 4,5 kilomètres de Richelieu. Le dossier est entre les mains de la cours administrative d'appel mais la décision défavorable de la préfète a été cassée sans recours de l'État – car, dans ces circonstances, la position de l'État n'est pas indifférente. Vous le voyez : ces caractéristiques rendent plus difficile l'élaboration d'une stratégie autonome et efficace en matière de développement économique et touristique.

Depuis les années 2000, la commune de Richelieu a mis au point une stratégie d'attractivité touristique. J'ai voulu qu'elle soit classée commune touristique car j'ai éprouvé les difficultés d'implantation de grandes unités et de moyennes entreprises, le développement économique y étant plutôt endogène et dépendant des acteurs locaux. Il est difficile d'y faire venir des entreprises de taille importante, même si nous avons connu quelques succès. C'est ce qui explique que la stratégie de développement de Richelieu repose principalement sur l'attractivité touristique, afin que la ville bénéficie du développement touristique de l'ensemble du val de Loire – sachant qu'elle est légèrement excentrée.

Nous avons mis en œuvre de nombreuses actions culturelles : le festival de cape et d'épée lié à l'histoire de la commune attire près de 20 000 personnes pendant un week-end. De même, les activités d'artisanat et d'art rappellent souvent l'histoire de la cité et de sa création au XVIIe siècle. Le festival de musique fait lui aussi écho au XVIIe siècle. Seule entorse au lien entre les activités culturelles et l'histoire de la ville : le festival de cinéma chinois – qui s'explique par le jumelage de Richelieu avec une commune chinoise depuis quelques années.

L'action culturelle importante conduite depuis plusieurs années fait de Richelieu une commune exceptionnelle pour sa taille. En dix ans, nous sommes ainsi parvenus à multiplier par quatre la fréquentation touristique de Richelieu. Je suis fermement convaincu qu'en raison de toute l'action liée à l'histoire de la commune, l'implantation d'éoliennes à quelques kilomètres seulement est incompatible avec son développement économique et touristique. Le choix de ce développement n'est pas indifférent : c'est le seul qu'il nous reste. Si nous ne pouvons pas développer massivement l'attractivité et les flux touristiques, que deviendra Richelieu ? Les clivages entre métropoles et territoires ruraux auxquels faisait allusion le président Aubert sont particulièrement aigus dans ce territoire. En privant ses habitants du développement touristique, nous creuserons davantage le fossé constaté depuis plusieurs mois.

Un mot sur la césure entre métropoles et territoires ruraux. Il va de soi que les éoliennes sont implantées dans les territoires ruraux. Elles gênent la majorité de la population, hostile à leur installation, et nourrissent un clivage dommageable pour l'unité du territoire. Il s'aggravera si nous acceptons une surdose – et même une dose simple – d'éoliennes.

Les deux communautés de communes du pays du Chinonais ont opté pour un moratoire. C'est à l'autorité administrative préfectorale qu'il appartient en dernier ressort d'accepter ou de rejeter les projets. D'emblée, elle est contrainte par les objectifs gouvernementaux. Des objectifs très importants ont en effet été assignés aux préfets, qui seront évalués en fonction de leurs résultats. J'y vois une contradiction majeure ; on confie à une autorité administrative tenue d'atteindre des objectifs lourds la mission d'accepter ou de refuser de projets, ce qui fait peser sur leur signature un fort soupçon de non-indépendance. Les élus locaux, quant à eux, élaborent leurs schémas d'urbanisme en naviguant à vue et se sentent démunis face à cette autorité administrative qui, encore une fois, évalue de nombreux projets à l'aune des objectifs fixés par le Gouvernement. Cette confusion entre l'autorité administrative et les objectifs politiques qui lui sont assignés constitue une source considérable de contentieux potentiels.

Sans vouloir empiéter sur ses conclusions, je pense que la commission d'enquête devrait se pencher – je sais qu'elle le fera – sur cette source d'incertitude voire de partialité a priori liée à cette contradiction entre les ambitieux objectifs gouvernementaux en matière d'implantation d'éoliennes et les autorités administratives chargées d'évaluer leur faisabilité et de rendre une décision d'acceptation ou de refus.

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