. La réponse comporte trois niveaux.
Des études montrent que des opérations menées en faveur de la transition énergétique ou du climat se soldent par des bénéfices tangibles et directs dans le système économique actuel, notamment pour l'État investisseur ou pour l'État cofinanceur, au nom de raisonnements du type : tant d'opérations créent des emplois, lesquels sont fiscalisés, les rentrées fiscales compensent les investissements. Des études à ce sujet sont menées par l'ADEME à propos de la rénovation des bâtiments. Je pense à l'étude « Marché et emploi de l'efficacité énergétique et des EnR » qui présente chaque année la quantité d'emplois associés à l'efficacité énergétique. L'étude évalue les rentrées fiscales associées à ces emplois.
Vous avez parlé d'un autre type d'éco-bénéfice, que sont les nouvelles relations économiques qui peuvent s'instaurer entre acteurs. Par exemple, une agence de l'eau peut trouver intéressant de payer des agriculteurs pour changer de pratique plutôt que de construire des infrastructures pour aller chercher de l'eau propre à des distances de plus en plus grandes. C'est un nouveau modèle de relations économiques auquel nos instruments de fiscalité et de budgétisation n'étaient pas préparés. Il faut donc étirer notre cadre d'analyse au-delà de ce que nous savons faire pour le prendre en compte. C'est en cela que je parlais d'expérimentation. Il faut tester, dans certaines situations, si des projets de ce type aboutissent à réduire les coûts de l'agence qui s'est engagée dans cette voie, si c'est économiquement vertueux et si l'incitation est bien délivrée.
Globalement, des travaux sont réalisés sur les conséquences économiques d'un emballement du changement climatique dont parlait Benoît Leguet. Les quelques travaux que nous menons à I4CE sur les canaux de transmission du risque climat, c'est-à-dire les transformations de notre environnement climatique, montrent qu'elles sont nombreuses, complexes, mal appréhendées par les techniques des économistes ou des financiers. Surtout, nous cherchons à savoir à partir de quel moment apparaît un effet cascade. Une rupture sur un système en entraîne une autre. Ainsi, cette année, nous apprenons qu'à cause d'une sécheresse prolongée et probablement aggravée par le changement climatique, la capacité opérationnelle du canal du Panama est fortement limitée. Lorsqu'on a demandé en 2006 à Nicolas Stern d'évaluer le coût de l'inaction, ce type de rupture dans les chaînes d'approvisionnement mondiales n'était pas du tout pris en compte et aucun modèle ne pouvait le représenter. On voit bien qu'entre ce que peuvent dire des économistes au niveau global, qui est déjà très alarmant, et certains impacts climatiques visibles au jour le jour, nous sommes en train de franchir un nouveau degré de complexité.