S'agissant de l'implantation d'éoliennes, les territoires se sentent en effet démunis. Les députés travaillent d'ailleurs activement afin de faciliter cette transition. Je vous remercie donc de nous inviter ; le travail de clarté autour de la transition énergétique me semble indispensable. J'espère que le débat public s'emparera de la question des énergies renouvelables en en faisant une lecture plus juste et transparente.
J'ai rédigé la demande de moratoire adressée aux préfètes de l'Indre-et-Loire et de la Vienne. Je suis naturellement très favorable à la transition énergétique : il est important que nous sortions du nucléaire en bon ordre de marche, selon des objectifs cohérents. Encore faut-il ne pas le faire n'importe comment. La transition énergétique ne se fera que si la cohésion sociale est assurée autour de valeurs et d'objectifs. Si je me suis intéressée à la question des éoliennes, c'est parce que j'ai découvert un projet à proximité de chez moi et j'ai été très étonnée par la manière dont les choses se passaient, qu'il s'agisse du cadre juridique appliqué ou, surtout, des certitudes préconçues qui nous étaient opposées, et qui m'ont laissée dubitative.
En premier lieu, les promoteurs éoliens font valoir qu'il est essentiel d'installer des éoliennes parce que la loi de transition énergétique le prévoit partout. Cet argument m'a choquée : la loi de transition énergétique fixe un cap de transition vers des énergies renouvelables au sens large mais en aucun cas elle n'oblige les territoires à se laisser imposer un mode d'énergie plutôt qu'un autre. Il m'a semblé important de le rappeler aux préfètes d'Indre-et-Loire et de Vienne dans la demande de moratoire.
Deuxième motif de souci : les promoteurs éoliens, qui sont de grandes entreprises aux moyens financiers considérables, captent des subventions publiques. Il est très positif que la société française opte pour la transition énergétique et choisisse à titre collectif de financer par l'impôt certaines énergies renouvelables, mais encore faut-il que les avantages liés aux subventions versées aillent aux territoires. Or, pour le moment, les promoteurs revendent souvent les parcs éoliens à des intérêts financiers étrangers. C'est très choquant car nous rachetons tout de même cette énergie à un tarif majoré. C'est pourquoi j'ai sollicité l'aide de M. Dupont, président d'Enercentre Val-de-Loire. Il vous en parlera mieux que moi mais nous, territoires, sommes capables de porter cette transition énergétique, sans nous voir imposer de grands groupes étrangers.
J'ai également constaté que les élus locaux étaient incroyablement démunis en matière de transition énergétique : ils ne connaissent ni les modes d'énergies renouvelables, ni le cadre financier, ni les intérêts qu'ils pourraient tirer de certaines formes d'énergie. Alors que nous n'en sommes qu'au diagnostic de la rédaction des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), que les élus entament la réflexion concernant leur territoire, le démarchage très important et très agressif réalisé par ces grosses entreprises pose problème. C'est pourquoi j'ai demandé à la préfète un moratoire de dix-huit mois permettant d'engager et de poser la réflexion, afin que le territoire puisse choisir la direction qu'il veut prendre.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) dispose que la transition doit être profitable à notre territoire et doit se faire en cohésion sociale. M. Novelli l'a rappelé, après le mouvement des gilets jaunes, il me semble délicat de cliver encore davantage les villes et les campagnes. Les ruraux se sentent vraiment délaissés, d'autant qu'on leur impose de grandes infrastructures de transport – ligne à grande vitesse (LGV) ou élargissement de l'autoroute A10 sur notre territoire, sources de nuisances importantes. Va-t-on également se voir imposer un mode d'énergie alors que les textes ne l'imposent pas ?
Enfin, on ne parle pas suffisamment des nuisances sonores des éoliennes. Chaque fois que j'ai interrogé les promoteurs, ils ont nié le problème en bloc. À tort ! J'ai étudié la question lorsque je me suis intéressée aux nuisances sonores des infrastructures de transport : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une alerte à l'automne dernier ; des études très importantes sont menées ; demain, à Lisbonne, s'ouvre une conférence internationale sur le bruit des aérogénérateurs ; Santé Canada a aussi réalisé une étude. Si les chercheurs n'arrivent pas à évaluer la relation entre la dose et l'effet – pour deux individus, la même dose n'aura pas le même effet –, ils sont unanimes : les impacts sur la santé sont réels, les populations qui vivent aux abords de ces infrastructures sont stressées, leur taux de cortisol est plus important.
Le malaise de ces populations, qui ressort des questionnaires ou des bilans de santé, n'est pas à négliger. Si on décide d'implanter ce type d'infrastructures – c'est un choix de société – par cohérence, les populations doivent être indemnisées. C'est frappé au coin du bon sens : si les gens subissent un préjudice, si l'infrastructure a un impact sur leur santé, ils doivent obtenir des compensations – et je ne parle même pas de la perte de valeur foncière subie par les riverains de ces infrastructures…