À la sortie du méthaniseur vous avez le digestat. Cela représente 90 % de la masse entrante. Les 10 % restant sont effectivement du gaz qui contient à peu près 60 % de méthane. Finalement, le système est très peu efficace. Donc si vous avez 10 000 tonnes d'intrants, vous avez 1 000 tonnes de gaz et 600 kilogrammes de méthane. C'est une moyenne qui dépend des intrants. Les 90 % restants, c'est le digestat. Cela représente 9 000 tonnes de digestats. C'est énorme et il faut savoir quoi en faire. Dans ces 9 000 tonnes de digestat, vous avez à peu près 1 000 tonnes de digestat solide et qui est aujourd'hui ce qu'on nous vend comme un très bon fertilisant. Le digestat qui reste, les 8 000 tonnes, c'est du digestat liquide, principalement de l'eau ammoniacale à faible concentration, mais avec un pH de 8,5 ou 9, trop élevé pour que n'importe quel micro-organisme puisse y vivre correctement. Et ce digestat liquide, on va l'épandre. Cette eau ammoniacale est constituée d'ions à base d'azote que l'on nous vend comme un bon substituant aux engrais chimiques.
Ce n'est pas vrai, pour deux raisons : d'abord c'est un engrais chimique, ce n'est donc pas un substitut. Ensuite, c'est un mauvais engrais parce qu'il est – Sandrine Le Feur le disait bien – très lixiviable. En réalité, si vous voulez « booster » le métabolisme de la croissance des plantes il faut amener à la fois des ions ammonium, que l'on trouve dans le digestat liquide, et des ions nitrates. Là, la plante en profite. N'importe quel bouquin de première année d'université peut vous le montrer. Dans le digestat liquide, il n'y a que l'ammonium et il a tendance d'une part à s'évaporer fortement et d'autre part à filer dans les nappes. Il est très peu retenu par les plantes s'il est tout seul.
Et en même temps, il a participé à tuer une certaine partie de la faune du sol qui aurait pu permettre une décomposition et une absorption par les plantes : ce sont des bactéries ou des champignons. Donc le digestat liquide, si on l'épand, il tue la faune, la microfaune du sol même la macrofaune et il s'infiltre. S'il s'infiltre, il va s'oxyder à terme dans les nappes phréatiques et il créera des nitrates comme on le voit en Bretagne maintenant de plus en plus souvent et de plus en plus tôt dans la saison. Le reste va s'évaporer en créant des particules fines, des NOx – celles émises par les diesels et que l'on souhaite éviter – et il va aussi créer du N2O par oxydation dans l'air. Ce N2O a un pouvoir de réchauffement global qui est 300 fois plus fort que celui du CO2. Donc une partie infime d'évaporation de ce digestat liquide que l'on a épandu rend la balance très négative d'un point de vue environnemental.
Évidemment, tout cela n'est pas pris en compte dans les calculs lorsqu'on propose un projet parce que c'est impossible à calculer cela. Cela dépend de l'histoire du sol. L'ADEME, dans ses calculs, fait l'hypothèse de la neutralité carbone. Or, tout ce que l'on brûle met des années, des dizaines d'années, voire des siècles à être réincorporé dans les sols. Il y a un gros problème de calcul. Les méthaniseurs n'ont pas une balance positive d'un point de vue gaz à effet de serre. Il faut le dire et l'écrire car les calculs transmis par l'ADEME ne prennent pas en compte les bonnes hypothèses. Au mieux, cela peut être neutre. Mais avec les fuites, avec certains problèmes d'épandage, cela ne peut pas l'être. Si on veut respecter le projet de remplacer tout le gaz en 2050, on va nous conduire à construire 10 000 ou 15 000 méthaniseurs moyen. C'est impossible : avec un méthaniseur tous les 3 kilomètres, on n'aurait pas assez de surface pour avoir les intrants.