Intervention de Morvan Le Berre

Réunion du jeudi 20 juin 2019 à 10h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Morvan Le Berre :

Je voudrais, pour finir, faire trois remarques. On a souvent présenté l'éolien en mer comme une alternative, voire comme la solution des problèmes de l'éolien terrestre, et j'espère qu'on va pouvoir établir clairement que l'éolien en mer, c'est en réalité la caricature de tous les problèmes que vous avez pu rencontrer avec l'éolien terrestre. Contrairement à un agriculteur qui peut continuer à cultiver le reste de son champ, le pêcheur lui est complètement chassé de sa zone.

Le premier point, c'est que la définition légale de l'énergie renouvelable est défaillante puisque, dans les directives relatives aux énergies renouvelables, c'est une tautologie et non une présentation de critères objectifs qui permet des comparaisons. Ce qui tient lieu de définition de l'énergie renouvelable, c'est une liste. Elle permet aux gouvernements, aux États membres, lors de leur choix d'options en matière d'énergies renouvelables, de se passer d'une véritable comparaison des énergies renouvelables entre elles. C'est ce qui s'est passé en France.

Le deuxième point, c'est qu'on a présenté l'éolien en mer comme une alternative venue après l'identification des problèmes de l'éolien terrestre. En réalité, ce n'est pas le cas. L'éolien en mer a été conçu dès 2005 en parallèle de l'éolien terrestre. Il y a eu un premier appel d'offres en 2005, qui était ouvert sur tout le littoral, et les premiers sites ont été choisis par les industriels. Cet appel d'offres a été très rapidement abandonné car il avait été constaté que les conflits d'usages étaient très sérieux, de même que les manquements et les risques en matière d'environnement. Ces conclusions, à mon sens, n'ont pas changé aujourd'hui et étaient connues dès 2005. En 2006, il y a eu une curiosité dans le parcours de l'éolien en mer : il y a eu l'introduction d'un tarif éolien maritime à 130 euros du mégawattheure (MWh). C'est donc à peu près deux fois plus que le tarif éolien terrestre et la particularité de ce tarif éolien maritime de 2006, c'est qu'il n'a servi qu'à financer des éoliennes à terre mais situé sur le domaine portuaire donc, légalement, le domaine maritime. En 2011 et 2013, il y a eu les appels d'offres que vous connaissez, qui ont conduit à la désignation des projets du Tréport, de Fécamp, de Courseulles, de Saint-Brieuc, de Saint-Nazaire et de Noirmoutier, avec un tarif annoncé – mais il y a des variations d'un site à l'autre et un manque de transparence – entre 220 et 227 euros du MWh et qui a été renégocié en 2018. Aujourd'hui, en 2019, un projet est attribué à Dunkerque, au tarif de 45 euros ou moins par MWh. Donc par rapport à l'éolien terrestre, je trouve qu'il s'agit véritablement d'une caricature, vu les variations de prix, dont aucune n'a reçu de véritable justification à ce jour. Le projet de Dunkerque a été autorisé par la Commission européenne en tant qu'aide d'État au mois de décembre, alors qu'aucun des six autres projets n'a encore été autorisé. Juridiquement, ce sont des aides d'État illégales.

Le troisième point, c'est qu'il est parfaitement connu des autorités depuis 2008 que, d'une part, la valorisation de la tonne de CO2 évitée revient à 250 euros environ pour l'éolien terrestre, et jusqu'à 490 euros pour l'éolien en mer, alors que, comme vous l'avez déjà entendu dans d'autres auditions, le bâti, les chaudières à condensation, les pompes à chaleur sont au-dessous, voire très au-dessous de 100 euros par tonne de CO2 évitée. Il était donc parfaitement clair et établi par l'autorité indépendante compétente qu'en termes de dépenses publiques, il y avait nettement mieux à faire pour réduire les émissions de CO2 dès 2008. Par ailleurs, et c'est vraiment la double peine, il était également constaté dès cette époque que l'augmentation des capacités éoliennes conduisait à devoir rouvrir des centrales à gaz – et cela a été le cas d'une dizaine d'entre elles. La plus connue est la centrale de Landivisiau, qui n'est pas encore construite, mais il y en a eu dix autres au moins – et que, par conséquent, plus la capacité éolienne augmentait dans le secteur électrique, plus le bilan environnemental allait se dégrader. C'est ce qu'a constaté le premier rapport de la stratégie nationale bas carbone rendu public l'année dernière, puisque si les émissions baissent pour l'ensemble de la France, dans le secteur énergétique, elles ont recommencé à augmenter depuis 2013.

En conclusion, et c'est une autre particularité de l'éolien en mer par rapport aux autres énergies renouvelables, il y a des choses qui ont été engagées et déjà dépensées et puis il y a ce qui reste à payer. Pour l'éolien en mer, le coût financier est encore évitable. En ce moment, alors que rien n'a commencé et que les doutes auxquels fait face l'éolien en mer en tant que choix énergétique sont majeurs, des annonces sont faites pour doubler ou tripler la capacité éolienne en mer. C'est paradoxal !

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