Intervention de Patrice Geoffron

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Patrice Geoffron :

Les opérateurs du secteur, notamment, les opérateurs de réseaux, nous disent que le système est intelligent. Nous n'avons pas attendu Linky pour que la France puisse disposer d'une électricité dont les prix sont acceptables. Les transformations du système, en particulier l'urgence de gagner en efficacité – gardons à l'esprit les 35 milliards de tonnes de CO2 et la nécessité de descendre sous les 10 milliards – font que nous ne pourrons pas à l'avenir piloter les systèmes énergétiques, notamment électriques, ni gagner en optimisation si l'on ne met pas en place, schématiquement, une convergence entre les technologies de l'énergie et celles de l'information.

Cela ne signifie pas que nous devions être totalement béats : encore une fois, dans un pays comme la France, à l'heure actuelle, le système est d'une grande robustesse. Dans nombre de domaines, il fonctionne d'une manière qui ne diffère pas fondamentalement de ce qu'il était il y a une dizaine d'années.

Dans ce domaine, l'enjeu dépasse largement l'horizon de la France. J'appartiens à l'association Think Smartgrids qui regroupe Enedis, RTE, les équipementiers, les PME et start-up de ce domaine. Nombre de pays, notamment charbonniers, ont encore plus intérêt que nous à gagner en optimisation. L'effacement en Inde, en Chine, en Allemagne ou en Pologne conduit à éviter le recours à des centrales thermiques. L'espace économique est plus important qu'en France.

Nous percevons l'idée d'optimisation qui est sous-jacente aux smartgrids et a fortiori aux smarts cities. C'est ainsi que Nice met des capteurs sur son boulevard connecté et essaie de voir comment réduire le flux de collecte de déchets. Une smart city n'est pas forcément un environnement dans lequel on va se transporter par drone, c'est un environnement dans lequel on aura cherché à optimiser en fonction des contraintes. Dans la carte d'Europe des villes particulièrement dynamiques, on trouve Barcelone qui a eu à se confronter très tôt à des problématiques de pénurie d'eau et qui profite d'un fort ensoleillement. On trouve aussi Amsterdam qui fait face à d'autres difficultés, notamment d'optimisation des flux de transport et de gestion du dernier kilomètre. Ces contraintes sont pilotées d'une manière plus efficace dès lors que l'on opère la coordination entre des technologies énergétiques et des technologies numériques.

Le taux d'équipement des ménages offre un effet de levier ; il met les ménages dans la boucle et permet d'avoir des modèles innovants et même parfois surprenants autour de ces écosystèmes. Dans le cas Amsterdam, au lieu d'élaborer une forme de planification sur la manière dont cette convergence pouvait s'organiser, ils ont créé une plateforme où se retrouvent des ONG, des citoyens, des centres de recherche, des entreprises et des autorités publiques, afin d'élaborer des appels à projets innovants.

En ce qui concerne le stockage, mon constat sera un peu plus nuancé que celui que vous avez rapporté, très fidèlement, j'imagine, madame la rapporteure. Mon équipe travaille de plus en plus sur la technologie dite du vehicule to grid. Il s'agit moins de chercher à implanter dans le système, et éventuellement de manière stationnaire, des batteries que l'on rendrait économiquement efficace, que de réfléchir sur le type de services à apporter au système des véhicules électriques dès lors que l'on en aura quelques centaines de milliers.

Quel espace économique apparaît à ce moment-là ? Comment est partagée la valeur économique ainsi créée ? Des modélisations existent en Allemagne où le contexte est plus favorable à cause du charbon et du déploiement très massif des énergies renouvelables. On va donc y trouver un espace économique plus favorable à la valorisation du stockage.

Pour ma part, j'ai la conviction que nous ne devons pas jeter les batteries avec l'eau du bain. Nous pourrions les voir se déployer par le biais de la connexion et la recharge intelligente des véhicules au réseau, ce qui produirait un bénéfice bilatéral : contribution des batteries des véhicules électriques au service système ; équilibre local dans le cadre d'un système vehicule to home dans lequel le véhicule est connecté à la maison. Certes, nous nous situons alors dans un environnement périurbain plutôt que parisien mais cela peut apporter des services dans l'espace du foyer et décharger le système d'une consommation à une maille locale.

Tout cela ouvre sur des problématiques d'une grande complexité. Le système électrique ne serait plus organisé de manière verticale, avec des moyens de production tels qu'en France qui dispose en particulier des centrales nucléaires. Dans ce système en devenir, on trouve des énergies renouvelables assez massivement connectées au réseau de distribution et non pas au réseau de transport, et aussi des véhicules électriques qui ont une forme d'ubiquité – ils peuvent consommer de l'électricité ou, au contraire, en déverser dans le réseau. En l'espace de deux décennies, le système aura changé de nature. Cela pourrait être un facteur puissant d'accélération du développement des véhicules électriques. Selon les chiffres qui circulent pour l'Allemagne, en rendant ce type de service, un ménage pourrait en retirer quelques centaines d'euros de bénéfices économiques par an.

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