La réunion

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L'audition débute à dix-sept heures dix.

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Monsieur Benoît Leguet, vous êtes directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE), association de loi de 1901 fondée par la Caisse des dépôts et l'Agence française de développement.

Vous êtes accompagné de M. Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat », et de M. Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat ».

L'association I4CE a pour objet « d'analyser les politiques pour la transition bas carbone pour l'industrie et l'énergie, d'accompagner les filières agricoles et forestières dans leur prise en compte du changement climatique, d'accompagner la transition vers des territoires bas carbone et adaptés au changement climatique, et favoriser l'intégration du changement climatique par les institutions financières et privées ».

Notre réunion a pour thème l'efficacité des outils économiques pour la transition énergétique.

Quelles modalités pour l'intervention publique ?

Quelle place pour la fiscalité écologique et à quelles conditions ? Cette question a été particulièrement mise en évidence par les réactions à l'évolution de la composante carbone des taxes de consommation sur les produits pétroliers et le gaz.

Quelles sont les caractéristiques des financements privés ?

Quel bilan faire du système communautaire d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre ?

Nous allons vous donner un temps d'exposé liminaire de quinze minutes. Puis les membres de la commission d'enquête vous interrogeront à leur tour avec, d'abord, les questions de notre rapporteure, Mme Meynier-Millefert.

S'agissant d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

(M. Benoît Leguet, M. Hadrien Hainaut et M. Sébastien Postic prêtent successivement serment.)

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Monsieur le président, merci pour votre invitation à venir nous exprimer devant votre commission d'enquête. Je n'aborderai pas tous les thèmes figurant dans le périmètre de la commission d'enquête, faute de préparation suffisante, mais nous serons heureux de répondre à toutes vos questions, dans la mesure de nos connaissances. Non seulement nous avons juré de dire toute la vérité, mais nous n'avons rien à cacher.

Le périmètre de la commission d'enquête inclut l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, la transparence des financements et l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. J'indiquerai toutefois en préambule que nous nous intéressons à la transition énergétique dans son ensemble. Nous regardons les énergies renouvelables et plus largement l'ensemble de l'économie. Par conséquent, s'il n'est pas certain que nous puissions répondre précisément à des questions sur les énergies renouvelables, en revanche nous avons étudié la transition énergétique dans son ensemble. Pour être plus précis, nous regardons la transition vers une économie bas carbone et résiliente au changement climatique.

Vous l'avez rappelé, Monsieur le président, nous sommes une association loi de 1901 d'intérêt général. Notre nom dit à peu près tout : nous sommes un think tank consacré à l'économie du changement climatique. Économie et finance sont dans notre prisme d'observation. Notre ambition est de contribuer à mettre l'économie et la finance au service du climat. Notre logo indique que nous relevons d'une initiative de la Caisse des dépôts et de l'Agence française de développement. Nous avons été rejoints depuis 2015 par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), la Banque de France, l'institut Louis Bachelier et la Caisse de dépôt et de gestion du Maroc. Ces institutions nous demandent d'examiner comment mettre l'économie et la finance au service du climat.

Pour nous intéresser au changement climatique et « faire avancer le schmilblick », nous informons le débat sur les politiques publiques liées au climat. C'est l'objet de notre présence ici, aujourd'hui. Par ailleurs, nous cherchons à accompagner les praticiens – régulateurs, superviseurs, institutions financières, entreprises – dans l'intégration concrète des enjeux climatiques. Notre prisme d'observation est plus particulièrement l'économie et la finance. Ce ne sont pas nos seuls pôles d'intérêt mais cela nous caractérise au sein de l'écosystème des think tanks français.

Le maître mot de mon propos est la transparence. Nous sommes très attachés à la transparence de notre action pour de multiples raisons. Nous fournissons des chiffres et des informations pour aider les décideurs à prendre des décisions. Nous partons du principe que des décideurs correctement informés prennent des décisions correctes. Nous cherchons à mettre en évidence les efforts publics « pro-climat », afin de montrer qu'on ne part pas de rien.

Cela permet d'évaluer l'efficacité de ces efforts publics. Pour nous, l'efficacité n'est pas un gros mot. On est en droit de se poser la question de l'efficacité à court, moyen et long terme de l'utilisation de l'argent public. Nous évaluons ainsi les besoins non satisfaits pour trouver des solutions, quand il y en a. Poser sur la table les chiffres d'investissement aujourd'hui et ce qu'il faudrait pour atteindre les objectifs de la France met en lumière ces besoins non satisfaits et souligne les dépenses publiques défavorables au climat.

Scoop : il existe des dépenses publiques défavorables au climat ! L'enjeu pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris et même plus concrètement les objectifs que la France s'est fixés, c'est, pour le dire rapidement, de faire plus de vert, plus de bas carbone et moins de marron, c'est-à-dire moins d'intensif en carbone. Il faudra faire les deux en même temps. Si on fait plus de vert et autant de marron, on n'avancera pas beaucoup ; si on ne fait pas plus de vert et plus de marron, on reculera. Certes, il y a aussi des dépenses privées défavorables au climat, mais nous souhaitons mettre en lumière les dépenses publiques.

Il convient aussi de favoriser l'acceptabilité sociale. Vous l'avez évoqué dans votre propos liminaire, Monsieur le président. L'épisode des gilets jaunes a montré le besoin de transparence, notamment sur l'usage des revenus de la taxe carbone. Il ne suffit pas de mettre en place une taxe carbone, encore faut-il montrer à quoi elle sert.

Je ferai trois focus sur des travaux qui peuvent vous intéresser, puis nous nous prêterons au jeu des questions et réponses. Le premier travail est un panorama des investissements climat, au sens bas carbone, en France. Conduit chaque année par Hadrien Hainaut, il contribue à répondre à l'article 174 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Le deuxième projet en cours de finalisation, relatif à l'utilisation des recettes liées au carbone, a été conduit par Sébastien Postic. Nous avons regardé comment les autres pays s'étaient emparés du sujet. Nous lançons un troisième projet d'observatoire « climat » des budgets publics, pour lequel Sébastien Postic est aussi à la manœuvre, visant à déterminer la couleur du budget voté chaque année par l'Assemblée. Est-elle plutôt verte ou plutôt marron ? Y a-t-il des morceaux plutôt verts ou plutôt marron ? Apporter des éléments quantitatifs et chiffrés permet d'éclairer les décisions des parlementaires.

Concernant le panorama des investissements climat en France, Hadrien Hainaut produit chaque année un diagramme visant à évaluer le montant des investissements publics et privés réalisés en faveur du climat en France ? D'un côté, il montre les différents secteurs, dont l'énergie bas carbone, le renouvelable et le nucléaire, l'efficacité énergétique, le transport, le bâtiment, l'agriculture. De l'autre côté, il détaille les sources de financement, public, privé et d'où vient l'argent, ainsi que les porteurs de projets, les intermédiaires et les différents outils financiers pour tous les projets bas carbone.

Pour vous éviter la lecture fastidieuse de ce diagramme, j'apporterai quelques éclairages. Les investissements publics et privés en faveur du climat ont représenté 41 milliards d'euros en 2017. En France, les ménages, la sphère publique, au sens large, et les entreprises ont donc investi, en formation brute de capital fixe, 41 milliards d'euros en faveur de l'énergie bas carbone. Pour suivre la stratégie nationale bas carbone, première version, il aurait fallu investir 10 à 30 milliards d'euros de plus dans le vert, c'est-à-dire peut-être investir 10 à 30 milliards d'euros en moins dans le marron. Les financements réalisés par le secteur public représentent environ 20 milliards d'euros. J'y reviendrai.

Ces 10 à 30 milliards d'euros manquants sont répartis différemment selon les secteurs. L'essentiel se trouve dans la rénovation des bâtiments. C'est dans le logement et un peu dans le tertiaire qu'on trouve l'essentiel de ce qu'il faudrait faire de plus. On décèle également un important déficit d'investissement dans les véhicules bas carbone et, dans une moindre mesure, dans les réseaux de chaleur, sur lesquels il ne faudrait pas faire grand-chose mais pour lesquels il n'y a vraiment pas grand-chose.

Dans ces 41 milliards d'euros dédiés au climat, l'intervention du secteur public est répartie entre deux grands segments : l'investissement des porteurs de projets publics – gestionnaires d'infrastructures, bailleurs sociaux, État et collectivités – et les cofinancements publics des ménages et des entreprises. On retrouve de la dette concessionnelle, des subventions et la redirection des ressources privées, essentiellement les certificats d'économies d'énergie (CEE).

Combien fait-on en faveur du bas carbone chaque année ? Facétieux, nous nous sommes interrogés aussi sur les investissements défavorables au climat. Nous avons cherché les investissements orthogonaux à l'accord de Paris et nous avons trouvé, en France, pour 2017, 70 milliards d'euros d'investissement par les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics, essentiellement des véhicules émetteurs, de classe B, ou plus en termes d'émission de gaz à effet de serre, des chaudières au fioul. Le chiffre avait bien baissé depuis 2011 mais il est de nouveau en augmentation depuis 2014.

Pour mettre tout cela en perspective, nous avons figuré, sur une autre slide, les 41 milliards d'euros de formation brute de capital fixe d'investissements verts, les 70 milliards d'euros d'investissements défavorables au climat et le montant total des investissements en France. On trouve donc 300 milliards d'euros de formation brute de capital fixe dont on ne sait pas trop la couleur. Ils ne sont peut-être pas complètement orthogonaux à l'accord de Paris, mais ils ne sont peut-être pas complètement verts et ils comprennent peut-être des opportunités manquées, c'est-à-dire de la rénovation énergétique ou de la rénovation de bâtiment sans rénovation énergétique embarquée. Nous appelons cela « la fabrique à gilets jaunes » car avec ces investissements, on est peut-être en train de fabriquer les gilets jaunes de demain.

J'évoquerai plus rapidement le deuxième projet, relatif à l'utilisation des revenus du carbone. Voyant la tournure que prenaient les débats en France, nous avons regardé comment les autres pays avaient essayé de résoudre le problème et utilisé les revenus tirés des différents dispositifs qui mettent un prix au carbone. Nous avons constaté que ce n'était pas toujours pour financer la transition énergétique. Une fiscalité environnementale n'est pas nécessairement destinée à financer la protection de l'environnement.

En regardant ce qui se faisait dans deux douzaines de pays, nous avons trouvé quatre grandes familles d'utilisation des recettes. Le plus connu, la plus « tarte à la crème », c'est la réforme fiscale réalisée par la Suède, qui a augmenté la fiscalité sur le carbone et réduit la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages. Une autre utilisation est le fléchage vert, dans lequel l'argent du carbone repart au carbone, ce que fait typiquement le Québec, qui a créé un fonds vert destiné à financer les infrastructures réduisant durablement les émissions de gaz à effet de serre. La troisième utilisation est le budget général. En Irlande, un accord politique a été trouvé prévoyant la mise en place d'une taxe carbone dédiée au désendettement du pays. La quatrième utilisation, ce sont les paiements directs, plutôt forfaitaires, comme ceux mis en place par le Suisse. D'un côté, on taxe et, de l'autre côté, on baisse les primes d'assurance santé obligatoire en Suisse, ce qui s'apparente à un transfert direct.

Il n'y a pas de bonne recette générale. Tout dépend du contexte national. La clé est la transparence, basée sur les retours. Nous avons regardé ce qui se passait dans vingt-cinq pays qui ont mis en place des prix du carbone. Ils l'ont fait à des niveaux différenciés, mais nous en retenons qu'il faut débattre en amont pour s'accorder sur la destination des revenus de la fiscalité du carbone, rendre des comptes, rendre visibles les contreparties et rendre concret pour le citoyen l'usage de cet argent. Nous répondrons volontiers à vos questions éventuelles sur ce point.

J'en viens au troisième projet. Nous mettons en place un observatoire climat du budget de la France, en espérant informer la décision des parlementaires. Nous avons d'abord examiné les prélèvements et nous avons trouvé vingt-quatre impôts ayant un impact sur le climat, ce qui ne veut pas dire vingt-quatre impôts pour le climat. Ils représentent 56 milliards d'euros de recettes. Nous en avons trouvé dans la taxation des énergies fossiles, dans l'électricité et dans les véhicules. Les effets de cette taxation sont généralement favorables au climat. La taxation de l'électricité est-elle bonne ou non pour le climat ? Je vous laisse disserter sur cette question. En tout cas, la taxation des énergies fossiles et sur les véhicules va dans le bon sens, notamment dans la mesure où elle vise à défavoriser les véhicules les plus lourds et les plus consommateurs d'énergie.

Nous constatons que les carburants sont beaucoup plus taxés que les véhicules. Je mets cet élément en regard de chiffres que l'ADEME pourrait vous fournir. Les dépenses de carburant représentent environ un tiers du coût total d'un véhicule. Il convient donc de réfléchir à une fiscalité intelligente qui ne soit pas une fabrique à gilets jaunes deuxième version, qui ne fasse pas des « prisonniers énergétiques », victimes de la fiscalité des carburants, après que leur décision d'investir dans une voiture a été prise.

Nous avons un travail à suivre sur les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires. Nous vous rappelons des chiffres que vous connaissez. Les dépenses fiscales sur la fiscalité carbone représentent aujourd'hui environ 10 milliards d'euros. Il y a peut-être aussi quelque chose à faire dans ce domaine. Pour vous donner du cœur à l'ouvrage, nous aimons bien rappeler que s'agissant des dépenses fiscales, on peut certes accuser Bruxelles – c'est un peu le fait de Bruxelles même si Bruxelles c'est aussi un peu ses États membres –, mais on peut aussi agir au niveau national dès aujourd'hui, c'est-à-dire dès le projet de loi de finances.

Nous avons fait figurer quelques éléments pour alimenter votre réflexion. Si vous voulez nous suivre, nous vous invitons non seulement à nous auditionner de temps en temps, mais aussi à lire notre lettre d'information publiée sur notre fil Tweeter. Nous organisons des événements et éditons des publications de quatre à trois cents pages. En fonction du temps que vous pouvez nous accorder, nous serons toujours prêts à vous répondre.

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. Vous êtes parvenus à faire des additions que nous avions essayé de faire de notre côté. Vous dites que l'on réalise environ 41,2 milliards d'euros de dépenses vertes, c'est-à-dire des dépenses pour le climat, en additionnant secteur public et secteur privé, dont 20 milliards d'euros pour l'État. Dans le même temps, on fait 73 milliards d'euros de dépenses publiques et privées défavorables au climat, essentiellement dans les transports, pour 71,4 milliards d'euros, le restant étant représenté par le chauffage. À cela s'ajoutent 300 milliards d'euros de formation brute de capital fixe qui ne sont ni verts ni marron.

Par ailleurs, vous dites qu'on prélève 56 milliards d'euros de recettes au nom du climat, dont 37,6 milliards d'euros sur les carburants fossiles, 11,4 milliards d'euros sur l'électricité et 5,6 milliards d'euros sur les véhicules. Si l'État prélève 56 milliards d'euros de recettes au nom du climat et fait 20 milliards d'euros de dépenses vertes, ne garde-t-il pas de côté 36 milliards d'euros de recettes non redistribués pour le climat ?

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Les 73 milliards d'euros de dépenses publiques et privées sont clairement orthogonaux au climat mais, je le répète, pour ce qui est des 300 milliards d'euros, on ne sait pas. Ils comportent certainement des dépenses « marron », mais nous n'avons pas tout regardé.

Les 56 milliards d'euros de recettes ne sont pas forcément prélevés au nom du climat mais sur des impôts ayant un impact sur le climat. Par exemple, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) a un impact sur le climat mais n'est pas prélevée au nom du climat. Sauf erreur de ma part, les revenus de la TICPE servent à autre chose qu'à combattre le changement climatique. Cela peut expliquer une partie de l'évaporation entre les 56 et les 20 milliards d'euros.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

Dans les 20 milliards d'euros associés à l'intervention des pouvoirs publics dans le financement des investissements, il n'y a pas seulement des financements d'État, il y a aussi l'intervention des opérateurs de l'Etat SNCF Réseau et RATP, qui ont un effet de levier sur les financements d'État, l'intervention des collectivités et l'intervention des banques publiques Caisse des dépôts et Bpifrance. Cela revient même à accroître le champ des institutions participant à ces 20 milliards. Dans votre rapprochement, cela réduirait la part que l'État y consacre.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. On peut cependant noter que les dépenses d'investissement sont couvertes dans ce que vous avez mentionné. Or l'État prélève et redistribue des financements pour d'autres motifs que l'investissement, pour des dépenses d'intervention ou des dépenses de fonctionnement, par exemple. Ces éléments, qui sont plutôt examinés par mon collègue Sébastien Postic, peuvent compléter le soutien à l'investissement.

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. Le financement des énergies renouvelables vertes relève-t-il pour vous de l'investissement ?

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Dans l'étude présentée ici, il n'est pas présenté comme du financement de l'investissement. Les porteurs de projets éoliens ou solaires ouvrant droit à un tarif d'achat ne perçoivent pas la subvention au moment du lancement. Notre analyse visant à savoir qui contribue chaque année au financement des investissements montre que ce sont essentiellement les financeurs privés, le développeur sur ses fonds propres et les banques accompagnant ces projets. Au cours de leur vie, ces projets vont toucher une part d'argent privé issue du marché de l'électricité et une part d'argent public issue de la compensation du tarif d'achat. Mais pour des projets lancés en 2017 et en 2018, ne connaissant pas l'état futur des relations entre argent privé et argent public dans le tarif d'achat, puisque cela dépend du prix de l'électricité sur quinze ans, nous sommes difficilement en mesure de dire combien d'argent public ces projets vont percevoir. Par conséquent, nous présentons dans l'étude panorama les fonds que les porteurs de projets peuvent mobiliser au moment du lancement de l'investissement, dans une approche ressource-emploi dans la comptabilité nationale par rapport à l'utilisation des fonds faite l'année en cours.

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. Pouvez-vous nous fournir une ventilation par grandes masses de ces 20 milliards d'euros de dépense publique ?

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Auparavant, il convient de mentionner le rôle incitatif de la fiscalité environnementale au sens large. Elle n'est pas destinée uniquement à prélever de l'argent. Il ne faut donc pas chercher à trouver une égalité entre les prélèvements et la restitution.

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. C'est un raisonnement très intéressant. Il est sûr que la fiscalité prélève de l'argent, mais il est moins certain qu'elle soit incitative. On n'a pas arrêté d'augmenter les taxes sur le tabac et les gens n'ont pas arrêté de fumer, on n'a pas arrêté d'augmenter la fiscalité sur les véhicules et ils ont continué à circuler en émettant du carbone. L'effet incitatif fonctionne pendant un ou deux ans, puis les comportements anciens reprennent. L'incitation est censée exister et existe sans doute, mais elle est difficile à quantifier. En revanche, l'aspect monétaire est là.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Une abondante littérature scientifique indique l'existence d'une élasticité-prix capable d'infléchir les comportements, ce qui est rassurant.

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. En ce cas, expliquez-moi pourquoi on n'a pas arrêté d'augmenter la fiscalité carbone depuis dix ans sans constater une baisse des émissions de CO2 ?

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. La contribution énergie climat a été introduite en 2014. À l'époque, on a réalisé une baisse équivalente de la TICPE et la fiscalité est restée inchangée.

La raison pour laquelle les émissions ne baissent pas, nous avons cherché à l'expliquer. Si les ménages ont décidé d'investir dans une voiture et s'ils habitent à vingt kilomètres de leur lieu de travail, on pourra augmenter la fiscalité autant qu'on voudra, ils n'achèteront pas demain une voiture moins émettrice et ils ne feront pas les premiers dix-huit kilomètres en voiture et les deux kilomètres restants à pied. À court terme, cela devient une dépense contrainte.

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. Vous me rejoignez donc sur l'effet incitatif de la fiscalité. Augmenter le coût à la pompe n'est pas nécessairement une incitation.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Oui, pour les déplacements domicile-travail, sauf à démissionner.

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. J'en reviens aux 20 milliards d'euros de dépenses publiques. Quel usage en fait-on ?

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Cela apparaît sur la slide dans la pile colorée. Une partie représente les investissements des porteurs de projets publics : l'État qui rénove ses propres bâtiments, une collectivité qui rénove ses bâtiments ou qui acquiert des véhicules pour son propre compte, les collectivités propriétaires de certains réseaux de transport sur leur territoire qui construisent des abribus ou des voies de bus rapides. Une autre partie recouvre les investissements des opérateurs de l'État : SNCF Réseau pour la construction du réseau ferré national, la RATP pour la construction des infrastructures de transport en commun urbain. Tout cela confondu représente les pouvoirs publics en tant que propriétaires d'équipements contribuant à la transition. Vient ensuite la grande catégorie des subventions aux porteurs de projets privés. On retrouve du crédit d'impôt transition énergétique, des aides de l'agence nationale de l'habitat (ANAH) aux ménages modestes, des aides du fonds chaleur de l'ADEME pour les entreprises qui installent des équipements de récupération de chaleur ou des équipements de chaleur renouvelable dans leur processus de production. On trouve ensuite, côté banques publiques, les prêts des banques publiques Caisse des dépôts et Bpifrance au logement social et aux entreprises qui réalisent des travaux d'économies d'énergie. Pour Bpifrance, on retrouve aussi des prêts de financement de projets d'électricité renouvelable, puisque Bpifrance complète souvent le tour de table des banques commerciales pour le financement des projets éoliens et solaires. Enfin, la petite bande rouge représente les financements que les pouvoirs publics ordonnent à certaines institutions privées de flécher ou d'organiser vers la transition. Cela représente surtout les certificats d'économies d'énergie, puisque certains acteurs privés sont obligés de dédier des financements à l'investissement pour certains projets parmi une liste très vaste couvrant plusieurs secteurs mais dont le montant financier n'est pas inscrit dans les budgets des pouvoirs publics eux-mêmes.

Toutes ces ressources ont en commun d'être disponibles pour des porteurs de projets publics ou privés au moment d'investir. Ces ressources peuvent couvrir le coût initial des travaux. Ce ne sont pas des espérances de revenus à dix ou quinze ans, ce qui les différencie de l'intervention publique dans le tarif d'achat qui correspond, pour un projet lancé en 2018, à une espérance de revenus, certes garantie par la solidité des contrats mais pas absolument certaine.

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. J'ai envie de questionner votre méthode. Pour les CEE, vous figurez un tout petit liseré rouge, représentant 500 millions d'euros, alors que j'avais compris qu'ils représentaient 2 à 3 milliards d'euros par an.

Vous dites que ce sont des dépenses bonnes pour le climat. Imaginons que je sois un bailleur social et que je décide de rénover tout mon parc entièrement chauffé avec des radiateurs électriques. Je fais une superbe économie d'énergie mais je n'ai pas économisé un gramme de carbone puisque j'utilise toujours une énergie décarbonée. J'en utilise moins, mais cela n'a pas d'impact sur le climat. Comment établissez-vous la distinction entre la notion de CO2 et la notion d'économie d'énergie ? Réduire la consommation d'énergie n'a pas toujours un impact sur l'émission de CO2, mais comment l'intégrez-vous ?

Comme les tarifs de rachat et les appels d'offres sont des attentes pour le futur, ils n'apparaissent pas dans vos dépenses publiques. Or, en raisonnant non en termes financiers mais comptables, je constate que l'État décaisse des milliards d'euros. On peut débattre de l'incidence sur le climat, mais allons dans le sens de la rapporteure et considérons que faire des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est bénéfique. Dès lors, on pourrait chaque année considérer qu'il n'y a pas lieu de les intégrer, alors qu'on constatera, au bout d'un certain nombre d'années, que l'État a dépensé 10, 15 ou 20 milliards d'euros. Il est tout de même problématique d'afficher que des dépenses publiques sont « seulement » de 20 milliards d'euros pour l'État alors qu'en réalité, il en a peut-être dépensé 30. On va le pointer du doigt en disant qu'il ne contribue pas à la protection du climat.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. À la manière des Grecs dans « L'Odyssée », je commencerai par répondre aux dernières questions, puis je remonterai vers les premières.

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. N'oubliez pas de me prévenir à l'approche de Charybde et Scylla !

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. L'exercice ne partait pas du point de vue de l'État mais de la question de savoir si la nation, avec toutes ses forces économiques, faisait ce qu'il fallait sur le sujet particulier de l'investissement, lequel prépare l'économie du futur. Si on veut atteindre, en 2020, 2030 ou 2050, un objectif économique aligné sur nos objectifs climatiques, cela doit être dès aujourd'hui visible dans la formation brute de capital fixe. C'est la prémisse de l'étude ici présentée. En se limitant à la dimension investissement, diverses interventions des entreprises et des pouvoirs publics sortent un peu du champ, parce que ces dépenses auront lieu dans d'autres dimensions. C'est pourquoi, cette année, I4CE a engagé l'exercice dont mon collègue Sébastien Postic est chef de projet, exercice qui, lui, s'intéresse au budget de l'État et dans lequel les dépenses de soutien aux énergies renouvelables que vous avez mentionnées figurent dans la balance du vert et du brun. Il y a donc un exercice visant globalement l'économie dans sa dimension investissement, et un autre qui regarde plutôt le pilotage du budget de l'État. Nous espérons que ces deux éléments combinés ou parallèles apporteront des éléments au débat.

Je serai plus bref sur les deux autres points qui sont un peu plus techniques.

Il est effectivement très difficile de délier l'efficacité énergétique et le carbone, dans la mesure où beaucoup d'opérations aujourd'hui menées, qu'il s'agisse de rénovations ou d'achats de véhicules, sont évaluées dans les deux dimensions. De plus, le paysage vers lequel on veut aller en 2030 et en 2050 vise à la fois l'efficacité énergétique et la réduction des émissions. Même si aujourd'hui l'électricité est essentiellement décarbonée, tous les concepteurs des scénarios qui ont servi de base à la définition des objectifs sont conscients que l'enveloppe d'électricité décarbonée n'est pas illimitée. L'efficacité de certains usages de l'électricité sera améliorée dans le futur. On retrouve cette idée dans la définition des labels d'efficacité énergétique pour la rénovation, des classes de consommation d'énergie dans les bâtiments, et on essaie d'élaborer des indicateurs recouvrant les deux notions. Dans notre panorama, ces deux notions sont mêlées dans la mesure où nous pensons que la transition concerne à la fois l'efficacité énergétique et la réduction des émissions.

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. Vous avez retenu toutes les dépenses de rénovation énergétique, mais vous n'avez pas regardé celles portant uniquement sur une électricité carbonée. C'est un choix méthodologique.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. C'est aussi un choix de simplicité.

Quant aux CEE, ils apparaissent dans un liseré un peu plus fin, pour deux raisons. En premier lieu, nous voyons l'économie du point de vue des investissements réalisés, puis nous remontons vers les financements qu'ils ont reçus. Or pour certaines fiches CEE, nous n'arrivons pas à estimer précisément le montant d'investissement associé. C'est le cas des CEE dédiés à l'industrie. Nous savons qu'un certain montant de certificats d'économies d'énergie a été accordé aux industriels, mais nous ne savons pas toujours combien d'investissements ils ont fait en retour. Nous y travaillons avec le service « industrie » de l'ADEME, qui nous aide à préciser ces notions. En second lieu, il peut y avoir un élément de chronologie en fonction des personnes avec lesquelles vous avez parlé des CEE. On connaît depuis 2018 et 2019 une forte hausse de la valeur des CEE sur un marché un peu plus tendu qu'il y a deux ou trois ans. Pour un même volume de CEE attribués à certaines opérations d'efficacité, dans les années récentes qui n'apparaissent pas encore sur mon schéma, les montants peuvent augmenter du simple au double. Le prix du kWh cumac est passé de 3 centimes d'euros il y a trois ou quatre ans à 6, 8, voire neuf centimes aujourd'hui. Vous devriez donc voir mécaniquement le liseré rattraper ce niveau-là dans les années à venir.

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. Passons à la partie gérée par M. Postic. Vous avez dit que les 56 milliards d'euros de recettes ont un impact. Mais avoir un impact ne veut pas dire lutter contre le changement climatique. Sur ces 56 milliards d'euros de recettes, avez-vous regardé ce qui va dans le sens d'une réduction des gaz à effet de serre ? Certes, prélever X milliards d'euros de TICPE pour financer les collectivités territoriales touche le carburant et, par ricochet, le climat, mais ne finance pas directement la transition énergétique.

Vous avez établi une comparaison intéressante entre la Suède, le Québec, l'Irlande et la Suisse au sujet de la conception d'une stratégie d'acceptabilité sociale de cette taxation. Après que vous nous aurez répondu sur la partie consacrée au changement climatique, vous nous direz si vous estimez que tout cela est très clair pour les Français ? N'aurait-on pas dû s'inspirer des Suédois, c'est-à-dire, à mesure qu'on augmentait la taxe sur le CO2, baisser la contribution au service public de l'électricité (CSPE), afin d'intensifier les usages électriques et décarbonés ? Plutôt que de financer des énergies renouvelables par l'impôt ou par des taxes indirectes sur le carburant avec la TICPE, ne pourrait-on pas trouver des modèles plus inventifs, comme un grand emprunt national de plusieurs dizaines de milliards d'euros qui rendrait les Français actionnaires de la transition énergétique et qui ne passerait pas par l'outil fiscal ? On parle beaucoup de taxe carbone. Dès qu'elle a commencé à augmenter, on a connu la crise des gilets jaunes. Est-ce qu'on ne se berce pas de mots ? M. Leguet disait lui-même que l'on peut augmenter le prix de 5 ou 10 %, mais qu'à un moment donné, cela devient intolérable pour le mode de vie des Français. Entre la Suède, le Québec, l'Irlande ou la Suisse, quel modèle a votre préférence ?

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Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat

». Je prendrai le contre-pied d'Hadrien Hainaut en reprenant les questions dans l'ordre où vous les avez posées.

Concernant les taxes liées au climat, c'est-à-dire, dans l'exercice que nous menons, liées à l'atténuation de notre contribution au changement climatique et non à l'atténuation par le prisme de la réduction des gaz à effet de serre, des travaux principalement menés par l'OCDE conduisent à prévoir pour toute action ou produit émetteur, comme une voiture, une taxe liée au climat. Taxer une voiture polluante est considéré comme allant dans le sens de la protection du climat, mais taxer une voiture électrique est plutôt considéré comme négatif du point de vue de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons repris cette définition qui n'est la nôtre et qui ne préjuge en aucun cas de l'efficacité de la taxe. On considère ce qui va dans la bonne direction et ce qui va dans la mauvaise direction, mais l'effet peut être très efficace, parce qu'il arrive au moment de la décision d'investissement, ou un peu mou, parce que l'élasticité est soit très faible, soit sur des temps longs. Quand on commence à taxer le carburant d'une voiture qu'on a déjà achetée, l'action visant à récupérer beaucoup d'argent pour l'État, via la TICPE, est très efficace, mais l'action sur le climat l'est peut-être un peu moins.

Comme il était compliqué d'évaluer les efficacités, nous nous sommes concentrés sur les volumes. Les volumes permettent de pointer des éléments. Comme le disait Benoît Leguet, on a tendance à taxer beaucoup plus les coûts variables que les coûts d'investissement. Si on voulait être incitatifs, il serait plus intelligent de taxer l'investissement que de taxer quand la voiture est déjà là et que la personne ne peut pas changer ses trajets.

Finance-t-on la transition énergétique avec les 56 milliards d'euros ? La réponse est clairement non. Ce n'est pas l'idée et il n'est pas sûr que ce doive l'être. Le travail que nous avons fait sur les taxes carbone montre qu'il existe nombre d'utilisations intelligentes de cet argent et que le but n'est pas forcément d'agir sur le climat, avec un outil de taxation qui a un effet sur le climat par ailleurs positif, très positif ou peu positif. De plus, le budget de la France est ainsi fait que l'on ne peut pas flécher une grosse partie de l'argent perçu. Il passe par le budget général, il est voté dans le cadre du projet de loi de finances. Il serait donc, pour des raisons qui dépassent le cadre de la discussion purement climatique, illusoire d'afficher une feuille recettes et dépenses sur un compte séparé climat. Cela existe dans le cadre du compte d'affectation spéciale pour la transition énergétique, mais cela reste limité.

Dans le cas de la Suède, du Québec et d'une longue série de pays que nous avons étudiés, nous avons constaté que l'on avait, soit créé des taxes carbone pour financer des objectifs qui n'avaient rien à voir avec le climat, soit mis en place des réductions de subventions aux énergies fossiles dont l'objectif affiché était de procurer de l'argent à l'État et qui n'avaient rien à voir avec quelque ambition climatique que ce soit. C'est le cas dans les pays en développement. Des retours d'expérience montrent que les consommations en carburant ont baissé et que ces actions ont eu un impact positif qui ne correspondait pas à la volonté initiale. On a ainsi pu montrer que de telles mesures étaient mieux acceptées et bien plus cohérentes si elles n'étaient pas exclusivement montrées à travers le prisme climatique. Pourquoi vouloir prélever autant que ce qu'on dépense pour le climat, pourquoi vouloir dépenser autant que ce qu'on prélève pour le climat ? En Indonésie, par exemple, l'argent dégagé par les réformes de subvention aux énergies fossiles a permis de développer des programmes de santé et d'éducation. L'argent des marchés de quotas en Californie a servi à construire des routes. La Colombie britannique a réduit les taxes sur les ménages isolés et ruraux. Dans beaucoup de pays, on n'est pas astreint d'un point de vue théorique à lever de l'argent climatique pour dépenser de l'argent climatique. Le lien se fait dans l'esprit des gens.

J'en viens ainsi à la dernière partie : qu'aurait-on dû faire pour les Français ou pour éviter la crise des gilets jaunes ? L'inconvénient d'une taxe carbone et d'une taxe spécifique sur les carburants, c'est qu'elle est très visible et que les gens se sentent piégés. Nous avons vu et signalé que cela a souvent été un déclencheur de mécontentement social et eu l'effet d'une étincelle. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu des « gilets jaunes ». Cela a été emblématique en France, parce que peu de pays développés ont vu émerger de genre de mouvement populaire spontané et rapide, mais nous l'avons constaté dans beaucoup de pays en développement sur lesquels nous travaillions pour l'étude au sujet des réformes de subventions. Nous avons des gages à donner sur l'utilisation de taxes aussi visibles et agressives du point de vue du consommateur qui se sent piégé par l'État. Cela ne signifie pas nécessairement de consacrer ces moyens uniquement pour le climat mais d'être capable de faire preuve de transparence et d'en avoir discuté auparavant

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. Que pensez-vous du dispositif des CEE qui intéresse beaucoup le président de notre commission d'enquête ? Estimez-vous qu'il s'agit d'une mécanique public/privé intéressante ? Doit-il être amélioré, et si oui, comment ? Pourriez-vous apporter des précisions sur le pourcentage attribué aux CEE industrie ? Pourquoi y a-t-il ce manque de transparence ?

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Nous n'avons pas réalisé d'étude nous permettant de répondre à votre première question. Mais lorsqu'on examine la formation de capital dans le secteur de l'industrie, il est difficile de savoir quels investissements contribuent à la réduction des consommations d'énergie ou des émissions des opérateurs et des entreprises industriels. Certaines branches comme la chimie communiquent sur les montants d'investissement qu'elles ont réalisés. Par ailleurs, l'INSEE enquête auprès des industriels, mais nous avons des raisons de penser que les montants déclarés sont faibles au regard de la réalité. Autrement dit, les industriels déclarent ce qu'ils conçoivent comme directement lié au climat dans le cadre d'enquêtes sur la protection de l'air et de l'eau mais ne rapportent peut-être pas des montants liés à l'efficacité énergétique, dont nous avons des raisons de penser qu'ils sont beaucoup plus importants. Ce sont des questions de mesure qui se posent à nous.

Pour les fiches CEE réalisées chez les industriels, l'information qui nous manquait jusqu'à présent et que nous venons d'obtenir cette année, ce sont les devis des entreprises qui installent les équipements liés aux fiches CEE. Par exemple, combien coûte en moyenne l'installation d'une presse à injecter un peu plus performante ? Cette information que nous n'avions pas dans le cadre de ces exercices est maintenant rendue disponible par l'ADEME qui a fait des travaux précis sur le sujet. Par petites touches, nous allons être en mesure de reconstituer progressivement le paysage des investissements industriels liés au climat, en essayant de corriger les déficiences des quelques sources que j'ai mentionnées.

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. Vous avez dû partir des dépenses constatées par le terrain parce que vous n'aviez pas accès aux informations du dispositif CEE ? Le pôle national des CEE n'a pas pu vous informer sur l'état de leurs enveloppes ?

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Le pôle national des CEE rapporte sur le nombre de fiches et la quantité de kilowattheures cumac qu'il attribue à des industriels qui font des demandes. Je ne crois pas qu'il traite de façon centralisée les montants d'investissement que les industriels réalisent pour obtenir ces CEE. Ils ont peut-être l'information. Je n'ai pas vérifié avec eux s'ils l'ont ou pas, mais s'ils l'ont, ils ne la communiquent pas, peut-être pour des raisons liées au secret statistique, puisque ce sont des opérations industrielles dans des sites parfois sensibles. Quand ils font des dossiers de demande de CEE, je ne sais pas si l'information sur l'investissement réalisé devient publique par la suite.

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. Comme le CEE ne couvre pas la totalité de l'opération et que vous n'en connaissez pas le montant total, vous devez estimer par déduction l'investissement complet de l'entreprise.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Nous utilisons une base de données de devis traités par une entreprise qui a contracté avec l'ADEME, qui nous révèle des moyennes par kilowattheure cumac en euros d'investissement, pas en euros de rémunération liée au dispositif.

D'une façon générale, le dispositif CEE est aujourd'hui piloté par les quantités, au sens d'un marché dans lequel on demande une certaine quantité d'obligations, en face desquelles il y a un certain potentiel ou gisement de certificats disponibles. Or, et le parallèle peut être établi avec le mécanisme du marché carbone européen, piloter une incitation financière par les quantités d'offres et de demandes est extrêmement difficile. Il peut y avoir des chocs de demandes. C'est le cas du marché actuel dans lequel existe une demande importante de certificats face à une offre assez limitée. À l'inverse, il peut y avoir une insuffisance de l'offre, auquel cas le prix s'effondre. Si le but du dispositif est de délivrer une incitation financière stable, planifiable dans le temps, le pilotage par les quantités, qui relève à la fois du rôle de l'État et des évaluateurs de gisement, est extrêmement difficile. On le constate par l'historique des CEE.

L'autre élément déterminant mais qui peut être à double tranchant, c'est la définition des actions soutenues. Il peut être tentant, dans certains secteurs, de décomposer les actions soutenues en postes différenciés. C'est aujourd'hui le cas du bâtiment où les CEE soutiennent individuellement des opérations d'isolation et de changement de chaudières, là où certains observateurs disent que la priorité doit aller au traitement conjoint de plusieurs postes pour accroître le rendement financier ou le rendement énergie ou carbone de l'opération. La définition des actions à mener est importante dans le dispositif.

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. Dans vos chiffrages, avez-vous pris en compte les coûts indirects de l'inaction ou des dépenses évitées. Avez-vous pris en compte l'impact de l'inaction en termes climatiques ? Selon certaines études, le retour sur investissement est de 40 centimes par euro investi dans la rénovation énergétique, et tous les investissements qui seraient réalisés pour traiter le mal-logement en Europe seraient rentabilisés sur dix-huit mois sur les dépenses de santé. Avez-vous fait des recherches à ce sujet ?

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. Sur les sujets précis que vous mentionnez, nous n'avons pas réalisé de travaux qui viendraient s'ajouter à la littérature existante. On observe une littérature abondante sur les écobénéfices de l'investissement, sur les reflets de coûts de l'inaction dans un sens ou dans l'autre. Aujourd'hui, nous regardons des dispositifs proposant de monétiser certains de ces coûts au niveau des porteurs de projets, de créer une incitation basée sur ces coûts mais, à ce stade, c'est plutôt expérimental. Nous n'avons pas de conclusions propres sur ce sujet.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Pour répondre de façon plus macroéconomique sur les coûts de l'inaction, je me plais à rappeler à ceux qui n'ont pas fait d'études de climatologie ou de météorologie qu'une moyenne mondiale de cinq degrés et vingt mille ans nous séparent de l'ère des mammouths. On parle aujourd'hui d'un réchauffement de la planète de cinq degrés en deux cents ans, donc cent fois plus rapide. Il n'est pas besoin d'être un économiste pointu pour comprendre que changer d'ère climatique en deux cents ans entraînera des coûts, mais les quantifier devient très compliqué. Je ne suis pas certain que l'analyse coût-bénéfice pratiquée aujourd'hui par les économistes soit très utile pour répondre à cette question. Pour le dire différemment, la « science économique » aujourd'hui ou, en tout cas, la littérature, n'est sans doute pas calibrée pour répondre à votre question. Je ne sais pas si cela vous rassure ou vous inquiète.

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Cela me donne envie de vous demander de développer la réponse. Nous avons toujours une vision budgétaire. Nous devons négocier chaque somme investie parce que les dépenses sont partout contraintes. Le retour sur investissement sur un autre poste peut être un levier de nature à décrisper ceux qui auraient tendance à penser qu'il faut contrôler la dérive budgétaire.

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Hadrien Hainaut, chef de projet « finances, investissement et climat »

. La réponse comporte trois niveaux.

Des études montrent que des opérations menées en faveur de la transition énergétique ou du climat se soldent par des bénéfices tangibles et directs dans le système économique actuel, notamment pour l'État investisseur ou pour l'État cofinanceur, au nom de raisonnements du type : tant d'opérations créent des emplois, lesquels sont fiscalisés, les rentrées fiscales compensent les investissements. Des études à ce sujet sont menées par l'ADEME à propos de la rénovation des bâtiments. Je pense à l'étude « Marché et emploi de l'efficacité énergétique et des EnR » qui présente chaque année la quantité d'emplois associés à l'efficacité énergétique. L'étude évalue les rentrées fiscales associées à ces emplois.

Vous avez parlé d'un autre type d'éco-bénéfice, que sont les nouvelles relations économiques qui peuvent s'instaurer entre acteurs. Par exemple, une agence de l'eau peut trouver intéressant de payer des agriculteurs pour changer de pratique plutôt que de construire des infrastructures pour aller chercher de l'eau propre à des distances de plus en plus grandes. C'est un nouveau modèle de relations économiques auquel nos instruments de fiscalité et de budgétisation n'étaient pas préparés. Il faut donc étirer notre cadre d'analyse au-delà de ce que nous savons faire pour le prendre en compte. C'est en cela que je parlais d'expérimentation. Il faut tester, dans certaines situations, si des projets de ce type aboutissent à réduire les coûts de l'agence qui s'est engagée dans cette voie, si c'est économiquement vertueux et si l'incitation est bien délivrée.

Globalement, des travaux sont réalisés sur les conséquences économiques d'un emballement du changement climatique dont parlait Benoît Leguet. Les quelques travaux que nous menons à I4CE sur les canaux de transmission du risque climat, c'est-à-dire les transformations de notre environnement climatique, montrent qu'elles sont nombreuses, complexes, mal appréhendées par les techniques des économistes ou des financiers. Surtout, nous cherchons à savoir à partir de quel moment apparaît un effet cascade. Une rupture sur un système en entraîne une autre. Ainsi, cette année, nous apprenons qu'à cause d'une sécheresse prolongée et probablement aggravée par le changement climatique, la capacité opérationnelle du canal du Panama est fortement limitée. Lorsqu'on a demandé en 2006 à Nicolas Stern d'évaluer le coût de l'inaction, ce type de rupture dans les chaînes d'approvisionnement mondiales n'était pas du tout pris en compte et aucun modèle ne pouvait le représenter. On voit bien qu'entre ce que peuvent dire des économistes au niveau global, qui est déjà très alarmant, et certains impacts climatiques visibles au jour le jour, nous sommes en train de franchir un nouveau degré de complexité.

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Vous n'avez donc pas chiffré les impacts du réchauffement climatique sur la santé, sociétaux et sociaux ? Vous étiez sur une projection à plus long terme et je comprends mieux votre réponse.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Dans la partie d'évaluation de l'éco-bénéfice, nous cherchons à justifier une politique de transition énergétique par le fait qu'elle permet de répondre à d'autres questions, ce qui a une valeur aujourd'hui. Dans une transition qui va s'opérer dans le temps, l'objectif n'est pas de le faire le moins cher possible mais avant tout d'éviter d'aller dans le mur. Une fois à peu près assurés d'éviter d'aller dans le mur, l'objectif est de le faire le moins cher possible. Pour un économiste, c'est la différence entre une analyse coût-bénéfice et une analyse coût-efficacité. Autant l'analyse coût-bénéfice est pertinente dans une industrie pour des horizons de court terme, pour des projets « gérables », autant pour le changement climatique, ce n'est pas la bonne façon de gérer ce problème public. On est plutôt sur une problématique de type coût-efficacité. Un objectif est fixé par le politique et on essaie de maximiser, d'optimiser, etc. Cela pose la question de l'horizon temporel et pas seulement du court-termisme.

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Vous avez un regard assez international. Vous disiez que l'épisode des gilets jaunes n'était pas atypique. Pouvez-vous me dire plus précisément en quoi ? Qu'est-ce qui pourrait améliorer l'acceptabilité ? Augmenter la lisibilité est-il suffisant ?

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Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat

. Cela rejoint la question sur le coût de l'inaction. La communication sur le changement climatique a fait l'objet de nombreuses études, davantage orientées vers les citoyens que vers les députés ou des économistes. Or, dire qu'on va payer un petit coût aujourd'hui pour éviter un grand coût demain n'est pas une bonne façon de présenter les choses. Le problème, trop large géographiquement et temporellement, dépasse les capacités d'appréhension des dommages ou des impacts. Une telle présentation, conduisant l'audience à entendre coût versus coût, est négative. Cela rejoint l'épisode non atypique des gilets jaunes car, au-delà des recherches qui prouvent qu'on va dans le mur, le narratif climat ne s'impose pas de lui-même. Le sujet est trop compliqué, trop large et trop incertain. Il englobe trop de caractéristiques pour passer tel quel. On doit donc associer, et c'est une bonne chose, l'action climatique à d'autres actions, d'ordre social, de développement, d'éducation.

Benoît Leguet évoquait les priorités politiques propres à chaque endroit. L'Indonésie a connu vingt-cinq ans d'émeutes. Le président a été démis à la suite de manifestations de rue consécutives à une réforme des subventions à l'énergie, donc, comme en France, à une augmentation des prix de l'essence. L'augmentation était plus importante dans un pays qui pouvait moins se le permettre mais la mécanique est identique. Il y a eu beaucoup plus de morts que chez nous et le gouvernement est tombé. De plus, pour gager la réforme du prix de l'essence, le gouvernement de l'époque n'a pas su capter ce qui était important pour le pays à ce moment-là. On peut réformer le prix de l'essence pour financer l'éducation ou le logement.

En Californie, de grandes actions ont été engagées. Tout ce qui a été réalisé avec l'argent du carbone, les routes, les abribus, a été signalé par un autocollant ou un panneau. Des destructions de voitures polluantes ont été organisées sur la place de la mairie de Los Angeles. Une presse hydraulique avait été installée sur place. Certains ont amené leur voiture pour la compacter publiquement, en échange de quoi on leur donnait une voiture neuve moins polluante. Au moins c'est marquant ! Les Californiens étaient soucieux de qualité de l'air, alors que les Indonésiens étaient plus sensibles aux problèmes d'éducation ou de santé. L'Iran, qui a fortement réformé ses subventions, les prix de l'essence ayant été multipliés par trois ou quatre du jour au lendemain, avait préalablement fait valoir la transformation d'une subvention vers les riches en une subvention vers les pauvres. Dans les pays en développement, les subventions à l'essence sont très majoritairement captées par les riches qui ont des voitures électrifiées alimentées par des groupes électrogènes. Une campagne de communication avait indiqué que l'argent de l'État correspondant allait être versé directement sur les comptes bancaires, ce qui fut le cas juste avant l'augmentation du prix de l'essence. La réforme fiscale de la Suède visait à réduire les prélèvements obligatoires et à rendre la fiscalité plus cohérente.

Pour tous ces mécanismes, on a trouvé une cohérence nationale dépassant le seul sujet du changement climatique. C'est pourquoi prévoir un compte changement climatique séparé entre les recettes et les dépenses est non seulement incohérent et contraire aux principes budgétaires, mais aussi contre-productif en termes de communication, car cela induit une lutte contre une autre lutte. Il y a de nombreuses façons de faire des petits pas dans la lutte contre le changement climatique tout en visant d'autres objectifs plus parlants, plus court-termistes ou plus prégnants au moment précis. Les réussites en matière de prélèvement de taxe carbone résultaient d'une communication amont et de l'inscription de la discussion sur le climat dans un champ plus large.

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. Pour vous, circonscrire les sujets climat entre eux et créer une taxe en circuit clos pour les actions climatiques serait une fausse bonne idée. Cela cristalliserait le stress budgétaire sur un sujet qui finirait par entraîner une réaction pire en termes d'acceptabilité.

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Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat

. C'est vrai dans de nombreux cas, mais je nuancerai le propos. Dans certains cas, les taxes ont été explicitement dédiées au climat, parce que, dans la tête des gens, une taxe pour le climat doit servir au climat. On en voit plus facilement la logique, mais encore faut-il que le climat soit une préoccupation majeure des gens à un instant T et à un endroit donné, ce qui n'est pas souvent le cas. De plus, l'action pour le climat ne se limite pas à mettre plus d'argent dans le climat, elle consiste aussi à enlever celui investi dans des moyens polluants. Elle ne se limite pas à financer de l'investissement mais elle consiste aussi à intervenir en subventionnement ou en intervention. Faire deux caisses et dire qu'on prélève de l'argent pour investir dans des voitures propres ou des éoliennes exclusivement, c'est fermer certains sujets qui ne devraient pas l'être et couper des ponts entre le climat et d'autres sujets, alors que ces ponts existent naturellement. Nous l'avons vu avec les gilets jaunes, l'action pour le climat est aussi un problème d'adaptation. Ce serait vraiment couper des ponts qui pourraient bénéficier aussi à l'action climat. Dans de nombreux pays, l'action climat a été un moteur d'amélioration sociale.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Concernant l'acceptabilité, nous n'avons pas encore parlé de l'accompagnement des ménages modestes, les premiers déciles, pour faire simple. Comme l'a souligné Sébastien Postic, les taxes sur l'énergie présentent la caractéristique d'être régressives. C'est un propos à grosse maille et on peut toujours finasser, mais il existe des moyens d'aider les premiers déciles. Il faut d'abord les sortir de leur situation de « prisonniers énergétiques » et éviter qu'après un investissement des ménages, on ne leur tape pas sur la tête avec un outil qui n'est pas le plus adapté pour changer les comportements à court terme. Il faut qu'ils puissent éviter d'investir dans une voiture à moteur thermique. Si 70 milliards d'euros sont investis annuellement en France dans les voitures émettrices, ce n'est pas parce que les gens sont climatosceptiques, méchants ou bêtes, c'est souvent parce que c'est la seule solution à court terme, face à peu de transports en commun et à une offre de véhicules faiblement émetteurs quasiment inexistante. De même, y a-t-il certainement des choses à faire pour les chaudières au fioul. Jusqu'à présent, l'accompagnement de ces premiers déciles a été négligé et il faudrait peut-être le remettre en avant.

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. Quand on raisonne en coût-efficacité, on est sur le long terme. Donc, quels que soient vos scénarios, il n'y aura pas d'analyse objective pour savoir si ce que vous aviez prévu s'opère ou pas. Il est très difficile pour les politiques de raisonner en termes de coût-efficacité. Comment lier les choix politiques de court terme que nous avons à faire et une analyse coût-efficacité que je peux comprendre s'agissant du climat ?

La production des énergies nous oblige à faire des planifications de long terme avec des investissements très lourds. Au regard de la lutte contre le changement climatique, comment analysez-vous la décision d'abandonner progressivement l'énergie nucléaire, puisqu'on va passer de 75 à 50 % du mix énergétique électrique ? Personne ne parle réellement de l'investissement dans la nouvelle génération de nucléaire ? Avez-vous fait des analyses de coût-efficacité sur ce choix politique assumé depuis un certain nombre d'années en France ?

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. La réponse à la seconde partie de votre question est courte : non. Qu'il s'agisse du nucléaire ou d'autres filières technologiques, d'autres acteurs l'ont sans doute fait, mais pas nous.

Comment intégrer du coût-efficacité dans la décision politique ? Cela s'appelle prendre des options. Je comprends bien qu'il faille se préoccuper de demain, parce que vos problématiques budgétaires sont à l'échelle de l'année, mais nous sommes sur une transition qui va nous occuper quelques décennies. Pour aboutir à la neutralité carbone à l'horizon 2050, il y a des choses à faire avant 2050, des choses à faire dès 2020 et d'autres qu'on peut se permettre de faire en 2030 ou 2040. Mais quand on investit aujourd'hui dans une infrastructure carbonée d'une durée de vie de trente ans, il n'est pas besoin d'être un grand économiste pour comprendre que si on prend la décision après 2020, on n'arrivera pas à la neutralité carbone. On sera très content parce qu'on aura payé un peu moins cher, mais l'objectif ne sera pas atteint. Est-ce grave ? Ce n'est pas à moins de le dire.

Je vais faire plaisir à Hadrien Hainaut en disant que pour la rénovation énergétique du bâtiment, si on commence à se préoccuper de la question en 2049, on échouera. Il faut certainement le faire avant. Entre aujourd'hui, 2019, et 2050, on n'aura pas cinquante opportunités pour rénover un bâtiment. Il y en aura une, peut-être deux. Je ne connais pas le rythme des travaux de rénovation thermique.

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. C'est une excellente question. Cela dépend des travaux dont il s'agit. Pourquoi parler de deux opportunités, car ce n'est pas comme une voiture que l'on remplace entièrement en une fois. Si vous avez une maison, vous savez que les travaux y sont permanents. C'est pourquoi je ne comprends pas la théorie de l'épuisement du gisement conduisant à dire qu'en n'agissant pas globalement mais par étapes, on risque de tuer le gisement.

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. Je vous donnerai un exemple concret. Les changements de chaudière se font à quel rythme ?

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Benoît Leguet, directeur général de l'institut de l'économie pour le climat (I4CE)

. Cela veut dire qu'on peut se permettre d'attendre jusqu'à 2040 avant de la remplacer, sinon il faudra tout changer d'un coup pour atteindre la neutralité carbone. Il en est de même, pour les infrastructures de transport, pour les véhicules. Finalement, c'est l'ensemble de l'économie qu'il faut verdir et par seulement regarder les 40 milliards d'euros d'investissement vert. Il est question de ne pas tuer le gisement, mais pas seulement.

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. Messieurs, nous allons clore cette audition après vous avoir remercié pour votre participation.

L'audition s'achève à dix-huit heures trente.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 17 h 10

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Laure de La Raudière, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Didier Quentin

Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Christophe Bouillon