. Dans un premier temps, je dessinerai le contexte dans lequel la Banque des territoires investit dans le secteur des énergies nouvelles renouvelables ; dans un second temps, M. Emmanuel Legrand décrira plus précisément notre stratégie d'intervention.
L'investissement dans les énergies renouvelables s'inscrit assez naturellement dans la démarche de la Banque des territoires dont vous venez de rappeler la naissance et la mission. Il forme l'un de nos objectifs stratégiques.
En créant la Banque des territoires, la Caisse des dépôts a voulu marquer sa volonté d'avoir un impact concret sur les territoires par un effet de levier, le meilleur possible, afin d'être créatrice de valeurs financières environnementales et sociétales à long terme.
Le directeur général de la Caisse des dépôts et le directeur de la Banque des territoires ont placé la lutte contre les fractures territoriales au cœur de la stratégie. C'est, bien sûr, une des missions historiques de la Caisse des dépôts ; dans le contexte actuel, elle est plus que jamais nécessaire. Nous pensons que nos investissements dans les énergies renouvelables y participent, et d'ailleurs la transition socio-environnementale a été identifiée par le Commissariat général à l'égalité des territoires comme l'un des six facteurs de la cohésion territoriale.
Notre activité est historique, elle est aussi complémentaire du marché.
Précision liminaire : la Banque des territoires investit sur les fonds propres de la Caisse des dépôts, avec des prises de participation dans les sociétés « projets d'énergies renouvelables ». Les premiers investissements remontent à 2006. À l'époque, quelques millions d'euros étaient investis dans des projets relatifs à l'éolien, au photovoltaïque et à la biomasse. Depuis, le rythme a fortement crû, jusqu'à 40/50 millions d'euros par an dans les années 2010 et à un rythme annuel de 100 à 150 millions d'euros d'investissements en fonds propres depuis 2015. Notre effet de levier, d'environ 7, représente un montant d'investissement d'un milliard d'euros par an en faveur des projets des territoires.
Ces investissements ont concerné toutes les filières : éolien, photovoltaïque, dont on parle beaucoup, mais aussi géothermie, biomasse, bois, méthanisation.
La Caisse des dépôts a d'ailleurs été l'un des premiers investisseurs à soutenir cette filière très locale et très industrielle, puisque, dès 2003, nous avons accompagné le développement d'un des premiers projets dans ce domaine.
D'une façon générale, les investissements de la Caisse des dépôts ont aussi permis d'amorcer le développement d'entreprises dans le domaine. C'est ainsi que nous avons permis l'émergence de sociétés comme Quadran, Neoen ou Albioma. C'est donc un investissement ancien de la Caisse des dépôts. La stratégie et la création de la Banque des territoires s'inscrivent dans cet historique.
Nous accompagnons une nécessité économique. Parfois, le marché sait accompagner ce développement, mais dans la structuration de filières nouvelles, il faut souvent combler la carence du marché. C'est aussi une des missions historiques de la Caisse des dépôts.
Dans ce contexte, la légitimité d'intervention de la Banque des territoires est renforcée par la loi. La mission de la Caisse des dépôts, qui est un établissement public sui generis, est d'appuyer les politiques publiques de l'État mais aussi celle des collectivités territoriales. À ce titre, la Caisse des dépôts respecte la feuille de route de l'accord de Paris, en accompagnant les territoires dans leur développement bas carbone et en répondant aux enjeux du changement climatique. Dans le contexte de l'examen de la loi PACTE, le législateur a voulu clairement inscrire cette mission dans la liste des missions de la Caisse des dépôts. L'article L. 518-2 du code monétaire et financier indique que la Caisse des dépôts doit contribuer au développement économique local et national, et particulièrement dans les domaines du développement durable.
Nos modalités d'intervention sont spécifiques. La Banque des territoires accompagne de nombreux projets d'avenir : construction d'infrastructures, équipements, réseaux, valorisation et transformation du patrimoine du pays, développement de l'innovation sociale et technologique. Nous intervenons essentiellement en tant que partenaires minoritaires, ce qui permet cet effet de levier de 7, à l'instant évoqué.
Au titre des énergies renouvelables, nous prenons en compte plusieurs critères, en suivant très précisément la feuille de route de la transition énergétique.
Premièrement, nous contribuons à augmenter la part des EnR dans le mix énergétique. Encore faible à ce jour, nous nous efforçons d'accompagner cette montée en puissance, les outils de production, mais aussi les fonctions connexes comme le stockage, les réseaux intelligents, le pilotage des réseaux et l'intégration au marché.
Deuxièmement, nous essayons d'aider le pays à constituer un outil de production pérenne. J'en ai parlé, nous avons accompagné des entreprises du secteur ; nous pensons que ce sont des actifs stratégiques et nous essayons d'avoir une vision de long terme.
Troisièmement, nous œuvrons à la solidité du modèle économique et des partenaires. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans ce secteur, les modèles de multiples entreprises sont assez fragiles. Aussi, l'intervention de la Caisse des dépôts, permet-elle de les solidifier, notamment dans certaines filières. Pour la biomasse et la méthanisation, nous avons fortement contribué à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) intervenant dans le secteur.
Quatrièmement, la Banque des territoires est animée d'une volonté forte de se doter d'un portefeuille énergétique diversifié, donc pas uniquement exposé, par exemple, à l'éolien ou au photovoltaïque mais d'être présent sur l'ensemble des filières de façon très cohérente avec les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Cinquièmement, la Banque des territoires recherche l'équilibre territorial du portefeuille. Elle a vocation à servir tous les territoires. Nous essayons de faire en sorte que le portefeuille d'énergies renouvelables couvre l'ensemble du pays, en fonction de ses spécificités. La production d'énergies renouvelables dépend d'aléas climatiques, mais aussi de bassins d'entrants, notamment dans les filières bois ou déchets. Aussi veillons-nous à ce que la répartition géographique de notre portefeuille optimise cette gestion des aléas climatiques et la disponibilité locale des intrants, de sorte à toucher tous les territoires.
Enfin, nous essayons d'accompagner l'innovation dans ce secteur, afin de contribuer à la baisse des coûts et à la diminution du coût au mégawattheure.
La Banque des territoires fait partie du groupe Caisse des dépôts et sa stratégie est étroitement liée à la stratégie de Bpifrance, une filiale de l'État et du groupe Caisse des dépôts qui intervient dans l'accompagnement des entreprises du secteur.
Je terminerai mon propos en évoquant l'acceptabilité sociale de notre action. Être à l'écoute des projets des territoires et des projets des citoyens est dans l'ADN de la Banque des territoires. À ce titre, nous avons voulu lancer avec l'ADEME des dispositifs favorisant les financements citoyens. Nous avons lancé le dispositif ENRCIT qui permet un accompagnement méthodologique à l'émergence de projets d'EnR citoyens et met à disposition un fonds de dix millions d'euros afin de financer la phase de développement des projets. De la même manière, nos investissements aident les collectivités locales dans les projets d'énergies renouvelables, à travers les sociétés d'économie mixte dans lesquelles nous sommes actionnaires. Par exemple, l'année dernière, auprès du groupe public Sorégies, le fournisseur d'énergie du département de la Vienne, nous avons acquis un certain nombre d'ouvrages d'hydroélectricité ; nous venons également avec la SEM West Energies d'acquérir un parc photovoltaïque.
Nous sommes très attentifs à la qualité du dialogue local ; dans le cadre des projets, nous poussons très fortement nos partenaires à nouer le dialogue local et à prendre le temps de la concertation. Cela se traduit de manière positive, pensons-nous, pour les projets dans lesquels nous sommes investis. Je citerai notamment le développeur JPee avec lequel nous sommes partenaires, et dont les projets suscitent très peu de recours.
Plus généralement, la Caisse des dépôts et la Banque des territoires considèrent que la rentabilité n'est qu'un critère parmi d'autres de l'investissement. Ayant la chance de présider le comité d'investissement, je m'appuie sur des critères de rentabilité, mais aussi sur des critères extra-financiers pour prendre les décisions d'investissement.
Ces critères sont les suivants : préservation des équilibres écosystémiques et climatiques ; cohésion sociale et territoriale ; emplois créés ; nombre de mégawattheures décarbonés produits par an ; nombre de tonnes de CO2 évités, etc.
Je laisse la parole à Emmanuel Legrand qui va décrire plus précisément notre portefeuille et notre stratégie d'intervention.