Intervention de Sébastien Postic

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 17h10
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Sébastien Postic, chef de projet « industrie, énergie et climat :

. Cela rejoint la question sur le coût de l'inaction. La communication sur le changement climatique a fait l'objet de nombreuses études, davantage orientées vers les citoyens que vers les députés ou des économistes. Or, dire qu'on va payer un petit coût aujourd'hui pour éviter un grand coût demain n'est pas une bonne façon de présenter les choses. Le problème, trop large géographiquement et temporellement, dépasse les capacités d'appréhension des dommages ou des impacts. Une telle présentation, conduisant l'audience à entendre coût versus coût, est négative. Cela rejoint l'épisode non atypique des gilets jaunes car, au-delà des recherches qui prouvent qu'on va dans le mur, le narratif climat ne s'impose pas de lui-même. Le sujet est trop compliqué, trop large et trop incertain. Il englobe trop de caractéristiques pour passer tel quel. On doit donc associer, et c'est une bonne chose, l'action climatique à d'autres actions, d'ordre social, de développement, d'éducation.

Benoît Leguet évoquait les priorités politiques propres à chaque endroit. L'Indonésie a connu vingt-cinq ans d'émeutes. Le président a été démis à la suite de manifestations de rue consécutives à une réforme des subventions à l'énergie, donc, comme en France, à une augmentation des prix de l'essence. L'augmentation était plus importante dans un pays qui pouvait moins se le permettre mais la mécanique est identique. Il y a eu beaucoup plus de morts que chez nous et le gouvernement est tombé. De plus, pour gager la réforme du prix de l'essence, le gouvernement de l'époque n'a pas su capter ce qui était important pour le pays à ce moment-là. On peut réformer le prix de l'essence pour financer l'éducation ou le logement.

En Californie, de grandes actions ont été engagées. Tout ce qui a été réalisé avec l'argent du carbone, les routes, les abribus, a été signalé par un autocollant ou un panneau. Des destructions de voitures polluantes ont été organisées sur la place de la mairie de Los Angeles. Une presse hydraulique avait été installée sur place. Certains ont amené leur voiture pour la compacter publiquement, en échange de quoi on leur donnait une voiture neuve moins polluante. Au moins c'est marquant ! Les Californiens étaient soucieux de qualité de l'air, alors que les Indonésiens étaient plus sensibles aux problèmes d'éducation ou de santé. L'Iran, qui a fortement réformé ses subventions, les prix de l'essence ayant été multipliés par trois ou quatre du jour au lendemain, avait préalablement fait valoir la transformation d'une subvention vers les riches en une subvention vers les pauvres. Dans les pays en développement, les subventions à l'essence sont très majoritairement captées par les riches qui ont des voitures électrifiées alimentées par des groupes électrogènes. Une campagne de communication avait indiqué que l'argent de l'État correspondant allait être versé directement sur les comptes bancaires, ce qui fut le cas juste avant l'augmentation du prix de l'essence. La réforme fiscale de la Suède visait à réduire les prélèvements obligatoires et à rendre la fiscalité plus cohérente.

Pour tous ces mécanismes, on a trouvé une cohérence nationale dépassant le seul sujet du changement climatique. C'est pourquoi prévoir un compte changement climatique séparé entre les recettes et les dépenses est non seulement incohérent et contraire aux principes budgétaires, mais aussi contre-productif en termes de communication, car cela induit une lutte contre une autre lutte. Il y a de nombreuses façons de faire des petits pas dans la lutte contre le changement climatique tout en visant d'autres objectifs plus parlants, plus court-termistes ou plus prégnants au moment précis. Les réussites en matière de prélèvement de taxe carbone résultaient d'une communication amont et de l'inscription de la discussion sur le climat dans un champ plus large.

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