Intervention de Patrice Geoffron

Réunion du mardi 2 juillet 2019 à 18h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Patrice Geoffron :

. S'agissant de la concurrence, le problème est le suivant : le principal concurrent des opérateurs de services du XXIe siècle est le service qui a été créé au XXe siècle. À la différence de beaucoup de nos voisins, la France est un pays où l'électricité est peu chère, même si quelques millions de ménages restent malheureusement en situation de précarité. Cela fait partie du contrat social : l'électricité est toujours là et elle est suffisamment peu chère pour que ce ne soit pas un problème au quotidien – cela n'a l'air de rien mais je peux vous dire que ce n'est pas le cas au Liban où je me rends régulièrement. Il est donc très compliqué de faire mieux, de déterminer des espaces de services à valeur ajoutée.

Cette caractéristique marque une grande différence avec l'évolution dans les télécommunications, mon domaine de prédilection en tant que chercheur dans les années 1990. À l'époque, les gens de France Télécom vendaient encore de la minute de voix avec des téléphones à fil. Quand on enlève le fil et que l'on propose des services à valeur ajoutée, on rencontre une adhésion massive. Les évolutions de la téléphonie mobile constatées au début des années 2000, ont surpassé de très loin les scénarios les plus optimistes élaborés une dizaine d'années auparavant.

C'est très compliqué de recréer ce type de services à valeur ajoutée dans le domaine de l'énergie, compte tenu de la qualité du système actuel en France. Cela ne nous interdit naturellement pas de penser que les choses vont évoluer avec le développement des véhicules électriques et la convergence avec le numérique qui permettront à des opérateurs de services de faire des propositions. L'électricité ne résume pas le système énergétique mais elle est la partie la plus compliquée à transformer, notamment pour un pays comme la France. Pour le moment, je ne suis pas ébloui par l'observation de ces espaces à valeur ajoutée.

L'une des difficultés est d'ordre cognitif : nos concitoyens ne connaissent pas les prix de l'énergie, le prix du kilowattheure, et ils ne sont pas soumis à des mécanismes d'incitation dans ce domaine. Les tarifs sont à peu près plats. Il est compliqué d'entrer dans un espace dans lequel on va avoir des propositions de valeurs éventuellement fondées sur des mécanismes de prix différents.

Ma réponse à votre question sur l'économie collaborative sera : oui mais. Oui car l'effondrement des émissions de CO2 ne pourra pas se faire uniquement avec des ingénieurs et des technologies efficaces, et un déploiement tel que dans le cycle précédent. Avoir des formes d'implication, de coopération et de gains d'efficience à une maille locale d'économie circulaire, c'est l'un des termes de la loi et cela me paraît relever d'une bonne intention.

Mais il ne faut pas que cette bonne intention nous fasse perdre la vision systémique. Il faudra trouver le bon réglage pour l'autoconsommation d'électricité – bon courage pour le trouver ! D'un côté, il faut des incitations pour ne pas brider l'impulsion des ménages qui sont prêts à investir dans des moyens de production d'électricité. D'un autre côté, selon l'un des scénarios de RTE, il pourrait y avoir 4 millions de ménages qui auto-consomment au milieu des années 2030. Toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sans modification des règles et des taxes, ces 4 millions de ménages – probablement plus aisés que la moyenne – bénéficieraient d'un transfert de 500 millions d'euros du reste de la population. Quand on vise l'équité, cette perspective est préoccupante. Des coopérations et des collaborations émergent mais nous devons garder la vision systémique qui fait que la France possède un système assez remarquable.

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