Intervention de Julien Trehorel

Réunion du jeudi 20 juin 2019 à 10h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Julien Trehorel, artisan pêcheur :

Nous sommes là aujourd'hui pour vous parler du projet éolien de la baie de Saint-Brieuc. Nous n'avons pas les mêmes fonds et les exploitations de la pêche ne sont pas du tout les mêmes. Aujourd'hui, nous travaillons essentiellement sur le crustacé, le bivalves et sur le poisson. Ce parc éolien a été mis en place en plein milieu de la baie de Saint-Brieuc où 290 bateaux travaillent. Cela représente 236 licences de coquilles Saint-Jacques. La baie de Saint-Brieuc est la plus grande baie de France où se reproduisent naturellement les coquilles Saint-Jacques. Nous avons également énormément d'activités autour du bulot, des araignées et du homard.

Lorsque ce parc a été installé à cet endroit-là, ils n'ont pas pensé aux conflits d'usage. C'est de l'éolien posé. Aujourd'hui, on n'a pas de place. On ne peut pas aller ailleurs car la baie de Saint-Brieuc est entièrement exploitée, que ce soit au filet, au chalut ou au casier. Si demain ce parc éolien devait se faire en baie de Saint-Brieuc, où vais-je aller avec mon matériel ? Soit nous allons gêner nos collègues de pêche et on va assister à un appauvrissement rapide des ressources, soit nous allons remettre en question la préservation de notre ressource mise en place depuis 1960 en réévaluant les tailles de capture. Nous savons pertinemment que lors de la phase de travaux tous ces efforts vont disparaître en raison de la mortalité des juvéniles.

On se dit que tout ce travail que nous faisons depuis des années, tout ce chiffre d'affaires qu'on remet à l'eau pour pouvoir mieux l'exploiter l'année suivante va nous être enlevé comme cela, d'un claquement de doigts. On aura l'interdiction de travailler dans la zone du parc éolien – la pêche est interdite dans tous les parcs dans le monde – et la courantologie ne nous permettrait pas d'y naviguer. De plus, les crustacés fuiront la zone, avec le forage les coquillages mourront et le juvénile met plusieurs années à se mettre en place. On voit notre gestion « partir en fumée ». On voit une entreprise s'installer et nous dire : « allez, poussez-vous de là, c'est à mon tour ». Or, nous sommes là depuis bien longtemps et personne, hormis un marin, ne connaît aussi bien les fonds marins que nous.

Aujourd'hui, les études d'impact qui sont faites dans la baie de Saint-Brieuc sont complètement à côté de la plaque. Par exemple, les filets à araignées sont immergés sur une longueur de 1,5 kilomètre pendant environ trois semaines avant d'être relevés. Ces études d'impacts prennent en considération des bouts de filets de 500 mètres relevés tous les trois jours. Donc comment pouvons-nous vraiment faire un état des stocks sur les fonds marins ? C'est impossible. On retrouve des études erronées également pour les bulots. Nous ne pourrons donc pas obtenir de compensations car les études sont basées « sur du vent » et sur quelque chose qui a été mal fait.

Nous vous demandons de nous entendre et de prendre en considération notre connaissance du milieu marin, afin que nous puissions pérenniser notre métier. Un emploi en mer, ce sont quatre emplois à terre. Économiquement, pour notre petite ville, ce projet va nous coûter très cher, aussi bien dans la restauration que dans la pêche. Aujourd'hui, les gens viennent chercher chez nous l'opportunité de travailler en direct avec des pêcheurs en pêche artisanale. Je ne crois pas qu'un parc éolien fera croître l'activité touristique.

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