Intervention de Sébastien Postic

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 17h10
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat :

». Je prendrai le contre-pied d'Hadrien Hainaut en reprenant les questions dans l'ordre où vous les avez posées.

Concernant les taxes liées au climat, c'est-à-dire, dans l'exercice que nous menons, liées à l'atténuation de notre contribution au changement climatique et non à l'atténuation par le prisme de la réduction des gaz à effet de serre, des travaux principalement menés par l'OCDE conduisent à prévoir pour toute action ou produit émetteur, comme une voiture, une taxe liée au climat. Taxer une voiture polluante est considéré comme allant dans le sens de la protection du climat, mais taxer une voiture électrique est plutôt considéré comme négatif du point de vue de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons repris cette définition qui n'est la nôtre et qui ne préjuge en aucun cas de l'efficacité de la taxe. On considère ce qui va dans la bonne direction et ce qui va dans la mauvaise direction, mais l'effet peut être très efficace, parce qu'il arrive au moment de la décision d'investissement, ou un peu mou, parce que l'élasticité est soit très faible, soit sur des temps longs. Quand on commence à taxer le carburant d'une voiture qu'on a déjà achetée, l'action visant à récupérer beaucoup d'argent pour l'État, via la TICPE, est très efficace, mais l'action sur le climat l'est peut-être un peu moins.

Comme il était compliqué d'évaluer les efficacités, nous nous sommes concentrés sur les volumes. Les volumes permettent de pointer des éléments. Comme le disait Benoît Leguet, on a tendance à taxer beaucoup plus les coûts variables que les coûts d'investissement. Si on voulait être incitatifs, il serait plus intelligent de taxer l'investissement que de taxer quand la voiture est déjà là et que la personne ne peut pas changer ses trajets.

Finance-t-on la transition énergétique avec les 56 milliards d'euros ? La réponse est clairement non. Ce n'est pas l'idée et il n'est pas sûr que ce doive l'être. Le travail que nous avons fait sur les taxes carbone montre qu'il existe nombre d'utilisations intelligentes de cet argent et que le but n'est pas forcément d'agir sur le climat, avec un outil de taxation qui a un effet sur le climat par ailleurs positif, très positif ou peu positif. De plus, le budget de la France est ainsi fait que l'on ne peut pas flécher une grosse partie de l'argent perçu. Il passe par le budget général, il est voté dans le cadre du projet de loi de finances. Il serait donc, pour des raisons qui dépassent le cadre de la discussion purement climatique, illusoire d'afficher une feuille recettes et dépenses sur un compte séparé climat. Cela existe dans le cadre du compte d'affectation spéciale pour la transition énergétique, mais cela reste limité.

Dans le cas de la Suède, du Québec et d'une longue série de pays que nous avons étudiés, nous avons constaté que l'on avait, soit créé des taxes carbone pour financer des objectifs qui n'avaient rien à voir avec le climat, soit mis en place des réductions de subventions aux énergies fossiles dont l'objectif affiché était de procurer de l'argent à l'État et qui n'avaient rien à voir avec quelque ambition climatique que ce soit. C'est le cas dans les pays en développement. Des retours d'expérience montrent que les consommations en carburant ont baissé et que ces actions ont eu un impact positif qui ne correspondait pas à la volonté initiale. On a ainsi pu montrer que de telles mesures étaient mieux acceptées et bien plus cohérentes si elles n'étaient pas exclusivement montrées à travers le prisme climatique. Pourquoi vouloir prélever autant que ce qu'on dépense pour le climat, pourquoi vouloir dépenser autant que ce qu'on prélève pour le climat ? En Indonésie, par exemple, l'argent dégagé par les réformes de subvention aux énergies fossiles a permis de développer des programmes de santé et d'éducation. L'argent des marchés de quotas en Californie a servi à construire des routes. La Colombie britannique a réduit les taxes sur les ménages isolés et ruraux. Dans beaucoup de pays, on n'est pas astreint d'un point de vue théorique à lever de l'argent climatique pour dépenser de l'argent climatique. Le lien se fait dans l'esprit des gens.

J'en viens ainsi à la dernière partie : qu'aurait-on dû faire pour les Français ou pour éviter la crise des gilets jaunes ? L'inconvénient d'une taxe carbone et d'une taxe spécifique sur les carburants, c'est qu'elle est très visible et que les gens se sentent piégés. Nous avons vu et signalé que cela a souvent été un déclencheur de mécontentement social et eu l'effet d'une étincelle. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu des « gilets jaunes ». Cela a été emblématique en France, parce que peu de pays développés ont vu émerger de genre de mouvement populaire spontané et rapide, mais nous l'avons constaté dans beaucoup de pays en développement sur lesquels nous travaillions pour l'étude au sujet des réformes de subventions. Nous avons des gages à donner sur l'utilisation de taxes aussi visibles et agressives du point de vue du consommateur qui se sent piégé par l'État. Cela ne signifie pas nécessairement de consacrer ces moyens uniquement pour le climat mais d'être capable de faire preuve de transparence et d'en avoir discuté auparavant

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